Récit de la course : Trail Verbier St-Bernard 2012, par arthurbaldur

L'auteur : arthurbaldur

La course : Trail Verbier St-Bernard

Date : 7/7/2012

Lieu : Verbier (Suisse)

Affichage : 2804 vues

Distance : 110km

Objectif : Terminer

4 commentaires

Partager :

Le Trail Verbier St-Bernard, les 7 et 8 juillet 2012

Le récit en image : Le Trail Verbier St-Bernard, les 7 et 8 juillet 2012

Deux années après ma première participation, j’ai le plaisir de prendre à nouveau le départ du Trail Verbier St-Bernard. Je suis invité pour l’occasion. J’avais gagné un dossard l’année dernière en concoctant un slogan de mon meilleur cru pour l’épreuve : « Trail Verbier St-Bernard : si t’as du lard, perd-le au St-Bernard ! » Bon ok, je reconnais que ce n’étais pas d’une grand finesse mais qu’importe, grâce à cette gentille pochade et à la compréhension de mes nombreux amis Facebook, j’étais arrivé en tête du jeu concours proposé par les organisateurs.

110 km et 7000 m de D+, me voilà donc inscrit sur la boucle, l’épreuve reine du trail Verbier St-Bernard. En songeant au mur interminable qui sépare Lourtier et La Chaux dans les tous derniers kilomètres de course, j’ai quand même quelques doutes : mes amis sont-ils vraiment des amis …

Le Trail Verbier St-Bernard est un de mes objectifs principaux de l’année. Je me suis préparé sérieusement pour la balade. Pas mal de séances de qualité en début d’année avec des résultats satisfaisants au trail des Cabornis et au Lyon Urban Trail puis une montée en charge en volume au deuxième trimestre. Peu de compétitions histoire de préserver un maximum de fraicheur et d’appréhender le mieux possible la charge d’entrainement. Pas de bobos si ce n’est les quelques protestations de ma carcasse de vétéran inhérentes à l’augmentation de volume. Bref tout semble aller pour le mieux si ce n’est les conclusions tirées de ma récente participation au trail des Allobroges. J’ai suffisamment de cannes pour me faire plaisir dans les descentes les plus raides et pour relancer la machine sur le plat mais bon sang, qu’est-ce que je suis mou dans les montées ! Si je fais illusion dans les premiers crapahutes, je pédale rapidement dans la semoule avec la fatigue qui s’installe. Pas endurant pour deux sous sur ce type de terrain le père Arthur. C’est un poil inquiétant mais il est un peu tard pour corriger le tir, advienne que pourra.

Je fais le début du trajet avec Jean-Pierre (ex participant à la LyonSaintéLyon 2011 qui remet le couvert en 2012) et nous avons rendez-vous avec Biscotte et son frère Joël à la sortie 9 de l’A42. Il n’y a pas compère plus doué qu’une Biscotte pour suivre le tracé d’un trail montagnard. La truffe levée au vent, il n’a pas son pareil pour dénicher la balise tombée avec le vent et pour deviner son chemin dans un sentier à peine marqué. De toute évidence, il a quelques difficultés pour transposer ses qualités sur le réseau autoroutier. C’est bien à la sortie 9 que les compères nous attendent mais sur l’A40 !

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas beau sur Verbier. Il pleut comme vache qui pisse. Ce n’est pas l’expression la plus classe mais elle a le mérite d’être explicite. Pour rester dans le registre bovin, nos amis les Belges auraient plutôt dit qu’il pleut des vaches. Plus élégant mais tellement moins crédible. Humidité ambiante et température en berne me vaudront le plaisir d’un début d’angine mais je vous rassure, ce n’est pas le meilleur de mes souvenirs suisse. Chacun de nous passe l’examen du matériel obligatoire avec succès et nous voilà heureux propriétaires d’une casquette Columbia d’un blanc très chic, d’une écotasse Overstims d’un rouge pimpant et d’un dossard nominatif, précieux sésame qui nous ouvrira les portes des sentiers du Valais demain matin.

Nous sommes hébergés au chalet Tai Pan, un gite confortable sur les hauteurs de Verbier, tenu par un sujet de sa gracieuse majesté. Bien que Français et sportif de surcroît, notre appétit est loin d’être gargantuesque. Une personne bien intentionnée devrait conseiller à madame Tai Pan des lectures moins rabelaisiennes. Au menu du soir, un gratin de pâtes et poulet format XXL accompagné de salades variées. Pour faciliter la lecture de ce récit, j’ai limité drastiquement le nombre de X mais l’idée est bien là. Jusqu’ici, du classique éprouvé par nombre de coureurs à la veille d’une épreuve. La suite est moins ordinaire et ce récit démontre qu’il faut se méfier d’une nourriture indigène trop riche la veille d’une épreuve : un pain tranché, beurré et aillé avec générosité avant d’être cuit au four. Cela vous réveille les papilles et vous surprend l’estomac. Et quand je parle de pain, n’imaginez pas une baguette parisienne anorexique, nous sommes toujours très éloignés de la cuisine nouvelle. Notre dernier espoir de conserver un poids de forme chèrement gagné s’envole avec l’arrivée à notre table d’un maxi pudding. Nous n’en viendrons pas à bout bien qu’il soit délicieux.

Je me suis battu une partie de la nuit avec une couette trop généreuse pour la température ambiante, alternant les phases de suffocation et les piqures de rappel fraicheur quand je repoussais inconsciemment ma protection. Un avantage indéniable à ce sommeil léger : la nuit m’a paru moins courte.

Il fait encore nuit à notre réveil mais les nombreuses étoiles présentes annoncent un ciel parfaitement dégagé. Nous quittons le chalet à la lueur des frontales en essayant de garder les pieds au sec malgré l’herbe mouillée (le chalet est accessible uniquement par un petit sentier).
Joël, inscrit sur la Liddes-Verbier est désigné à l’unanimité grand responsable de la logistique. Charge à lui de nous convoyer jusqu’au centre de Verbier, de faire la vaisselle et de ranger un peu le gite pendant que nous profiterons du bon air … hum, j’ai dans l’idée que notre compère va vite passer sur les distances supérieures.

