La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le microcosme bouillonnant du trail. La mairesse de Paris, Annie Dalgo, l’a annoncé sur le réseau Truth Social. « Le premier UTMP (NDLR : Ultra-Trail de la Mairie de Paris) va voir le jour en 2026. Nous travaillons d’arrache-pied pour proposer une expérience inspirante et disruptive qui fera de Paris la capitale interplanétaire du trail ».
Annie se confie en exclusivité pour La Bande à Dédé sur la genèse du projet et nous dessine en avant-première les grandes lignes de l’événement.
« Tout est allé très vite. C’était en décembre de l’année dernière. Je participais à une soirée déguisée Canapé-Caviar-Champagne© dans le 18ème en l’honneur de mon grand ami James Watson, retenu injustement en captivité dans les geôles groenlandaises. Sur les conseils de ma fidèle amie Rachida Data, j’avais demandé au célèbre couturier Jean-Paul Galtier de me confectionner pour l’occasion un très joli costume de saumon label rouge bio norvégien. La soirée fut absolument merveilleuse et sur les coups de quatre heures du matin, plutôt que d’appeler à un taxi, j’ai décidé de flâner dans ma tenue de soirée et de goûter aux délices de la nuit parisienne. Quelle ne fut pas ma surprise au moment d’approcher du Sacré Cœur ! Je pensais simplement faire quelques rencontres agréables, mais je me suis retrouvée au beau milieu d’un happening totalement improbable qui se déroulait juste à côté du funiculaire. Imaginez donc : une poignée de types, en tenues de sport, mi-hommes mi-zombies, s’amusaient à faire des allers-retours dans les escaliers. La scène était surréaliste. Des vendeurs à la sauvette s’étaient opportunément recyclés en vendeur de soupes, thés, cafés et sandwichs, quelques personnes dormaient à même le sol sur les pavés, des supporteurs encourageaient plus ou moins bruyamment leur protégé et un caméraman filmait même pour l’occasion. Le plus surprenant fut que mon apparition en haut des marches, tel un ange surgi du ciel, a transcendé les quelques spectateurs présents. Ils se sont d’abord mis à hurler frénétiquement « le saumon ! le saumon ! le saumon ! », puis j’ai été ovationnée comme une rock star et enfin, ils m’ont fait descendre à bout de bras jusqu’au pied des escaliers. L’espace d’un instant, je me suis sentie dans la peau de Guy Marchand paradant sur les Champs-Elysées après ses sacres olympiques... Quelles sensations ! L’émotion passée, j’ai demandé à mes nouveaux admirateurs ce qu’il se passait. Ils m’ont très gentiment expliqué qu’il s’agissait d’une course et plus précisément d’un trail. Un trail ? Je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait… J’ai donc demandé à rencontrer le responsable sur site d’ASO (NDLR : Amaury Sport Organisation), ce à quoi on m’a répondu que l’organisateur était un type en claquettes et qu’il n’était pas là pour le moment (NDLR : nous précisons à nos lecteurs non avertis, qu’il fallait bien évidemment reconnaitre le fantasque Claquettes Vertes, alias Alexandre Bouchix, et que la course en question n’était autre que l’ultra trail Montmartre, une compétition vaguement officielle où il faut atteindre l’objectif de 271 allers-retours dans les escaliers en un temps maximum de 25 heures et 12 minutes). J’ai donc cherché à en savoir plus et dès le lendemain, j’ai convoqué mon staff pour qu’il planche tout le week-end sur un powerpoint à passer en conseil municipal le lundi matin. Nous n’allions pas rester dans l’ignorance. J’ai ainsi découvert le milieu du « trail running » avec ses nombreuses stars, ses courses emblématiques et ses valeurs qui entrent en parfaite résonnance avec celles portée par la ville de Paris : authenticité, inclusivité, dépassement de soi et retour à la nature ». Sur ce dernier point, nous l’interrogeons sur le lien peu évident avec un environnement urbain. Elle balaye cette question d’un revers de main, avec un argument imparable. « Soyons lucides. Il y a maintenant plus de magasins Salomon dans la capitale que dans n’importe qu’elle autre ville de Haute-Savoie. Ce n’est pas un hasard. Je le dis haut et fort, avec humilité et responsabilité : Paris is the new Chamonix. J’ai donc décidé de créer l’Ultra Trail de la Mairie de Paris ».
