Récit de la course : LyonSaintéLyon 2021, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : LyonSaintéLyon

Date : 27/11/2021

Lieu : Lyon 07 (Rhône)

Affichage : 1391 vues

Distance : 152km

Objectif : Pas d'objectif

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De jour et de nuit

Rejoindre le départ est peut être le plus compliqué. La combo "colis suspect" et "accident grave de personne" fait que je n'arrive à mon hôtel lyonnais que vers 22h ce vendredi soir, après avoir avalé une pizza quelconque dans un bouiboui chaleureux. À peine le temps d'organiser mes sacs, je m'endors du sommeil du juste, sans même prendre le temps de stresser pour la course du lendemain.
 
Samedi matin. Retrait de ma belle chasuble jaune, dépôt des sacs, et je suis prêt à affronter la Lyon-Sainté-Lyon (LSTL). J'avais adoré le format de cette course il y a deux ans, qui consiste à rejoindre le départ à allure libre, avant de revenir à Lyon  au milieu des milliers de coureurs de la SaintéLyon. Je m'étais inscrit l'an dernier, mais la Covid en a décidé autrement, et c'est donc mon dossard 2020 que j'honore aujourd'hui.

lyon
Le grand départ
 
Allure libre rime (presque) avec allure tranquille. J'aimerais mettre autour de 12h à l'aller, me poser 2-3h à Sainté, et mettre moins de temps au retour. Un négative split sur cette distance aurait de la gueule ! Comme il y a deux ans, je me place en fin de peloton, que je vois s'allonger tranquillement dans les rues lyonnaises. Tellement tranquillement qu'une automobiliste nous insulte :" laissez-moi passer, bande de fils de p... Je dois aller à l'hôpital ".
 
Peu après, je rencontre Charles, que je ne connaissais que par des forums de discussion. Charles, c'est un sacré coureur d'ultras, qui a fait à peu près toutes les courses longues que vous connaissez, en se jouant souvent des barrières horaires, qu'il maîtrise parfaitement. Nous discutons de courses passées et futures, évidement. Nous progressons doucement mais le temps passe vite. Nous arrivons à Soucieu-en-Jarrets (km 21) vers midi. Comme il y a deux ans, nous profitons de bonbons offerts par des enfants à l'entrée du village, avant de trouver le premier ravitaillement officiel. Les bénévoles nous disent que nous sommes juste avant les serre-file, alors qu'ils attendaient le gros de la troupe pour cette heure, la course est partie vite ! Comme quoi, le niveau monte !
 
Nous repartons tranquillement avec Charles, cherchant à repérer le Mont Blanc que l'on nous a dit visible. Une pancarte nous amuse :"allez ch.... chez le voisin" !  500 m plus tard, nous sommes pris d'un doute. Le temps de vérifier la trace GPS sur la montre de Charles et sur mon téléphone, pas de doute, on s'est planté (au niveau du panneau, qui nous a distrait). Demi-tour. Quelques km plus tard, nous rattrapons les serre-files, qui débalisent consciencieusement les rares flèches indiquant Saint-Etienne. À ce moment, nous sommes donc derrière les derniers, ce qui d'un point de vue conceptuel est assez étonnant. Surprise partagée par les serre-files d'ailleurs.
 
Moi qui voulait partir prudemment, c'est réussi ! Je décide d'accélérer un peu, pour profiter du jour plus longtemps, et pour avoir assez de temps à Sainté pour me reposer. Je laisse Charles, et commence ma remontada. Un à un, je rattrape des coureurs, m'amusant à en compter une trentaine jusqu'au ravitaillement suivant (Sainte-Catherine) où je suis surpris de trouver tant de concurents attablés. N'ayant pas l'habitude de côtoyer les barrières horaires, je me sens plus à l'aise dans ce peloton plus conséquent.

sainté
Tout content de voir de la neige à l'aller !
 
Je repars en même temps qu'un groupe d'une vingtaine de coureurs, dont je prends rapidement la tête. Bizarrement, quelques centaines de mètres plus loin, je suis de nouveau seul. Je suis pourtant sur le bon parcours, comme me le confirme la trace sur mon téléphone. Je poursuis donc tranquillement, et suis surpris de voir quelques km plus loin le même groupe de coureurs, sur un sentier parallèle au mien. "Tu étais aux champignons ?" me demande l'un d'eux. Ben non les gars, vous êtes 25, je suis seul, mais sur le coup c'est moi qui ai raison, et le fait que vous deviez ouvrir une barrière pour rejoindre mon chemin le confirme.
 
