Récit de la course : 24 heures de Vallauris-Golfe Juan 2004, par yvesg83

L'auteur : yvesg83

La course : 24 heures de Vallauris-Golfe Juan

Date : 4/12/2004

Lieu : Vallauris (Alpes-Maritimes)

Affichage : 1918 vues

Distance : 110.15km

Objectif : Pas d'objectif

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24H de plus à Vallauris...

Il est 17h30 lorsque je quitte la maison ce vendredi 3 décembre 2004 avec mon fils pour prendre la direction de Vallauris.
Après un voyage sans histoire nous arrivons à l’hôtel où j’ai réservé une chambre vers 19h40; nous repartons de l'hôtel de suite en direction de Cannes la Bocca où je dois rejoindre des copains motards histoire de se pourrir en mini motos et autres pocket bikes, de manger un peu et surtout pour moi de penser à autre chose qu'à la course du lendemain.
A la sortie d'un virage la moto se cabre un peu trop et je frappe la tête directement sur la piste. Mon 1er réflexe est de lever les jambes bien au dessus de la piste, comme quoi… Un peu sonné je repars bien décidé à ne plus prendre de risques: si le but est de ne pas penser à la course ça n'est en aucun cas de ne pas y participer ;-)

Nous nous quittons vers 22h15 et comme il est un peu tôt pour aller se coucher je décide de rejoindre Nice par le bord de mer pour que Victor découvre la ville où il est né et qu’il a quittée alors qu’il avait à peine 6 mois.
En passant à Golfe Juan je ne peux pas résister et nous nous arrêtons sur les lieux de la course.
Mon émotion est grande, les souvenirs de l'année dernière sont très présents; ça fait un an mais pour moi c'est hier...

Nous saluons le vigile qui garde les installations et alors que nous nous apprêtons à repartir 2 coureurs visiblement en reconnaissance eux aussi nous demandent dans quel sens tourne le circuit.
J’apprends rapidement qu’il s’agit de Bernard Constant et de Jean Pierre Durmier 2 UFOS qui viennent du sud ouest et vont faire plus de 1400 bornes pour participer à ces 24H. On tape la discute et je sers de guide pour leur montrer le tracé du circuit. On parle de Laurent autre UFO vainqueur du Raid Montpellier Valencia et dont le camping car est garé à côté de ma voiture mais comme tout est déjà calfeutré je le retrouverai demain après l'avoir déjà rencontré à St Fons. On parle également des forces en présence dont entre autre un Norvégien, venu spécialement pour l'occasion et qui vaut 220km. A voir...

Il est 23h20 quand nous quittons le port et je n'ai plus envie d'aller jusqu'à Nice mais je me vois mal ne pas tenir cette promesse à mon gamin et finalement nous rentrerons à l'hôtel à 1h du matin mais il aura vu l'hôpital où il est né et son 1er domicile; promesse tenue.
Pour garder une bonne durée de sommeil je mets le réveil à 8h15 et fais plein de beaux rêves jusque là...

Le réveil sonne, l'heure de vérité approche.
Après la douche je m'habille directement pour la course avec le cuissard et le T Shirt UFO sous le survêtement et aux pieds une paire de socquettes pour femme et 2 paires de chaussettes Running 800 de chez Décat'.
S'ensuit un petit déj' pantagruélique mais aujourd'hui de ce côté-là j'ai tous les droits et j'en profite ;-)

L'hôtel n'étant pas loin du circuit c'est vers 9h40 que je me gare près du camping car de Laurent. Là, outre le sus-cité (mais non c'est pas sale ;-) et son épouse Isabelle qui va elle aussi s'aligner au départ pour son 2° 24H, je retrouve Bernard et JP qui n'ont pas forcément passé la meilleure nuit de leur vie mais font avec et peu après c'est avec joie que dis-je avec un bonheur sans nom que je vois arriver Gérard Cain.
Pour comprendre l'admiration que je lui porte tout est là: http://www.gcain.com
Jusqu'à 40 ans on a un peu la même trajectoire, pourvu que ça dure…
Il me reste juste à perdre 27kg, enchaîner les podiums sur les courses non-stop de plus de 200 bornes de préférence avec du sable autour et... fumer le cigarillo.

