Récit de la course : Trail du Lac d'Annecy - Technica Maxi Race 2014, par ilgigrad

L'auteur : ilgigrad

La course : Trail du Lac d'Annecy - Technica Maxi Race

Date : 31/5/2014

Lieu : Annecy (Haute-Savoie)

Affichage : 4116 vues

Distance : 86km

Matos : shoes : Hoka Stinson
bag : ultimate Direction PB
shirt : speedtrail Lafuma

Objectif : Terminer

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le temps du Gitan

Je ne sais pas par quoi commencer, l'état de mes cuisses après la dernière descente ou celui de mon genou à un mois du départ; j'ai terminé la Maxirace et c'était plutôt mal parti.

Une contusion osseuse qui n'en fini pas de disparaître, des entraînements limités à des séances sur un vélo d'appartement et deux ou trois courses pour vérifier si l'on a toujours des jambes mais après lesquelles on sait surtout que ce foutu genou reste fragile.

L'éco-Trail de Paris 30km fin Mars, the Trail 35km dans l'Yonne début mai et un 10km dans les rues de Paris à 15 jours de la course; bref on est loin des courses en montagne. Heureusement j'ai profité de quelques jours de vacances autour de Pâques pour monter et descendre les pentes autour de Chamonix. Une courte randonnée de quatre jours en Chartreuse pour parfaire le tout et me voilà parti pour Annecy.

Étant donné la façon dont l'édition précédente de la course s'était déroulée, je n'ai pas investit dans beaucoup de jours pour me mettre en condition avant le départ. J'ai pris un train à Paris en fin de matinée, à 15h00 j'avais récupéré mon dossard. J'ai avalé vers 18h00 une salade de lentilles, deux tranches de jambon blanc au torchon, un yaourt au soja, une pomme. Pour une fois je me suis couché de bonne heure. Et là, à peine la lampe de chevet éteinte, mes yeux se sont fermés si vite que je n’ai pas eu le temps de me dire : « Je m’endors » Une demi-heure après, le téléphone a vibré et j'ai bénéficié d'un défilé de textos qui me souhaitaient "bonne chance". 

Je n'ai pas cessé de me retourner dans mon lit; j'ai fait la crêpe, je suis retourné sur Facebook et le forum kikourou tous les quarts d'heure. À une heure du matin, Fred et François, qui couraient le marathon dimanche et devaient partager la chambre avec moi, sont enfin arrivés et j'ai dû me lever.

Je n'ai dormi, au mieux, que trois petites heures mais l'excitation de la course m'interdisait d'en espérer davantage.

J'ai pris un thé vert dans la salle du restaurant dans laquelle s'agitait déjà une bonne quinzaine de coureurs. L'hôtel Marina Bay est situé à trois cents mètres du départ ce qui lui confère un intérêt non négligeable mais c'est bien le seul, les combles aménagés sous les toits qui nous servaient de chambre étaient vraiment pourris. J'ai avalé quelques parts de Gatosport sans gluten que j'avais cuit dans de petits moules à cup-cake pour faire "salon de thé". Un coureur, m'interpelle en entrant dans la salle du petit déjeuner. Il m'a apparemment déjà vu sur les Templiers et la Romeufontaine. Nous échangeons quelques mots sur nos expériences communes. Je bavarde aussi quelques minutes avec Thierry et Fabien, deux amis d'un pote qui aurait dû courir avec moi mais qui y a renoncé à la fin du mois de mars à cause d'un emploi du temps personnel et professionnel trop chargé. Le monde du Trail n'est pas très vaste tous ceux qui sont ici se sont finalement un jour ou l'autre déjà croisés. En regardant tous ces gars et cette fille qui prennent leur petit déjeuner avec un dossard agrafé sur la poitrine je me dis que demain matin, celui qui n'aura pas sa veste finisher au petit dej´, il sera mal. Il est 2h00, il me reste encore un peu de temps pour vérifier une dernière fois mon équipement. Je pars avec un maillot Lafuma speedtrail, un cuissard Skins par dessus lequel j'enfile un bermuda de rando; une veste coupe vent ultra légère, Lafuma encore; Je chausse des Hoka one one Stinson trail et recouvre mon crâne d'un buff Kikourou écarlate. J'ai sur le dos un sac Ultimate Direction PB équipé de deux bidons; J'y ai glissé la veste imperméable obligatoire (Lafuma speedtrail), la couverture de survie, un maillot à manche longue en cas d'arrêt inopiné un peu prolongé ainsi qu'un maillot de rechange pour me refaire une beauté à Doussard. J'emporte dans une poche quatre barres Aminov, deux barres aux amandes, une pom'pote ainsi qu'un reste de Gatosport pour ce qui est du "solide" et une dizaine de sachets de boisson isotonique goût neutre de chez Effinov pour enrichir la partie liquide. La frontale Petzl Myo, sur la tête, les temps de passage dans la poche et les bâtons à la main, je quitte l'hôtel pour rejoindre la ligne de départ.

