Récit de la course : SwissPeaks Trail - 90 km 2019, par ChickenRun

L'auteur : ChickenRun

La course : SwissPeaks Trail - 90 km

Date : 7/9/2019

Lieu : Le Bouveret (Suisse)

Affichage : 2409 vues

Distance : 94km

Objectif : Terminer

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La vengeance est un plat qui se déguste

Spoiler alert


Pour déguster, j'ai dégusté!


 

94km, 6100m D+ et 7000m D-, c'est des caractéristiques qui m'ont fait peur pendant plusieurs mois, car comme d'habitude je n'étais pas prêt à affronter la Swisspeaks 90. À l'origine, nous avions 24h pour aller de Finhaut, au delà de Martigny, pas loin de la frontière française jusqu'au lac Léman.

Par rapport à l'an dernier, nous avons un col supplémentaire à 2500m à grimper au début puis quelques différences plus loin sur le parcours.

Nous sommes donc le vendredi 6 septembre, le départ est à 22h00. Je suis un peu déçu de ma gestion du sommeil d'avant course: une petite sieste de maximum 30 minutes dans l'après-midi puis on décolle de notre camp de base du Bouveret pour aller à Finhaut. On se fait un petit resto; Max, Bernard et Eric décident de manger des pâtes tandis que j'engloutis un bon gros Rösti bien gras! 😋

Le stress monte, jusqu'ici j'étais très négatif quand à mes chances de succès, surtout avec les barrières horaires très serrées (à 6h30 à Champéry, notamment) mais une fois élancé dans la course, tout d'un coup, j'ai été envahi par un sentiment d'allégresse et ce qui me semblait impossible m'est apparu comme à ma portée.
Bref, ça grimpe directement en direction du célèbre barrage d'Emosson, 7km et 900m plus haut. Il me faut 1h20 pour atteindre ce premier ravito, mais j'ai perdu Max. J'y retrouve Bernard qui repart puis Eric, je continue d'attendre Max, je papote avec les bénévoles. Ha, il arrive enfin! On repart ensemble, on passe sous 2 tunnels en longeant le lac, c'est plat, trop plat... Le point positif, c'est qu'on avance bien. Enfin, ça remonte en direction du Col de Barberine à 2500m, mais le temps se gâte au fur et à mesure. Une petite bruine pas trop gênante pour monter mais à la descente, c'est plus compliqué car le terrain est humide et la visibilité est réduite. Il y a de la rocaille partout, elle roule sous le pied, c'est pas terrible. D'ailleurs, un homme se cassé le figure devant moi. Il fait une chute plutôt spectaculaire : il est blessé à la tête et au bras mais il continue.
On arrive dans un petit vallon puis on remonte au 2eme col: Emaney, 2500m aussi.

Là, j'arrive dans un coin que je connais plutôt bien: descente sympa vers Salanfe, le 2eme ravito, je double pas mal alors que je suis vraiment tranquille: je pense simplement être plus à l'aise en descente. Ravito express: je remplis les flasques, mange un morceau et je repas à l'assaut du col de Susanfe (2500m) que j'adore vraiment. Hélas, la bruine s'intensifie pendant la montée, on ne voit plus rien à 1m, pareil pour la descente. Celle ci est interminable jusqu'à la cabane de Salanfe qui fait office de ravitaillement : on ne voit rien et le sentier est dégueulasse et plein de boue, ça glisse comme une savonnette surtout sur les lapiaz. Tout ça fait que ma mentalité change: "je n'y arriverai jamais... J'ai plus qu'une heure trente pour arriver à Champéry alors qu'il m'en faudra facilement 2..."

