Récit de la course : Ultra Boucle des Ballons 2021, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Ultra Boucle des Ballons

Date : 17/7/2021

Lieu : Munster (Haut-Rhin)

Affichage : 525 vues

Distance : 208km

Objectif : Pas d'objectif

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Une course qui donne un beau visage

U2B : acronyme pour Ultra Boucle des Ballons. Course sur route de 208 km et 5000 m de D+ au cours de laquelle vous passerez par tous les sentiments, de l'euphorie la plus intense au désespoir le plus profond, mais toujours avec le sourire.
 
carte
 

L'euphorie, c'est au départ, ce samedi matin. Il est 5h20 et je me sens comme un gamin dans une cours d'école. Quel plaisir de retrouver les copains (Guillaume B, Christophe, Christian,...), mais aussi les coureurs rencontrés sur d'autres courses (Guillaume L, Ray Julia,...), mais aussi les héros rencontrés sur cette même U2B l'an dernier (Guillaume R, David, ,...) (ça fait beaucoup de Guillaume, non ?). C'est simple, pendant le briefing de l'impeccable Christophe, qui aime décrire cette U2B comme une aimable cousinade, dès que je tourne la tête, je vois quelqu'un à saluer. Et quand le départ est donné, à 5h30, je crois revivre immédiatement mes fantastiques courses de l'été dernier. Je ne m'inquiète donc pas de partir avec les coureurs rapides (pas les tout premiers quand même) à l'ascension du petit ballon d'Alsace, me forçant parfois à marcher, pour reprendre les coureurs qui m'ont doublé dès que la pente s'adoucit. Arrivé dans le brouillard en haut du petit ballon, je dévale ensuite la pente jusqu'au CP9 où je retrouve Guillaume R, avec qui j'avais couru de nombreux kilomètres l'an derniers. Nous repartons ensemble à l'assaut du Grand Ballon.
 
L'occasion de reparler de la course de l'an dernier, et de celle de cette année. Changements importants, l'ascension du Hoeneck (et ses 4 km AR) a été ajoutée, et surtout nous tournons dans l'autre sens. L'occasion de nous rappeller de bons souvenirs, mais  aussi de voir sous un jour nouveau des paysages devinés de nuit l'an dernier. Ici, par exemple, nous découvrons une pancarte "Les motards au mitard !" qui montre que les riverains n'apprécient pas les motards qui viendront, toute la journée, profiter des petites routes qui tournent (je dois reconnaitre que je partage leur avis). Là, nous voyons sur un arbre un panneau "Attention, ours", au moment précis où nous entendons dans le lointain des cris sonores  d'animaux non identifiés... J'en profite pour raconter l'histoire des deux explorateurs qui se retrouvent face à ours : "-Fuyons ! - ca ne sers à rien, il cours plus vite que nous ! - Peut-être, mais je cours plus vite que toi". Je ne pense pas que Guillaume ait cru à la présence d'ours dans les Vosges, mais il se remets à courir pas longtemps après, tandis que je continue ma marche jusqu'au sommet du col. Changer de sens n'est pas anodin. Nous venons sur ce premier marathon de gravir plus de 1500m, impossible pour ma part de rester sur la réserve. Peut-être par excès d'imprudence (quelle idée de courir l'Ecotrail il y a deux semaines ! Pourquoi partir si vite ce matin ?), peut-être en raison du relief, je ne me suis jamais senti facile jusqu'à présent. Le brouillard est épais au sommet du Grand Ballon, atteint après 5h de course. J'en repars avec Guillaume L avec qui nous avons fait un petit chassé-croisé, sur la route des crêtes.

grand ballon

Direction Uffholtz pour une partie en descente que j'apprécie énormément ! Je dévale les premiers kilomètres, marche dans la côte d'Amic, en haut de laquelle j'aperçois au loin Guillaume R, salue David qui nous photographie régulièrement (surtout quand je marche !), et reprends ma folle course vers Uffholtz. Juste avant ce ravitaillement, je reprends Julia, à mon grand étonnement, mais elle ne s'arrête quasiment pas au ravito, tandis que je remplis mes deux bidons et me pose quelques instants. Inutile de dire que je ne reverrai pas cette grande championne.