 

Sur la piste cyclable qui borde le lac, des centaines de coureurs convergent vers la plage d'Albigny. Des panneaux balisent l'entrée des différents sas. Je me place à la fin de celui qui indique moins de seize heures. Deux fois huit heures, je dois pouvoir naviguer tranquillement dans ces eaux là. J'ai dû promettre que je ne m'enflammerai pas que je ne partirai pas trop vite et que je jouerai avant tout la veste finisher, pas le chrono. Avec trois abandons sur Ultra en 2013 (UTA, CCC, Templiers), il n'y a que la Maxirace que je n'ai pas abandonné; les organisateurs ont craqué avant moi. Je dois impérativement rompre cette spirale de l'échec et franchir la ligne d'arrivée d'une course de plus de quarante kilomètres.

Une minute avant que le départ ne soit donné les rangs se resserrent et je me retrouve sur la ligne du panneau "moins de 12h30". Des fumigènes rouges embrasent le ciel, le cortège s'ébranle progressivement et je lance mon chrono. Nous longeons les rives du lac en direction du Paquier puis nous nous dirigeons vers la route du Semnoz puis le chemin du périmètre. En moins de 20' on atteint le premier sentier. 3km en ville et nous nous enfonçons dans la forêt et dans la nuit. Thierry me double alors que nous quittons le bitume. C'est un gars aguerri avec plusieurs UTMB et GRR à son palmarès, des marathons en moins de 3h00. Il m'a battu de deux minutes sur l'Ecotrail de Paris, je ne suis pas surpris de le voir passer si tôt.

Ça grimpe doucement; rien de terrible. J'ai l'impression de descendre au moins autant que je monte. Je surveille le cardiofréquencemètre de ma Garmin. J'oscille entre 140 et 150 battements par minutes; ce n'est pas violent... Je suis, en revanche confronté à un problème qui va pourrir toute cette première ascension. Je suis myope et pour gérer le passage de la nuit au soleil de plomb qui nous est promis par Météo-France, j'ai choisi de porter des lunettes de trail avec des verres photo-chromiques adaptés à ma vue. D'habitude je cours en compétition avec des lentilles, mais au delà d'une dizaine d'heures cela me devient insupportable. Les lunettes photochromiques m'évitent de d'emporter deux paires de lunettes. Je les avais essayées de nuit, en courant dans Paris ou en conduisant. Cela convenait parfaitement. Ce que je n'avais pas testé ni prévu c'est leur adéquation avec les lampes frontales. Curieusement les lunettes réagissent à la lumière de ma lampe frontale en fonçant exagérément. Comme l'air humide de la nuit en forêt recouvre aussi mes verres de buée, je n'y vois strictement rien.

Je titube comme un vieil alcoolique jurant à ceux qui courent derrière moi que je n'ai pas terminé ma préparation à la vodka. C'est terrible : j'avance lentement dans le côtes et je ralentis encore lorsque surgit une descente. on me double par paquet sans que je ne puisse rien y faire. Je retire mes lunettes mais, sans correction, je suis dans le même brouillard. Tant pis, il faudra attendre que le soleil se lève pour que je puisse retrouver quelques sensations. En attendant je me fais tout petit et je progresse comme je peux vers le sommet du Semnoz. Je pense soulager ce contretemps en goûtant à ma première barre Aminov. Dès la première bouchée je comprends que je risque de trainer un second boulet pendant la course. Les quelques grammes de biscuit que j'ai voulu avaler tombe dans mon estomac comme une bille en acier. Je suis écœuré. Je sais par expérience que si ça ne passe, autant ne pas forcer. Je tournerai à la boisson isotonique jusqu'à ce que le goût du solide me revienne.