J'arrive à la cabane avec les pieds de plomb en râlant, je me pose, je mange un morceau, j'ai plus envie de partir, je suis dégoûté... Puis une bénévole nous informe que les BH sont reculées mais elle ne sait pas de combien de temps. Je repars directement. Le début de la descente est dans la même lignée que précédemment mais rapidement les choses changent: la bruine s'amenuise et on arrive à un autre passage que j'adore, le pas d'Encel. Je dépasse quelques personnes qui me laissent passer mais je suis vite bloqué par quelques neuneus qui n'avancent pas, sans doute trop impressionnés que pour me laisser le passage.. Je peste intérieurement. La descente est longue, on passe une passerelle qui bouge dans tous les sens, j'aime pas ça. La dernière partie de la descente se fait dans un bois, ça s'aplatit enfin! J'arrive à la base vie de Champéry vers 7h45 bien cuit, j'ai l'air d'un véritable zombie, j'ai plus de jus, je suis au bout du rouleau... Je retrouve Noémie et Pauline qui m'annoncent que la BH est à 8h30, ici et que Max a abandonné : cette nouvelle m'achève. Je n'arriverai pas au bout. Noémie me remotive mais je sais que je n'arriverai pas à temps pour la barrière horaire suivante. Noémie remplit mes flasques, je vais chercher a manger pendant qu'un gars vomit dans la poubelle à côté de moi. Je change de pneus et je repars comme un zombie. Je prends un gel à la caféine. J'en peux plus, je suis crevé je veux dormir. J'ai envie de retrouver mon lit. Putain qu'est-ce que je fous là ? Quelle idée de mer.. BAM! J'AI LA PÊCHE, JE PÈTE LE FEU. JE ME METS EN MODE MACHINE, JE DOUBLE PLEIN DES GENS, J'AVANCE À UN SACRÉ RYTHME!
Hoooo c'est donc ça, l'effet de la caféine ! 😂

J'avale la Croix de Culet (+-2000m) et son arête assez aérienne, j'arrive vite à Chaux-Palin. Je remplis mes flasques, mange un morceau et je veux répartir mais j'ai un besoin pressant... Le rösti se fait sentir, je pense.

Bref, je remonte au col des Portes de l'Hiver (2100m), je ne prends pas le temps d'observer le paysage, faut que j'avance et vite! On longe 2 très jolis lacs puis ça redescend assez fort dans un pierrier, je croise quelques randonneurs avec qui je papote (quelle tchafete je suis!). On retrouve la route, je prends un mauvais virage et je fais 250m pour rien... Pas grave, je retourne sur les pas. Cool je vais pouvoir redepasser ceux qui avaient profité de mon erreur! 😁

Ici, c'est un long sentier forestier en faux plat descendant sur 4km qui nous amène à Morgins. J'arrive assez vite au ravito sur lequel Noémie et Pauline, rejointes par Max ne m'attendaient pas si tôt (vive la caféine ! 😁). Heureusement, ils ont des pizzas! Je m'assieds et ce que je redoutais arriva: le mode machine s'éteint et je fonds en larmes. Sans raison. J'ai toujours pas compris précisément pourquoi, mais soit. Je suis embêté par une lentille, je perds du temps mais j'ai toujours une bonne marge sur la BH.

Je repas en solitaire à l'assaut de la montagne. En montant, j'éprouve une joie bien particulière à mesure que j'avance: on ne passe pas par le Bec du Corbeau, celui qui m'avait fait tant de mal l'an dernier. Au lieu de ça, on monte à la Pointe de Bellevue qui n'a rien à envier à ce satané piaf, soit dit en passant... C'est même mieux: la vue est exceptionnelle car la chaîne de montagne à laquelle appartient Bellevue forme un U. Mon sommet du moment de trouve dans la courbe et nous offre une vue géniale!

Je repas par la gauche, on longe souvent le précipice sur des sentiers étroits et technique puis on redescend sur Conches, où j'ai abandonné l'an dernier.

Routine ravito, passage aux toilettes et ça repart. Une fois arrivé ici, je le dis que j'ai fait le plus dur: la majorité du dénivelé est fait. Je m'accroche à un groupe et je les suis. On monte sur les arêtes des Tour de Don et de la Tête du Tronchey. On redescend.

