Récit de la course : Grand Raid Dentelles du Ventoux 2007, par manu26

L'auteur : manu26

La course : Grand Raid Dentelles du Ventoux

Date : 12/5/2007

Lieu : Gigondas (Vaucluse)

Affichage : 2535 vues

Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

10 commentaires

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Le récit

Grand Raid Dentelles-Ventoux 2007

 12 mai 2007

Quand on a presque trop chaud en short court sur la ligne à 4H30, on peux s’attendre au pire en degré Fahrenheit.

Quand au km4 on voit la sulfateuse vaporiser sur les vignes, on peux raisonnablement compter sur un mistral inexistant. 

Je pars avec Gilles. Son premier ultra. Il n’a jamais couru plus de 36Kms. Il appréhende. Il aurai horreur des descentes. Il est prévu que l’on fasse route commune jusqu’au sommet du géant et que je parte devant dans la descente sur Brantes. Ce qui nous laisse un marathon de complicité acquise. 

Coucou Stéphane qui partira vers le km8 et qui finira 14.

Coucou Yoyo qui partira vers le km8 et qui finira 4ème.

Et il est où ce type totalement novice en trail et en 100 bornes qui demandait conseil sur le forum du site de la course (astrado.org) et qui finira 5ème ? 

L’organisation nous a promis une petite rallonge de 3 kms et « quelques centaines de mètres de dénivellés… » pour éviter du bitume. La suite nous prouvera que la réputation d’exagération grossissante des provençaux est sans fondement. Je vais passer une bonne partie de la course à comparer les deux éditions 2006 et 2007. Parfois –souvent- à haute voix au risque de saouler mes compagnons de course : « tient l’an dernier y’avait plus de vent, tiens je croix qu’on passait un peu au dessus, oh ! ils ont rajouté un peu de salé aux ravitos, si je me souviens bien ça doit redescendre par là, ah non etc… ». La non réponse des collègues est une réponse. Parfois, on fixe vraiment sur n’importe quoi et on emmerde tout le monde avec ça. 

Donc le départ, le col du Cayron, la sulfateuse, Stéphane, Yoyo.

Et puis plus que Gilles et moi. Il est visible que notre allure interroge mon compagnon. Il est facile mais il ne sait pas combien de temps il peut durer à ce train-là (50, 100, 200 bornes ?). 

Le Lac du Paty est là, km17. Traversée du pont et petite montée raide et courte avant de couper la route Malaucène-Bédoin, et d’apprécier la plaine du Comtat Venaissin, le Lubéron, le plateau d’Albion.

Et déjà le géant à portée de main. Incroyable cette différence de point de vue entre les pieds et les mains…Passages plus techniques en crêtes. Première descente un peu caillouteuse sur la  combe obscure . C’est encore frais et magnifique.

Enfin, on vire à gauche pour une dizaine de kms à flanc de coteau. Le pied droit coté aval. Le temps que ma mini-contracture se rappelle à moi. J’ai de la peine avec ce coté. Et ça ne date pas du week-end dernier...

Cependant, le sol est doux, c’est boisé, cassant mais agréable. Des bonnes odeurs qui finissent enfin par me faire oublier celles du parking de Gigondas, estampillées « étron-party » dans le quart d’heure précédant le coup de feu. 

Arrive le ravito du début de la combe de Curnier qui signe le début de la montée du Ventoux. Le décor rappelle l’ambiance des aventuriers de l’arche perdue. Des passages très étroits à travers les roches, de la verdure et de la grosse caillasse au sol. C’est peut-être l’endroit dont on se souvient quand on a oublié le reste.

Mais on se souvient aussi pas mal de la portion qui nous ramène 200mètres plus bas, pour rejoindre la combe de Fiole, alors qu’on pensait avoir bientôt fait la moitié des 1500m de dénivelés...

Elle monte très progressivement mais assez puissamment cette combe de fiole. Au bout c’est le début de la lune. Le vent nous rafraîchit, la pente se fait plus douce au milieu des cailloux et la soupe est bonne à 1912 mètres. Il est 12H00 piles. 42kms et 7H30 de course. 

C’est là que je vais devoir prendre mes responsabilités et partir devant dans la descente. Laisser Gilles à sa solitude, assumer la mienne, mais ne pas faire comme l’an dernier (je m’y remet…) à descendre comme un bazu jusqu’à la piste forestière avant d’être obligé de faire du Cyrano après pour cause de jambes explosées.

La descente de 12 bornes se fait à la gestion et mon Gilles tient plus que bien. Il avoue avoir lu un article sur la technique de descente de Vincent Delebarre, et que c’est miraculeux, que ça passe tout seul : abaisser le centre de gravité, se pencher vers l’avant et faire des petits pas.

