Récit de la course : Le Grand Raid du Mercantour 2009, par chjou2

L'auteur : chjou2

La course : Le Grand Raid du Mercantour

Date : 20/6/2009

Lieu : St Martin Vesubie (Alpes-Maritimes)

Affichage : 1371 vues

Distance : 104km

Objectif : Terminer

5 commentaires

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Grand Raid du Mercantour : un immense bonheur...avant le malheur.

  

J’ai longtemps hésité avant de faire ce récit. L’horrible drame ayant frappé le Mercantour (3 morts) m’a beaucoup touché (dur, dur de réaliser…) et les mots ont mis un bon moment avant de sortir. Finalement, en hommage à ces trois disparus qui sont partis en réalisant leur passion, j’ai pris ma plume pour vous faire vivre ce GRAND RAID DU MERCANTOUR. 

8 mois que j’attendais cela !!!!

 

Depuis mon abandon à La Diagonale des Fous et une fin d’année totalement vierge de course à pied (j’avais vraiment besoin de souffler et de faire le point sur les raisons de cet échec), je décide début janvier de repartir de plus belle et pour cela, je m’inscris au Grand Raid du Mercantour. Ce trail, qui n’a lieu que tous les deux ans, est un des plus techniques de France. A cause de l’enneigement encore important cette année au mois de juin, il fera finalement 85 kms (au lieu des 102 initialement prévus) pour 6000 m de D+. Il me servira de préparation pour le Grand Raid des Pyrénées (153 kms pour 9000 m de D+) qui aura lieu le 28 Août prochain.

 

Cette décision prise, je décide aussi de changer complètement mon entraînement (depuis mes débuts en 2005, je n’ai cessé d’augmenter mon kilométrage annuel et je me demande si ma tendinite à la Diagonale n’est pas dû à un surentraînement) Dorénavant, je n’irai m’entraîner que……..qu’en j’ai envie !!!!!! Eh oui, fini le temps ou l’on se force à aller faire une séance juste pour dire qu’on a suivi son plan, non maintenant je n’irai courir qu’au feeling et uniquement pour le plaisir. En plus, je me suis aperçu, qu’ayant un boulot difficile (je marche énormément la journée sur les quais de transport…..ce qui me fait une sorte de séance !!!), un trop plein d’entraînement me fatiguait plus qu’autre chose.

Dernière modification, ma façon de courir : étant un très bon descendeur, j’avais tendance à envoyer dur dans les descentes et je pense que la répétition des chocs est aussi une des raisons de ma tendinite. Il faut donc que j’apprenne à me contenir en descente et que je devienne plus régulier (un métronome quoi…) dans les montées.

 

Malgré tout cela, mon début d’année est plus que chaotique. Très peu d’entraînement, je n’ai pas envie….. Pffffff……..ce n’est pas la forme. En plus, de nouveaux challenges au travail me prennent beaucoup de temps alors la course à pied passe vraiment au second plan.

Arrive les premières courses, Trail de la Nartuby, les semis Nice-Monaco et de Cannes et petit à petit, je sens bien que le plaisir refait surface. Le déclic surviendra le 15 mars lors du Trail de la Ste-Baume, au fur et à mesure que cette course avancera, je retrouverai toutes mes sensations. Yessssssssssssssssssssss……c’est reparti, j’enchaînerai alors Les Balcons d’Azur (une course rondement menée !!!), un Trail off de la Ste-Victoire uniquement pour le plaisir d’être avec les copains et Les Gendarmes et les Voleurs de Temps pour dérouler tranquillement les jambes trois semaines avant le Mercantour.

 

Jeudi 18 à 15h45, je récupère Fab à l’aéroport. S’ensuit une après-midi puis une matinée avec un programme très chargé : piscine-transat-bière-pingpong-piscine-transat……..dur, dur la prépa d’un grand raid !!!!!!! En tout cas, il se présente bien ce Mercantour, je ne suis absolument pas tendu et motivé comme jamais.