La partie qui suit est le plus gros creux de la vague que j'ai subi sur cette course. Vous allez comprendre.

Retour en arrière : à Conches, la bénévole nous dit qu'il y a 10km jusqu'au prochain ravito. Je dois être là avant 18h. Ok, c'est bon ça !
Bref, retour à la descente. Je n'avance plus très vite car la fatigue me pèse. Je vois l'heure tourner et les kilomètres défiler. J'accélère pour être dans les BH. 9... 10...11...12km toujours pas de ravitaillement. Je vois des bâtiments mais à chaque fois ce n'est pas le ravito. Il faut continuer. Je vois qu'il est 17h55. Je stresse, je ne vois plus de bâtiments. Je suis foutu.
"J'en ai marre bordel de merde. Il est où ce putain de ravito. Putain." Je peste, je jure, je râle mais j'avance. 17h56. 17h57. 17h58. 17h59. 18h.
"Meeeeeerde. Si je le trouve maintenant, avec un peu de chance, ils seront coulants et me laisseront passer!" Je fonce.
18h05. 18h10. 18h20. Je désespère. Je suis à 80km pour 20h00 de course. Je suis fichu. Je ne me presse plus, de toute façon, c'est mort. Putain.
Je trottine quand même dans les descentes, j'ai pas envie de me promener dans la pampa toute la nuit...

Je vois un gars qui monte. Il est de l'orga et me dit quel le ravito est déplacé et que la BH aussi! Elle est juste 100m plus bas et j'ai 30 minutes pour y aller! Super! J'ai envie de l'embrasser! Je fonce! Hop, je passe la BH et je continue jusqu'au ravito de Blancsé. Là bas, on m'annonce qu'il n'y a plus de BH. "Je finirai cette course!" Je suis ému. Mais je veux pas trop traîner non plus. Hop, routine classique. Et ici, on me propose de la polenta et des patates! J'enfourne 2 rations!

Un dernier petit col puis une grosse montée bien raide pour arriver au dernier ravito, le lac de Taney où Noémie, Pauline et Max m'attendent depuis des heures déjà.

Je mange une petite raclette, on remplit les flasques. Je pense avoir une ampoule au tendon mais visiblement c'est pas le cas. Je prends un temps dingue avec une satanée lentille...

Je repars seul dans la nuit noire. Il me reste 50m de D+ et 1200m de d- le tout sur 4km puis 3km de plat. C'est tout bon ça !
Je suis à bout de force, j'ai mal aux cuisses, aux genoux, à mon tendon mais j'avance toujours. Je trottine quand je peux mais quand ça devient trop raide je n'ai plus la force, ça serait dommage de se blesser maintenant.

J'arrive enfin sur le plat, je retrouve la civilisation ! J'ai jamais été aussi heureux de retrouver le bitume, l'éclairage public, les gens. Même si c'est long et monotone je savoure ma victoire sur la montage, cette course et surtout moi-même. Je ne me suis jamais poussé aussi loin dans mes retranchements.
J'envoie un message à Noémie : elle fera avec moi les 100 derniers mètres. Max et Pauline m'attendent à l'arrivée.
J'y retrouve aussi Eric qui venait de finir.

Je prends une bière et je me pose. Quel pied!

Merci. Mille merci à Noémie, Pauline et Max qui m'avez sortis du trou plusieurs fois. Sans eux je n'aurais pas pu aller au bout.

Merci à l'organisation de la Swisspeaks et aux bénévoles.

C'est la course la plus dure que j'ai jamais faite. Elle est technique, les ascensions et descentes sont souvent raides et à bon nombre d'endroits, l'erreur n'est pas permise, mais la course est vraiment somptueuse.

Maintenant, je m'occupe de mon tendon et je repartirai pour de nouvelles aventures! 😁

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