Récit de la course : Trail Verbier St Bernard - 140 km 2025, par pixou

L'auteur : pixou

La course : Trail Verbier St Bernard - 140 km

Date : 11/7/2025

Lieu : Verbier (Suisse)

Affichage : 75 vues

Distance : 140km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

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L'aventure

On est parti à 3 copains. Un palmarès cumulé de 4 Diag et 3 UTMB, mais aucune pour moi 🤣.
Je pensais plutôt à la X-traversée, un peu inquiet par la réputation de la X-Alpine, mais un de mes potes me chauffe sur le thème "quitte à se déplacer, autant faire la plus dure", logique imparable.
Après un petit pique-nique dans l'herbe et quelques heures de repos à coté du départ, le stress commence à monter avec des vrais coureurs qui se rassemblent; la vache ils ont tous l'air de savoir ce qu'ils font, de s'être préparés pour cela et, pour résumer, de ne pas avoir peur. Plusieurs commissaires de courses vérifient au hasard les sacs en se promenant dans la foule, nous serons finalement contrôlés tous les 3. On croise Benat, bien sec le gars. Il n'a pas peur non plus lui.

Le départ est donné avec le poème de Kipling "if", c'est mieux qu'un clapping, il y a des gerbes de feux d'artifice et une grosse ambiance dans Verbier, ça fait plaisir au moment où on se jette dans ce truc avec pas mal d'inconnus.
On part tranquillement, on papote pour évacuer le stress, ça monte facilement sur des chemins bien larges, l'ambiance est sympa. On arrive déjà au 1er ravito. Le meilleur de nous 3 part devant, je le suivrai maintenant sur LiveTrail, même je lui reprendrai un peu de temps dans mes périodes d'euphorie. Le chemin devient chouette, ce n'est pas encore trop technique mais c'est une gentille crête qui incite à jouer avec le terrain. Le début de la descente est légèrement technique, ce sont de petits chemins, puis une grosse route forestière. Le pote resté avec moi n'est déjà pas très à l'aise, je le perds au milieu de la descente. Il fait trop d'IronMan, ça lui fait fondre les quadriceps et c'est pas bon pour le trail ces trucs à plat.
Arrivé au ravito de Sembrancher, je l'attends 10-15 min, on repart ensuite ensemble. Il y a du bouillon mais quasiment pas de pâtes dedans, ça fait quand même bien plaisir.
Ensuite ça monte tranquillement, c'est paisible. Je me sens vraiment bien et je n'ai pas l'impression d'avoir couru 30 km.
Arrivée à Champex en forme vers 4h30 du matin (6h30 de course). On ne traîne pas trop. Je suis heureux de courir autour du lac et de me rappeler des souvenirs de la CCC. Encore un peu de calme et puis ça grimpe fort. On est un bon moment en forêt, le jour se lève, et on arrive dans un gros pierrier pour le col de la Breya. Mon pote est un peu court donc on y va assez cool. La montée vers Orny est superbe avec les glaciers près de nous. 

 

Montée à Orny
Montée à la cabane d'Orny

On fait le point, on est au km 46. Mon copain dans le dur, je sais que la descente va être compliquée pour lui. J'ai aussi l'impression d'avoir couru avec un peu de frein à main, je suis assez frais et ça me donne une grande confiance en moi. Je pars devant en sachant que ça ne va pas aider mon pote, c'est la vie. Dans la descente je croise JiB de Kikourou qui monte, il doit avoir 30min de retard sur moi environ. Je lui dis quelques mots d'encouragement mais il semble souffrir un peu.
Pas déçu par la descente, c'est de l'X-Alpine, c'est raide, technique, beau aussi. On est déjà bien espacés, mais je mets le turbo et reprends une ou 2 dizaines de coureurs.  On rejoint le chemin du TMB, où on croise plein de randonneurs, des jeunes, des miloufs, plein de langues. Des gens qui s'épanouissent en prenant leur temps à marcher sur ces beaux sentiers, étrange.

Finalement c'est la Fouly.  Au ravito, pas facile de trouver de la place. J'hésite à gueuler contre des assistances qui prennent 4 places par coureur, mais en fait je m'en fous un peu. C'est tentant de prétexter la fatigue pour être agressif et gueuler sur les gens comme un ivrogne, "BANDE DE C****RDS LAISSEZ MOI M'ASSOIR". Un peu naze de devoir se coincer sur un bout de table quand on fait ce chantier seul. Mais honnêtement je crois que je suis mieux comme cela, sans assistance, dans ma bulle et tranquille, en coupant avec mon quotidien et sans quelqu'un qui me crie dessus "TU VAS Y ARRIVER T'ES UNE MACHINE" ou qqchose du genre. C'est bon quoi, tout va bien...