Pour l'heure après sa brillante 2° place à la 555 qui lui a amha encore coûté quelques kilos (faut s'arrêter maintenant Gérard tu devrais même reprendre un peu) il est venu assister au départ et transmettre le Drapeau UFO avec lequel il a parcouru les 555km non stop de l'épreuve citée plus haut.
Le Drapeau UFO c'est une idée de Frédéric Whecler un UFO de Lyon qui a confectionné ce petit bout de tissu qu'on se repasse à travers l'hexagone pour l'emmener partout dans le monde: outre le désert avec Gérard il a traversé les Etats-Unis avec Olivier Forti lors de la dernière Trans América. Tout est là: http://perso.wanadoo.fr/courstoujours/Transamerica.htm
Il a également fait la Transe Gaule et le Raid Montpellier Valence enfin bref depuis le 8 février il a fait près de 8000km et ce week end encore on va essayer de lui faire faire quelques km supplémentaire.

Je retire mon dossard: c'est le 121. Je suis un peu déçu de ne pas avoir le 100 que j'avais demandé (l'année dernière j'avais fait 80km avec le... 80) et qui correspond à la barre kilométrique que je veux franchir, sait on jamais? ;-)

Après Gérard c'est Pil accompagné de Fabienne qui nous rejoint, suivi de la famille Marty (Virginie, Cyril et Grégory) de Rémi (L'Toro) et de Daniel Terranova dit Petitcoureur pseudo qui lui va on ne peut plus mal et ça n'est pas cette épreuve qui me contredira.
Ca tourne au rassemblement d'UFOS ces 24H de Vallauris mais c'est tellement agréable de faire enfin la connaissance de gens qu'on fréquente virtuellement à longueur d'années.
Si je connais Pil, L'Toro et la famille Marty depuis l'année dernière ici même et Gérard Cain depuis St Fons pour les autres c'est une découverte et faire de nouvelles connaissances m'aide à faire baisser la pression qui commence à monter...

On discute tout en installant notre petit coin ravito à nous avec des chaises, des tables, des tentes, chacun ayant amené une partie de tout ça. Nous sommes heureux que la pluie prévue par la météo soi absente; pourvu que ça dure comme disait madame Laetitia...
Des personnes de l’organisation me reconnaissent et me demandent des nouvelles suite à mon malaise et mon évacuation sur les urgences de l’hôpital d’Antibes l’année dernière; j’ai visiblement marqué les esprits et je serai encouragé sans faillir tout au long de l'épreuve par tous ces gens sans doute parce qu'ils se sentent plus proches de moi que des spécialistes de la discipline et que d'une manière naturelle on a toujours un élan du cœur vers le plus faible dans une compétition.
Peu après 11h00 on fait quelques photos notamment la passation du Drapeau UFO entre Gérard et... moi. Ca sent un peu le coup fourré ce truc là et je pense qu'ils se sont plus ou moins tous concertés pour me fournir une raison de plus d'aligner des bornes: chacun de mes km comptera pour moi et pour tous les UFOS. J'ai beau arguer qu'il y a nettement plus rapide que moi pour faire grimper le score du bout de tissu on me répond qu'il sera toujours temps de le faire plus tard...

L'heure du départ approche et j'explique à Victor ce que j'attends de lui: dégazéifier le coca qui me sert de boisson énergétique mais que je ne peux boire que sans les bulles et me préparer entre chaque tour le ravitaillement que j'ai décidé de gérer en partie moi-même.
Après mes malaises de Vallauris 2003 et de St Fons 2004 j'ai en effet décidé d'essayer plusieurs petites choses qui je l'espère me permettront d'arriver au bout de ces 24H sans encombres:
- même si je m'autorise les ravitaillements des organisateurs j'ai ce qu'il faut pour les gérer de manière autonome notamment en ce qui concerne le salé (saucisson et pâté en croûte).
- je m'interdis absolument les endroits chauffés (que ce soit la tente médicale ou une simple tente de repos) car je sais que la sortie de ces endroits se paie chèrement par un redémarrage des plus délicats et que mes 2 malaises se sont produits dans ces lieux (sur)chauffés.
- sauf impossibilité de faire autrement je m'interdis également de m'arrêter (hormis pour changer de chaussures ou des trucs de ce genre), les redémarrages étant dans tous les cas très durs.