Je n'aime pas courir la nuit. Les sens sont altérés. enfermés dans un tunnel sombre, on ne voit rien de ce qui nous entoure. Je ne ferai jamais la Saintélyon. L'idée de courir de nuit et de nuit uniquement m'est insupportable. Le jour se lève peu à peu.

Nous traversons un village de tentes. Eco-Bivouac. ça a l'air plutôt sympa comme idée. Une alternative au camping et à l'hôtel; des sortes de yourtes aménagées en lisière de forêt. Nous émergeons d'entre les arbres et rejoignons enfin les alpages. J'éteins ma frontale et mes lunettes sont de nouveau opérationnelles. C'est un grand soulagement de se sentir libéré d'une telle contrainte.

Les derniers mètres de l'ascension vers le sommet du Semnoz 1670m constituent un grand moment de bonheur même si le ciel est gris et le lac recouvert de brouillard. J'ai un quart d'heure de retard sur ma prévision la plus prudente mais je me sens en pleine forme. 3:00:56, 1500m de dénivelé et 19km. Je suis 766ème mais je n'ai aucun moyen de le savoir. J'ai pourtant la sensation de bien avoir perdu deux-cent-cinquante places pendant la montée. Le ravitaillement est installé sur le crêt de Châtillon, aux abords d'une remontée mécanique. Quelques tables à l'extérieur, on n'est pas là pour s'attarder. Les spectateurs ne sont pas nombreux mais on les comprend: Il est six heures, les élites sont passés depuis une heure au moins et l'endroit n'affiche pas une hospitalité particulièrement marquante.

Je me serais bien servi un verre de thé sucré mais cela ne fait pas partie des boissons proposées ici. Je bois un demi verre de pepsi, remplis mes bidons et verse dans chacun d'eux un sachet de poudre isotonique. On est loin du Meursault 86 mais ça peut compenser, le temps d'une course, les aliments que je ne parviendrai pas à avaler. J'enfile la veste coupe vent que j'avais retiré au départ de la course. Un vent froid balaie la crête et le soleil ne semble pas prêt de percer à travers les nuages.

En moins de cinq minutes je suis reparti pour la première longue descente. Le chemin est boueux. Des feuilles mortes masquent les racines et les cailloux mouillés. Je parviens malgré tout à courir de façon suffisamment relâchée pour ne pas fatiguer mes ischios. Je risque d'en avoir besoin pendant encore un moment. Ce qui m'agace en revanche, ce sont les coureurs de la XL et du relais qui passent en trombe et balaient tout sur leur passage. Ils sont partis une heure après nous mais, à la faveur d'une nuit plus courte et d'une course moins longue, ils abordent la course de façon beaucoup plus agressive. Ce ne sont pas eux qui font l'effort de nous dépasser, c'est à nous de nous écarter à leur passage. Je n'y ai pas prêté attention lorsque les tous premiers d'entre eux sont arrivés à mon niveau quelques minutes avant que je ne vois le Semnoz, mais là ils sont des hordes à hurler "à droite !" ou "à gauche !". Et lorsque l'on slalome sur une single trop étroite on sent derrière soit la pression du descendeur impatient. Cela me stresse, j'accélère et glisse sur une racine. Mon pied vacille et un coup de poignard traverse ma cheville. Ça y est c'est mort ! Je ne cours pas depuis quatre heures et ma course va s'achever là, au pied du col de Leschaud; c'est trop stupide. Je m'arrête quelques instants et m'assieds sur une souche pour reprendre mes esprits. J'en profite pour re-fixer sur la jambe gauche de mon shirt, le dossard qui s'était arraché de la ceinture porte-dossard puis je repars en boitillant après avoir vu des dizaines de coureurs défiler devant moi.

Nous rejoignons une route et la civilisation. La Touvière. Un panneau indique qu'il ne nous reste que 60km à courir. Un marathon-et-demi; une paille. On continue de descendre jusqu'à la rivière qui précède Saint-Eustache. Fin de la récré; il va nous falloir grimper de nouveau. Une rampe à eau a été installée sur une planche de bois face à l'église de Saint-Eustache. Je remplis mes bidons avec le faible filet d'eau qui s'échappe des robinets et j'y ajoute, comme d'habitude, les sachets Effinov. Je ne m'attarde pas.