Samedi 7 juillet 2012

Zéro stress, nous sommes suffisamment en avance pour prendre le temps de papoter et d’admirer la masse encore sombre des sommets environnants. Jihem nous a rejoints, nous l’avions loupé la veille au retrait des dossards à cause de nos petites péripéties autoroutières. C’est l'un des heureux participants de la LyonSaintéLyon 2011 à avoir gagné un dossard pour la boucle. Bruno et Carole sont également là et nous croiserons l’ami Tercan. Nous sommes dans les derniers à nous faire pointer en rentrant dans le sas de départ, la conséquence d’un papotage intensif et d’un ultime aménagement du sac. Je ne vous dis pas si Tazounet avait été là …

Le speaker cède le micro à Tiphaine Artur pour une courte allocution. Nous sommes un peu loin de la sono, j’ai beau tendre l’oreille, je ne perçois que quelques brides mais il y est question d’un discours rapide, pour ne pas froisser Arthurbaldur. Oh oh, on parle de moi. J’avais critiqué gentiment Tiphaine sur le côté un peu flonflon de son discours commun avec Julien Moulin en 2010. Madame a le souvenir tenace mais je ne me plains pas, je m’en tire à bon compte. D’ailleurs, une fois le départ donné, j’aurai le droit à une accolade rapide et quelques bisous d’encouragements. Trois précisément, certaines coutumes du Valais ont du bon. Me voilà prêt à affronter la première réjouissance de la journée.

Verbier-Croix de Cœur
Etape : 9.74 km, 1000 m D+, 317 m D-
Cumul : 9.74 km, 948 m D+, 317 m D-
Heure de passage : Samedi 06h58

La montée à Pierre Avoi est un régal pour les yeux. Le jour se lève peu à peu au fur et à mesure de notre progression. Le ciel s’éclaircit tout d’abord puis les sommets encore enneigés s’illuminent sous le feu des rayons du soleil. Bien loin en contrebas, le fond de la vallée est encore tapi dans l’ombre. Un court répit le long du bisse de Verbier et c’est la montée droit dans la pente en direction du sommet de Pierre Avoi. Quelques chamois dérangés par notre passage dévalent la pente avec fougue avant de couper notre procession pour gagner la sécurité de la falaise toute proche. Les bougres, il n’y a pas de justice, avoir quatre sabots les rend rudement efficaces pour envoyer du « gros » dans la pente.

Nous prenons le temps de faire quelques photos avec Biscotte. Savourez-les. Vous n’imaginez pas le nombre de places perdues pour prendre un malheureux cliché. Sans parler ensuite de l’énergie requise pour regagner sa place et rattraper son compère. Le bouquet étant d’enregistrer une vidéo. Cela vous oblige à tenir vos bâtons d’une seule main et vous conviendrez qu’ils sont tout de suite beaucoup moins efficaces dans ces conditions.

Nous faisons un bout de la montée avec Pascal, un des membres de l’organisation du trail des 3 dents. Je le croiserai à plusieurs reprises sur le parcours. Décidément, nous sommes venus en force de la région Rhône Alpes.

Après avoir franchi les paravalanches (il me semble que certains les ont contournés par la droite pour éviter la queue mais je ne citerai pas de nom) nous traversons l’amas rocheux de Pierre Avoi sous le soleil levant. Des esprits chagrins feront même remarquer que nous l’avions en pleine face.

Cette première difficulté franchie, je suis plutôt rassuré. Ma carcasse a accueilli favorablement cet effort matinal. Les jambes répondent bien et pas un nuage ne vient ternir un moral au beau fixe. En cherchant bien, il y a bien ce ventre un poil barbouillé mais rien de très préoccupant. Un petit lâché de méthane effectué avec tact et discrétion devrait résoudre le problème. Et si on me parle de réchauffement de la planète, je pourrai toujours charger les bovins du coin.

Carole nous accueille au ravitaillement de la Croix du Cœur, le Reflex en bandoulière, prêt pour un mitraillage en règle. C’est un simple ravitaillement en liquide. Je soupèse mon sac pour jauger du niveau restant dans ma poche à eau. C’est tout un art, parfois un poil risqué mais là il y a de la marge, je ne prends pas grand risque, il faudra même que je surveille plus attentivement mon hydratation.

Connaitre le parcours est un avantage indéniable. Avoir une vue globale du tracé à l’esprit permet de le découper aisément en portion humainement (mentalement) acceptable. Deux ans après ma première participation, si quelques passages me semblent totalement étrangers, les lieux me sont familiers dans l’ensemble et parfois j’ai même l’impression d’y être passé la veille.

Nous dominons la vallée du Rhône. Les pentes abruptes des montagnes qui la bordent se terminent brusquement pour laisser place à une plaine relativement étroite et curieusement plane. Le fond de la vallée donne l’impression d’avoir été comblé par les alluvions puis nivelé consciencieusement par une main de géant ou plus certainement par l’effet du temps et le retrait des glaciers. La nuit, le tracé rectiligne des principaux axes de circulation crée un motif fantastique aux pouvoirs hypnotiques particulièrement visible depuis les hauteurs. Impossible de se lasser de tels paysages.

Il y a une courte portion sur bitume pour monter au Col du Lein. Force est de constater que la Biscotte marche toujours aussi vite. Certes le bougre n’a rien d’un nabot mais la nature ne l’a pas doté de guiboles aussi longues que les miennes. Moi je vous le dis, il y a un truc là, à croire qu’il est monté sur ressort. Monsieur discute tranquillement avec un ancien compagnon de route. Une bonne dizaine de mètres derrière, je mâchonne sans conviction une barre de céréales en m’efforçant de réduire un écart qui a une fâcheuse tendance à vouloir augmenter.

Croix de Cœur-Levron
Etape : 11.41 km, 227 m D+, 742 m D-
Cumul : 21.15 km, 1227 m D+, 1407 m D-
Heure de passage : Samedi 08h26

Nous avons de l’avance sur nos temps de passage en arrivant dans le village du Levron. Je refais le niveau d’eau et avale un verre de coca. Cette avance devrait encore s’accroitre, nous avions perdu pas mal de temps à ce ravitaillement en découpant des bandes Elastoplastes pour protéger le dos de la Biscotte mis à mal par les frottements de son sac.