 

Vendredi 19 début d’après midi, nous prenons la direction de St-Martin de Vésubie. Nous avons réussi à trouver une chambre au dernier moment et là…….jackpot, un petit appart charmant à………20 mètres du départ  (seul petit inconvénient Fab, avec sa taille, aura du mal avec les toits mansardés, cela nous vaudra quelques beaux éclats de rires mais je ne peux pas vous en dire plus…….hi,hi,hi)

Puis nous retrouvons les amis de Fab qui sont venus du Luxembourg notamment Simone Kayser qui a déjà presque tout remporté (Diagonale des Fous, Marathon des Sables,etc……)…….impressionné le Chjou2, par son palmarès bien entendu mais surtout par sa gentillesse et sa simplicité.



 

Nous dinons tous ensemble puis direction la chambre ou après avoir préparé toutes nos affaires pour le lendemain, nous nous couchons de bonne heure.

 

Samedi 20, 3h du mat : réveil après une nuit ou je n’ai pas trop dormi (comme d’hab avant une telle course). Ce n’ai pas grave, je suis hyper zen et ça……..c’est un très bon signe.

 

4h du mat : cette fois-ci, on y est et après s’être encouragé une dernière fois Fab et son ami François, le départ est donné pour les 520 concurrents.

 


 

ST-MARTIN DE VESUBIE-MILLEFONDS 16eme kms.


Les 5 premiers kilomètres s’effectue sur bitume sur une route en faux plat montant jusqu’au village de Venanson ce qui permet d’étirer petit à petit le peloton des coureurs. Je pars prudemment (je fais attention de ne pas commettre la même erreur qu’à La Réunion ou à mon avis, j’étais parti un peu vite jusqu’à la montée du volcan), monte à mon rythme, tranquille et fais très attention à ne griller aucune force dans cette portion. Lors de chaque virage, en tournant un peu la tète, je peux voir un serpentin lumineux de frontales qui s’étends de plus en plus, j’adore ce spectacle de la nuit.

Arrivée à Venanson, le début des hostilités commence, nous quittons immédiatement la route pour la première ascension de la journée, le col de Colmiane (1790m). 3,3 kms de montée pas trop raide, ce col est une mise en jambes et l’ascension se passe très bien. Je fais très attention à bien m’alimenter régulièrement et continue toujours à garder un rythme en dedans.

Le sommet atteint, nous basculons pour une descente rapide en direction de St-Dalmas. Je fais attention ou je mets les pieds car le jour commence à se lever mais la luminosité est encore faible. Nous prenons maintenant le GR52 pour un des gros morceaux de la journée : le col de Veillos puis dans la foulée le col de Barn (2452m) soit 1200 m de D+ en 8 kms.

J’arrive finalement, après une montée régulière et très agréable, en 3h15 au premier ravitaillement de la journée. Petite pause de cinq minutes, je refais méthodiquement tous les pleins et je m’élance pour la fin de la montée sur le col de Barn.

 

MILLEFONDS-BOREON 31eme kms.


Les premiers névés font leur apparition, nous franchissons un couloir d’avalanche……que c’est beau, la nature est vraiment magnifique !!!


 



La pente s’accentue un peu mais cette montée, étant en début de course, passe comme une lettre à la poste. Une belle traversée nous amène au sommet et hop……je bascule pour ce que je préfère……les descentes. Celle-ci s’effectue dans une vallée particulièrement enneigée, c’est tout simplement splendide !!!!



 

Je me régale mais me freine régulièrement ayant tendance à aller……trop vite,pfffff……Christophe n’oublie pas tes bonnes résolutions dans les descentes !!! De belles glissades dans la neige me détendent avant une nouvelle petite remontée : le col de Salèse (2032 m).

Celle-ci est engloutie ni une ni deux et je plonge alors sur le prochain ravitaillement du Boréon. Cette descente est des plus agréable, la nature est de plus en plus verte, nous croisons des vaches allongées en plein milieu de notre chemin (elles sont gonflées quand même !!!!)



 

et surtout nous découvrons de splendides cascades. J’ai effectuais toute cette descente en groupe, restant bien calé derrière les autres afin de ne pas aller trop vite…….. pour l’instant tous les voyants sont au vert……...trop vite dit, des bois mouillés par terre……..les pieds qui dérapent…….. et vlan grosse gamelle……je pars en arrière, tape la tête sur une pierre, râpe le coude, le genou, le mollet……pfffffff je me relève de suite, repars mais n’ose regarder ce que j’ai. J’ai mal et je décide quand même de m’arrêter pour faire un état des lieux, hum…..pas terrible, pas mal d’égratignures mais bon dans l’ensemble ça va ce n’est pas trop grave. Nous retrouvons le bitume pour la dernière partie avant le ravitaillement. Mes qualités de « routiers » me permettent de rattraper rapidement et de lâcher mes coéquipiers du moment et j’arrive en 4h59 au Boréon. Pour avoir bien étudié le parcours, je sais que nous repartons de suite pour la grosse ascension du terrible Pas des Ladres (2448 m). Je prends donc le temps de bien récupérer, d’avaler coca, saucisson, pâté, de refaire le plein du camel et des gourdettes, de ranger comme il faut mon sac, tout cela paraît machinal mais il est très important de ne rien oublié… Je me pose cinq minutes sur une pierre, sors mon ipod que j’avais gardé en réserves et hop……… maintenant il faut repartir.

 

BOREON-MADONNE DE FENESTRE 42eme kms.


Je repars en emboitant le pas de trois concurrents (l’expérience m’a toujours montré qu’il valait mieux ne pas repartir seul). Je me cale derrière eux et nous attaquons la montée, qui pour l’instant est plutôt cool, par une traversée dans une forêt. La nature est sublime, encore des cascades toutes plus belles les unes que les autres.



J’en profite pour brancher mon ipod et là……..une émotion intense m’envahit, je ne peux m’empêcher de pleurer à chaudes larmes……que je vous dise tout, mes enfants mon offert cet ipod juste avant mon départ pour la fête des pères (mon mp3 m’avait lâché dernièrement), et le simple fait de le mettre m’a fait avoir une énorme pensée pour ma famille…….grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr………..cet épisode m’a mis les crocs, la musique techno aidant, j’aborde les grosses pentes du Pas des Ladres avec la haine et s’en m’en rendre compte nous arrivons au lac de Trecolpas. Alors là……le spectacle est tout simplement grandiose, ce lac au beau milieu de la neige



 

et ce cirque tout autour……au putain c’est tellement beau que je n’avais pas vu…….on doit monter tout là haut…….un véritable mur ou on monte tout droit dans la neige au sommet du Pas des Ladres.



 

La fin de cette ascension s’effectue même avec une corde tellement c’est raide, là je dois reconnaître que j’ai les cuisses qui brûlent……allez un dernier effort, je tire aussi sur les bras et ouppsssssssssss……………le Pas des Ladres est franchi. Je pousse un gros soupir car c’est vraiment un des plus gros morceaux de cette course !!!! La descente, très piégeuse, se fait au début entièrement dans la neige, trop cool, bien que ce ne soit pas facile car les appuis sont difficiles, je prends beaucoup de plaisir. Une corde est mise pour nous aider mais je préfère……..descendre sur le cul et hop 200 m de glissade…trop rigolo…..au bout d’un moment la neige disparaît et j’enfile en souplesse les lacets qui nous amènent lentement mais surement à la mi-course. J’atteins le ravito de La Madonne en 7h15m. Là, c’est le top, une vrai base de vie, de la soupe, des pâtes…….un vrai régal, je récupère le sac que j’avais laissé au départ et m’assied dehors sur une chaise afin de bien récupérer.



 

15 minutes de repos, j’échange quelques impressions avec d’autres trailers, il fait un temps splendide, j’arrive à joindre ma femme et Did06 afin de leur donner des nouvelles. Bon ce n’est pas tout çà, mais il faudrait penser à repartir.

 

MADONNE DE FENESTRE-RELAIS DES MERVEILLES 52eme kms.


J’avais noté sur le profil de la course que dès le départ de La Madonne, on enchainait deux petites montées à la file. La première en direction de La Baisse des 5 lacs s’avérera terrible pour moi. Petite avais-je vu mais abrupte et c’est vraiment le seul moment de la course ou j’ai réellement souffert. Oui mais voilà, maintenant je commence à avoir un peu d’expérience sur ce type de raid et je sais qu’après un moment de moins bien, il y a toujours un coup de mieux. Alors je m’accroche, monte lentement mais surement, m’arrête plusieurs fois quand il le faut afin de faire respirer mes cuisses qui ont le feu et finalement après une montée pénible pour moi j’atteins le sommet.



 

Une petite descente rapide et j’attaque immédiatement la deuxième montée jusqu’à la Baisse de Prals (2339 m). J’ai un peu peur d’être de nouveau en vrac mais non ça va mieux, la pente est un peu moins raide ce qui me permet de retrouver mon rythme de croisière. Petit à petit, au fur et à mesure que j’avance, le temps se couvre et de gros nuages noirs prennent la place du soleil. Il ne pleut pas encore mais je me dis en moi-même qu’on devrait se prendre une belle rince. Il commence à faire plus frais mais pour l’instant je reste encore en manches courtes. Content d’atteindre le sommet somme toute facilement, je me lance dans la descente en direction du Relais des Merveilles. Cette descente ne sera relativement simple et j’atteins le relais en 9h39m. Charmant accueil de l’équipe des bénévoles,



 

encore une petite soupe, saucisson, coca, le rituel habituel quoi…….je décide aussi de me refaire une toilette des pieds, un peu de crème nok, nouvelle paire de chaussette……hummmm quelques gouttes de pluie commencent à tomber……il est temps que je m’échappe !!!!!!!

 

RELAIS DES MERVEILLES-MADONNE DES FENESTRES 70eme kms.


 


Cette partie va vraiment être un moment d’anthologie dont je me souviendrai longtemps. Je m’élance pour une partie déjà difficile en elle-même avec 18 kms sans ravito et en plus la remontée vers la cime de La Valette de Prals (2429 m) via la cime du Mont Joia (2366 m) soit 1300 m de D+. Oui mais voilà, nous sommes en montagne et le temps va s’en mêler et transformer cette partie en véritable enfer. Les cinq premiers kilomètres sont relativement roulants, la pluie commencent à tomber de plus en plus fort mais bon ça va encore…….tout se passe à peu près bien. J’attaque alors la montée interminable, d’innombrables lacets, la pluie redouble et plus on monte, plus le brouillard apparaît,



j’arrive encore à apercevoir les concurrents devant moi mais c’est limite. Je force un max afin de ne pas les perdre de vue. J’ai mal aux cuisses mais je ne ralentis surtout pas afin de ne pas me retrouver seul. C’est stressant mais je ne panique pas. Je gère la montée, je commence à avoir froid, le vent s’en mêle, des bourrasques entrent dans la danse. Au début, çà allait car le chemin était facile à suivre mais maintenant plus on monte et plus on traverse les alpages. Je n’aperçois plus que de lointaines ombres devant moi mais bon ça va je viens de passer devant une balise donc je suis sur la bonne route. Un concurrent me rattrape et me double…..hop je saute dans sa roue et ne le lâche plus……maintenant j’ai vraiment froid mais comme je ne veux pas le perdre je décide de poursuivre comme cela. Nous n’arrivons pas loin du sommet, la pente est beaucoup moins raide mais le vent a redoublé et surtout nous ne voyons plus à cinq mètres. Terrible et angoissant…humm…reste calme Christophe…nous sommes seuls au monde, passons devant une balise vraiment par hasard….on est sur la bonne route…..bordel 200 mètres plus loin je suis toujours le même concurrent mais je ne vois plus de balise. Lui continue toujours comme si de rien n’était…pffffff…….toujours pas de balise……on voit plus à deux mètres…je l’interpelle….on peux pas continuer comme cela à l’aveugle, on va se perdre…..il s’arrête…..c’est un italien, il comprends rien à ce que je lui dit mais j’essaye quand même de lui expliquer que ça fait un moment que l’on a pas vu de balise et qu’il faut faire demi-tour. « Suis-moi » lui dis-je…..il m’écoute et me suis à son tour dans l’autre sens. Je sors mon sifflet (première fois que je m’en sers mais l’on comprend mieux dans ces moments là pourquoi il fait parti du matériel obligatoire)……..youpi dès mon premier coup de sifflet j’entends des voix qui me répondent…..yes……une dizaine de trailers se sont aussi perdus, on n’a pas encore retrouvé la bonne route  mais bon on se sent déjà moins seuls. On se regroupe un instant et après une petite discussion entre nous ou chacun exprime son avis, nous décidons de nous mettre en ligne et d’avancer comme cela jusqu’à ce que l’un d’entre nous trouve quelque chose et prévienne les autres. Là j’ai trop froid, en manches courtes je ne tiens plus, j’appelle mon voisin que j’aperçois difficilement lui demande de m’attendre et sors illico de mon sac à dos ma veste chaude. Je grelotte mais bon ça va mieux….je suis paré pour les recherches….toujours pas de balises….je ne sais pas si c’est le fait d’être une dizaine mais je suis relativement serein, pas d’angoisse……une voix s’élève « par là,y’a un chemin GR »…nous nous regroupons tous et effectivement nous avons retrouvé un sentier GR balisé de jaune. Nous commençons à courir (tiens cela faisait un moment que cela ne nous était pas arrivé) mais toujours pas de balise de l’organisation…..nous sommes à la queue-leu-leu pour ne pas se perdre…..le brouillard est toujours aussi intense……toujours pas de balise, il faut se rendre à l’évidence, on n’est pas sur le bon chemin mais bon c’est un GR donc ça mène bien quelque part…..on décide de continuer. Et là, euréka !!!!!........le bonheur, en arrivant à un croisement, une voix lance « c’est bon, je vois une balise » et là, en même temps, nous ne pouvons cacher notre joie et différents hurlements montent dans la montagne, ce ne sont pas des cris de bêtes mais simplement des trailers hyper heureux d’avoir retrouvés leur route. Malheureusement, notre joie va être de très courte durée. En effet, nous croisons des concurrents qui descendent de la bonne route et qui nous signalent qu’il y avait un poste de contrôle au sommet. Bordel…fais ch…il nous faut remonter là-haut c'est-à-dire se taper 800 mètres et environ 200 m de D+. Sur le moment, je dois le dire, j’ai un petit coup de raz le bol, surement du à toutes ces émotions, j’ai presque envie de continuer sans remonter mais bon si je fais cela je serai disqualifié…..allez bonhomme bouge toi, ne lâche surtout pas les autres qui ont déjà attaqué la montée……finalement tu devrais déjà être hyper content d’avoir retrouvé ta route. Cette montée se fait toujours dans un brouillard à couper au couteau et en plus nous retrouvons de la neige mais maintenant avec ma veste, je suis bien, je n’ai plus froid. Après dix bonnes minutes de grimpette, nous rejoignons enfin le poste de contrôle, donnons nos numéro et repartons illico d’où nous venions. Le bénévole nous encourage « bravo les gars, allez la Madonne est dans…….environ 1h30 » quoi 1h30….pfffff………….cette partie est vraiment interminable. Le long d’un névé trop dangereux avec le brouillard, nous croisons un autre bénévole qui est en train de tout rebalisé tous les dix mètres (un immense coup de chapeau à tous ces bénévoles qui ont fait tout ce qu’il pouvait pour nous rendre la tâche la moins difficile possible) Nous redescendons toujours dans la neige sur la baisse de Férisson, je reste toujours bien calé derrière le premier de mes compagnons, toujours prudent. Plus nous descendons et plus le brouillard s’estompe. Je suis motivé comme jamais et toutes ces péripéties m’ont forgé un moral d’acier…….le brouillard a maintenant complètement disparu et nous descendons sur un chemin bien tracé, je décide alors de lâcher les chevaux, prévient mes compagnons d’aventure que je vais y aller, leur souhaite bonne chance pour la suite et……………hop…………..c’est parti, je dévale les pentes comme un cabri mais sans jamais me mettre en danger. J’arrive tout seul à La Madonne……………hummmmmmmmmm…………… un dernier petit raidillon pour arriver au ravito (décidément ce parcours est vraiment très exigeant et rien ne nous aura été épargné) Je force comme un malade pour franchir cette butte et après 14h05 d’efforts, je me retrouve au dernier ravito de La Madonne. Après toutes ces émotions et après m’être ravitaillé, je me pose 10 minutes, enlève ma veste et remet un tee-shirt manche longue. Je discute un peu avec un de mes compagnons d’aventure qui vient d’arriver, on chambre une traileuse qui arrive frigorifiée pour lui remonter le moral, j’adore ces moments conviviaux ou chacun cherche du réconfort auprès de l’autre…..génial. Génial mais bon, il est temps de repartir pour les 15 derniers kilomètres…..à moi St-Martin de Vésubie…..je sais en moi-même que c’est gagné.

 

LA MADONNE DE FENESTRE-ST MARTIN DE VESUBIE 85eme km et arrivée.


D’entrée, nous attaquons une bonne petite grimpette mais motivé comme jamais je ne m’en rends même pas compte. Nous remontons de plus en plus vers les cimes et une fois la première atteinte, la cime du Pisset (2230 m), nous attaquons une succession de petites montées-descentes, de véritables montagnes russes……



j’en rajoute encore une couche, je suis à l’attaque et double un nombre important de participants qui marchent alors que je cours encore très bien. Hop, poste de contrôle de la cime de Piagu (2338 m), je leur demande « c’est la descente maintenant »….ils me répondent « oui bientôt mais juste après une dernière montée »…. « ok c’est bon, j’ai la pêche, encore merci pour tout » et je file 100m, 200m et……ouppsssssssssss…………….une montée m’a-t’il dit !!!!!! Ce n’est pas une montée çà, c’est un véritable mur rempli de pierre, qu’il faut gravir en donnant vraiment tout ce qu’il nous reste de forces, les cailloux glissent sous mes chaussures et je fais un pas en avant et deux pas en arrière…..allez Christophe, là il faut être fort et ne rien lâcher, tout se passe dans la tête, je pousse un maximum sur mes jambes, m’aide même avec mes bras, m’appuyant sur les gros blocs de Pierre et après un gros effort……j’atteins enfin le sommet…..pfffffffffff…..je suis mort….prends quelques secondes pour souffler et repars tranquillement sur le plat. Petit à petit, je retrouve mon souffle et repars en trottinant. Il ne reste maintenant que la descente sur St Martin. Oui mais quelle descente : 1000 m de D+, très technique et hyper dangereuse sur un ancien chemin de mules !!!! Je m’élance seul et ne prend aucun risque. Il faut systématiquement se freiner tellement la pente est raide, éviter les grosses pierres…le moindre instant d’inattention et c’est la chute. Au loin tout en bas, j’aperçois enfin St Martin en tout petit, on n’est pas encore arrivé me dis-je !!!!!!

Ah enfin, quelques centaines de mètres devant moi, je vois enfin un concurrent et je me fixe comme objectif de le rattraper et ……..de finir derrière lui afin de ne prendre le moindre risque, l’important maintenant après tout ce que l’on vient de vivre étant d’arriver entier en bas. Au bout de quelques minutes, je le rejoins….euh non la rejoint car c’est une traileuse (elle finira 2eme V1) et comme prévu, je finis la descente avec elle. Je profite un max de ces derniers instants, une joie immense est en train de m’envahir, je revois des images de la journée et cela me donne un tas de frissons…attention Christophe……reste vigilent jusqu’au bout……je n’en peux plus, je n’ai qu’une hâte c’est de franchir la ligne……ça y est nous entrons dans les premières maisons de St Martin…….nous descendons une multitude d’escaliers…..un trailer nous rattrape………j’aperçois du monde…….j’entends les premiers applaudissement….agrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr………….. là c’est le bonheur………..nous passons dans les ruelles serrées de St Martin, il y a une super ambiance, les gens nous félicitent…….quelques gouttes de bonheur perlent sur mon visage mais non je n’ai pas envie de pleurer, je suis trop content, sur une autre planète……50 mètres nous passons entre les restaurants, j’enlève ma casquette et entame un pas de danse, allant de resto en resto en tirant ma révérence à tous ces gens……voila c’est fait après 17h06m d’aventures incroyables, je suis FINISHER (122eme position) du GRAND RAID DU MERCANTOUR.

 


Je félicite les deux personnes qui ont fini avec moi et je vais manger un petit bout. François, le copain de Fab, qui a abandonné m’accompagne avec sa femme. Jai froid, la fatigue prend le dessus et je rentre à la chambre pour une bonne douche chaude. Fab rentrera plus tard dans la nuit et m’apprendra qu’il a été stoppé à La Madonne. Nous passerons une bonne partie de la nuit à nous raconter nos aventures et nous endormirons seulement au petit matin. J’ai adoré partager ces moments avec toi, Fab et j’espère vraiment qu’il y en aura beaucoup d’autres.

C’est le dimanche soir, à la maison, que nous apprendrons la terrible nouvelle : 3 trailers sont mort sur ce Mercantour. Nous sommes sonnés, abasourdis….quel contraste après notre bonheur de la veille, maintenant quel malheur…..

Voilà, je dédie ce récit à ces trois personnes qui ont perdu leurs vies en pratiquant notre passion : l’ultra-trail. Toutes mes pensées vont à leurs familles mais aussi aux organisateurs qui doivent être anéantis par ce terrible accident.

Dorénavant, lorsque je prendrai le départ d’une telle course, j’aurai toujours une pensée pour eux et n’oublierai jamais que la MONTAGNE est toujours la plus forte….


5 commentaires

Commentaire de millénium posté le 27-06-2009 à 08:41:00

que dire ?
Bravo pour ta splendide course , pleine de courage. Merci pour ce récit , qui nous aide à mieux comprendre le drame.
RESPECT

Commentaire de La Tortue posté le 27-06-2009 à 11:14:00

merci et bravo. à la lecture de ton Cr, on comprend un peu mieux l'incompréhensible de ces 3 disparitions.

Commentaire de taz28 posté le 27-06-2009 à 15:46:00

Magnifique récit que tu nous offres là...
Malgré les circonstances malheureuses pour 3 de ces concurrents du Mercantour, à qui tu rends un bel hommage, tu peux être fier de toi d'en avoir terminé, en ayant froid, mal....

Merci pour ces superbes photos (qui m'ont rappelé les randos de mon enfance dans cette vallée des merveilles et de la Gordolasque...)

Encore bravo !!

Taz

Commentaire de JLW posté le 28-06-2009 à 16:47:00

Impressionnant ton passage à la cime de La Valette de Prals. J'y suis passé 2 ou 3 heures après toi, j'avais très froid aux mains (mes gants étaient dans le sac à Madone ...) mais je n'ai pas eu de brouillard, heureusement pour moi.
La dernière descente je l'ai faite en pleine nuit sous l'orage, cela restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Merci pour ton récit très bien détaillé.

Commentaire de Sprolls posté le 28-06-2009 à 23:31:00

Bravo pour ta course et ce CR très bien illustré !

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