Récit de la course : Marathon de Prague 2013, par Berty09

L'auteur : Berty09

La course : Marathon de Prague

Date : 12/5/2013

Lieu : Prague (RTC) (République Tchèque)

Affichage : 1509 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

10 commentaires

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Pas d'autre récit pour cette course.

Tranche de vie

    

     Objectif majeur! Des mois de gestation, 12 semaines de préparation spécifique. C'est mon deuxième marathon et je ne le prends pas à la légère. Remember Berty, cette formidable explosion sur le parcours de Lisbonne, ce mur en pleine face alors que je n'avais pas encore atteint le 30ème kilomètre... Alors oui, j'ai beaucoup appris sur ce premier marathon et il n'est pas question de refaire les mêmes erreurs.


     C'est pourquoi cette prépa aura été sérieuse et entièrement tournée vers la réussite de cet objectif. Pas question de se disperser, de courir plusieurs lièvres à la fois. Je passe de 4 séances hebdo à 6 séances! Le vendredi pour souffler et sinon j'alterne les séances de fractionné à la piste (2), la séance d'allure spécifique sur route (1) et les séances de footing tranquille pour faire du volume. Courir devient mon quotidien et ça me plait.


     L'objectif est clair: passer sous les trois heures. Là aussi, il faut pas se louper, faut pas se mentir. Pas question de chercher secrètement à faire moins dès que les sensations sont bonnes à l'entrainement. Faut pas se voir trop beau dès que la forme est là. Ca reste un marathon et il va falloir tenir le choc jusqu'au bout. Pas de plans sur la comête, la dureté de cette épreuve saura te rappeller à plus d'humilité.



    

     Aéroport, Toulouse-Paris-Prague: la team Foix-Ariège-Pyrénnées est en route. 8 pour la team dont 3 coureurs et une coureuse. Chacun cherchant à titiller son record. Le groupe est une force supplémentaire. On a affronté les mêmes séances sous la neige, la pluie ,le vent. On s'est vu en baver, le respect est là. On est centré sur sa perf mais on se soutient. Ok, Prague nous voici. 9000 coureurs attendus, un parcours plat sans être hyper-roulant et surtout une belle capitale Européenne à découvrir.



    

     Dimanche 12 mai, je suis pas là pour faire du tourisme! Je peux enfin passer au révélateur. Les p'tits bobos, la fatigue, les doutes, les prévisions, prédictions, on peut s'assoir dessus. Marathonien qui te présente sur la ligne, tu le sais, les kilomètres c'est toi qui va les faire...SEUL. Enfin seul. Un peu de musique et le coeur bât. Pas question de s'emballer. Tu sais ce que tu as à faire. Il faut suivre son plan de vol, être sûr de soi. L'esprit libre, le corps relâché...courir maintenant, S'EXPRIMER.





    



     Pour passer sous les 3 heures je dois être régulier à 4'15" au kil. Chaque mille mètres ma montre sonne et m'indique mon temps au kilo. Je compte me baser là-dessus pour rester callé entre 4'10 et 4'15. Je pars tranquille. Le risque est plutôt de partir trop vite, je déroule et cherche les bonnes sensations. Premier bip: 4'25", ça ne me plait pas. Il ne faut pas accumuler de retard. 2ème et 3ème kilo à 4'10 et le tour est joué, je suis pile dans les clous. Au niveau des sensations, je commence à me sentir bien. Je ne force pas. Je profite du passage sur le fameux Pont Charles: un honneur nous a bien dit Katarina, notre hotesse Praguoise.






     Les prochains kilomètres vont se caler naturellement autour de 4'15. Ce qui me fait plaisir, c'est que je tiens le tempo sans aucunes difficultés. Je me ballade. Je me nourris de toutes ces images glanées au fil des kilomètres. Entre les coureurs, les spectateurs et la ville que nous traversons j'ai l'impression d'être porté par le flot. Et pourtant, le premier grain de sable vient perturbé cette machine bien huilée. Le hic c'est que mes kilomètres comptabilisés au GPS ne sont pas raccord avec les kilomètres officiels du marathon bien matérialisés par les pancartes.




     Et oui, je me retrouve vite avec un déficit de 50m puis 100m avec le kilométrage officiel. C'est une erreur de ma part. J'aurais dû me fier au temps à la pancarte officielle, point. Les conséquences ne sont pas dramatiques mais voilà que je me mets à accélérer d'une part et à occuper mon esprit à calculer les temps au km. 255 secondes à chaque kilo, c'est dans mes cordes mais je perds énormément en décontraction.