Si le début de la descente sur Sembrancher est plutôt agréable, il faut avouer que cette interminable portion à découvert sur un chemin blanc, brûlé par le soleil, l’est un peu moins. Heureusement, il ne fait pas encore très chaud et nous avons le courage de faire une bonne partie du trajet en courant. L’occasion de vérifier in situ le niveau de forme de mon compagnon. Depuis que mon compère pratique l’Arthur et a acquis en ce domaine une expérience certaine, il sait qu’il est préférable de lui masquer toute défaillance au risque de réveiller la bête. Celle-ci est profondément endormie pour le moment quant à Biscotte il semble toujours être de première fraicheur à moins qu’il n’ait travaillé ses capacités à jouer l’intox.

Levron-Sembrancher
Etape : 5.5 km, 30 m D+, 620 m D-
Cumul : 26.65 km, 1257 m D+, 2027 m D-
Heure de passage : Samedi 09h12

Nous faisons une pause plus conséquente au ravitaillement de Sembrancher. Le temps de savourer assis notre premier bouillon en compagnie de Carole. Ce sera le seul, sauf erreur, avec des pâtes. Le sens du gout n’a pas encore été altéré par l’effort et je savoure chaque gorgée de ce délicieux breuvage. Il commence à faire plus chaud et pour éviter tout échauffement préjudiciable de la voute plantaire, je m’enduis les pieds d’une couche conséquente de Nok. Biscotte se la joue monsieur + et en passe même une couche sur ses chaussettes, ce qui laisse Carole pour le moins dubitative.

Le trajet qui va nous conduire à Champex puis à la Fouly est effectué quasi en fond de vallée avec de grandes portions à découvert. La température est moins élevée qu’en 2010, mais bon sang, allez donc expliquer cette subtilité à ma carcasse en surchauffe. Ils ne connaissent pas le mot "tempéré" dans le coin.

Régulièrement, je me retourne pour contempler la pointe rocheuse de Pierre Avoi. Quand je pense que nous avons quasiment fait le tour complet de ce massif. Mine de rien, nous avons déjà fait un bon bout de chemin.

J’aperçois Nicolas Contrain sur le bord du chemin. Il veille sur sa copine allongée. Elle souffre de crampes à répétition. Difficile d’en déterminer les causes : entrainement insuffisant, allure de course trop rapide, mauvaise hydratation ? M’enfin, il devrait tout de même la protéger du soleil parce qu’elle va finir par avoir une insolation. Biscotte a poursuivi son chemin pendant cet intermède. Cela sent la tentative de maravage en douceur. Décidément, il ne faut pas le lâcher des yeux. Il me faudra un long moment pour revenir sur lui.

Compère Biscotte semble trouver le temps long et s’interroge plusieurs fois sur la proximité du ravitaillement de Champex. Vue notre position par rapport aux pentes de Catogne, j’ai bien peur que le chemin soit encore long et pentu pour l’atteindre.

Sembrancher-Champex
Etape : 7.38 km, 826 m D+, 73 m D-
Cumul : 34.03 km, 2083 m D+, 2100 m D-
Heure de passage : Samedi 10h55

Le célébrissime hôtel de Champex en vue, il ne reste plus grand chose à parcourir pour arriver au ravitaillement tant attendu. La tente qui l’abrite est un poil exigu. Il faut dire qu’il y a du monde. Un des bénévoles est en train de faire de la soupe. La gorge desséchée, le gobelet à la main, j’attends patiemment que la potion soit disponible. Je n’ai qu’une idée en tête, me poser sur un banc au fond de la tente le plus rapidement possible. J’ai les jambes lourdes et des douleurs diffuses dans le haut du dos mais je sais que je ne pourrai pas m’éterniser longtemps sur mon siège à bailler aux corneilles. La Biscotte ne va pas tarder à battre le rappel des troupes, il n’aime pas trainer aux ravitaillements et je n’ai pas encore refait le plein en eau.

J’ai pris la tête des opérations dans la descente qui suit Champex. De toute évidence, j’ai fait quelques progrès dans ce type d’exercice. Le secret du néo descendeur façon Arthur ? On lâche les freins. Bon cela dépend quand même du pourcentage de la pente mais l’idée est bien là, ne pas se retenir. Et mine de rien, cela change tout. Pas de crispation, les muscles des jambes préservés et en plus c’est ludique de montrer ses mollets à la biscotte.

En arrivant sur Issert, j’aperçois la copine de Nicolas à proximité d’une voiture sur le bord de la route. Elle a probablement abandonné à Champex et fait un bout de chemin en voiture à moins qu’elle n’ait découvert le secret de la téléportation. Je lui fais un petit signe de la main en passant. Elle doit attendre le passage de Nicolas pour l’encourager. Il ne devrait pas tarder. D’ailleurs il me doublera tranquillement quelques instants plus tard. Il fait bon être jeune !

Déjà 5 pages noircies et je n’ai toujours pas atteint la Fouly. Bigre, vais-je arriver au bout de ce récit ?
La pente moyenne est faible sur cette partie du parcours mais elle reste souvent trop élevée pour nous permettre de courir sans y laisser des plumes. Il faudrait comparer nos horaires de passage avec l’élite : nous devons perdre énormément de temps sur cette portion.

Après Praz-de-Fort, le parcours devient plus sauvage. Nous cheminons sur la moraine du glacier de Salaina avant de reprendre notre route toujours sur le flanc ouest de la vallée. On se sent tout petit au pied des masses rocheuses qui nous dominent. Et puis on débouche enfin dans la vallée de l’A-
Neuve. Nous ne sommes plus très loin.