Il est 7h15; je colle parfaitement à mon plan de course; je ne dois pas perdre ça. On retrouve rapidement les côtes et les arbres. Nous montons en direction du col de la Cochette. Je colle aux baskets de celui qui me précède et un autre me suit de près. Notre train progresse sereinement. On atteint enfin ce passage qui m'avait rêvé lorsque j'avais visionné la trace de la course sur une carte topographique : la crête d'Entrevernes. Sur le papier on court sur une poutre en dessous du ciel. En réalité je suis toujours au milieu des arbres et la monotrace sur la crête n'est pas plus impressionnante qu'un sentier entre Chaville et Meudon.

Avant d'entamer la descente vers "les maisons" puis sur Doussard, nous sommes ralentis par un contrôle des dossards. 6:00 de course. Sur mon plan je devrais être à Doussard en 7h30 mais l'idée d'y arriver bien avant sans forcer ne me déplaît pas. Je m'offre une très courte pause pour tenter d'apercevoir un bout de lac d'entre les arbres. Avec tout ce gris au dessus de nous, la vue ne fait pas rêver.

Les maisons 9h48 au chrono et trois minutes de retard sur le plan. Un point d'eau est aménagé à l'entrée du village. J'avais, dans mon roadbook inscrit le nombre de bidons à remplir pour affronter le segment suivant. Je laisse tomber le roadbook et je refais le plein systématiquement; au point où j'en suis, je ne vais pas prendre le risque de mourir de soif pour 500g. Une dernière petite bosse de 200m; à Paris ça ferait le bonheur d'une sortie longue mais là je ne la sens même pas. J'arrive dans la vallée de Doussard un peu avant 10h30. On emprunte à partir de Lathuile, une large route pendant au moins deux kilomètres. Le temps de se ré-habituer à trottiner à plus du 10km/h sur du plat et à couvrir les trois ou quatre kilomètres qui nous séparent du ravitaillement et je dépasse la limite que je m'étais fixée.

Je boucle la première partie en 7h35. Pour un peu moins de 45km, ce n'est pas si mal. J'ai tenu ma promesse de ne pas m'enflammer, les jambes et surtout mon genou tiennent bons et je n'accuse pas un retard dramatique sur le plan. Je suis 914ème. J'ai repris une quarantaine de places depuis la crête d'Entrevernes. J'ai la surprise, enfin pas tout à fait, de retrouver François à l'entrée du ravitaillement.

Il est venu comme prévu faire mon assistance et apporte avec lui le sac que je lui avais laissé à cet effet. J'enfile la jolie seconde couche Lafuma bleue que Anne m'avait acheté à Chamonix. Je veux éviter de prendre froid pendant l'arrêt au stand. Je donne ma frontale à François ainsi que la plupart des aliments solides que je transporte inutilement depuis cette nuit. Je change de maillot, Lafuma toujours, le précédent était jaune, celui-ci est bleu; mon préféré. Mon buff rouge est trempé et n'a pas été remarqué par beaucoup de kikourous. Je le noue à l'arrière de mon sac et le remplace par un autre, vert-anis et sec. Je traverse le ravitaillement en moins de 10 minutes et retrouve François à la sortie, histoire de bavarder un bon quart d'heure avant de repartir à l'assaut de ce qu'on annonce comme le gros morceau de la course.

Cela dit j'aimerais bien discuter un moment avec ceuxqui m'ont annoncé que la première partie était roulante. Personnellement, 2500m mètres de dénivelés sur 45 km, à l'exception des trois derniers kilomètres, je ne trouve pas ça particulièrement roulant. J'ai joué aux montagnes russes pendant 7h30, on est très loin de l'EcoTrail de Paris. Je quitte donc la salle de Doussard à 10h44, mais je ne décolle véritablement qu'à 11h00. Je suis à la bourre mais s'arrêter trente minutes quand on ne joue pas le chrono, ce n'est pas infamant non plus.

J'appréhende un peu cette étape. Il faut se cogner 1000 mètres de dénivelé. En moins de cinq kilomètres. On pénètre de nouveau en forêt. Ça sent la terre et les feuilles mouillées; le ciel est gris et triste, l'air est humide. Tout ça pèse sur mon moral. On n'en finit pas de monter. 1000 mètres ce n'est pas si terrible, j'ai prévu environ 1h30 de grimpette. Les minutes durent des heures. À mi pente je m'assieds sur une souche et laisse passer quelques concurrents. Ils sont comme moi, silencieux, le buste penché en avant. Les bavards se sont tus. Ils sont à la peine. Et moi, j'en ai marre. Marre de monter, de ne pas courir; marre de ce temps pourri et de cette odeur de terre. Je resterai bien là mais pour abandonner il me faudrait aussi monter ou redescendre pendant un temps interminable. J'essaie encore une fois de grignoter une barre Aminov. Mais cela m'est impossible, même une micro-bouchée ne passé pas. Je sers les dents et je reprends mon chemin de croix.

