L'auteur : samontetro
La course : Ultra Trail 100 Drômois
Date : 12/5/2007
Lieu : Crest (Drôme)
Affichage : 5475 vues
Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Samedi 12 mai 2007, 3h30 du matin, je m'extirpe à peine de mon véhicule sur le parking de l'espace Soubeyran à Crest que déjà je me fait interpeler par un Thunder en grande forme et qui me présente Khanardô avec qui j'ai pas mal discuté sur le forum de Kikourou. Ils prennent aujourd'hui le départ de leur premier ultra et celui-ci s'annonce particulièrement difficile! Nous nous rendons au contrôle des sacs où je retrouve Laurent qui a passé une nuit agitée au camping à coté de la délégation de Mooréa qui a prolongé la fête tard dans la nuit... Nous sommes accueillis par Jack26 "himself" pour un petit briefing avant un départ neutralisé, en footing derrière lui, à travers les ruelles étroites du vieux Crest médiéval. Les ruelles pavées nous amènent derrière le plus haut donjon de France où jack nous lache dans la nuit avec un petit mot d'encouragement pour chacun.
C'est partit! Le sentier monte sur une crête étroite. A gauche et à droite les lumières s'étendent dans la nuit à perte de vue. Ca sent bon le thym et la provence sur ce petit sentier. J'ai perdu les copains et progresse à mon rythme, lentement. Au bout de la crête nous rejoignons une large chemin qui nous emmène tranquilement jusqu'à Vaunaveys où je suis rejoint par Laurent. Nous sortons les bâtons qui n'étaient pas autorisés jusque là et partons ensemble. Très vite on attaque un petit sentier très raide pour déboucher sur un col. Quatre chemins s'offrent à nous sans aucune indication. Des coureurs reviennent vers nous à contre-sens. Il n'y a plus rien. Nous sommes bientôt une vingtaine. J'ai la chance d'avoir un téléphonne portable et surtout le numéro de Jack. Je l'appelle. Il me répond éssouflé qu'il y a eu un débalisage sauvage et qu'il court à notre rencontre en re-balisant. Il donne la direction à suivre et tout le monde repart plein pot après avoir disposé quelques pierres et bouts de bois pour indiquer le passage aux suivants. Nous croisons Jack peu après dans une série de fractionnés (je fonce, je pose une rubalise, je fonce...)
Au delà, le balisage reste très spartiate mais des aiguilleurs remplacent au pied levé les rubalises disparues aux points stratégiques. Nous arrivons à Barcelonne 14eme et 15eme avec Laurent. Je remplis mes deux poches à eau et cherche mon sachet de poudre énergétique dans le sac. Rien! Il est resté dans l'auto! Panique à bord: 80Km à l'eau pure, cela va être dur, très dur! Mais au ravitaillement, les bénévoles m'en proposent spontanément. C'est plutot rare et je les remercie chaleureusement de ce geste. Je prend cependant soin de "surdiluer" leur poudre, ne l'ayant jamais utilisée...
Dans la monté sous le château, je creuse rapidement l'écart avec Laurent. Je sais qu'il finit très fort et reviendra sur la suite du parcours. Chacun sa cadence. Arrivé sous le pas du Buis, nouveau carrefour sans balisage. J'ai pas mal travaillé le parcours avec Jack et je prend à gauche. Le chemin monte et nouveau carrefour sans rubalise. Un chemin part vers le pas du Buis mais je sais que l'on n'y passe pas. Je garde la crête avec quelques coureurs mais le chemin est de moins en moins net. D'autres coureurs arrivent en sens inverse et c'est un peu la panique. Je rappelle Jack au téléphonne: "Il faut passer par le pas du Buis, le chemin initial sur lequel je me trouve ne passe plus". Je redescend alors jusqu'au premier carrefour non balisé en annonçant aux coureurs que je croise de suivre le marquage Jaune et Vert vers le pas du Buis. Quelques bouts de bois et des pierres pour tracer des flêches au sol pour les courreurs suivants et je repars à l'assaut de la côte, balisant les carrefours suivants avec ce que je trouve. Je n'ai pas croisé Laurent, il a du passer pendant ce temps.
Pas du Buis et enfin de la rubalise! Je repars vers la crête de la Raye. Je rattrappe un coureur mal en point: jambes en coton, estomac bloqué... je connais bien, cela m'est arrivé souvent. Je lui dit "tu es loin des barrières horaires, marche jusqu'à Cobonne et ça va passer" et je repars. Les crêtes de la Raye sont magnifiques, le panorama grandiose. Il est impensable de ne pas s'arrêter pour profiter de cette vue grandiose! J'arrive à la tour hertzienne, sommet de la crête, où se trouve un ravitaillement en eau et vois arriver le courreur en difficulté. Il a insisté malgrè son état et là il abandonne. C'est trop bête...