Inutilement vexé par cette remarque, je remonte une nouvelle fois ce groupe, faisant ainsi la connaissance de Thomas, qui me raconte sa belle expérience de la diagonale des fous. Je voyage avec lui, dans tous les sens du terme. Il doit retrouver ses parents au ravitaillement suivant (Saint-Christo-en-Jarez, km 60), qui doivent lui donner sa frontale, mais la nuit tombe plus tôt qu'estimé. Grand seigneur, je lui prête ma frontale de secours, empruntée à ma fille pour ne pas revivre la même galère qu'il y a 2 ans, mais il me la rend tout de suite : la pile est à plat... Tant pis pour mon geste théâtral, nous finissons en utilisant l'halo ma seule frontale, ce qui nous rapproche encore, dans tous les sens du terme là encore !
 
Le dernier tronçon jusqu'au départ est plus difficile. Il fait nuit, je suis seul, et la fatigue se fait déjà sentir. Je m'en rends compte car je ne rattrape plus personne, au contraire c'est plutôt moi qui suis dépassé par quelques coureurs. L'un d'entre eux me semble étonnamment frais. Il m'explique que les médecins l'ont gardé 1h30 à Saint Christo pour vérifier qu'il supportait bien le cachet contre la douleur qu'ils lui ont donné. Douleur due à un doigt cassé, qui aurait dû être opéré aujourd'hui, sans la négociation avec le chirurgien qui lui a permis de s'aligner au départ de la course de 156 km... Je me perds dans un hameau, un habitant sort de sa maison pour me remettre dans le droit chemin. Cette course est vraiment exceptionnelle.
 
J'arrive à Saint Étienne vers 20h30, dans le temps visé, mais plus entamé que souhaité. Heureusement, les organisateurs nous ont réservé un espace VIP extraordinaire. D'abord, un repas chaud. Je me sers abondemment de pâtes, lentilles, pois chiches, sans oublier le gâteau à la praline. Je récupère ensuite facilement mon sac de délestage, me change complètement, et préfère faire une sieste d'une bonne demi-heure sur un matelas de gym prété par l'organisation plutôt que d'aller voir les kinés. Je ne connais que deux concurents de la SaintéLyon aujourd'hui : Fred et Elisabeth. C'est avec surprise que je croise Fred aux toilettes, ce qui nous permet de discuter un peu. Je retrouve Charles aussi, qui est arrivé 10 min avant la barrière horaire et finira sans problème le retour. Un speaker annonce avec gourmandise que la neige s'est mise à tomber abondement, ce qui provoque un frisson de plaisir perceptible parmi les concurents. Il ne nous reste qu'à rejoindre l'arrivée.

Dernier "avantage" des coureurs de la LSTL, nous avons un accès direct au premier sas, qui nous permet de partir avec les coureurs les plus rapides (élites, relais, meilleurs coureurs selon la cote ITRA...) et devant l'immense peloton de la SaintéLyon. Surtout, nous pouvons rejoindre ce sas au dernier moment. Le speaker n'a pas menti : il neige à gros flocons, qui apparaissent de toutes les couleurs grâce à l'éclairage festif du départ. Instants magiques.
 
23h30, notre départ est donné. Je suis surpris de constater que j'arrive à courir sans gêne ni ressentir de fatigue musculaire. Le repos et le repas m'ont fait du bien, je me dis que ma fatigue de l'aller était due au fait que je n'avais pas assez mangé (ce qui ne m'incitera pas à manger plus au retour, c'est toujours mon point faible ). J'avais reperé qu'il y avait des travaux quelques km après le départ qui pouvaient provoquer un bouchon , je profite de ma forme pour avancer à un bon rythme : si je peux arriver à cet endroit avant le gros de la troupe, autant en profiter. Quelques kilomètres plus tard, mission accomplie, le passage est franchi sans mal, comme le seront les deux franchissements de ruisseau qui suivent.
 