J'atteins finalement le col de la Forclaz, km 50, à 12h24. Malgré ma dérive, j'ai six minutes d'avance sur le plan. C'est dire s'il était large. Sur le col on slalome entre les boutiques de souvenirs et quelques motards en goguette. On continue sur la D42 pendant quelques centaines de mètres puis on replonge les pieds dans la boue d'un chemin qui longe une petite route.

Refuge du pré Vérel à 13h00. Je retrouve un peu de tonus et d'espoir. On progresse dans les alpages. Il n'y a enfin plus d'arbres au dessus de mois. Le ciel est gris mais je le vois. Le paysage qui entoure le chalet de l'Aulp m'offre le panorama que j'espérais depuis longtemps. Ça ressemble à la Montagne telle qu'on l'imagine. Du rocher, des vaches, des chalets de bois et des torrents qui coulent. Contrôle du dossard. Il est 13h15 et je suis 885ème.

Je passe le col d'un pas motivé et poursuit mon chemin en direction du col des Nantets. Je cours sur les replats et dans les descentes. La dernière difficulté de l'étape apparaît enfin. Il me faut monter jusqu'au Roc de Lancrenaz. Je manque d'eau et sur les conseils de Fred qui m'avait conseillé de prendre un peu de monnaie en cas de bidon vide, je m'offre un café brûlé et le remplissage de mon bidon dans une buvette improbable au pied du Roc. On n'en fini pas d'en finir. Ac chaque fois que je crois atteindre le sommet, une nouvelle bosse se détâche derrière. A chaque fois un peu plus raide que la précédente. On termine en s'agrippant à des cordes sur un sentier étroit suspendu dans le vide.

Pas de l'Aulp 1570m. J'ai perdu trente places depuis le chalet. la pause café m'a coûté cher. plus de 58km et près de 4500m de dénivelé en 11h24 de course. J'ai au moins trente minutes de retard sur le plan de 16h00. Il va falloir rattraper cela. Je bascule dans la combe qui s'étale sous le pas de l'Aulp. Le soleil est apparu et un grand ciel bleu surplombe toute la montagne. J'adore ça. Je sais que c'est gagné. A partir de maintenant, quoiqu'il arrive, j'irai au bout. Je pourrais bien faire n'importe quoi, j'aurai cette veste. Je dévale la pente à fond les ballons. Mes Hokas me portent comme si je glissais sur un tapis de mousse. C'est sublime. Je sens la chaleur du soleil qui réchauffe ma peau et j'attaque la pente et les virages comme si je commençais à peine la course.

Je suis aux Villards Dessus en 45 minutes et j'ai repris 85 places. Je croise Thierry qui m'avait dépassé au tout début de la course. Il a comme moi un peu souffert de la monotonie de la première partie mais il est serein lui aussi. Malgré son entraînement aussi dense que le mien, il prévoit de franchir la ligne vers 19h00. Porté par mon euphorie je l'abandonne pour foncer vers Menthon. De la descente toujours. Enfin presque. 200 mètres à monter, ça ne compte pas.

Menthon-Saint-Bernard baigne dans le soleil. L'arrivée sur le ravitaillement est pénible. On doit courir sur le bitume brûlant et tourner à travers les rues du village. On croise 1km avant de l'atteindre, les coureurs qui sortent du ravitaillement; Bref on a l'impression de faire une boucle pour faire durer le plaisir. 12h56 je suis de nouveau dans les temps. J'ai encore doublé 69 coureurs. Cela fait 154 au total, depuis le pas de l'Aulp. j'émarge à la 762ème place.

J'appelle François après avoir remplis mes bidons car je ne le vois pas parmi les spectateurs. Il n'est pas venu. Lui et Frédéric sont restés bloqués à Annecy à cause des embouteillages. j'accuse le coup. Je lui aurais bien laissé ma seconde couche et ma veste imperméable qui, avec ce soleil ne risquent pas de me servir beaucoup; même en cas de coup dur.