Gérard me conseille de faire sauter une paire de chaussettes et malgré quelques réticences je l'écoute finalement et peu avant le départ je ne garde finalement que la paire de socquettes et une paire de Running 800.
15 minutes avant le départ Victor me dit qu'il n'arrive plus à fermer la porte conducteur de la voiture et je bloque malencontreusement la gâche de la serrure en position fermée alors que la portière est ouverte; tant pis la voiture restera entrouverte pour les 24H, on verra demain!!!

A 11h50 on nous demande de nous présenter sur la ligne de départ pour un petit briefing ainsi qu'un "tour de chauffe" du circuit de 1km en marchant avec des myopathes en fauteuil. Pour ma part je couperai ce tour là, non par manque de solidarité mais parce que je n'ai pas envie de le payer plus tard.
Il est un peu plus de 12h05 lorsque le départ réel est donné, c'est parti!!!

Comme à chaque fois lors des 24H il y a 2 rythmes et 2 styles distincts: celui des individuels et celui des équipes de relais. Sauf que là c'est encore plus distinct que d'habitude grâce à la "German Touch"... Je m'explique: une des équipes de relais est composée de membres du club de triathlon de Lindenberg, ville allemande jumelée avec Vallauris et si ces coureurs ont quelque chose en commun avec ce qu'on connaît en demi fond ou en fond ce n'est certainement pas la légèreté. Dans un rythme parfaitement respecté et endiablé ils enchaînent des pas dans une foulée très saccadée mais d'une efficacité redoutable. Totalement inesthétiques dans la foulée et très "bourrins" dans l'allure (y'avait même le bruitage genre locomotive lancée à fond avec Gabin aux commandes) ils n'ont appris pour l'occasion qu'un mot en français: "ACHTTENTION!!!" qu'ils éructent 30 fois par tour voire plus au moment de fondre sur leurs proies mais même si parfois ça a donné quelques frictions bien involontaires ça s'est "globallemand" bien passé. Pendant 24H ils n'ont quasiment pas baissé de rythme et même si on peut légitimement préférer des foulées plus "El Guerroujiennes", si je peux me permettre ce néologisme, force est de constater que le genre "charge de la brigade pas légère du tout" peut se révéler très adapté à l'occasion.

Pour ma part j'ai prévu de partir à peu près à 7,5km/h et le fait qu'après quelques tours je sois plutôt sur une base de 7 est pour moi une bonne nouvelle puisque je sais que le danger sur 24H est de partir trop vite. Je décide d'appliquer la méthode "Cyrano": je cours jusqu'au ravitaillement que me donne Victor puis repart en courant après la ligne d'arrivée jusqu'au ravitaillement un tour plus tard; en gros je cours 850m pour 150m de marche. Ca me permet à la fois d'alterner les mouvements (ce qui permet aux muscles et aux tendons de ne pas toujours travailler de la même façon) tout en me garantissant un ravitaillement tranquille.

Pour m'occuper l'esprit j'essaie de détecter les concurrents qui ne tiendront pas la distance parce que partis trop vite; j'aimerais leur dire de couper leur effort sachant ce qu'ils vont endurer par la suite mais j'ai peur qu'ils le vivent mal (à juste titre après tout je n'ai aucune légitimité pour le faire) et donc je me tais. Alexandre Forestieri le 112 qui prend rapidement la tête est évidemment dans ce cas là: il passera les 100km en 9h20 alors que son record personnel (et de France Espoir) de St Nazaire les Eymes sur cette distance est de 8h52 (18° juste devant Brigitte Bec championne de France de 24H). C'est en discutant plus tard avec lui en marchant quand il n'aura plus d'autre choix que j'apprendrai qu'il "vaut" également 9h20 au Tour des Glaciers de la Vanoise (13° à 1h25 de Dawa Sherpa). En clair ce jeune homme de 23 ans qui s'entraîne quasi uniquement en course (45 par an principalement des 10km et des semis) et qui est un peu trop impatient a un très bel avenir devant lui s'il sait prendre son temps et que les petits cochons ne le mangent pas.