On part dans des alpages, je discute un peu avec un Polonais, puis c'est le col de la fenêtre, quelques lacs et pas mal de randonneurs. On redescend légèrement pour arriver au col du Grand St Bernard où il y a presque foule et pas mal de voitures. Mais je trouve cela très beau. Un bénévole très sympa me prend mes flasques pour les remplir, et me dit qqchose qui doit être un des meilleurs encouragements possibles "Ah t'as l'air en forme, tu gères bien et t'es pas cramé comme ceux qui sont passés plus tôt". Je suis sur un petit nuage et un moral à tout casser.
En sortie de ravito, j'entends une sorte de chant, je me dis que c'est une messe au monastère (à l'hospice plutôt) ou qqchose comme cela. Je découvre des musiciens qui donnent un petit concert de Cor des alpes, cette longue pipe typique de la Suisse. Je crois que ce col est mon meilleur moment sur cette course.

Borne à la frontière côté suisse


Bizarrement après le col on re-grimpe dans du technique, avec un descente derrière assez raide jusqu'à atteindre une vallée glaciaire toute plate avec une rivière qui y serpente. On arrive le long du lac et j'ai le souvenir d'un moment précis où mon genou gauche m'explique clairement "on va se calmer là". Difficile de courir alors que le terrain s'y prête. J'ai mal. J'ai mal mais la base vie approche et ça aide.
J'arrive à Bourg Saint-Pierre, km 89, 5700m dans les pattes, quand même bien entamé physiquement. Ça fait du bien de manger chaud, je me change et je retrouve Alex, un autre Kikourou.
On monte ensuite dans les alpages, on entend les marmottes siffler et moi j'essaie de dormir au bord du sentier. Bizarrement je n'ai pas trop sommeil alors que je n'ai pas vraiment dormi depuis 36h.

Cette portion dans les cirques vers la cabane de Mille est interminable, en balcon légèrement montant. Tu penses arriver au bout du cirque, pour en découvrir un nouveau qu'il faut traverser, et puis encore un autre et puis un autre. Mais la lumière de fin d'après-midi est superbe. Le genre de moment où je me dis que c'est long tout de même, et que 100k suffiraient peut-être non ? Chaque passage à plat avec relance possible me rappelle que mon genou me fait mal, je me résous à y faire de la marche rapide vers 6km/h.

Les cirques interminables


Au ravito de Mille, je prends un bon bouillon (pas beaucoup de vermicelles dedans, ça devient mon leitmotiv, mais c'est salé et c'est bon), ma petite routine à base de fruits secs et sucres lents avec sel (i.e. biscuits apéro). Le chef de poste rassemble tout le monde et j'entends: "Bon les gars, le prochain ravito vient de nous appeler, ils disent que plein de coureurs se plaignent du bide, ils se demandent s'il y a pas un pb avec la nourriture ou la boisson ici, vous pensez qu'on pourrait avoir un problème?". Ambiance...
La nuit est tombée et j'arrive à la cabane Brunet: le chronométreur à la radio discute avec qqn pour voir si les coureurs sont bien enregistrés lors de leur passage (détail qui aura de l'importance un peu plus loin). Juste derriere moi, une femme arrive et une équipe d'assistance d'une dizaine de personne l'attend. Je percute qu'il s'agit d'une coureuse/influenceuse dont j'avais regardé une vidéo pour ma prépa. Elle est en mode guerrière avec sa team remontée à bloc, c'est un peu too much mais pourquoi pas, elle ne gêne personne. Je vois quelqu'un allongé sur un matelas au fond du ravito, j'en profite pour me poser également, une pompier me propose une couverture que j'accepte bien volontier. Pas vraiment de sommeil, je file au bout de 15 min. Je continue mon régime assez simple fruits secs, biscuits apéro, coca, bouillon.

Je repars vers Panossière: montée au col des Avouillons. Dur mais chouette dans la nuit. Je m'arrête de temps en temps, je suis assez seul mais je vois des lumières devant et derrière.
La descente tout aussi technique vers la fameuse passerelle, on se perd un peu dans les énormes rochers déposés par le glacier. Le passage sur la passerelle de nuit est impressionnant.
Dans la montée à la cabane de Panossière . Je retrouve Alex qui m'avait largué dans les parties roulantes. Je prends le lead d'un petit groupe parce que pourquoi pas, je monte bien. Je reçois un SMS de ma compagne "J'ai vu que tu avais abandonné, j'espère que tu vas bien". Je sens une boule de rage monter en moi et j'aimerais crier dans la nuit: JE SUIS PAS DNF. Je vois ca avec les bénévoles de la cabane qui me disent de ne pas me stresser et que ce sera corrigé, mouef, mes deux neurones en état de marche sont un peu inquiets et comment ça ne pas stresser parce que l'ordinateur m'a mis DNF sur la X-Alpine 