J'ai déjà couru au moins soixante-dix kilomètres. Il doit m'en rester à peine dix-sept. Je repars en marchant vers le château de Menthon et dès que la pente se fait moins raide; je cours. Je discute quelques minutes avec un coureur belge. Nous franchissons la D909 à travers un passage à vache à l'intérieur duquel un épais purin recouvre le sol. Je suis pris de nausée. un coup de moins bien m'envahit.

Je connais tout ce segment. Je l'avais parcouru l'an dernier avec Anne pour occuper notre dimanche lorsque la course avait été annulée. Je sais que l'ascension vers le col des Contrebandiers sera longue. Je n'en peux plus. Je suis dans le même état que lors de l'ascension du col de la Forclaz une vingtaine de kilomètres plus tôt. C'était pourtant il y a un siècle. Chaque pas est un enfer.

14h43 col des Contrebandiers. Je suis cuit. Je m'assieds et reste là, assis sur la terre humide d'un sentier ombragé pendant dix bonnes minutes. J'imagine que ceux qui me voient là rigolent doucement. celui qui faisait le malin tout à l'heure dans la descente est bien moins fier dans ce dernier raidillon. Je ne sais ps pourquoi mais, malgré la chaleur, j'ôte mon maillot et enfie une première couche à manche longue. Assis dans ce sous_bois frais, j'ai froid. Je sais que c'est stupide, que dès que je recommencerai à marcher et surtout à grimper, je suffoquerai surtout avec le soleil qui tape certainement très fort, là haut sur la crête. Je rassemble mes dernières forces et reprends l'assaut du Mont Baron. 200 mètres à franchir seulement, mais cette fois-ci c'est toute une montagne.

A 18h15, je suis sur la crête. Après avoir tourné autour pendant plus de quatre-vingts kilomètres, je vois enfin le lac. Il est d'un bleu azur qui donne envie de plonger dedans. Le soleil, le ciel, le lac, je veux profiter de tout cela pendant quelques instants. Je m'allonge et je laisse défiler le temps. Je vomis aussi ce qu'il me reste de liquide dans l'estomac, ce qui inquiète les secouristes qui surveillent l'arrivée des coureurs sur le Mont Baron. Je traîne encore vingt minute sur la crête avant de me lancer dans la descente du Mont Veyrier.

Je franchis quelques dalles sur lesquelles j'aurais eu de grosses difficultés s'il avait plu et passe le dernier contrôle à 18h48. Il me reste douze minutes pour rentrer dans les seize heures. De ce côté c'est fichu mais pour ce qui est de la veste, à moins de me fracturer le fémur dans la descente, je devrais pouvoir la porter au petit déjeuner. Je commence ma descente prudemment et, après avoir contourné le Mont Veyrier, lorsqu'au niveau du Mont Rampon on a aborde véritablement une descente raide et technique, je me lance.

J'ai positionné ma Garmin sur l'altimètre et je regarde l'altitude défiler. Je suis à fond. Un coureur embraye derrière moi et annonce à ceux que nous allons doubler notre passage à droite ou à gauche. Je suis bien trop timide pour faire une chose pareille et dépasser aussi peu discrètement n'est pas dans ma nature mais j'avoue que son aide mes précieuses et nous formons une équipe efficace. J'adore cette sensation de liberté; j'ai l'impression de voler. En à peine plus de trente minutes nous avons descendu plus de 800 mètres de dénivelé. J'ai doublé 46 personnes dans la descente. waouh !

Le bruit des voitures nous signale que la ville est proche.

Le lac, le ponton. j'accélère. Je suis à 12km/h. Ce n'est pas un exploit mais finir à cette vitesse après plus de 16h00 de course me donne plutôt confiance pour l'avenir.

Je cours au milieu des promeneurs et des baigneurs qui profitent de cette après midi ensoleillée pour s'étendre au bord du lac. la piste cyclable. Je dois éviter les poussettes,les vélos et tous ceux qui marchent, indifférents à notre épreuve.

La plage d'Albigny; Fred et François m'encourragent.

Le portique, l'arrivée.

c'est fini.

16h41

JE SUIS MORT.

MORT mais heureux.

Je m'étends dans l'herbe. Fred et François m'ont rejoint. Jacques, qui m'avait suivi pendant la descente vient, accompagné de sa femme, me remercier pour la descente de rêve que nous avons faite. Je suis aux anges. Je regarde le ciel. Je déploie ma couverture de survie.