     C'est rien, c'est des détails Berty. T'es bien, tu trottinnes, pas de fatigue. Je me reprends. Je me remets dans ma course. Je rattrappe un Français avec une belle allure, je reste un peu dans son sillage. On se salue. Il est bien lui aussi et voilà qu'il se met à tailler la causette. Non, pas pendant mon marathon! Allez Berty, fait pas ton ours que diable...J'échange. Le temps, d'où je viens, où je vais, mais franchement ça ne me va pas, j'accélère. Il me rattrappe et recause, il est définitivement lourd, je ne réponds plus.


     Je file vers le 15ème kilomètre, je suis toujours dans les temps sans être pour autant en avance. Je croise Jöelle qui vise les 3h20. On s'encourage. Tout va bien. On le sait bien, le marathon n'a pas encore commencé, on s'échauffe. Oui mais quand même j'ai des meilleures sensations qu'à l'entraînement. Je ne peux pas m'empêcher de me voir beau. Je me raisonne. Si t'es si bien, tu pourras accélérer au 35ème. Ok, va pour le 35ème, je me promets de ne pas accélérer avant.


     Je n'aurais pas dû boire juste avant le départ. Nouvelle petite erreur. J'hésite à m'arrêter pour détendre ma vessie. C'est pas une bonne idée, je continue et file vers le semi. Je passe en 1h29'45". Je continue d'être bien, aucun signe de fatigue. Je décide finalement d'opter pour la pause-vessie. Je redémarre en douceur. J'ai dû perdre 30 à 45". Pas de soucis, je remonte petit à petit et passe le pont du 25ème où m'attendent mes supporters. Ca fait du bien, je reste confiant.







     A Lisbonne, j'avais explosé à ce moment là. Je reste concentré. Le marathon commence maintenant pour moi. De l'autre côté du fleuve, je dois descendre jusqu'au 28ème avant de remonter vers Prague-city. Je vire au 28ème. Le parcours n'est pas le plus beau à cet endroit, ça commence à faire long mais la foulée reste facile et ça me rassure. J'arrive au ravito du 30ème, je commence à me dire que ça ne va pas être une partie de plaisir de finir le job.







      Je révise ma stratégie du 15ème kilomètre. Il n'est plus question d'accélérer au 35ème mais plutôt de ne pas décélérer. Cette stratégie va vite s'imposer à mon esprit. Si je veux réaliser mon chrono, je n'ai plus le choix, il va me falloir tenir le rythme sur chaque kilomètre. 33ème, 34ème, 35ème. C'est fou le nombre de km qu'ils arrivent à caser sur la fin d'un marathon. Il les ont tous concentré au même endroit! Je reste fixé sur ma foulée, mon rythme de course , et pour l'instant ça passe. Je reste dans les temps mais je sais que j'ai très peu de marge.


     Ca devient dur. Il me faut tenir jusqu'au 40 pour avoir le droit de penser à en finir. Pas avant, il est encore trop tôt. 36ème, 37ème, 38ème... C'est long, je commence à avoir des nausées, la foulée coince, je serre les dents. Franchement, je crois que c'est la dernière fois que je pars sur un marathon. Un mec me double, il doit chercher les 3 heures lui aussi. C'est trop con Berty, c'est maintenant que tu peux te le gagner ton p... de défi. Mais merde, je vais quand même pas me mettre à sprinter au 38ème, c'est du suicide.


     Ca sent le roussi. Je ne calcule plus les temps au km. J'essaye de rentabiliser le peu d'énergie qu'il me reste. Allez tiens le coup Berty, ça peut passer. Les derniers kilos restent autour de 4'17", 4'18". Les passages dans les petits tunnels sous les routes, dans les derniers km, font mals aux jambes et au moral. Dès que la route remonte légèrement la vitesse décroit cruellement. J'arrive au 40ème, je vais pouvoir lâcher ce qui reste mais ma montre m'indique 4'31" au dernier kilo!...Les carottes sont cuites.


     Je vais enfin pouvoir en finir, me reposer, savourer... Mais c'est pas ce qui était prévu. Je voulais fêter ma victoire, la réussite de mon défi. Il va falloir gérer la désillusion, l'échec. Je finis mon marathon, je ne lâche pas. Je reste quand même à bonne allure. Je lève la tête vers le chrono au passage de la ligne. Ok, c'est mort...Temps: 3h00'43"


     Et surtout ne me dites pas que c'est bien!