Juste une petite dizaine de minutes de marche en fin de descente, la montée sur Brantes et les massages. 9H40 de course.

La masseuse se souvient de moi l’an dernier. Mon ego gonfle. Un mec comme ça, ça ne s’oublie pas. Las, elle se souvient de tout le monde… et avec une précision incroyable.

Décision : puisque Gilles va bien, on continue ensemble à la vie à la mort jusqu’au bout.

La partie qui suit est plus délicate : elle nous oblige à alterner marche et course. Pas tant à cause du sentier cassant qu’en raison du cagnard. Ça tape en pleine face. Jusqu’à St Léger.

Ce tronçon va faire une autre victime qui va nous accompagner jusqu’au bout : Emmanuel de Caen.Il a finit l’UTMB 2006 huit minutes avant moi, et il se souvient du gars qu’il doublait et qui lui a dit « profites profites » entre Argentière et Cham ! 

L’arrivée à St léger du Ventoux signe la fin de la descente et de l’insupportable chaleur. On longe le Toulourenc sur une bonne portion plate et bitumée et on traverse un  pont. On monte tout droit et tout raide dans les bois. C’est dur. Les mots sont rares. Et on rejoint la route. « C’était pas comme ça l’an dernier ! » radote-je. Un organisateur passant par là en voiture nous informe que c’est pas là cette année non plus... « Faites encore 4 kms sur la route, et descendez au Cairn avant de reprendre le chemin initial ». A ma connaissance une bonne dizaine de personnes aura été victime de ce débalisage. Notre groupe de 4, un peu perdu se voit proposer un retour sur Veaux en voiture avec un autre organisateur. C’est d’accord ; tous dans le 4*4. Mais le 4ème collègue qui nous accompagne fait un malaise dans le véhicule. On l’étend sur l’herbe. Appel des pompiers. Livide. Mal partout. Quelques minutes plus tard, il est ramené au ravito de Veaux. Il va mieux mais attend le médecin. Sa course s’arrête là.

Un peu choqués mais cependant décidés, nous poursuivons en direction de Ste Marguerite avec une succession de montées parfois très raides (un raidard impressionnant sur 200mètres) et de descentes avant le ravitaillement. Et quel ravitaillement festif dans ce hameau paradisiaque : une bandes de potes qui sont venus pour prendre du plaisir ensemble, ça se voit. Et ils en donnent drôlement. Quelques vapeurs viticoles se rappellent à la douleur de mon sevrage volontaire depuis 8 jours. Bien sûr on y trouve les aliments classique du parcours, mais nous avons également droit aux quiches, pizzas, saucisson, fromages et autres tapas colorés... Ça rigole. On discute. On a pas du tout envie de repartir. On s’asperge à la fontaine. Tiens y’a même la pharmacienne de mon village. Quel diplôme passer pour être bénévole ici l’an prochain ?..

De fait, je leur dois une grande partie du confort de ma fin de course. Si différence j’aurai pu faire, c’est d’ici jusqu’à Gigondas. Plus aucune lourdeur dans les jambes. Un gamin. Tout paraît facile. Comme mes deux ultras précédents, c’est dans le dernier quart que ça va le mieux.

Comment ça se fait qu’il y ait plusieurs vies dans un ultra, aussi différentes ? C’est pas « un peu mieux » c’est « comme neuf ». Comment est-ce possible à ce point ?

Est-ce vraiment le corps qui va mieux, ou les clignotants de la douleur qui s’éclipsent (ce qui peut-être ennuyeux) ?

Mais je ne vais pas partir seul maintenant. Mmmhh Non. Après 75kms de course à deux, et 20kms à trois ça ne rimerait à rien. Quoique. Non. Et puis ça me laisse une part de rêve pour mon prochain ultra où je me testerai vraiment pour de vrai. Si j’en ai vraiment le courage. J’ai tellement peur d’entrevoir mes limites. Je comprend tellement ceux qui disent que pour entrer « dans la famille » il faut avoir abandonné. Il faut en prendre une dans le tarbouif. Avoir des corognes. 

A entendre l’ambiance musicale de l’accueil, l’arrivée à la source du Groseau nous ferait croire qu’on a bouclé la boucle. On s’assoit. Une bonne soupe. On repart assez vite après une 5ème erreur de chemin (nostra culpa) ; Puis, une 6ème à Malaucène. Que d’allers/retours. Pas grave. Même si nous  sortons les frontales, on devine bien les dentelles dans l’obscurité (un croissant de lune suffit) et le St Amand, on le voit de loin, mais il en reste des bornes avant d’attaquer la montée finale. Ces bornes sont assez bucoliques. Assez vertes. Le monotrace doux pour les pieds et pas violent.