Pour sa compétition, l’édile nous assure qu’elle s’inspirera des « best practices » déjà éprouvées. Elle nous livre quelques exemples. « Le point de départ sera place de l’Hôtel de Ville. Le signal sera donné lorsque je sortirai sur le parvis de la mairie pour siroter une gorgée d’un jus concombre - chou kale - gingembre ». Côté ambiance, elle nous confie. « Pour le départ, Vangelis et Conquest of Paradise, il faut être honnête, c’est totalement dépassé. Et ce côté mâle blanc colonisateur... Que dire de plus ! Nous avons préféré confier la direction artistique de l’événement à Thomas Joli, qui était en pleine dépression après les Jeux Olympiques. Il nous a promis une revisite queer révolutionnaire de Gladiator avec Philippe Karine dans le rôle de Maximus pour faire monter la pression et l’adrénaline avant la course ». Elle ajoute. « Nous allons faire passer les organisateurs de la Maxi-Race pour des amateurs. Je mettrai à profit ma grande expérience dans le domaine de la circulation pour positionner tout au long du parcours des singles qui permettront d’admirer les monuments de la capitale (NDLR : pour les néophytes, un single est un chemin étroit astucieusement positionné sur une course par l’organisation afin de proposer aux participants qui se regroupent alors naturellement une expérience collaborative immersive et contemplative). Pour garantir un dépaysement inédit, nous ferons venir terre, boue, pierres, arbres et racines prélevés sur les parcours des plus grandes courses. Nous avons d’ores et déjà passé commande de trois tonnes de cailloux AOP Belledonne à un fournisseur local français. Les livraisons seront organisées dans un total respect de l’environnement ». Mathieu Blancard, l’ultra aventurier toujours avide de nouvelles sensations, s’est déjà porté candidat pour transporter la marchandise. « J’ai prévu de tracter les cailloux à vélo d’une seule traite du refuge Jean Collet à Paris, sans assistance. Les ingénieurs de Salomon bossent déjà sur un nouveau modèle de remorque, ils sont au top. Après les pneus et le traineau, j’ai la meilleure expérience possible. Et ça me fera une bonne prépa hivernale ». Annie poursuit. « Le parcours passera à l’intérieur du Sacré-Cœur, pendant la messe dominicale. Ce sera fantastique, les fidèles présents feront une ola d’encouragement à chaque passage d’un coureur. Ceux qui auront opté pour le pack VIP pourront bénéficier d’une communion express, grâce à un partenariat premium avec le diocèse de la ville ». Jordan Bardalla s’est montré satisfait par cette perspective qui, selon lui, « s’ancre parfaitement dans les racines chrétiennes de notre pays. » Il ajoute. « Il faudra peut-être songer à procéder à une sélection des concurrents à l’entrée de l’édifice et prévoir un parcours de repli obligatoire pour certains, sous peine d’expulsion. Notre service de sécurité dispose de toutes les compétences nécessaires pour prendre en charge bénévolement cette mission ». Côté bénévole justement, Annie a une idée révolutionnaire. « Vous savez, nous sommes envahis chaque année par des millions de touristes. Nous avons donc signé un accord gagnant-gagnant avec toutes les sociétés qui proposent des visites guidées packagées de Paris. Après leurs emplettes dans les grands magasins, les touristes seront invités à tenir un point de ravitaillement aux couleurs de leur pays, charge à eux de proposer des plats typiques de leur culture. Cela renforcera le rayonnement international de l’événement et on fera des économies sur la nourriture ». Puis nous évoquons avec elle le sacro-saint cadeau finisheur, le graal incontournable de tout participant. Là encore, nous restons bouche bée devant la créativité de l’élue. « Après les nombreuses courses qui se tiennent fin août, nos usines de recyclage de textiles croulent sous les amoncellements de vestes polaires sans manche. C’est un gâchis immense et j’ai donc voulu proposer un cadeau utile. Je suis alors partie d’un constat simple : tous mes projets de végétalisation causent beaucoup d’ennuis logistiques et nous devons gérer des tonnes de gravats qu’il faut envoyer en province. Pour joindre l’utile à l’agréable, je proposerai donc à chacun de repartir avec un sac de bitume. Emporter avec soi un petit morceau de Paris, c’est tellement valorisant ». Intarissable, elle enchaine. « Le prix des dossards sur certaines courses est devenu tellement délirant que plusieurs locataires de notre parc de logement social ne peuvent plus payer leur loyer. Nous avons donc décidé d’indexer le prix de l’inscription sur le revenu fiscal. Afin de pouvoir contrôler les inscriptions et en échange de quelques dossards préférentiels, la DGFIP a déjà accepté de nous transmettre les déclarations de chaque concurrent ». Nous sommes bluffés.
L’adjoint écologiste à la mairie de Paris, David Bellard, voit déjà plus loin. « L’UTMP sera le premier trail woke » assène-t-il. « Aujourd’hui, je constate que de nombreuses courses optent pour des départs par vagues en s’appuyant sur un classement totalement arbitraire (NDLR : la fameuse côte ITRA, référence ultime de tout traileur qui se respecte). C’est bien trop discriminant. Nous remplacerons donc ces vagues par des safe SAS en non-mixité multi-dégenrée (NDLR : on n’a pas bien compris…). Des règles strictes seront à observer : il sera interdit de doubler tout au long de la course et de se tenir à moins de 5 mètres d’une personne d’un SAS différent, sous peine de sanction pouvant aller jusqu’à la disqualification sur la place publique ». Il ajoute. « Chacun sera ainsi en mesure de pouvoir exprimer le meilleur de lui-même pour battre tous les records ». Contactée pour s’exprimer sur l’impact de cette mesure innovante sur la performance, Véronique Billet, la spécialiste mondialement reconnue pour ses travaux académiques sur la physiologie du sport, s’est fendue d’un tranchant « Mais qu’est-ce que c’est qu’cette merde ? ». La direction de Livetrail, l’entreprise dépositaire du chronométrage des plus grandes compétitions de la planète, a accueilli la nouvelle avec enthousiasme. « Nous pensons que cela peut être une évolution positive, en phase avec les aspirations de notre société ». Elle tempère malgré tout. « Ça va quand même être le bordel pour notre appli, M et F, c’est quand même assez pratique, mais LGBTQQIP2SAA+, on voit pas très bien pour le moment ». L’adjoint pousse avec audace la réflexion encore plus loin. « Nous approfondirons la thématique de la non-mixité pour que chaque individu se sente pleinement accueilli, reconnu et valorisé ». Il nous fait alors part de sa propre expérience avec émotion. « Tenez, moi-même, je cours modestement le dimanche matin sur les quais de Seine dans ma panoplie Adidas dernier cri. Il m’arrive de croiser d’autres runneurs en Hoka et je me sens systématique agressé. Cela n’est plus possible et cela doit cesser. Nous créerons donc aussi des SAS par équipementier. Le PPS (NDLR : Parcours de Prévention Santé), totalement inutile, sera remplacé par une attestation délivrée par les marques aux participants, avec un contrôle strict lors de la remise des dossards par les services de la ville. Pas question d’accueillir n’importe qui. Un classement sur la base du prix de la paire de running sera établi pour déterminer l’ordre de départ des marques, du plus cher au moins cher. ». Il ajoute. « Dans le même esprit, les cuissards moule burnes et la compression ne pourront plus côtoyer les shorts amples ou minimalistes ».
La député parisienne, Danièle Nobobo, a immédiatement exprimé sa réprobation et ne décolère pas. « Je constate une sous-représentation des palestiniens parmi les participants dans ce sport. C’est intolérable. Je dénonce donc ces organisations manifestement racistes qui ont pour unique objectif d’invisibiliser des populations opprimées. Et puis, je serais bien venue, mais, malheureusement, je cours en Décathlon et je me sens personnellement discriminée par tous les coureurs qui arborent fièrement leurs tenues de grandes marques. Nous boycotterons donc cet événement et nous organiserons une contre-manifestation le jour de la course. Le départ est prévu Place de la République avec une arrivée à Saint-Quentin en Yvelines. Le détail du parcours sera disponible le matin même de l’événement sur le site Trace de Trail, il faudra prévoir une autosuffisance complète. Il n’y aura pas de matériel obligatoire ».
Plusieurs spécialistes du monde du trail nous ont livré leurs premières impressions. Huggy Ferrari, le duc de Haute-Savoie autoproclamé, ne semble pas très enthousiaste, c’est le moins que l’on puisse dire. « J’ai déjà eu toutes les peines du monde à faire passer auprès de ma plèbe de followers ma participation à l’écotrail pour une expérience extraordinaire. Alors là, je passe mon tour. Et puis, si c’est pour se retrouver avec des gueux qui n’ont jamais foutu les pieds en montagne, qui sont juste là pour afficher leurs piteuses performances sur Strava et qui prétendent me donner des conseils, à moi, qui ai fait un top 500 à l’UTMB… Jamais. ». Et de conclure. « Le trail, c’est moi ». Stéphane Grogniart, l’aventurier vosgien, est en revanche ravi. « Je valide à 100%. Ça me plait. Cette course casse les codes et va bousculer les petites habitudes. C’est une véritable invitation à sortir de sa zone de confort. Je n’ai aucun doute sur le fait que la mélodie des ploc-ploc sur les pavés parisiens permettra à chaque coureur de jouer sa meilleure partition pour un concert symphonique XXL ». Pour Jim Waslmslmey, la participation est une évidence. « Pas question de reproduire les erreurs du passé » nous confie-t-il. « Je vais donc quitter le beaufortain et venir m’installer à Paris, pour m’acclimater le plut tôt possible. J’ai déjà repéré une ferme-auberge à reprendre du côté des Buttes Chaumont. Ce sera un excellent point de départ pour faire du skimo cet hiver ». De source sûre, nous pouvons aussi confirmer que François Da Hene a déjà acheté une parcelle de vignes sur les coteaux de Montmartre. De son côté, Claquettes Vertes reconnait avoir été sollicité par la mairie de Paris. « Annie m’a très vite contacté pour me faire part de son projet. Je lui ai donné plein de conseils pour booster la visibilité de son événement. Et ça m’a fait tripper, j’ai pu faire plein de selfies de mes pompes dans la salle du conseil. Mes groupies ont adoré ». Enfin, Kilian Hornet n’a pas encore répondu à nos sollicitations.
Nous souhaitons une longue vie à cette nouvelle course qui promet de très belles surprises.
Nicolas Frérot, pour La Bande A Dédé.