Comme chaque fois, je suis frappé par le nombre de supporteurs nocturnes. Sous la neige, qui tient bien au sol, c'est magique. Je n'oublie pas de me retourner dès que nous prenons un peu de hauteur pour contempler l'incroyable ruban lumineux des frontales. Le spectacle dont l'on rêve quand on s'inscrit à la SaintéLyon. Emmitouflé dans mes nombreuses couches, j'ai presque trop chaud. Comme lors de ma première participation, je suis pris d'une soif inextinguible, le corps réagit bizarement lorsqu'on lui demande de courir la nuit. J'arrive à Saint-Christo-en-Jarez en un peu plus de 2h. Je me souviens qu'il y a deux ans, c'est ici qu'une pluie diluvienne avait commencé à nous tomber dessus. Je préfère la neige ! Mais comme il y a deux ans, nous avons finalement eu de la chance de faire l'aller au sec.
 
La section suivante est plus exigeante par son profil, rendu d'autant plus difficle que la neige polie par des milliers de pieds devient franchement glissante. Je tombe une première fois, j'ai mal au coccyx mais bizarement c'est mon poignet qui sera gonflé le lendemain. Je glisse une deuxième fois et me rattrape de justesse, "holiday on ice" commence un concurrent, je ne pensais pas être aussi élégant !  Quelqu'un m'interpelle "Yann?". je me retourne : c'est Elisabeth qui m'a retrouvé. "Mais comment tu m'as reconnu ? " "Je ne t'ai pas reconnu, j'appelle Yann tous les concurrents avec une chasuble jaune en espérant que ce soit toi!".  Nous discutons quelques minutes, et elle poursuit à son rythme, plus rapide que le mien.

photo : page Facebook de la course
 
Je la retrouverai au ravitaillement suivant, à Sainte-Catherine. A ma grande surprise, elle me dit qu'elle pense abandonner, étant malade depuis trois semaines. Je la convainc facilement de pousser avec moi jusqu'au ravitaillement suivant, nous repartons ensemble. Nous passons ainsi la mi-course, puis Signal, le point culminant, après le parcours sera plutôt descendant jusqu'à l'arrivée.
 
Elisabeth cours plus vite que moi, marche plus vite que moi, mais je cours plus longtemps qu'elle. Nous ferons ainsi souvent l'accordéon, où je reste longtemps derrière elle sans la voir, puis je la rattrape, nous échangeons des encouragements, et elle reprends de l'avance. Si elle parle toujours d'arrêter, c'est avec moins en moins de conviction. Je suis concentré sur mon effort, et ces chemins loin d'être faciles. J'ai l'impression que cette année, les organisateurs ont choisi les chemins avec le plus de cailloux, avec la neige et parfois la glace , il faut vraiment être prudent. Même si les coureurs se signalent les plaques de verglas, les chutes sont nombreuses, certains se font franchement mal.  Je tombe une deuxième fois, n'étant pas loin de me tordre le genou, et évite plusieurs fois la correctionelle. Je ne suis décidément pas un traileur ! Bizarrement, c'est dans ces difficultés que je réussi à faire taire la petite voix au fond de moi qui me demande de faire aussi bien que les 10h36 d'il y a 2 ans : ce n'est pas le même parcours, pas les mêmes conditions, cela n'a aucun sens de comparer. Cela me libère et je prends plus de plaisir malgré la fatigue.
 
Les kilomètres succèdent aux kilomètres, le jour succède à la nuit, au moment exact où je suis dans le gymnase de Soucieu-en-Jarrest. A partir de là, il ne restera pratiquement que de la route.  Il n'y a plus qu'à finir. Un caillou dans la chaussure me gêne, j'essaie de l'enlever une première fois, puis une seconde fois, sans succès. Ce doit être une ampoule. J'accepte la Compreed que me propose Elisabeth, qui me fait vraiment du bien. Les coureurs qui continuent à me dépasser depuis Sainté sont de plus en plus nombreux à me féliciter : "c'est costaud, ce que tu fais". Cela me fait du bien, d'autant qu'Elisabeth complète souvent "et en plus il m'encourage" Un groupes de coureurs déguisés attend un concurrent à une dizaine de kilomètres de l'arrivée : ils vont finir avec lui pour lui souhaiter son anniversaire. Sympa. Des encouragements fusent des mêmes immeubles que hier matin, il y a une éternité. Après avoir fait le yoyo depuis 1h du matin avec Elisabeth, nous finissons ensemble, bras dessus-bras dessous, après 11h de course.
 