Champex-La Fouly
Etape : 14.35 km, 741 m D+, 614 m D-
Cumul : 48.38 km, 2824 m D+, 2714 m D-
Heure de passage : Samedi 13h54

Anciennement, le ravitaillement de la Fouly était situé sur la terrasse du bar restaurant situé en sortie de village. La terrasse était partagée en deux, une partie pour les coureurs et l’autre pour les consommateurs. L’espace était de fait limité et il était quelque peu frustrant d’observer à quelques mètres de soi une tribu d’homo affalus à l’abri sous leurs parasols lever régulièrement leurs verres pour déguster une bière bien fraiche. On peut dire sans honte qu’il était même rudement tentant de franchir la ligne de démarcation qui séparait nos deux mondes pour étudier leurs coutumes de plus près au risque d’y perdre son âme et son dossard.

Les choses ont bien changés. Un vaste espace sous chapiteau est désormais dédié à l’usage exclusif des coureurs. Une première partie abrite les tables du ravitaillement à proprement parlé et l’autre des tables et des bancs pour le repos des guerriers.

Un groupe d’enfants est chargé de la gestion du réapprovisionnement des coureurs sous la houlette d’adultes qui les encadrent et les guident dans cette tâche. La présence de ces derniers est indispensable pour canaliser toute cette belle énergie.

Je picore dans la nourriture proposée plus par nécessité que par véritable envie. Je n’ai pas très faim et pourtant je n’ai pas beaucoup mangé depuis le départ de la course. Pas grand-chose en tout cas entre chaque ravitaillement car ma réserve personnelle n’a pas beaucoup diminué. La cause en est probablement mon estomac barbouillé depuis le départ et plus récemment cet écœurement au sucré qui est apparu avec l’arrivée de la chaleur.

Une bénévole m’apporte mon sac de d’allégement. Le grand luxe, je n’ai plus qu’à m’asseoir dans la seconde partie du ravitaillement pour me changer. Le lieu a un petit côté hôpital de campagne à l’arrière de la ligne de front. Autour de moi, les visages sont fatigués, parfois hagards, il flotte dans l’air une légère odeur musquée, subtil mélange de transpiration et de crème anti-échauffement. Pas de blessures de guerre dans nos rangs, ici l’ampoule, les muscles et les tendons malmenés règnent en maitre.

Sur la droite, un coureur est allongé sur un brancard le visage rougi par la chaleur. Il me sourit et fait un geste de la main. C’est Jihem. Victime d’un coup de chaud et d’une grosse fatigue, il n’ira pas plus loin. Ils sont nombreux à jeter l’éponge ici préférant renoncer avant l’étape musclée qui doit nous conduire aux Hospices du Grand St-Bernard.

Je n’ai pas fait preuve d’une grande empathie pour mon compère Jihem. J’aurais aimé pouvoir le réconforter, ce n’est jamais très agréable d’abandonner mais avec la fatigue une chape de plomb s’est abattue sur mes épaules. Le cerveau engourdi, le corps au ralenti, me voilà comme une huitre, enfermé dans ma bulle, coupé du monde extérieur. Ne pas se disperser, rester concentré sur l’essentiel, non pas dans un souci de performance mais pour éviter l’erreur grossière. Oublier de faire le plein d’eau par exemple comme en 2010 en quittant les Hospices.

Biscotte donne le top départ. Bruno vient de quitter le ravitaillement et il souhaite lui emboiter le pas pour faire un bout de chemin avec lui.

La montée aux Lacs de Fenêtre qui semble continue sur le profil de la course est constituée en réalité de plusieurs montées successives séparées par des portions en faux plats montants plus paisibles et même par une courte descente pour rejoindre Ferret. Nous nous élevons pour le moment rapidement au-dessus de la Fouly par un chemin agricole en lacet. La chape de plomb qui me couvrait les épaules s’est étendue à mes guiboles. Je suis sans force, exsangue et perds rapidement du terrain sur mon compère. Biscotte s’enquiert par pure forme de l’état de son compagnon. Il n’est pas brillant, cela saute aux yeux. « Tu me rattraperas dans la descente … ». J’en doute.

Cela dit, bien qu’étant cuit à point sur les deux faces, je ne suis pas encore tout à fait à l’agonie. Il me reste suffisamment d’énergie pour rattraper Bruno et prendre un peu d’avance sur lui. Le monde est petit, je rattraperai également Frédéric un peu plus loin sur ma route, un contact Facebook que je n’avais encore jamais rencontré en chair et en os. Frédéric a des soucis avec son genou qui lui laisse peu de latitude pour poursuivre la course.

J’ai tout loisir d’observer sur le versant opposé le chemin que nous emprunterons fin août à l’occasion de l’UTMB pour descendre sur la Fouly. Je me rappelle de ce grand virage à proximité de la ferme de La Peule. J’avais espéré y trouver un ravitaillement mais ce n’étais qu’un poste de secours enfin si mes souvenirs sont bons.

Après une montée soutenue, j’atteins le cirque qui abrite les lacs de fenêtre. Une fine pellicule de glace recouvre encore partiellement le lac supérieur. Rien à voir cependant avec les énormes blocs de glace qui donnaient à l’eau cette teinte d’un bleu laiteux lors de mon dernier passage.

Le Col de Fenêtre et la pointe de Drône semblent encore bien loin. Le profil de la course est imprimé sur le dossard. Un simple coup d’œil et c’est toute l’ampleur de la tâche qui vous saute aux yeux. Charmante attention des organisateurs qui vous remplit d’aise en début de course mais vous rappelle également combien le chemin à parcourir est long après avoir franchi les premiers cols. La presbytie est alors un atout indéniable et la garantie d’un moral préservé.

Je connais une seconde défaillance dans la montée au col. Probablement une petite hypoglycémie. J’ai énormément de mal à m’alimenter. Je mâche pendant plusieurs minutes une bouchée d’une barre aux fruits rouge sans pouvoir me résoudre à l’avaler. De nombreux coureurs me doubleront à ce moment de la course dont Bruno en plein papotage avec une de ses compatriotes jurassienne. A une centaine de mètres du col, mes muscles refusent de faire un pas de plus et mon cerveau abdique submergé par cet afflux de signaux négatifs. Je n’ai plus qu’à m’asseoir en espérant reprendre un semblant de force. Bon sang, c’est quand même malheureux d’être planté là si près du sommet ! La tête calée entre mes mains, je ferme les yeux pour une micro sieste. 5 minutes de relâchement musculaire ô combien efficace pour se refaire une santé.