La suite est sur le papier plus simple : un faux-plat d'une dizaine de kilomètres, avant  la côte d'Hundsrück et ses 5 ou 6 km à 7%, et un descente de 2-3 km vers le CP suivant. Contre toute attente, c'est dans la vallée que je vais rencontrer une difficulté majeure : la chaleur. Pour la première fois depuis des semaines, nous voyons le soleil, et ici pas d'ombre pour nous en protéger. On a vraiment l'impression d'être entre le marteau et l'enclume, la réverbération du sol étant importante. Je décide de partir prudement : 25 min de course, 5 de marche. Dès cette première marche, je vide la première de mes deux gourdes. Pas malin, mais impossible de résister. Nous sommes sur une piste cyclable, et pas d'espoir ici de voir passer un patrouilleur pour me dépanner en eau. J'arrive ensuite au village de Vieux-Thann et en profite pour me rafraichir dans une fontaine publique. Aujourd'hui encore, je me demande pourquoi je n'ai pas pris le temps de m'offrir une boisson fraiche dans un bar ou une épicerie du village, préférant repartir sur une piste cyclable sur laquelle la chaleur m'écrasera immédiatement. Avant même d'aborder la longue ascension du col d'Hundsrück, j'ai vidé toute ma provision d'eau, et l'ombre des arbres ne m'offre qu'une protection toute relative contre la chaleur. J'avance doucement. Après une éternité , j'entends que l'on cours derrière moi : c'est Guillaume L qui me rattrape, de sa remarquable foulée. "Guillaume ! Je n'ai  jamais été aussi content d'être doublé ! Tu sais si l'on est loin du prochain ravitaillement ? - Encore 4 ou 5 km, ne t'en fais pas, je leur dis que tu as besoin d'eau". Pas besoin, 1 km plus loin je vois Patrick, dévoué patrouilleur, qui rempli mes gourdes. Deux kilomètres plus loin, au sommet, , un relayeur qui suit sa partenaire me les remplit à nouveau. Puis je suis de nouveau rattrapé, et de nouveau rempli de joie : "Ray, Je n'ai jamais été aussi content d'être rattrapé ! Comment ca va ?" Avec Ray, nous avons sympathisé aux 50 km Sri Chinmoy il y a un mois, et il n'a rien trouvé de mieux que de se tordre la cheville sur un trail de 160 kilomètres une semaine avant l'U2B (vous avez bien lu, 160 km...). Je suis sincèrement bluffé de le voir en si bonne forme et heureux que sa cheville le laisse tranquille, et nous poursuivons en discutant jusqu'au CP suivant. 

Thann

 
Arrivé au CP de Bourbach, il y a du monde. Guillaume L en repars au moment où j'arrive, ainsi que Ray qui ne s'arrête pas longtemps. Par contre, je suis surpris d'y retrouver Guillaume R, qui a l'air assez marqué. Il me propose de repartir ensemble, ce que j'accepte avec joie. Je suis moi-même assez fatigué, marchant dans les montées, courant avec difficulté dans les descentes en raison d'une douleur  à l'aine. Pas facile pour appréhender les 120 km restant à parcourir. La course promettait d'être compliquée, à tel point que je commencais à lutter contre l'envie de jetter l'éponge au prochain CP où je devais retrouver mon épouse, mais avec un compagnon comme Guillaume, c'est tout de suite plus facile. Nous repartons sur un nouveau long faux-plat montant, alternant à mon rythme marche et course, tandis que nous discutons de tout et de rien. Qu'est-ce que je suis bavard, aujourd'hui ! Ainsi va la vie des ultramarathoniens, passant d'épuisements totals en réssurections inattendues. Alors que nous venons de traverser une route, une voiture nous klaxonne. Je ne me retourne même pas, mais Guillaume me dit : "c'est ton épouse !" Comment a-t-il deviné, alors qu'il ne la connait pas ? En tout cas, c'est un sacré réconfort de marcher avec elle, notre fille et notre brave chien. De quoi aborder avec confiance l'assension de notre troisième ballon, le ballon d'Alsace, au pied duquel se trouve le CP5.