     Je passe la ligne, je suis pas bien. Je voudrais boire, je voudrais me coucher. Je passe 1/4 d'heure ainsi avant que mon corps ne se remette partiellement de ce qu'il venait de vivre. Je reprends mes esprits et là je craque, l'émotion me submerge, merde! Car le marathon va au-delà d'une simple course, c'est un morceau de ta vie et de tout ce qui s'est aggloméré pendant toutes ces semaines. Je ne pleure pas pour ces quelques secondes de trop. Je pleure de ce morceau de vie qui s'échappe en même temps que se termine mon marathon.





10 commentaires

Commentaire de laulau posté le 18-05-2013 à 10:12:30

T'as raison Berty, je comprends ta déception. Avec l'entraînement que tu t'es enfilé, rater l'objectif de si peu, c'est très frustrant. S'arrêter pisser sur un marathon, quelle connerie, tu casses ton rythme, ta foulée, tu repars trop vite pour récupérer le temps perdu !! Et puis, avec un temps de 36mn sur 10km, c'est pas 3h00 que tu devais viser mais 2h50 ! En tous cas, tu vas rebondir et avec l'expérience, c'est moins de 3h00 à l'aise que tu vas faire.
J'espère quand même que t'as visité Prague, c'est une ville magnifique !

Commentaire de Eric Kb posté le 18-05-2013 à 14:30:08

Un jour, à l'entrainement, en m'arrêtant faire une pause pipi, je me suis fait rire en imaginant les boules que ça doit être pour un marathonien de rater son objectif pour une histoire de vessie.... maintenant que je te lis, ça ne me fait plus rire ! Merci pour le CR et merde pour le prochain !

Commentaire de CROCS-MAN posté le 18-05-2013 à 14:45:43

Merci pour ton récit Berthy. Qd je te lis j'apprécie encore plus ma manière de vivre les marathons mais je te comprend. J'espère au moins que tu auras tout de même apprécié ton voyage.
Bonne récup

Commentaire de map-o-spread posté le 18-05-2013 à 21:42:26

c'est toujours terrible ce vide après la course, et même les jours d'après.
d'autant plus que l'objectif a été frolé, mais pas atteint.
La prochaine fois !!!

Commentaire de dajosport posté le 18-05-2013 à 23:15:45

C'est clair que tu l'as dans les jambes. Mets toutes les chances de ton côté en choisissant un parcours plus rapide que Prague (les pavés, c'est pas top...)

Commentaire de Badajoz posté le 19-05-2013 à 11:44:41

je suis d'accord avec toi, le marathon c'est plus qu'une course. Quand on s'envestit dans une telle entreprise, la déception est proportionnelle aux efforts qu'on a consenti. Pense à tout ce que cette préparation t'a apporté sur le plan personnel, humain... le chrono est essentiel, mais il n'y a pas que ça.

Commentaire de diegodelavega posté le 22-05-2013 à 15:55:22

Désolé mais je vais quand même te féliciter car la progression est belle par rapport à ta 1ère tentative ! Moi aussi je viens d'essayer mon 1er sub 3h et moi aussi j'ai terminer "tranquillement" contraint et forcé en 3h10. Bref il faut se donner du temps et même si ton échec relatif doit te montrer à quel point tu peux réussir. Moi qui vient de bcp plus loin (1er Marathon en 3h40 il y a 4 ans) je préfère ne retenir que la progression année par année : ainsi la déception est moindre.

Commentaire de Arclusaz posté le 11-06-2013 à 15:40:23

super CR et magnifiques photos (le dernière est incroyable !). Ce récit nous aide à mieux comprendre ce qu'est un marathon : un morceau de vie.

Commentaire de Jean-Phi posté le 12-06-2013 à 13:32:58

Très beau récit qui me touche particulièrement. J'ai trop buter sur cette barre. C'est amer de buter sur quelques secondes de trop. Ce qu'il faut en retenir c'est que ça fait un nouveau défi à affronter et donc un nouveau morceau de vie.
Bravo tout de même pour cette belle perf (c'en est une !)!

Commentaire de Philippe8474 posté le 25-07-2013 à 07:50:09

Chrono qui me semble impensable... C'est dur de te dire chapeau malgré tout quand il y a de la déception comme ça, mais quelle tranche de vie!

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