Je profite

Je vais enfin pouvoir raser cette barbe que je m'imposais de garder jusqu'à je termine cette course.

Je n'ai pas profité du frugal ravitaillement d'arrivée. Mon estomac subit encore les affres de la course. Je suis épuisé et n'ai aucun courage autre que celui de me jeter dans mon lit. Fred et François m'accompagnent jusqu'à l'hôtel et me laissent plonger dans un bain chaud pendant qu'ils vont dîner en ville. Ils courent le marathon demain et ne peuvent attendre que je sois rétabli. Je dors une heure Ils reviennent avec une pizza. Je peux enfin manger.

Réveil dimanche à 5h00. C'est à leur tour de courir.

Je vais, en stop jusqu'à Menthon afin de les soutenir lors de leur passage au ravitaillement. Je les attends à l'entrée du village et cours avec l'un puis avec l'autre jusqu'au passage à vache sous la D909 en passant par le gymnase et le château. Je reviens à Annecy en début d'après midi et je recommence mes aller-retours entre la fin de la descente et la ligne d'arrivée.

Je l'aurai franchie trois fois. Une fois seul, avec Fred et avec François, pour finir.

Un weekend parfait.

Je reviendrai.

17 commentaires

Commentaire de Caro74 posté le 04-06-2014 à 21:13:38

Beau récit. J'ai vraiment vibré avec toi. Bravo d'être allé au bout de cette aventure!

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:30:58

Merci Caroline.
J'ai moi aussi beaucoup apprécié le récit de ta course et le suspens de ta lutte pour la première place.
Je n'avais pas encore franchi le Pas de l'Aulp quand tu as plongé dans le lac mais j'ai pu goûter au soleil pendant quelques heures; il y a parfois de bon côtés à traîner en queue de peloton.
Je te souhaite de savourer cette nouvelle victoire... Au moins jusqu'à la prochaine.

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:31:44

Merci Caroline.
J'ai moi aussi beaucoup apprécié le récit de ta course et le suspens de ta lutte pour la première place.
Je n'avais pas encore franchi le Pas de l'Aulp quand tu as plongé dans le lac mais j'ai pu goûter au soleil pendant quelques heures; il y a parfois de bon côtés à traîner en queue de peloton.
Je te souhaite de savourer cette nouvelle victoire... Au moins jusqu'à la prochaine.

Commentaire de Bouh posté le 04-06-2014 à 21:27:11

Bravo elle se mérite cette coursette... ils sont bizarre tes bâtons ! Pratique ?

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:33:53

En effet Bouh, comme tu le dis très justement cette coursette se mérite.
En tout cas bravo pour la tienne. Tu m'as précédé du début à la fin, bravo !
J'ai trouvé ces bâtons chez Ravanel à Chamonix. Je les utilisais surtout l'hiver pour faire du ski de rando car on peut les saisir à n'importe quel niveau. Pratique lorsque tu as un fort dévers par exemple. Quand j'ai vu que Caro74 s'en servait pour le Trail, j'ai abandonné mes Leki télescopiques et j'ai pris ceux ci. Ils sont très légers et peuvent être saisis à n'importe qu'elle hauteur du manche. Tu trouveras dans l'album de la "peignée verticale" sur la MaxiRace une photo de Caroline qui explicite l'intérêt de tels bâtons : http://1.bp.blogspot.com/-JQ6ti7LYDaw/U4yExAFVxdI/AAAAAAAAIcE/TKv5It4z6Xo/s1600/MaxiRace-Annecy-2014-Timothee-Nalet-1111.jpg

Commentaire de Pirelli posté le 04-06-2014 à 21:55:50

Salut,
Beau récit, bien écrit. Tu ne te souviens sans doute pas de moi. Je suis la personne qui t'a fait remarquer, un moment où tu étais arrêté sur le coté, que nous nous sommes croisés plusieurs fois dans cette course. Effectivement, tu es la personne que j'ai vu le plus souvent sur cette course. Amusant. Et bravo.

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:34:47

Je me souviens parfaitement de toi Baltique et de ta remarque aussi.
J'étais assis, comme je l'ai écrit dans mon récit, sur le bord du chemin, peu après avoir dépassé le col des contrebandiers.
Tu m'as dit m'avoir croisé plusieurs fois et comme cela faisait écho au coureur qui le matin même, au petit déjeuner, me disait qu'il m'avait déjà vu sur plusieurs courses, ta remarque m'a intriguée. Je me suis relevé peu de temps après que tu sois passé mais j'ai fait une nouvelle pause lorsque je suis artivé sur la crête. Et toi Baltique ? As tu fait une course qui t'a satisfait ? Tu envisageais de partir sans frontale; l'as tu fais ? Et ?