Pour l'heure je m'alimente régulièrement tant en solide qu'en liquide grâce à Vito qui joue avec les enfants d'Isabelle et Laurent entre mes passages mais rapplique en courant dès qu'il m'aperçoit pour jouer à merveille son rôle d'assistance. J'essaie d'alterner les goûts même quand je n'en ressens pas le besoin et pour l'instant tout va bien.
J'apprends rapidement les prénoms de plusieurs autres concurrents afin de les encourager à chaque fois qu'on se croise ce qui sur ce circuit est quasi permanent puisque plus de 800m de ce parcours d'un km est à double sens avec simplement des barrières et de la rubalise pour délimiter les voies. Au départ surpris (notamment Dominique Reynaud que je m'évertuais à appeler Michel ;-) des liens se tissent peu à peu et c'est ça que j'aime dans un 24H. On va de toutes façons tou(te)s en ch... quelque soit notre niveau et dans la douleur et la difficulté les distances entre les êtres humains s'estompent.

Parmi ces concurrents il y a Bernard Tiret (qui a hérité du fameux dossard 100): la cinquantaine, "l'aspect sportif du bon vivant" si vous voyez ce que je veux dire; il va faire son 1er 24H en marchant et il me rappelle fichtrement quelqu'un d'autre il y a un an ;-) Je discute naturellement avec lui autant que je peux à chaque fois que je le passe (une fois par heure environ) et ne manque jamais de l'encourager à chaque fois que je le croise. Il finira par aller se faire soigner une ampoule si grosse que le podologue lui conseillera d'arrêter la course mais reprendra quand même la dernière heure pour finir à 61,7 km.

Les 1ères heures de course s'égrènent tranquillement, je ne ressens pour l'heure aucune gène, je sais qu'à ce rythme de 13 km toutes les 2 heures environ je peux enfiler des bornes. A certains moments tout va si bien que j'ai la sensation que je pourrais éternellement courir ainsi sans souffrance. C'est beau de rêver…
Une 1ère alerte se produit après seulement 3h de course sous la forme d'un échauffement sous le pied gauche; au ravitaillement suivant j'enlève mes chaussures vire les socquettes et remet en place 2 paires de Running 800. L'alerte est passée, ouf...

Je croise 2 jeunes femmes sans dossard et lance "tiens le corps médical (et quels corps…) fait quelques tours?" Ce sont les médecins avec qui j'avais fait le malaise vagal l'année dernière.
Elles me demandent si tout va bien je leur réponds que cette année on devrait beaucoup moins se voir mais que, au cas où, je prendrais bien rendez-vous pour le malaise nocturne habituel...
Elles me doublent rapidement vu que leur but n'est que de faire quelques tours alors qu'il me reste plus de 21h de course...
Gérard Dehu est un autre concurrent que je connais pour l'avoir vu à St Fons et à Roche la Molière; à plus de 70 ans il a dépassé la centaine de 24H et je ne manque jamais de l'encourager, cette fois ci encore il fera plus de 120km…

"Je suis désolée pour le dossard je leur avais pourtant dit que tu voulais le 100!!!" Le temps que je me retourne pour voir qui me dit ça et Florence me dépasse en trombe. C'est la kiné qui m'avait trituré (plus ça fait mal plus c'est bon qu'elle disait) les jambes à plusieurs reprises l'année dernière et qui cette année participe dans une équipe de relais. Comme c'est elle qui reçoit les mails d'inscription elle a reçu celui où je demandais le numéro correspondant à mon objectif kilométrique. Au tour suivant elle me dit: "en fait c'est pas grave t'as plus qu'à faire 121km maintenant..." Ben voyons...

Les tours défilent et plus le temps avance plus je me dis que c'est trop beau pour que ça dure...
Après un peu plus de 5h de course j'imite certains de mes camarades en demandant à Victor d'aller me chercher au ravitaillement une barquette de pâtes que je mange en marchant sur un demi tour puis je bois le café mais laisse à Vito le jus d'orange qui va avec.
Puis je reprends mon rythme de 850m de course pour 150m de marche.

La nuit tombe peu à peu, les lumières du port s'allument...
La nuit c'est la partie magique d'un 24H, c'est là que tout ce joue et quand on est début décembre cette partie magique est longue… très longue… On passe une quinzaine d'heures dans le noir...
Peu à peu tout le monde se couvre; pour ma part ce sera un gilet polaire dans un 1er temps puis une polaire avec les manches ensuite pour finir par virer le cuissard et mettre le bas de survêtement.
Seul un coureur reste en T Shirt et short jusqu'à une heure avancée de la nuit et il ne répond pas quand je lui suggère de se couvrir un peu. Je comprendrai plus tard que c'est le fameux Norvégien dont je parle plus haut ce qui explique tout: qu'il n'ait pas froid (il doit même trouver la température très estivale) et qu'il ne me réponde pas.