Ces quelques minutes de repos m’ont fait effectivement le plus grand bien. Je passe le point de contrôle avec un grand sourire. C’est plus plaisant pour les bénévoles et ils ont probablement trouvé que c’était rassurant. Cela faisait un moment qu’ils m’observaient depuis le col et ils devaient commencer à se demander ce que je pouvais bien faire le cul rivé sur mon rocher.

La Fouly-Col de Fenêtre
Etape : 10.93 km, 1283 m D+, 185 m D-
Cumul : 59.31 km, 4107 m D+, 2899 m D-
Heure de passage : Samedi 16h49

Tout devient beaucoup plus facile avec l’inversion du sens de la pente. Un footing léger, de petites enjambées et des jambes souples pour limiter au maximum les chocs, on débranche le cerveau et roule, roule, on enquille sans s’arrêter. Cela fait un peu mal aux jambes mais guère plus finalement qu’en marchant et c’est incroyablement efficace. Je rattrape ainsi plusieurs coureurs. Certains semblent même surpris de me revoir là. Je devais être bien pâle dans la montée au col.

Le col routier du grand st-Bernard nous ramène brusquement à la civilisation. Les nombreux virages qui mènent au col semblent particulièrement prisés par la communauté des motards. Enchainer cette succession de courbes à grand vitesse doit être particulièrement grisant. C’est également un poil bruyant mais il faut respecter les plaisirs de chacun.

Col de Fenêtre-Col du Gd St-Bernard
Etape : 3.2 km, 160 m D+, 389 m D-
Cumul : 62.51 km, 4267 m D+, 3288 m D-
Heure de passage : Samedi 17h34

Une courte remontée puis nous longeons le lac pour rejoindre le ravitaillement à proximité des Hospices. Que de vent par ici. Nous sommes plusieurs coureurs serrés sur un banc comme des sardines pour nous protéger mutuellement des bourrasques. Je me suis empressé d’enfilé un t-shirt manches longues (mon cadeau finisher de l’édition 2010) et provisoirement ma veste goretex. Ce serait dommage de se cailler alors que nous sommes chargés comme des bourricots pour éviter ça. Au menu du jour : le désormais classique bouillon et pour innover un verre de thé. Bon après tentative, le thé ne semble pas faire partie des boissons accueillies favorablement par mon tube digestif. Je n’insiste pas. Quant à l’alimentation solide, la simple idée d’avaler quelque chose me révulse. Laissons les choses se tasser et prenons les avec philosophie : c’est l’occasion ou jamais de taper dans les réserves de gras du bonhomme. Ce n’est pas qu’elles soient bien épaisses mais avec la quarantaine bien tassée faut être rudement vigilant au risque de se retrouver un beau matin avec une bouée disgracieuse en guise de tablette de chocolat.

Je reprends le chemin en direction du Col des Chevaux. Une portion inconnue pour moi. En 2010, la course avait été neutralisée et ce passage avait été shunté du fait de l'orage. J'appréhendais la montée au col après mon coup de calgon aux Lacs de Fenêtre mais cette nouvelle grimpette se passe plutôt bien. Loin en contrebas, la route du Grand St-Bernard, serpente pour redescendre dans la vallée. J'essaye de repérer le chemin emprunté deux ans auparavant pour descendre sur Bourg St-Pierre.

Un randonneur a planté sa tente au sommet du col pour y passer la nuit. Danger pour les mirettes, au lever du soleil le paysage doit être une véritable tuerie. Il y a de la photo à prendre. Le genre de cliché que l'on utilise comme fond d'écran à la mauvaise saison en attendant nos prochaines balades estivales.

Wow, sacrée descente de ce côté. C'est raide. C'est même un poil casse gueule par moment. Il vaudrait mieux s'abstenir de faire une pirouette involontaire dans le coin. Un coureur qui chuterait n'irait pas bien loin, la pente qui borde le sentier est très raide mais c'est loin d'être un mur vertical. Le danger en cas de chute résiderait plutôt dans la nature du terrain : un gigantesque pierrier. On a connu plus souple pour amortir une chute. Une pancarte met en garde les usagers du risque de chutes de pierres. J'aimerais autant éviter de m'en ramasser une, ce n'est pas bon pour le teint. J'admirerai le paysage un peu plus loin.

Chouette vue en tout cas et qui porte loin. Loin, c'est bien le mot ! Quand je pense que je ne vois même pas encore le lac des Toules ! Et purée, une fois arrivé au lac, la route est encore longue pour atteindre le barrage à l'autre extrémité et tout aussi longue ensuite pour atteindre Bourg St-Pierre !

Petite nouveauté pour égayer le parcours : voilà que mon estomac se met à danser la gigue sans même être sollicité par l'absorption d'un quelconque aliment. Pencher en avant, les jambes écartés, j'ai tenté à plusieurs reprise d'évacuer définitivement le problème par les voies supérieures. Rien à faire si ce n'est crachoter un peu de bile. Faut dire que je n’avais pas grand-chose à rendre à dame nature.

Les arrêts n'étant pas concluants, j'ai poursuivi ma route en alternant la course et la marche quand mon estomac protestait un peu trop énergiquement. J'ai fait le yoyo avec quelques camarades de jeu, j'ai traversé des ruisseaux, j'ai affronté des lignes droites interminables, j'ai évité les cornes d'un troupeau de taureaux d'Hérens heureusement placides, j'ai aperçu au loin une première maison sans trop y croire et je suis arrivé enfin à Bourg St-Pierre.

Col du Gd St-Bernard-Bourg St-Pierre
Etape : 13.9 km, 385 m D+, 1222 m D-
Cumul : 76.41 km, 4652 m D+, 4510 m D-
Heure d’arrivée : Samedi 20h54, Heure de départ : Samedi 22 :11

Ce ravitaillement est le seul à se trouver dans une structure en dur. Je me suis assis sur un banc dès mon entrée dans la salle. Posé comme un sac serait plus exact. Le mien est toujours rivé sur mon dos faute d’avoir trouvé la volonté suffisante pour m’en défaire. Ce serait plus confortable s’il était posé à côté de moi mais pour le moment je reste immobile, le corps en mode veille, l’esprit dans le vague, impassible. J’observe les bénévoles qui s’affairent de l’autre côté de la table du ravitaillement. Le temps s’est considérablement dilaté. Depuis combien de temps suis-je ici ? Tout de même pas une demi-heure. Un quart d’heure peut-être ? Non, à peine 5 minutes si j’en crois ma Polar.