Le passage à mi-course est toujours un moment fort. J'envoie un sobre message à ma famille "Je suis à mi course", ne rajoutant pas pour n'alarmer personne "et je suis déjà au bout de ma vie". Il faut dire que comme souvent quand je suis en course, surtout quand j'ai eu chaud, je n'arrive pas à m'alimenter sérieusement. Stéphanie nous propose une bière (sans alcool), qui me fait du bien. Je mange quelques chips pour le sel, deux-trois bricoles, et nous repartons avec Guillaume pour de nouvelles aventures. Qui consistent pour commencer à s'armer de patience pour monter le Grand Ballon. Passage par le territoire de Belfort, puis par la région Bourgogne, retour en Alsace et nous voilà au sommet. S'ensuit une longue descente de 8 ou 9 km, que nous sommes fiers de courir tout le long. Et une piste cyclable jusqu'à Bussang, où se trouve le CP suivant.

ballon

Cet arrêt est bienvenu. J'y retrouve le premier de mes drop bags, ce qui me permet de prendre un peu soin de mes pieds, et de récupérer une veste plus chaude (que je ne porterai finalement pas). Guillaume prend son temps, lui aussi, et je le bouscule un peu quand nous sommes rattrapés par deux Philippe qui me semblent bien plus frais que nous. Bien que nous n'ayons pas d'objectif en termes de classement, se faire remonter trop facilement peut peser sur le moral des plus braves. Nous repartons donc vers le col de Page. Guillaume en profite pour téléphoner à sa famille, et caler le rendez-vous avec son frère Mathieu, qui a prévu de le rejoindre à minuit pour l'accompagner en vélo jusqu'à l'arrivée. La nuit est tombée. L'un des Philippe nous reprend dans la montée de son pas rapide, nous faisons le yoyo de longs kilomètres au grès de notre alternance course/marche. Dans la descente qui suit, nous voyons un phare venir vers nous : c'est Mathieu, qui vient à notre rencontre. Notre duo se transforme en trio, lui donnant un nouvel élan qui nous permet de doubler Philippe une dernière fois et de rejoindre le CP3.
 
Bien qu'il reste plus de 60 km, nous commencons à pouvoir nous projeter vers l'arrivée. Ce nouveau tronçon, la terrible route des Américains qui doit nous conduire jusqu'au Hoeneck à 19 km de là, constitue la dernière grosse difficulté du jour. Je l'aborde en marchant quelques mètres derrière Guillaume et Mathieu, revoyant en eux ces courses que j'ai pu faire avec mon frère. Je constate que ca fait des heures que Guillaume me tire. Quand il me dit que ca lui fait moins mal de courir que de marcher dans les montées, nous comprenons tous les deux qu'après 12h de course commune, ca va être maintenant chacun de notre coté. Je lui partage ma certitude de terminer, nous faisons des effusions à l'image de la bromance que nous venons de vivre, et je les vois disparaitre dans la nuit. Guillaume remontera jusqu'à une brillante 4ème place, il a bien fait de ne pas m'attendre ! Je ne m'effondre pas pour autant, au contraire j'avance à un bon rythme, stimulé par la frontale que j'aperçois un ou deux lacet derrière moi et que je cherche à maintenir à distance. Les 2 derniers kilomètres de la montée vers le Hoeneck sont un aller-retour qui me permets de croiser une dernière fois Ray et Guillaume.