Je n'ai pas vu la crochet de la barrière et ma main vient le heurter de plein fouet: elle enfle rapidement et me fais mal mais ça ira.

"Tu nous fais pas le coup de l'année dernière hein?" Je me retourne et voit arriver Sylvie Lesobre la concurrente 99 et qui était déjà là l'année dernière. "C'est marrant tout le monde se souvient de moi" lui dis-je avant d'ajouter: "faut dire que j'ai tout fait pour me faire remarquer" Elle acquiesce et me dépasse...
A 18h alors que je passe vers le ravitaillement j'entends qu'au classement féminin Isa la femme de Laurent est 3° ex-aequo; je lui fais passer l'info espérant que ça va l'aider à tenir et à serrer les dents. Faut dire que chez les filles c'est parti très vite devant: Muriel et Jackie paraissent inatteignable même si pour ma part je pense qu'elles sont parties trop vite. Se tirer la bourre entre elles ne les empêche pourtant pas de s'encourager mutuellement à chaque fois qu'elles se croisent dans un bel esprit sportif.

Après 9h de course j'ai parcouru 53km ce qui pour moi est une vraie performance et me fait une belle avance par rapport à Roche la Molière où j'ai dû abandonner après 14h de course et 70km. Je calcule qu'au rythme de 5,5 km/h que je tiens sans soucis pour l'heure je peux largement atteindre les 121km du dossard… Je n'ai mal nulle part et si maintenant je marche environ 350m par tour je me sens dans une forme olympique et invulnérable; je sais que je suis dans un "grand jour" (pour moi, hein? ;-) et que je peux atteindre mon Everest...

Après la main tout à l'heure c'est mon pied gauche qui vient frapper dans le pied d'une barrière et sous la douleur je me vois déjà abandonner mais finalement 5 minutes plus tard je ne sens plus grand-chose, ouf. P..... de barrières.

Ayant bien digéré le 1er je recommande un plat de pâtes à Vito mais cette fois-ci je lui laisse le café en plus du jus d'orange. A la mi-course je suis à 70km, j'ai 2 heures d'avance par rapport à Roche la Molière donc tout va bien. Sauf que là on entre dans le 3° quart de la course (le pire) et que je commence à avoir la plante des pieds très échauffée et que même si je n'ai pas d'ampoules c'est de moins en moins facile à supporter; désormais je marche la moitié du tour au gré de mes possibilités ou du besoin de rattraper quelqu'un pour parler. Courir ne m'apporte plus de gain en vitesse mais permet de repousser l'arrivée des tendinites qui sont mes ennemies jurées mais de toutes façons si elles doivent survenir je les attend de pied (de moins en moins ;-) ferme: devant mon fils hors de question pour moi d'abandonner sauf problème grave.

Au cœur de la nuit on est de moins en moins sur le circuit et c'est vrai que vers 1h du matin je me fais la réflexion que jusqu'à 12h de course ça va mais après c'est carrément inhumain tant ma voûte plantaire me brûle; ne pas craquer, surtout ne pas craquer. J'évite même d'utiliser les toilettes du port "surchauffées" par rapport à l'extérieur à cause des douches que les relayeurs prennent régulièrement.

Chez les femmes ça fait longtemps que Jackie a arrêté à cause d'un genou qui a voulu testé la résistance d'une barrière métallique; dommage elle aurait pu gagner. Muriel est alors passé en tête mais a depuis été se reposer comme Isa d'ailleurs ce qui fait que c'est Sylvie qui ne devrait pas tarder à passer devant. Chez les hommes Alexandre paie son départ canon et c'est Edouard Gay qui a pris la tête. Je trouvais au départ qu'il cavalait trop vite mais visiblement il a l'air de savoir ce qu'il fait. Par moment il marche mais courre encore comme un lapin la plupart du temps. C'est avec surprise que je le vois avec un maillot UFO sur le dos et lui demande comment se fait il qu'on ne le "voit" jamais sur le forum: la réponse tombe comme un couperet mais sans aucune agressivité: "y'a ceux qui tapent sur un clavier et y'a ceux qui courent!" En discutant avec lui il m'explique qu'il fait de la course à pied depuis plus de 30 ans, que la "championnite" il a donné mais aujourd'hui il veut se faire plaisir et que s'il va essayer de rester à la 1ère place il ne compte pas se faire mal pour ça. J'espère qu'il va l'emporter il est trop sympa et ne se prend pas au sérieux.