Le coureur à ma gauche est également fâché avec son système digestif. Il demande une assiette de spaghettis à une bénévole : « 5 seulement s’il vous plait. J’ai peur que ça ne passe pas très bien. » Je sors enfin de ma léthargie et m’empresse de faire la même demande. Je retourne ensuite sur mon banc. Dans mon assiette le compte est bon. 5 pâtes précisément. C’est fou ce que je mettrais du temps pour les avaler. Ce manque d’appétit m’inquiète, je m’imagine mal affronter la longue montée à la cabane de Mille le ventre vide. Peut-être qu’en dormant un peu, mon écœurement pour la nourriture et mes nausées disparaitront ?

Je sais qu’il y a une autre salle au calme avec de la moquette au sol. Les coureurs peuvent y trouver un peu de repos. Je préfère m’allonger sur un banc un peu l’écart dans la salle principale. Une façon de ne pas lâcher prise, de rester dans la course. Malgré le manque de confort et la lumière blanche aveuglantes des néons, j’ai rapidement sombré.

J’ai été surpris à mon réveil de m’être endormi aussi profondément. Une bonne sieste de vingt minutes ça vous requinque un bonhomme. Enfin pour le moment, le bonhomme est surtout ensuqué. Je me redresse lentement. Bon sang, j’ai les muscles du dos complétement endoloris. Le port du sac y est pour beaucoup mais la rudesse de mon couchage n’a certainement pas arrangé les choses. J’ai les cuisses assez raides même si j’ai connu pire. Par contre, je suis dans le brouillard complet. Mes lentilles se sont opacifiées avec les dépôts occasionnés par un film lacrymal malmené par l’effort. Une petite goutte de Nutrivisc fera l’affaire.

Mes problèmes n’ont pas miraculeusement disparu avec le repos. Un œil sur la table du ravitaillement aura suffi pour m’en assurer. J’ai réussi tout de même à avaler deux gorgées de bouillon. J’ai dans l’idée que je vais être sevré de ce truc pendant un bout de temps ! Dehors, il commence à faire sombre, il est grand temps de mettre les voiles.

Physiquement, la montée au Col de Mille n’est pas spécialement difficile, le pourcentage de la pente est raisonnable. Mais cette portion est assez éprouvante mentalement surtout lorsque l’on découvre les lieux pour la première fois. Dans la nuit, on aperçoit les lueurs vacillantes de quelques frontales au loin. Elles semblent toutes proches mais la ligne droite n’est pas de mise ici : le sentier suit la courbe de trois profondes combes dans lesquelles dévalent les eaux froides de torrents de montagne. Difficile d’évaluer leur taille dans la nuit mais il devait y avoir un peu de bouillon vu le niveau sonore et cette impression de fraicheur humide en les approchant. Et puis lorsque l’on accède à la dernière combe, ce sont les lumières de la cabane de Mille qui apparaissent au loin dans la nuit. Méfiance la route est encore longue.

Après avoir contourné un repli du terrain, j’ai manqué buter sur un corps allongé à même le sol, recroquevillé en position fœtal. Merde le con, ça fait bizarre ! Bonjour l’effet de surprise. Je peux vous dire que le taux d’adrénaline est monté en flèche. Il m’est arrivé de faire un petit somme assis sur un rocher la tête calé entre mes bras mais jamais allongé et encore moins affalé à moitié en travers du chemin. D’autant qu’avec le vent, il ne fait pas bon rester immobile. J’ai demandé à la forme si tout allait bien en insistant un poil. On ne peut décemment pas laisser trainer des coureurs par terre, ça fait désordre et ce n’est vraiment pas écolo. L’homme a maugréé quelques mots. Ce n’est pas dans ma langue maternelle mais il m’a semblé percevoir un certain agacement. Je ne devais pas être le premier à le tirer de sa sieste.

Mine de rien, j’avance. Je veux dire que j’avance plutôt bien pour un mec à l’agonie. Un peu trop bien même. Pas un guss pour me doubler et pourtant il y a de la loupiote sur tout le pourtour de cette foutue combe. Quand la lumière d’une frontale fait mine de s’approcher, j’augmente un peu la cadence pour maintenir l’écart. N’allez pas croire que je sois devenu un ours associal, j’ai juste horreur de me faire dépasser. Le maravage c’est très mauvais pour le moral et vous pouvez me croire il ne faut pas négliger l’aspect mental dans ce genre d’exercice.

Avec mon estomac vide, je m’attends à un retour de bâton façon batte de baseball. Un truc gore, genre « Casino ». Vous savez ce film de Scorsese avec Robert de Niro, Joe Pesci et Sharon Stone. Un film à voir malgré des scènes d’une rare violence. Ca m’avait remué les tripes à l’époque. J’en ai un haut le cœur rien d’y repenser. Il faut absolument que je m’alimente. Je me suis assis sur un rocher pour me concentrer pleinement sur cette tâche. Je laisse de côté les barres pour essayer un gel. Je n’aurai pas à mastiquer. C’est toujours ça de pris. Mes espoirs sont vite stoppés. C’est fou ce qu’on peut être emmerdé avec un tube de gel dans la bouche sans pouvoir l’avaler ! Bon, j’ai compris, je n’insiste pas. On va faire sans.

Bourg St-Pierre-Cabane de Mille
Etape : 11.56 km, 1058 m D+, 210 m D-
Cumul : 87.97 km, 5710 m D+, 4720 m D-
Heure de passage : Dimanche 01h33

Il y a un vent d’enfer sur la crête en arrivant à la cabane de Mille. Il fait bon se réfugier sous la tente du ravitaillement. Le vent qui s’engouffre par rafale en soulevant le bas de la tente ne donne guère envie d’y retourner. Les coureurs arrivent un par un, heureux de pouvoir prendre un peu de repos à l’abri des éléments. Il faut souligner la gentillesse et l’abnégation de tous ces bénévoles toujours prévenants et soucieux du confort des coureurs malgré la fatigue et le manque de sommeil. Un grand merci à eux.