La descente de Panossiere est ignoble. Soudain, une ampoule éclate et je dois m'arrêter. je bricole un pansement à l'arrache mais c'est peu efficace. Enfin arrivée dans le fond de la vallée à Fionnay, mais la descente vers Lourtier continue entre route et petit sentier, j'en ai marre. A Lourtier je profite des soins d'une podologue qui remet mes pieds en état correct. Elle fait ça bien, je trouve que c'est un peu long quand même, le chrono tourne (oui c'est très con comme réflexion, je m'en veux aussitôt). On s'accorde sur le fait que c'est physiologiquement une connerie tout ça. Comme je me suis déjà arrêté une grosse demie heure, je ne profite pas du repas chaud et repars pour le fameux Mur. Ca commence sur une sorte de remblais, peut-être l'origine du nom. Je commence avec une femme qui souffre terriblement, qui se tord à chaque pas et qui parle/grogne/gémit péniblement. Je lui dis d'y aller cool mais elle me rétorque qu'elle est 1ere de sa catégorie et que la 2ième n'est pas loin, qu'il faut qu'elle augmente l'écart en montée etc. J'ai un peu mal pour elle mais je la laisse partir.

C'est dur et chiant, ça monte en foret sans interêt. Pas mal d'hallucinations pour moi, je vois des animaux ou des formes partout, des cailloux qui bougent dans les ruisseaux etc. Une heure plus tard je retrouve la gémisseuse. C'est pire qu'au début, elle gémit encore plus fort. Je lui redis d'y aller cool, elle me dit "non non, je la vois l'autre coureuse, elle arrive, làaaaaa" alors qu'il n'y a personne. Je me dis qu'elle divague complètement. Mais bon, au point où on en est, qui suis-je pour juger ? On débouche sur une zone déboisée, je vois un grand chalet j'espère que c'est le restau d'altitude du ravito. Pffff non c'est encore loin, on doit traverser tout un champ de pistes et de remontée mécaniques, c'est absolument sans interêt de jour. Je me suis fait un film en pensant que ravito en restau d'altitude = super ravito avec croissants et chocolats chaud. Mais non c'est tout basique comme les autres, je suis déçu.
Du ravito, je me motive un peu pour faire la descente en trottinant comme je peux, ca fait mal mais autant en finir. L'arrivée à Verbier est calme, les riches vacanciers applaudissent presque chaque coureur maintenant depuis la terrasse ensoleillée où ils prennent leur café à 6 francs, je suis un peu ému et ca me fait chaud au coeur. On arrive un peu à poil dans ces moments là, au sens où on a donné beaucoup, on ne cherche plus grand chose, on est là c'est tout. Je passe la ligne en 34h20. Je retrouverai mon pote arrivé 2h30 avant moi, et l'autre, malheureusement hors délais à Bourg Saint-Pierre, quelques semaines plus tard.

Accueilli par le speaker du matin

Je n'ai jamais eu de gros coup de mou comme j'en ai souvent vers 3-4h de course. Peut-être grâce au fait que j'étais clairement sur la retenue au début, peut-être l'experience, la chance, une meilleure gestion de l'alimentation etc. Le fait de ne pas avoir eu de pb gastro ou de trou d'énergie m'a donné beaucoup de plaisir et un excellent moral sur la majeure partie de la course. Quel que soit son niveau je ne pense pas qu'on puisse finir si on n'est pas content d'être là. Fascinant de voir à quel point, une fois la machine lancée (assimilation de l'alimentation et métabolisme des graisses), elle peut tourner aussi longtemps. Ma limite sur cette course a été les pieds et les genoux, pas le manque d'énergie. Sans me vanter j'aurais pu faire 2-3k de D+ derrière sans difficulté, mais probablement pas les descentes et pas courir même sur du roulant.

C'était beau, c'était dur, c'était long aussi. Il n'y a pas beaucoup d'occasions dans la vie où on laisse des grands garçons et des grandes filles faire un peu n'importe quoi 2 nuits dans la montagne. C'était un peu l'aventure quand même.

 

1 commentaire

Commentaire de alexch posté le 14-11-2025 à 06:54:41

Bravo pour ta belle course, texte sympa ! J'ai adoré ce ravito au calme à Bourg St Pierre, il y avait des familles entières qui parlaient, ça faisait convivial en comparaison des strictes orga type UTMB où tu rentres seul(e) dans le ravito, beaucoup de monde... avantage des courses à 500 partants ! L'arrivée au soleil levant était super agréable en effet :) Des conditions top en tout cas, il faudra que je revienne pour revoir la passerelle de jour sur le 42km!

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