Peu après 3h du matin je me déchausse le temps de mettre de la crème anti frottement sur la semelle espérant ainsi calmer le feu plantaire qui me fait tant souffrir mais ça marche moins d'un km et le feu revient. Je m'arrête à nouveau et cette fois ci c'est avec de la vaseline (j'en ai amené un kilo) que je "noie" ma semelle mais là encore ça ne sera efficace que très momentanément.
Je décide alors de changer de stratégie et de faire d'une pierre 2 coups: me reposer et reposer mes pieds. Je suis à 85km, il est près de 4h du matin et ça fait 16h que la course a commencé.
Après avoir donné le Drapeau UFO à JP pour qu'il continue à prendre des km je m'assois sur une chaise, pose mes pieds sur une autre et me couvre d'un duvet tout en disant à Victor: "tu me réveilles dans un 15 minutes".

Après ce quart d'heure de repos qui a aussi permis à Vito de somnoler (il a mis l'alarme de sa montre) je repars pour 3 tours. J'ai décidé de découper chaque heure qui vient afin de faire 3 tours et me reposer le reste du temps ce qui, si tout va bien, devrait me permettre de franchir la barre tant désirée vers 9h du matin…
A 4h40 je reviens donc mais cette fois je m'allonge carrément dans le duvet au bord de la piste (en prenant soin d'ôter la polaire pour ne pas avoir froid au redémarrage) et m'endors pour 20 minutes au bout desquelles Victor me réveille. Allez 3 de plus pour arriver à 91...
Et rebelote à 5h40 direction le duvet et dodo 20 minutes.
Quand je repars le 1er tour est délicat car je me suis un peu refroidi mais le 2° est nickel et le 3° est moyen.

Au loin sur la mer le ciel s'éclaircit... mais les étoiles qui nous ont fait passé une si belle nuit sont masquées par des nuages: pourvu qu'il ne pleuve pas…
A 7h je décide de réduire les tours consécutifs à 2 et le repos à 15 minutes.
Je mets maintenant 15 minutes pour faire un tour mais le jour va se lever et je sais qu'en étant à 94km je ne peux plus rater mon objectif: en rampant s'il le faut je passerai cette p..... de barre des 100km.

A chacun de mes passages sur la ligne je me fais encourager par les pointeurs qui savent ce que représente pour moi cet objectif. Désormais il fait jour et je ne veux plus dormir; juste mettre un pied devant l'autre et recommencer encore et encore...
A 8h30 j'apprends que Dominique Reynaud est 4° à 3 tours du Norvégien. Je lui donne l'info et lui dis de ne pas chercher à accélérer mais qu'il doit juste continuer à trottiner parce qu'il lui reste 3h30 pour monter sur le podium ce qui est plus qu'assez vu que le concurrent scandinave... marche et qu'il va le "bouffer" irrémédiablement.

A 8h45 alors que je boucle mon 98° tour et que je viens de récupérer le Drapeau UFO, Victor me dit qu'il a fait tombé mon téléphone et perdu le couvercle de la batterie. Je lui demande de le chercher mais vu son état de fraîcheur relatif je doute qu'il le retrouve et puis après tout ce qu'il a fait pour moi je me vois mal l'engueuler.

Peu avant 9h00 du matin je me présente sur la ligne de départ en ayant bouclé mon 99° tour...
Je dis à Victor: "ça y est on y arrive au 100° tour et je veux que tu le fasses avec moi." C'est donc en tenant mon fils par l'épaule et en pleurant de joie toutes les larmes de mon corps que je vais déguster ce 100° km qui m'a si longtemps échappé.
Les spectateurs sont visiblement médusés par ce qu'ils voient pensant sans doute que c'est de douleur que je pleure mais toutes les douleurs ont alors disparues et ce sont juste les nerfs qui lâchent; les autres concurrents m'encouragent de plus belle, Muriel qui est repartie et est en tête du classement féminin me hurle "ALLEZ YVES!!!" lorsque je la croise et je prends tout mon temps pour déguster ce tour magique que j'ai tant attendu.
J'embrasse régulièrement mon fils en le remerciant de tout ce qu'il a fait pour moi et en lui disant que cette victoire est aussi la sienne parce que sans lui je ne sais pas ce qu'il serait advenu...