Je traine un peu, j’en ressens le besoin avec la fatigue. Quelques coureurs arrivés après moi au ravitaillement viennent de partir. Je vais les rattraper dans la descente. Je suis plus rapide qu’eux. Je les ai déjà doublés dans la descente du Col des Chevaux.

Je croise quelques coureurs en approche lors de l’aller-retour sur la crête qui mène à la cabane puis je bascule sur le versant nord du col pour descendre sur Lourtier. Quelques centaines de mètres et nous sommes à l’abri du vente, protégés par le terrain en contrebas du col. J’enlève ma veste goretex, un poil cher à l’achat mais vraiment efficace ce petit bijou.

N’allez pas croire que mes problèmes digestifs m’aient gâché le plaisir de courir. Il n’en est rien. Avoir des hauts le cœur n’est pas spécialement agréable surtout lorsque ceux-ci s’accompagnent d’une contraction violente des abdominaux mais ces épisodes étaient finalement de courte durée au regard de celle de la course. Et puis je ne souffre quasiment pas, enfin pas trop, une sensation d’avoir mal digéré tout au plus. Mon seul problème est finalement ce manque de pêche, cette impression d’être bridé, de ne pas pouvoir monter dans les tours et d’avoir les jambes dans le coton dès lors que la pente est positive.

Je vais même prendre un pied absolu sur cette partie du parcours et ce n’est pas peut dire, je fais quand même du 46 fillette. Je peux me laisser aller dans la pente sans effort et dérouler mes longues gambettes. Il y a bien quelques raidillons qui ne dépareilleraient pas au Grand Raid 73 ou aux Allobroges mais les cannes sont solides et ne bronchent pas. Je vais prendre un malin plaisir à montrer mes qualités de descendeur à mes compagnons de Yoyo. Ils m’ont probablement trouvé un peu fêlé mais c’est tellement bon pour le mental de montrer les semelles de ses Trabuco.

Pour ne rien gâcher, la température est douce et les passages à découvert dans les alpages nous offrent une vue magnifique sur les lumières des villes tapies en contrebas dans le fond de la vallée. En face de moi, les lumières des frontales partent à l’assaut de la terrible montée de La Chaux droit dans la pente avant de s’infléchir vers la gauche pour se diriger vers les hauteurs de Verbier. Ce sera bientôt mon tour de m’y coller mais il faut d’abord descendre dans la vallée.

Cabane de Mille-Lourtier
Etape : 10.88 km, 78 m D+, 1484 m D-
Cumul : 98.85 km, 5788 m D+, 6204 m D-
Heure de passage : Dimanche 04h15

J’arrive au ravitaillement de Lourtier en compagnie de deux autres coureurs rattrapés il y a peu dans la descente. Je réussis à avaler une gorgée de café. Pour une fois, ce n’est pas la nausée qui m’arrêtera mais le goût de café lyophilisé. Infecte. Le coureur à ma droite a opté pour une bière. Oui de la bière, vous avez bien lu. J’étais à deux doigts de me laisser tenter mais le souvenir des quasis 1200 m de D+ qui nous attendent m’en ont vite dissuadé. Je suis déjà bien assez mou, pas besoin d’en rajouter.

Je quitte le ravitaillement à la suite de Marc, qui court sous les couleurs d’Ultrafondus. C’était sympa de papoter ensemble un moment. Marc sera bénévole à Chamonix mais j’aimerais autant ne pas le revoir là-bas : il ne fait jamais bien bon trainer ses guêtres avec un serre-file.

Après avoir tiré un moment droit dans la pente, les lacets s’enchainent, interminables, avec une pente qui ne fléchit jamais. La montée à Bertone version XXL (environ 400m de dénivelé en plus), les connaisseurs apprécieront. Je sais que ça va être long et purée c’est encore bien plus long. Je n’avance pas bien vite mais je suis régulier dans ma progression. J’ai lâché Marc peu à peu. Il vaut mieux aller à son rythme pour franchir ce genre de bosse. Quand je pense que je me plaignais d’être mou dans les montées depuis les Allobroges. Il doit l’avoir un peu mauvaise …

Le jour s’est levé sous un ciel chargé. Le soleil arrive tout de même à percer. La température n’est pas bien haute mais avec l’effort il règne une chaleur moite. Le temps semble virer peu à peu à la pluie.

Je sais qu’un peu plus haut, il y a un mur de folie à découvert dans l’alpage, je pense l’avoir atteint en passant à proximité de Mintset d’en Bas mais après un virage nous replongeons un court moment dans les bois. Voilà, nous y sommes. La dernière tuerie est là sous mes yeux. J’entame cette dernière réjouissance alors que les premières gouttes de pluie s’abattent sur moi.

J’ai terminé l’ascension vers La Chaux sous une bonne averse. L’atmosphère s’est refroidie rapidement m’obligeant à ressortir la veste. Après Mintset d’en haut, nous basculons sur la gauche. La pente s’infléchit nettement et nous apercevons bientôt les bâtiments de la station de La Chaux.
Je me retourne régulièrement pour tenter d’apercevoir Marc. Surprise, c’est la silhouette de Dominique qui apparait au loin. J’ai fait quasiment course commune avec elle depuis la Fouly.

Lourtier-La Chaux
Etape : 4.88 km, 1156 m D+, 30 m D-
Cumul : 103.73 km, 6944 m D+, 6234 m D-
Heure de passage : Dimanche 07h04

Il pleut encore quand je pénètre sous la tente du ravitaillement. Un réchaud dispense une chaleur agréable. Un vrai piège à Arthur ! L’estomac semble aller un peu mieux. J’ai avalé quelques morceaux de chocolat et deux ou trois gorgées de thé. Cela m’a pris du temps, suffisamment pour que Dominique arrive à son tour, se ravitaille et reparte aussi sec ! M’enfin, elle ne tient pas en place cette nana.