Le raidard vers la crête du St Amand est pris comme le dernier effort de la journée. Et c’est Gilles, l’ex-maladroit des descentes qui montre la voie dans la partie technique et nocturne du pas de l’aigle. Il m’impressionne : il a juste rajouté 64kms (Yoyo dirait 73kms) à ce qu’il avait fait de plus long. Emmanuel semble avoir un petit coup de moins bien après avoir mené le convoi depuis le Groseau.

Mais la fin approche. Et le dernier ravitaillement est encore une fois à la hauteur. Deux grattes électriques chantent le blues. Merguez. Quiches. On s’assoit sur des chaises en toile. Ça sent les genêts.

J’aime ces moments où l’on sait que c’est gagné (8 bornes de descentes) ; la course nous appartient encore parce qu’on est dedans. On était d’accord avec Emmanuel : quand c’est finit, c’est tué. C’est déjà passé dans le placard à nostalgie. C’est bien on va faire un récit. Mais on ne maîtrise vraiment que le présent.

Mais l’idée est bien de finir. On ne s’arrêtera plus de courir jusqu’à Gigondas. 

20H48 tout les 3. On fait 47-48-49. C’est chouette. 

Il faut absolument venir à cette course. Pour qui connaît la région, la beauté et la diversité des paysages ne surprendra personne (quoique le Ventoux est infini) mais si vous voulez être accompagné par des bénévoles comme vous n’en avez jamais vu ailleurs, faut venir ici au moins une fois.   

manu26

 

 

10 commentaires

Commentaire de devey posté le 14-05-2007 à 14:52:00

felicitations a tous ,coureurs et benvoles;c'est vrai les benevoles du rotary n'y comprennent rien a la course a pied mais n'empechent ils sont exceptionnels jm

Commentaire de Aiaccinu posté le 15-05-2007 à 16:14:00

je ne sais pas ce qui m'impressionne le plus : la course ou le CR
En tout cas bravo pour les 2

Commentaire de agnès78 posté le 15-05-2007 à 22:32:00

Un énorme merci, Manu pour ce récit magnifique d'une course dans une région qui l'est tout autant!!!...
bises et à bientôt sur un trail... ou devant un ptit verre de Gigondas!
agnès

Commentaire de Jerome_I posté le 16-05-2007 à 10:09:00

bravo pour ce récit... On rève d'y aller mais on ne peut pas courir tous les weekend, a part Dawa... 4 Ultra cet été ca sera donc ma limite...

Sportivement

Jérome

Commentaire de Philippe8474 posté le 16-05-2007 à 12:07:00

Magnifique récit.. Superbe...
En te lisant on regrette de n'avoir pas été là pour vivre des moments comme ça...
Mais on peut pas tout faire non plus...
Bravo à tous

Philippe

Commentaire de Khanardô posté le 18-05-2007 à 13:59:00

Bravo pour cette perf', finir une course au Ventoux c'est est une !
Difficulté de la course, problèmes de balisage, d'eau, déniv...

Et merci pour ce récit plein d'humour distancié comme on l'aime !

Alain_voisin_au_100_dromois_le_même_WE

Commentaire de Khanardô posté le 18-05-2007 à 14:02:00

Ce nouveau commentaire juste pour te dire que je suis un fervent client de la cave Mazurd, je m'y rend en général chaque fois que je vois ma soeur qui habite à Bollène (c'est souvent) et chaque fois que je fais un trail au Ventoux (c'est une fois par an) !

Commentaire de Khanardô posté le 18-05-2007 à 14:20:00

Re salut

Bon, ben je lis ton récit de l'UTMB 2006 juste après avoir lu celui du Ventoux.

Il me manquait une bonne raison de (tenter de) m'y inscrire l'an prochain, la voilà qui est arrivée avec ton texte.

J'ai vraiment éclaté de rire sur la fin (le gars en bleu...), alors que quand-même, je suis au boulot, là...

Merci pour ce récit et dis-toi que si l'an prochain je suis sur le parcours, tu y seras un peu pour quelque chose !

Là c'est bon, j'arrête. A un de ces 4 sur le chemin...

Commentaire de bin' posté le 22-05-2007 à 18:52:00

Je viens de lire ton récit de l'UTMB il est vraiment bien !
Celui la aussi félicitation!

amicalement,

Albin 10 ans

Commentaire de riri51 posté le 06-03-2008 à 20:13:00

Merci pour ce CR, tu m'as convaincu (j'ai donc choisi pour mon premier ultra cette épreuve à la fois pour les paysages et pour ces bénévoles!), donc rendez vous sur la ligne de départ en 2008.

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

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