A la fin de ce tour lorsque je me présente à la table de pointage je suis applaudi par tous les pointeurs; le mien me regarde et me dit en plaisantant qu'il a une crampe à la main et ne peut pas cocher la 100° case... Entre 2 larmes je trouve encore la force de rigoler.

Seulement voilà, il reste 3h de course ou presque et quitte à faire un beau truc autant le faire jusqu'au bout et donc maintenant que l'objectif est atteint il me reste mètre après mètre à rajouter des bornes.
Lorsque Cyril me dit que les 110 sont jouables je lui dis qu'il a mathématiquement raison (il "suffit" de tourner à un peu plus de 3km/h) mais que ça dépend de mes jambes et de mes pieds.

Les douleurs reviennent peu à peu mais c'est pas grave je commence à enchaîner des tours tout en renseignant Dominique sur sa position par rapport au Norvégien. Comme je l'avais prévu il va le reprendre et passer devant lui peu après 10h30 mais le nordique va retrouver une seconde jeunesse pour finalement battre Dominique de plus de 3 tours. Dommage mais en finissant à 177km ce dernier gagne 12km par rapport à l'année dernière; à suivre...

Pour ma part jusqu'au 105° km ça va mais arrivé là j'ai vraiment du mal et je demande à Victor de revenir avec moi sur le circuit pour m'aider à atteindre ces 110km qui me tendent les bras. Et nous allons les faire ces 5 km manquants; sans problème même puisqu'il est 11h40 lorsque je franchis pour la 110° fois la ligne.
Je pourrais encore en faire 1 ou 2 sans doute mais l'envie n'est plus là, je ne veux pas demander à mon fils cet effort supplémentaire et prends des affaires de rechange pour aller à la douche en attendant la fin.

Lorsque la sirène du port retentit pour annoncer la fin de ce 24H à un peu plus de 12h05 je suis fraîchement (dans tous les sens du terme) douché et suis comptabilisé devant les douches à 110 km et 150 m.

Edouard Gay a conservé sa 1ère place et termine avec 198km et dans un effort énorme Isa a conservé sa 3° place féminine en finissant à 111,7km. Bravo Isa.

La remise des prix qui suit est plus courte que celle de l'année dernière ce qui nous permet de repartir peu avant 14h en direction de la maison. Entre temps Laurent a réparé ma portière en moins de 10 secondes et je peux donc rouler avec une porte fermant normalement.

A peine sorti de Vallauris Victor s'endort et comme je menace de faire de même je décide de m'arrêter sur l'autoroute dormir une petite heure. Finalement il est près de 16h30 quand je rentre à la maison épuisé mais heureux.
Je dormirai 15h d'affilée jusqu'au lendemain matin mais seulement 2h la nuit suivante (décalage horaire?) et Victor qui a oublié de manger et a foncé se coucher une fois à la maison nous fera une magnifique hypoglycémie le lundi matin et gagnera une demi journée de repos supplémentaire.

Sinon tout va bien et je suis même surpris 3 jours après d'être en bien meilleur état que l'année dernière.

Pour conclure je voudrais remercier les organisateurs de cette superbe épreuve ainsi que tous les autres coureurs (et coureuses) UFOS ou non et bien sûr mon fils Victor qui a tenu jusqu'au bout sans faillir.

Après cette lecture sans doute trop longue vous pouvez reprendre une vie normale.


Mon CR de Vallauris 2003 est là: http://www.kikourou.net/calendrier/CR.php?idCR=428

Mon CR de St Fons 2004 est là: http://www.kikourou.net/calendrier/CR.php?idCR=293

Les résultats complets sont là: http://www.ultrafondus.com/13_RESULT/2004-24h-Vallauris.php


--
yvesg83

"Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait."

Mark Twain

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