A peine le temps de sécher une larme, je n'ai pas reçu ma médaille que ma mère m'appelle déjà, elle a suivi mon arrivée en direct sur internet. Vidé, je n'ai pas le courage de lui répondre. 


15 commentaires

Commentaire de tidgi posté le 10-12-2021 à 13:54:49

Et bravo à toi pour cette double dose :) Malgré le jardinage (tu fais donc partie du groupe que nous attendions à St Christo...)
Comme moi, tu dois trouver cette STL moins facile pour un "bitumeux" ;-)
Bonne récup !

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:03:54

Merci. Je pense qu'à Saint Christo j'avais déjà rattrapé le gros de la troupe (202ème d'après livetrail). Et comme toi, j'ai trouvé cette édition difficile en raison de la nature des chemins, pleins de cailloux

Commentaire de Kirikou69 posté le 10-12-2021 à 18:03:03

J étais un des 2 serre file et je te confirme que cela a été une sacrée surprise de se faire doubler par des concurrents. C'est dommage que je ne t ai reconnu car j'aime bien lire tes cr.

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:05:47

Oui c'est dommage, ca m'aurait fait plaisir de discuter avec toi ! Mais je n'ai pas de chance avec mes signes distinctifs kikourou : mon chien a bouffé une casquette, l'autre a été perdue dans un drop bag dans les Vosges, et ma fille m'a piqué mon buff.
Merci pour votre travail dans l'organisation de cette course !

Commentaire de Arclusaz posté le 10-12-2021 à 22:36:03

et moi je suis le bénévole de Soucieu qui t'a dit de regarder le Mont Blanc. Quand on vous dit qu'il ne faut pas croire les bénévoles !!!!

bravo pour ta course, c'est fort.

Commentaire de NRT421 posté le 11-12-2021 à 19:11:21

Faut avouer que dans la série carabistouille, celle-là fut grâtinée ! Au même moment du côté du Mont-Blanc, ça neigeait jusqu'en fonde de vallée d'Arve. Nawak les Stéphanolyonnais :-D

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:09:13

Pour le Mont Blanc, ce doit être comme la ligne bleue des Vosges chez nous : quand on la voit, il va pleuvoir, quand on la voit pas, il pleut !

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:08:22

Je me souviens d'un bénévole à Soucieu qui m'a affirmé qu'il y avait bien 23 km depuis Lyon, alors que ma montre n'en affichait que 20. Ce n'est qu'au retour, en voyant le détour de l'on faisait à Chaponost, que j'ai compris d'où venait a différence !
Mais pour le Mont Blanc, tu avais raison, il devait être là !

Commentaire de DavidSMFC posté le 11-12-2021 à 17:10:34

Bravo Yann, quelle aventure ! Chapeau d'être arrivé au bout, respect pour ceux qui font l'aller-retour car il faut en vouloir quand même !

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:09:59

Merci David, et bravo pour ta course à toi aussi ! Cet aller-retour est vraiment une autre façon de courir, que j'aime beaucoup

Commentaire de NRT421 posté le 11-12-2021 à 19:13:27

Sympa ton CR. Et bravo pour l'emballage de ce joli morceau. Ceci étant ton récit m'agace aussi un poil : c'est un coup à ce que je re-signe en 2022 pour effacer la honte de mon arrêt bourgeois à mi-distance.

Commentaire de marathon-Yann posté le 13-12-2021 à 12:11:35

Si mon récit nous permet de re-signer en 2022, c'est effectivement qu'il est réussi !

Commentaire de augustin posté le 14-12-2021 à 17:44:13

Génial! merci Yann pour ton récit, on se délecte de ta prose à chaque fois, en tout cas sacrée aventure!

Commentaire de marathon-Yann posté le 16-12-2021 à 09:44:32

Merci Augustin, je suis aussi un lecteur fidèle de tes récits !

Commentaire de Gibus posté le 27-12-2021 à 14:47:01

Rencontrer une Elisabeth, ça fait toujours du bien.

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