Le chemin descend sur Cobonne et peu avant le village je double la seconde féminine. Nous entrons dans le village en passant entre les deux tours nord, majestueuses. Cobonne, c'est le berceau de ma famille: mon arrière grand-mère y était institutrice jusqu'à ce qu'un avion lache un gros objet au dessus de l'école... c'était la guerre et l'école était heureusement vide ce jour là. Je discute avec un bénévole au ravitaillement, je suis 29ème maintenant. Pas grave, la vie est belle!
La portion entre Cobonne et Saillans est celle que je redoute. Non pas parce qu'elle est difficile mais par la chaleur qu'il va falloir y affronter. Et je ne pensais pas si bien dire. Le sentier serpente dans une magnifique pinède surchauffée au point que l'air semble parfois visqueux. Je double deux concurents avant le hameau de Chausséon où la famille Gauthier a disposé de grands verres sur la margelle de leur bassin: Eau fraîche à volonté! Merci à vous! Et c'est repartit vers le vieux village de Mirabel où j'arrive au moment ou les deux courreurs que j'avais doublé quittent le ravitaillement!
-"Tu t'es perdu ?" me lancent ils, "pourtant par la route c'était facile à trouver!"
Oui, mais le parcours n'empruntait pas la route mais faisait une boucle de plusieurs kilomètres à travers bois.... Je me restaure et repars en direction de Saillans. La chaleur est étoufante et la vue au loin de l'immense côte du pas de la Motte, sous les Trois Becs, m'incite à la plus grande prudence. Je marche beaucoup, double à nouveau les deux concurents, marche encore pour ne reprendre le footing que dans la descente sur Saillans. Dans le village, les rubalises sont sur le coté gauche de la route. A droite il y a de l'ombre et je cours donc à droite. Et là,
concert de claxon! "Prend à gauche avant le pont!" C'est jack, toujours là pour veiller au grain!
Saillans, longue pause au ravitaillement. Je recharge mes deux poches à eau et on me passe encore une fois un peu de boisson énergétique. Merci. Une charmante podologue veut absolument s'occuper de mes pieds. Mais puisque je vous dit qu'ils vont bien!
(image Wikipedia)
Et c'est partit pour le pas de la Motte! 1100m D+ d'un coup! Je l'ai souvent fait en randonnée, mais jamais avec 65km dans les jambes!Pour me motiver, je me dit qu'une fois que j'aurai atteint la hétraie, à mi-pente, il fera moins chaud.Je décide de me fixer 500mD+ à l'heure. La monté est
interminable mais je tiens la cadence, largement même. Je suis seul, seul dans ce combat contre cette montagne que j'adore. La portion qui suit dans la forêt de Saou est superbe et je suis un peu à l'origine de ce tracé. Je sais aussi qu'après le pas de la Motte, quatre interminables petites bosses m'attendent en embuscade. J'y rattrappe un coureur dans la dernière qui nous amène au Rocher de la Laveuse. Nous appercevons au bout de la prairie une rubalise qui indique la descente alors qu'une autre nous dit qu'il faut d'abord monter encore une
quinzaine de mètres. On se regarde.
- "On ne va pas couper quand même !"
- "Bin non!"
- "On a pas monté tout ça pour louper les quinze derniers mètres!"
Dans la descente assez technique (où Jack m'avait lamentablement déposé pendant les recos) je creuse l'écart avec ce concurent puis sur le large chemin "plat-montant" qui suit il revient sur moi. J'essaie de courrir pour garder le contact mais je me rends compte que cela me demande trop d'énergie pour peu de bénéfice. Je le rejoins au virage du prè de l'Ane en marchant. En discutant avec les bénévoles, j'apprend que nous sommes 14eme et 15eme. Wahou! Il a du y avoir des dégats devant! Je commence à ce moment à penser que je peux finir de jour. "Ca doit être jouable" me dit le bénévole. "Chiche?" Et je me lance dans la longue descente de la combe. Je ne cherche pas la vitesse, mais à me refaire un peu. Puis progressivement j'allonge la foulée, assurant dans les parties trop pierreuses. Je suis bien dans cette combe. Il y a autour de moi des parfums de fleurs sucrées. J'essaie de rester concentré dans la gorge étroite. Je débouche dans la dernière ligne droite avant "l'auberge" quand au loin je reconnais une silhouette familière! C'est Ptijean qui arrive a ma rencontre!
-"mais tu cours encore ???" me dit il.
-"Oui, ça va bien"
Il me tend une bouteille de St Yorre.
-"Non merci, pas le droit, pas avant le ravito!"