Commentaire de Japhy posté le 05-06-2014 à 19:30:59

Eh bien finalement pour un éclopé c'est pas mal! :D
Bravo pour avoir cassé la malédiction et avoir eu la foi en ton genou.
(Moi j'adore courir la nuit au contraire, et de plus en plus, même si je ne crache pas sur une belle vue en haut d'une crête!)

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:38:28

...Alors je compte sur une belle crête pour te croiser un jour en course...

Commentaire de Maido posté le 06-06-2014 à 11:34:20

Merci pour ce récit que j'ai pris grand plaisir à lire. J'ai bien aimé comment tu jouais les alchimistes, lorsque les 200m de dénivelé passent de l'état de paille à celui de montagne :)

Sans la barbe, je ne sais pas si je te reconnaîtrai la prochaine fois ...

Commentaire de ilgigrad posté le 06-06-2014 à 16:43:16

Merci,
J'ai moi aussi beaucoup apprécié le récit de ta course. Tu as fait celle que j'aurais aimé faire mais tu m'as doublé entre le Semnoz et la crête d'Entrevernes - probablement lorsque je me suis tordu la cheville - et tu t'es envolé.
Il y a d'autres photos sur les autres récits et on m'y voit sans barbe... et puis j'en ai ajouté trois de l'arrivée du Marathon avec mes potes,sur lesquelles je fais un peu moins père Noël.

Commentaire de stphane posté le 07-06-2014 à 14:30:14

Salut, comme toi j aurai aimé voir plus souvent le lac,.... Mais j ai aimé l odeur des forêts et des vaches... Content pour toi que le genou tienne bon....

Commentaire de desprez posté le 08-06-2014 à 22:33:44

Bravo pour ton récit et pour ta course. On s'est croisé plusieurs fois sur le parcours. Je termine en 16h34 et heureux !

Commentaire de desprez posté le 08-06-2014 à 22:37:30

Bravo pour ton récit et pour ta course. On s'est croisé plusieurs fois sur le parcours. Je termine en 16h34 et heureux !

Commentaire de GoRun11 posté le 10-06-2014 à 23:44:18

Félicitation pour ta course et pour ton super récit ! Comment fais-tu pour retenir autant de détails sur une course si longue :D ?!

Commentaire de ilgigrad posté le 11-06-2014 à 10:24:25

Merci. Apparemment tu as retenu toi aussi les détails de ta course. Quand on passe des heures sur les chemins et qu'on avance pas à la vitesse d'un pilote de rallye, on a le temps de gamberger et de regarder autour de soit...

Commentaire de Pirelli posté le 18-06-2014 à 14:21:23

"Je me souviens parfaitement de toi Baltique et de ta remarque aussi.
J'étais assis, comme je l'ai écrit dans mon récit, sur le bord du chemin, peu après avoir dépassé le col des contrebandiers.
Tu m'as dit m'avoir croisé plusieurs fois et comme cela faisait écho au coureur qui le matin même, au petit déjeuner, me disait qu'il m'avait déjà vu sur plusieurs courses, ta remarque m'a intriguée. Je me suis relevé peu de temps après que tu sois passé mais j'ai fait une nouvelle pause lorsque je suis artivé sur la crête. Et toi Baltique ? As tu fait une course qui t'a satisfait ? Tu envisageais de partir sans frontale; l'as tu fais ? Et ?"

Bravo a toi. Quand je t'ai vu sur le bas coté, j'avais envie de t'imiter. La dernière portion fut un calvaire. C'est surprenant de voir à quelle vitesse on peut passer de vie à trépas et inversement :)
J'ai été satisfait de ma course. J'avais bien bâclé ma préparation, donc content d'arriver au bout. Maintenant, j'aimerais pouvoir mieux gérer cette alternance de haut et de bas durant la course. S'agissant de la frontale, j'en ai pris une petite, mais comme je suis parti dans les derniers, arrivé au sommet du semnoz il faisait bien jour et l'éclairage des autres était suffisant. Si je l'avais grimpé en 1h cela aurait été suffisant :). prochaine course en perspective? Pour moi ce sera le trail de faverges. A+


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