Je la rattraperai seulement dans la descente finale sur Verbier. Il faut dire que le terrain a été rendu plutôt glissant avec la pluie. J’ai failli me prendre une bonne gamelle, ça m’a tout de suite calmé. C’était même un poil frustrant de ne pas pouvoir envoyer dans la pente comme dans la descente sur Lourtier. Une fois arrivé à sa hauteur j’ai engagé la conversation. « Vous habitez chez vos parents ? ». A vrai dire, nous n’avons échangé que peu de phrases. Ce n’était pas nécessaire. Nous avons juste savouré ensemble ce plaisir d’arriver dans Verbier après un périple de 110km sur les sentiers du Valais.

Quelques passants nous applaudissent en traversant la station. Purée, c’est grand Verbier ! La place est en vue. Mes compères sont là derrière les barrières de sécurité pour m’encourager. Les bougres, ils sont tous arrivés avant moi ! Pas bien grave, je vais me poser sur une chaise et je me ferai dorloter. Il y a des bons côtés à arriver dernier.

La Chaux-Verbier
Etape : 6.81 km, 70 m D+, 780 m D-
Cumul : 110.54 km, 7014 m D+, 7014 m D-
Heure de passage : Dimanche 08h44

Un dernier virage et nous franchissons la ligne d’arrivée avec Dominique. Enfin non, il a fallu que j’insiste pour que madame se fasse pointer avant moi. Voilà ce que c’est de vouloir jouer les galants, on perd de précieuses minutes à palabrer avant de pouvoir entamer la récup (mais non Dominique, je déconne). Un dernier bip. Ca y est, je suis FINISHER !

« Biscotte ! Biscotte, elle est où ma mousse ? »

Pour être tout à fait honnête, j’espérais renouveler l’exploit des Allobroges et maraver dans la joie et la bonne humeur l’ami Biscotte. Au pire, dans ma grande mansuétude, je terminais avec lui : une arrivée commune génère toujours sa dose d’émotions et de bons souvenirs. Mais non, ce bougre de Biscotte n’en fait qu’à sa tête et ses guiboles ne cessent de me contrarier dès lors que le profil devient montagnard. Je lui tire d’ailleurs mon chapeau, sa performance est remarquable par rapport à 2010 et cela d’autant plus quand on connait sa préparation chaotique. Chapeau. M’enfin, je n’ai pas dit mon dernier mot …

J’en profite pour féliciter également tous les autres finishers. Que ce soit sur la Boucle, la Traversée ou la Liddes-Verbier, ils méritent tous un grand bravo. Le trail Verbier St-Bernard est une course pour le moins exigeante !

J’avais prévu un temps de 26h40 en début d’année mais j’espérais pouvoir descendre sous la barre des 26h. Je dois me contenter d’un chrono de 27h43. Avec mes soucis intestinaux, je m’en tire probablement à bon compte mais je suis loin de penser que ma « piètre » performance (tout est relatif, j’ai nettement amélioré mon chrono de 2010 en parcourant une distance plus grande) ait comme unique cause ces problèmes de digestion. Il faut croire que je suis avant tout un coureur des plaines plus à son aise sur des formats de course comme la LyonSaintéLyon.

Certains vont se demander pourquoi je me prends subitement le chou avec mes chronos au lieu de me contenter de savourer le franchissement de la ligne d’arrivée. Ben l’ami Arthur s’inquiète de la suite du programme. J’espérais avoir amélioré mes capacités de manière plus significative et j’ai bien peur de mettre fourré le doigt dans l’œil jusqu’au cervelet. J’en connais un qui va encore en baver fin août. Il n’y aura pas beaucoup de marge, il va falloir la jouer serré et rester lucide. Je vous invite à croiser les orteils pour moi.

En attendant, j’aurai passé un excellent weekend dans le Valais avec les compères. J’en ai pris plein les mirettes et plein les cuisses. Les paysages somptueux ont été à la hauteur de mes souvenirs. Quel pied.

Un grand merci aux bénévoles et chapeau aux organisateurs pour le travail effectué et les améliorations apportées depuis l’édition 2010 ne serait-ce qu’au ravitaillement de la Fouly. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de cette édition 2012 une réussite et la sauce a pris. Seule petit bémol, un problème de balisage dans la descente sur Lourtier. Il y avait beaucoup de balises à terre (probablement le vent à moins que ce ne soit le fait d’une malveillance) et il n’était pas simple de trouver son chemin par endroit. Cela dit, je ne me suis pas égaré pour autant. Une petite suggestion également : vu le pourcentage élevé de coureurs provenant de la communauté européenne, il serait bon d’accepter une caution en euro pour la puce.

Un grand merci à toi Tiphaine.

Arthur. :)

4 commentaires

Commentaire de fulgurex posté le 21-08-2012 à 15:50:33

À l'UTMB, tu auras cette course en plus dans les pattes, ça va se faire sans problème... si tu ne manges pas de tartine aillée la veille!
Au lieu de dire « Trail Verbier St-Bernard : si t’as du lard, perd-le au St-Bernard ! » tu aurais mieux fait de dire: « Trail Verbier St-Bernard : si tu es veinard, tu n’arrives pas en retard! »
Parce que, quand même, se faire maraver par Biscotte!!!!

Commentaire de arthurbaldur posté le 21-08-2012 à 21:15:37

Maraver par une Biscotte. T'imagine ça. Terrible. J'ai mis du temps à m'en remettre ... :)) N'empêche, il aura fait une très belle course l'ami Biscotte.
Quand à l'UTMB, tu peux être sûr que je vais éviter les extras culinaires ....

Commentaire de franck de Brignais posté le 21-08-2012 à 20:13:16

Et bien bravo l'ami !! quel morceau !!(la course bien sur ...). Voilà une gestion digne d'un coureur expérimenté (j'ai pas dit vieux...!!). Gérer une gastro, une angine et 2 rendez-vous galant (Tiphaine et Dominique si j'ai bien noté...) il faut un minimum de bouteille. En parlant de bouteille...

Commentaire de arthurbaldur posté le 21-08-2012 à 21:17:03

Ah si seulement il suffisait d'avoir de l'expérience ... :))

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.18 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !