Récit de la course : Andorra Ultra Trail Vallnord 2009, par Miche

L'auteur : Miche

La course : Andorra Ultra Trail Vallnord

Date : 4/7/2009

Lieu : Ordino (Andorre)

Affichage : 3256 vues

Distance : 105km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Andorra Ultra Trail : stop ou encore ?

J'ai décidé de m'inscrire à cette course pour trois raisons :

- je ne connais pas l'Andorre et je vais ainsi pouvoir découvrir une bonne partie de ce pays à cette occasion

- je voudrais tenter la Diagonale des Fous en 2010 et ce devrait être une bonne répétition : départ à minuit avec 107 km et 7700 m de D+

- si je termine, cela fera pas mal de points pour le challenge des Trails Pyrénéens

J'ai surtout axé mon entraînement sur le dénivellée plus que sur le kilométrage et malheureusement ma tendinite au tendon d'achille s'est réveillée après m'avoir laissé en paix ces trois dernières années. Je suis aussi plutôt stressé devant l'ampleur de la course. Ce n'est que mon deuxième 100 km après le Mercantour 2007 et j'avais fait les 25 derniers kilomètres avec le dessous des pieds en feu ! J'ai prévu cette fois-ci de faire 24 heures et j'ai inscrit tous mes temps de passage attendus sur un petit bout de papier.

Me voici donc ce 3 juillet au Pas de la Case en train de déjeuner. Il ne fait pas chaud au col au dessus de la station de ski. Je décide du coup de prendre une polaire en plus de ma goretex pour la course. Je m'arrête aux Bordes d'Envalira pour voir le balisage (des petits fanions avec de la rebalise rétroréfléchissante) puis je descends jusqu'à Andorre la Vieille avant de remonter vers Ordino. J'ai le temps de prendre mon dossard juste avant le briefing prévu à 17h. C'est Valérie, l'organisatrice, qui me remet mon dossard. Après tous les mails échangés (problème de carte bleue qui ne passait pas + échanges d'impression sur le dépôt de la marque "Ultra Trail"), cela fait du bien de mettre un visage sur un nom.

Au briefing, elle est avec Gérard et ils nous expliquent que quel que soit notre temps final, nous devrions passer plus de temps de jour que de nuit... Ils nous préviennent aussi que la course pourra être momentanément interrompue à cause des orages et qu'ils ont balisé 170 km afin d'avoir des parcours alternatifs s'il fait mauvais ! Je retourne à la remise des dossards où je rencontre (enfin !) les UFOs Sandrine et Emmanuel. Ensuite je tente de faire la sieste dans ma voiture sur un parking mais des espagnols dans la voiture m'empêchent de dormir. Je finis par me rendre compte qu'il s'agit de Kilian Jornet avec des copains ! Il a d'ailleurs l'autocollant Corsica Ferries 2009, preuve supplémentaire de sa récente ballade en corse.

A 20h je vais manger ... des pâtes avec Marie, Sandrine et Emmanuel. Pour Sandrine aussi, ce n'est que le deuxième 100 km après la CCC. Marie, de son côté, tente le 30 km. Nous allons ensuite nous préparer avant de prendre les cars qui nous montent au départ.

En effet le départ est à Arcalis à 1945 m d'altitude et les premiers kilomètres sont en descente. Je retrouve au départ Nathalie, son frère Thierry et le président des Pyrénées Raiders, Thierry aussi. Je mets ma goretex en attendant le départ. Alors que Gérard avait envisagé de retarder le départ d'une heure à cause des orages, nous partons finalement à l'heure. Début sur une route, je me suis mis dans les premiers sur la ligne mais je me fais beaucoup doubler dans cette première descente. Je n'ai pas envie de forcer. Du coup, dès que nous nous retrouvons sur un sentier, nous sommes en file les uns derrière les autres. Au bout de sept kilomètres, nous quittons le fond de la vallée pour enfin notre première montée. Elle est raide en sous-bois. Toujours en file indienne mais je peux maintenant avancer à ma vitesse et doubler si besoin. Le ciel est dégagé et la lune est là. Après 800 mètres de montée, nous avons notre premier contrôle dans les herbages au milieu de nulle part. Un petit replat puis ça remonte de nouveau très raide. Nous débouchons enfin sur la crête et nous la suivons à la descente.

Au bout de quelques minutes je vois en dessous de moi, des frontales qui reviennent vers nous puis qui plongent à droite : il y a visiblement un peloton qui a raté un embranchement. Quand j'arrive moi-même au col, je constate effectivement que le balisage manque au niveau de l'embranchement. La descente est très raide. Le ciel commence à se couvrir. Après un nouveau contrôle, le sentier traverse à droite à flanc. L'orage est maintenant là et je vois les éclairs au loin puis le tonnerre. L'intervalle de temps entre les éclairs et le tonnerre devient de plus en plus court jusqu'à descendre en dessous de la seconde. C'est impressionnant. Nous sommes dans une forêt clairsemée et nous avançons toujours en file indienne. Finalement les éclairs s'éloignent et je rejoins le premier ravitaillement. Ils tombent des cordes et il y a un attroupement énorme. Je finis par comprendre que la course a été neutralisée à cause de l'orage. Il faut indiquer aux contrôleurs son numéro de dossard et essayer de se ravitailler avec la foule. Certains se réchauffent près d'un énorme feu.

Il est 4 h du matin, nous sommes à plus de 2000 m d'altitude, l'ambiance est surréaliste. Je mets ma goretex et ma polaire pour ne pas avoir froid. D'autres sont obligés se sortir leurs couvertures de survie. Au bout d'une vingtaine de minutes, l'organisation nous laisse continuer. C'est donc un deuxième départ. N'ayant pas entendu le signal, je me retrouve bloqué derrière pas mal de monde. De toute façon, je sens depuis le début que je n'ai pas les jambes et en plus ma tendinite me gène. La montée est extrèmement raide, souvent hors sentier et parfois moi dans des éboulis de gros blocs. Je suppose que nous n'irons pas au sommet et qu'ils vont nous faire couper au col en dessous que je suppose être vers 2500 ou 2600 m. Nous montons quelques névés sans danger et rejoignons une sorte de col. Mais derrière cela continue à monter !! Le jour commence à pointer. Le paysage est de plus en plus minéral : des éboulis, toujours des éboulis. Et ça monte... Nous arrivons dans une immense cuvette et un dernier couloir semble monter à une brèche. Encore des éboulis croulants, un joueur de cornemuse nous encourage d'en haut. J'atteins finalement le col à plus de 2800 m vers 6h, avec donc 1h30 de retard sur mes estimations. Je redescends tout de suite sur l'autre versant. Très vite il nous faut traverser un premier névé puis un deuxième. Et c'est plutôt chaud car il y a un lac en dessous pour nous rattraper si on glisse ! Je ne suis pas à l'aise même avec mes bâtons. Mais finalement j'en sors et je fnis par rejoindre le refuge de Comapedrosa.

 

Je m'arrête pour bien manger. Je n'ai vraiment pas la pêche et des envies d'abandon commencent à me trotter dans la tête. Je repars tout de même pour rejoindre la longue série de crêtes repérées sur la carte. Un hélicoptère nous survole avec sa caméra. Cela devrait faire des images sympa maintenant que le beau temps est revenu. Arrivé sur la crête, j'enchaîne donc de petites descentes et de petites montées.

L'ambiance est maintenant plutôt aux alpages. Dans un dévers au-dessus d'une barre rocheuse, je me penche tellement sur le côté par peur de tomber que cela me fait mal au dos !! Ce parcours n'est décidément pas pour moi. Et dire que je n'ai pas encore passé la deuxième partie technique annoncée hier par Gérard !

 

J'arrive au ravito du Col de la Botella, départ du trail de 30 km. Il est 8h30 et les bus ne sont pas encore arrivés avec les concurrents. Il n'y a que l'arche de départ et quelques coureurs montés avec des véhicules personnels. Il fait maintenant plutôt chaud et nous continuons sur les crêtes.

 

Arrivé au Collado de Montaner, je suis surpris de constater que nous descendons à gauche plutôt que de monter en face vers la Bony de la Pica où devait se trouver la deuxième partie technique. Je suis bien content qu'ils nous envoient sur ce parcours alternatif. La descente est sur une piste carossable puis sur une route. C'est très long mais sans difficulté. Arrivé au fond de la vallée, je reconnais la route que j'ai empruntée hier en voiture pour monter à Ordino depuis Andorre la Vieille. Nous suivons d'ailleurs la route vers le bas et traversons même un tunnel routier. Le balisage est beaucoup plus léger sur ce parcours alternatif qu'au début. Nous quittons la route pour suivre un aqueduc. Au début l'eau n'est pas visible et je suis persuadé que je suis sur un faux-plat montant. En fait, quand enfin je vois l'eau qui courre à côté de moi, elle descend bien dans le même sens que moi ! Je vois au loin la vallée en-dessous d'Andorre la Vielle où doit se trouver le Pont de la Magineda, emplacement du prochain ravitaillement. Ayant reconnu le parcours avec Google Earth, je crois reconnaitre le resserement de la vallée où se trouve le pont. C'est loin !! Les kilomètres se suivent. J'alterne marche et course avec un concurrent espagnol prénommé Cesar. A la fin de l'aqueduc, le sentier continue au milieu de gros blocs puis rejoint le fond de la vallée et nous faisons des zig zag au milieu des maisons et des zones industrielles.

Je me sens maitenant un peu mieux et je remémorre l'article intitulé "Stop ou encore" du dernier numéro d'Ultrafondus que j'ai reçu la veille du départ. Je sens bien que je ne pourrais pas boucler ses 107 km d'une traite. J'entrevois deux possibilités, soit je continue jusqu'aux Bordes d'Envalira au km 75 (dans 30 km maintenant) et j'abandonne là, soit je me pose un peu plus loin au Camping d'Incles ou au refuge peu après et je repars demain avant la barrière horaire pour finir. Arrivé au ravito du pont à 942 m après normalement 43 km de course, j'y retrouve Thierry, le président des Pyrénées Raiders. Il abandonne ici, complètement cramé par les kilomètres de plat que nous venons de faire. L'autre Thierry vient juste de repartir. Et Nathalie est loin devant en troisième position pour l'instant. J'essaie de le convaincre de continuer avec moi mais rien n'y fait. Je mange comme un ogre, refait le plein du camel back et repars peu après midi, avec donc plus de 3 heures de retard sur mes estimations. J'ai 1500 mètres de montée devant moi...

La montée est en sous-bois en zig-zag mais par moment il n'y a plus d'arbre et il fait très chaud. Je n'avance pas bien vite mais un tout petit peu plus vite que mes compagnons autour de moi. A mi-montée, il y a de l'eau près d'une grange. Je m'allonge quelques temps puis continue maintenant hors de la forêt et donc toujours en plein soleil.

 

J'arrive à une sorte de col vers 2100 m. Je suis cramé et je me demande bien pourquoi j'ai continué. Il me reste 25 km à faire jusqu'à Envalira. Je sens qu'ils vont être long.

 

Le parcours continue par une traversée ascendante. Je vois au loin un coureur qui avance très, très lentement. L'ayant rejoint, je constate qu'il s'agit de Thierry. Il est encore plus cramé que moi. Il ne peut plus rien manger et n'a donc plus de force. Il veut redescendre dès que possible. Je sors ma carte et je lui explique qu'au prochain refuge dans quinze minutes, il semble y avoir une route carrossable qui redescend à Andorre la Vieille. Je lui dis que je vais rentrer avec lui, surtout qu'il se met maintenant à pleuvoir et que je n'ai pas envie de continuer en haute montagne avec ce temps. Il reste un col à 2800 m à passer avant Envalira!! Il me dit de continuer... mais je ne l'écoute pas. Nous continuons ensemble sous la pluie à petite allure. Arrivé en vue du refuge, nous sommes surpris de voir pas mal de coureurs redescendre dans la vallée, comme s'ils abandonnaient aussi, alors que normalement le parcours monte au col 300 m au-dessus.

 

Arrivés au refuge sous des trombes d'eau, nous avons l'explication : l'organisation a encore une fois dévié le parcours et nous propose de "rentrer à Ordino en 30 km avec beaucoup de plat, une première montée de 350 m et une seconde de 500 m". Je dis banco et j'essaie de convaincre Thierry de faire la descente jusqu'à Andorre la Vieille avant d'abandonner.

 

Nous voilà donc partis tous les deux dans cette longue descente sous la pluie. Pas de piste carrossable mais un sentier plein de cailloux. L'averse s'arrête, nous enlevons la goretex, puis elle reprend et nous devons la remettre. Arrivés en bas, nous sommes sous des trombes d'eau mais le ravitaillement est à l'abri sous une tente. Et en plus il y a des sandwiches et des pâtes chaudes ! Nous reprenons tous les deux des forces et comme il arrive à manger, il est OK pour terminer. Même si les bénévoles nous annoncent toujours 30 km...

Nous repartons donc sous un pluie dilluvienne et nous arrivons au pied de la première montée de 350 m. Je monte d'un bon pas et Thierry me suis sans problème. C'est agréable d'être à deux dans ces moments difficiles. Au bout des 350 m de montée, cela monte toujours ! C'est finalement près de 500 m que nous faisons. Puis nous arrivons sur une succession de pistes horizontales entrecoupées de quelques routes et parfois quelques centaines de mètres de sentier. Parfois cela monte un peu, parfois cela descend un peu. Sur les portions vraiment plane, Thierry m'ayant convaincu que nous aurons plus vite fini en courant, je le suis... en courant ! C'est long mais je suis maintenant pratiquement convaincu que je vais terminer. Les pistes de ski de fond s'enchainent, les bénévoles nous expliquent à chaque fois la suite et nous continuons. Nous avons aussi droit à une longue section de sentier en balcon où ma peur du vide me reprend.

 

Du coup Thierry me distance pas mal. Nous arrivons finalement au dernier ravitaillement avant la dernière montée qui devrait faire 500 mètres. J'ai les pieds qui ont bien chauffé avec tout ce plat et je ne peux pratiquement plus poser les talons au sol (surtout le droit). C'est évidemment surtout dans les descentes que cela me gène. Je change de chaussettes et me remet de la crème sur les pieds. Je me dis que la Réunion, ce n'est pas encore pour moi vu ce problème d'échauffement sous le talon. Il nous reste 10 km jusqu'à Ordino.

Nous attaquons la montée, elle est extrémement raide. Thierry n'avance pas vite. Après une traversée de route, nous avons même le droit à quelques pas sur une via ferrata ! Heureusement que c'est en montée. La pente ne s'atténue pas ensuite. Nous nous faisons doubler pas quelques coureurs plus fringants que nous. Finalement au bout de 350 m (seulement !!), nous arrivons à une route qui descend d'abord légèrement puis remonte tout aussi légèrement jusqu'au Col d'Ordino. Nous serrons les dents et nous courrons au maximum. Arrivés au col, nous resortons les frontales pour la dernière descente. Je me lâche dans cette descente, sans penser à mes talons. Thierry me suit sans problème.

Nous entrons dans Ordino. Nous nous refaisons une beauté pour la photo (autrement dit nous enlevons la goretex pour qu'on puisse voir notre dossard). Les passants s'arrêtent tous pour nous applaudir. Cela fait vraiment du bien. Après quelques rues, nous arrivons finalement en vue de l'arche d'arrivée. C'est un grand bonheur pour nous deux d'avoir terminé : pour Thierry après le gros de barre dans la montée après le Pont de la Margineda, pour moi après les mauvaises sensations de la partie de nuit et les sections un peu trop techniques à mon goût. Nous finissons à la 179ème place en 22h et 23 mn. 5300 m de dénivellée et probablement entre 85 et 90 km.

Photos, puis sac à dos finisher puis douche, puis massage puis repas. L'organisation nous laisse dormir dans le centre sportif. Les derniers concurrents arrivent vers 2h du matin.

 

En conclusion :

- j'admire l'organisation qui a su nous proposer des parcours alternatifs loin de la haute montagne dès que la météo est devenue trop menacante,

- je suis bien content d'avoir eu envie de continuer un peu, ce qui m'a finalement permis de terminer complètement, certes sur un parcours raccourci...

- j'ai trouvé le parcours vraiment difficile et technique mais il est vrai que la géographie de l'Andorre ne laisse pas beaucoup d'autres possibilités !

3 commentaires

Commentaire de CROCS-MAN posté le 30-07-2009 à 13:11:00

BRAVO pour ton courage, il en fallait!
Merci pour ton récit et bonne récup.

Commentaire de Théophile posté le 31-07-2009 à 19:26:00

Bravo d'avoir continuer malgré un départ difficile !! et merci pour le récit

Commentaire de sonicronan posté le 06-11-2009 à 20:34:00

Alors là ... Je découvre ton récit.
Bravo !
Apparemment, ça n'a pas été facile, mais tu es arrivé au bout... C'est beau. Dis toi qu'au niveau du mental, t'es bon pour la Réunion.
Le physique... te connaissant (Citadelles notamment), je ne m'inquiète pas non plus.
Je constate que tu souffres aussi de problèmes au tendon d'achille. J'ai le même soucis. Les semelles dans mon cas ont très bien marchés. Avec des patchs tissugel, le GRR est bien passé (à ce niveau là en tout cas).
Tu m'as donné envie de le faire ce raid.
A bientôt sur les sentiers.

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