Arrivé au CP, Anthony me conduit avec prévenance jusqu'à la table d'orientation, détour obligé et inutile, d'autant qu'il fait encore nuit.  Je ne reste pas longtemps, le temps de constater que la frontale qui m'avait titillée dans la montée était celle de Mike, un relayeur rapide, qui poussera le plaisir jusqu'à  me doubler deux fois sur le tronçon suivant. Celui-ci est sur le papier plus facile mais le vent souffle fort sur la route des crêtes, et le jour pâle ne m'apporte le regain d'énergie habituel. Je suis seul, j'ai l'impression de ne pas avancer, il me faudra du temps pour retrouver du plaisir et un peu d'énergie.

Les deux reviendront après le dernier CP. Les cantiniers m'annoncent 19 km "maximum" jusqu'à l'arrivée, moi qui tablait sur 20, cette différence me booste. Il fait grand jour maintenant, et si je me souviens bien du profil, nous ne faisons que descendre jusqu'à Munster. Pourtant, après 4 ou 5 kilomètres, un panneau routier indique Munster vers la droite, tandis que le parcours nous renvoie vers la gauche, sur une route qui monte jusqu'au col de Linge. Là, j'avoue, je maudis le traceur, estimant que l'effort qu'il nous demande n'est pas surhumain mais franchement inhumain (à ce moment, la distinction me semble claire). Nous passons devant les cimetières militaires de la bataille de Linge, et cette fois la route descend pour de bon. Miracle, je peux courir dans ces descentes. J'aperçois dans la vallée Munster et comprends enfin la demande de Posseidon, prétexte à cette course : " vous irez saluer de Ma part les 3 Ballons Majeurs et auprès de chacun vous fendrez d'un shoot puissant puis reviendrez me conter les secrets qu'en chemin le vent vous aura confiés". Christophe n'est pas un pervers, comme je le pensais deux kilomètres plus tôt, mais un authentique poète. Or, "le sport, pour être compris, a moins besoin de sociologues que de poètes", a écrit Michel Clare. Et Christophe a tout compris.

munster

Je cours quasiment tout le long de la descente, ne m'arrêtant que deux ou trois fois pour donner à ma femme des prévisions d'arrivée de plus en plus optimistes "12h30. Non, 12h. Non 11h30". Je la vois enfin, avec ma fille et mon chien, et c'est un joyeux cortège qui m'escorte jusqu'à Posseidon, à qui je confie bien des secrets.
 
Je ressors de l'U2B comme je serais sorti d'un lave-linge, avec l'impression d'avoir été durant presque 30h lavé, rincé, essoré, et de nouveau shampionné, secoué, pressé, avant d'être délavé, lessivé, décrotté. Inutile de dire que j'en ressors en me sentant propre comme un sou neuf, impatient de revivre de tels moments. 

posseidon


Je détourne pour le titre de ce récit celui d'un racontard de John Rield, Un récit qui donne un beau visage, les beaux visages étant, chez les inuits, ceux des personnes heureuses

5 commentaires

Commentaire de Simon71 posté le 26-07-2021 à 21:21:54

Joli récit, qui nous donne un belle éclairage sur ces courses sur route... Et très belle performance

Commentaire de marathon-Yann posté le 03-08-2021 à 21:32:36

Elles sont sympa, ces courses sur route, je recommande ! Merci de ton message

Commentaire de CROCS-MAN posté le 01-08-2021 à 18:21:43

Tu as super assuré, Respect. Merci pour ton récit qui nous replonge dans cette Super course hors normes :)

Commentaire de CROCS-MAN posté le 02-08-2021 à 11:31:55

Ton pseudo devrait plutôt être Ultra Yann !!

Commentaire de marathon-Yann posté le 03-08-2021 à 21:35:24

Merci de tes messages qui me touchent d'autant plus que tu es un exemple pour moi, soit dit sans flagornerie.
Si tu savais le nombre de courses que j'ai faite après avoir lu l'un de tes récits

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