J'en ai aussi une dans le sac depuis le départ. Il trottine à coté de moi en me filmant et en discutant.
L'auberge et son ravitaillement! J'y reste une quinzaine de minutes pour recharger mes deux poches à eau, engloutir la St Yorre de Ptijean et... essayer de convaincre le bénévole de venir courir le trail du Pic St Michel. Ptijean, avec la caméra au poing, s'impatiente:
-"Hé! Ho! C'est pas fini!"
-"Ok! Ok! J'y vais!"
Cela repart au plat le long du torrent puis sur un long chemin sableux. Laurent est devant et j'essaie de repérer les traces de ses Montrail dans le sable fin pour évaluer son avance. Lui me croit devant et me dira qu'il a fait exactement la même chose sur ce passage.
La monté du pas du Faucon se fait sans histoire. Elle est régulière, à l'ombre. La descente est une autre paire de manche: droit dans la pente! C'est la première fois que je suis contraint d'utiliser des batons en descente, pour calmer le jeu! Je vais retrouver avec joie un court morceau vallonné avant de plonger sous le Collet. Dans la descente, j'apperçois au loin un groupe de trois personnes qui m'encourage par mon prénom. Surpris, je ne parviens pas à les identifier à cette distance. C'est Ben's un camarade de lycée (il y a 25 ans...) et deux collègues. Il savait que j'étais sur cette course et est venu m'encourager. Je suis vraiment touché. Nous progressons tous les quatre en trottinant. Je suis un peu inquiet, ses deux collègues étant en sandalettes dans ce chemin caillouteux.... Ils me laissent juste avant le dernier ravitaillement où je retouve Ptijean. Et re-St-Yorre! Décidement, je vais transporter ma bouteille jusqu'au bout!
C'est parti pour la dernière difficulté, la monté des Ubacs. Je quitte le ravitaillement avec regrets (toujours sous la pression de Ptijean, quel coach celui là!), saute un ruisseau et... me fait attaquer par une horde de chiens! Bon, des petits genre yorkshire, mais il y en avait sept ou huit! Accélération! Rires d'un groupe de cavalières qui rapellent les chiens. Comme quoi j'ai encore des jambes pour relancer!
La côte qui arrive je la redoute. C'est du goudron, c'est long, c'est chi... mais c'est le seul passage possible. Alors, faut y aller. c'est la der des der. Et là, au pied de la côte redoutée... Ben's et ses deux collègues! Je vais monter cette côte en marche rapide avec eux sans même la voir. Merci les potes, merci pour ce petit kilomètre qui m'a parru 50m.
Au sommet de la côte le sentier passe sur la commune de Divajeu. C'est ici que je suis né, que j'ai fait mes premiers pas, mes premières foulées. Un soleil rouge descend lentement au loin sur les montagnes de l'Ardèche. De là ou je me trouve, j'apperçois la maison familliale. Je pense à ma famille, à ce 100Km que je vais finir avant la nuit. Je suis bien, mes foulées sont légères, je suis heureux. Des riverains sur la dernière portion goudronnée m'encouragent depuis leur fenêtre. Une dernière ligne droite et c'est l'entrée de la salle Soubeyran sous les applaudissements des marathoniens et semi-marathoniens en pleine pasta party! L'accueil de jack, comme si j'étais le premier à franchir la ligne, les bénévoles qui vous prennent en charge en m'apportant bière, soupe (et quelle soupe mes amis!). J'ai même droit à la bise avec la soupe! La charmante podologue veut encore s'occuper de mes pieds. Mais puisque je vous dit qu'ils vont bien!
Je finis 14eme en 16h30 d'une course inoubliable. Je retrouve Ptijean, sans St Yorre, alors je sors ma bouteille du sac à dos. Et quand vous ouvrez une St Yorre chaude que vous avez secoué pendant 100Km.... ça en met partout!
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3 commentaires
Commentaire de lolo' posté le 06-11-2007 à 12:26:00
marrant d'avoir le CR de la course du mois de mai ;-)
bravo pour ta course, les débalisages successifs on eut raison des barrieres horaires pour moi
Mais , j'attends la revanche en 2008
tu resignes ?
pace e salute
lolo
Commentaire de thunder posté le 06-11-2007 à 16:13:00
Les CR de Patrick ça arrive juste pour les longues soirées d'hiver quand les souvenirs sont lointains.
Commentaire de martinev posté le 08-11-2007 à 08:26:00
Merci pour ton récit. Présent dans la drôme , j'ai été stupéfaite de voir autant de débalisage. Je pense sincèrement que la course a été faussée ; je ne veux pas dire que le classement est faux , mais il y a eu des sacrés "raccourcis" !
Sans avoir de solution(s) , il faut revoir ça pour 2008 sous peine de gâcher la fête !
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