Bonjour : j'ai lu hier soir ce sujet.
J'ai accompagné Franck ce week-end à l'intégrale de Gégé, entre Roscoff-Mousterlin-Roscoff. J'ai rencontré Franck pour la première fois vendredi, quand je suis allé le chercher à la gare de Morlaix.
Dimanche soir, après la course dure et merveilleuse à la fois, il m'a dit :
"c'est grâce à mon autisme que je suis dans l'ultrafond. Il n'y a que là que j'ai été accepté avec égalité, et sans moquerie."J'ai trouvé que c'était un très bel hommage à l'ultrafond. Que j'ai découvert il y a 2 ans, quand Gwen Le Ny a proposé de courir pour notre association, Asperansa. Nous l'avons donc accompagné pour la Milkil, puis pour la Transe Gaule 2010, et il court actuellement tout seul d'Est en Ouest, la
"route asperansa".
La Milkil a été pour moi une expérience bouleversante, une des plus fortes de ma vie. J'ai retrouvé en accompagnant Franck ce week-end beaucoup du plaisir ressenti à ce moment. Mes deux collègues de l'association qui ont découvert l'ultrafond depuis une semaine et qui ont accompagné Franck ont aussi été scotchés.
Cependant, en lisant ce sujet, et en me rappelant d'autres dans d'autres forums où intervient Franck, j'ai été en colère - en tant que parent d’une fille autiste - devant le ton de certains commentaires. J'ai été profondément blessé devant la confiance de Franck et la réaction de certains.
Cependant, à la réflexion - et puis je lui en ai parlé un peu ce soir -, je trouve aussi beaucoup de réactions ici ce forum comme lors de la course qui me démontrent qu'un autiste a aussi sa place dans l'ultrafond, car la plupart sont prêts à faire l'effort d'adaptation nécessaire. Car Franck, lui, fait des efforts énormes.
Merci à
JB d'avoir contacté Gwenpour dire que Franck avait besoin d'un accompagnateur. Evidemment, nous étions 3 béotiens. Mais il a trouvé d'autres que nous pour le conseiller. Mais 3 béotiens qui retrouvaient en lui des comportements de nos (grands) enfants.
Contrairement à l'impression qu'il a donné à beaucoup, Franck tient compte de vos conseils. Mais lorsque vous le rencontrez, juste avant ou pendant la course, il est dans un tel état d'angoisse qu'il posera sans cesse la même question à des personnes différentes, parce qu'il veut anticiper au maximum. Et juste après la course, il va être dans une état d'euphorie peu sensible au respect des réalités.
Un autiste, par définition, a du mal à gérer l'imprévisible : pas l'idéal au départ pour l'ultrafond. Il a donc besoin d'imaginer tous les scénarios possibles pour se rassurer. Et comme il a du mal aux nuances dans les relations sociales, il va interroger tout le monde sur ce qui le préoccupe : et vous pourrez le trouver gonflant.
Ce week-end, tout le monde savait qu'il faisait une obsession sur l'eau. Nous n'avons pas arrêté de le rassurer - j'ai quand même racheté deux bouteilles - , mais nous avons été pile-poil ou plutôt ric-rac. Ce soir, il m'a expliqué pourquoi çà l'angoissait : mais par délicatesse, il n'avait rien dit pendant la course.
En théorie, on évite de répondre à un autiste par "çà dépend". Vous répondez de façon contradictoire à ses demandes de conseil. Mais il m'a semblé que vous faisiez un gros effort de pédagogie. Il ne peut porter ses fruits immédiatement, mais avec l’expérience : en cela, Franck fonctionne comme tous, car la "pédagogie par l'échec" est la plus efficace.
Vous êtes ultra-mieux placés que moi pour juger si/que Franck a des capacités d'athlète. Dans mon association, nous pensons que les autistes, ayant un fonctionnement neurologiquement différent (NT dans le jargon), ont des points forts. Une des trois caractéristiques de l'autisme est : "comportements répétitifs ou intérêts restreints". Pour un aspie (abréviation de personne avec syndrome d'Asperger comme Franck), on parlera plutôt d
'intérêts spécifiques.
Et, depuis un an et demi, l'ultrafond est l'intérêt spécifique de Franck. Son degré d'investissement est exceptionnel, mais c'est une des facettes de son fonctionnement. Et cela participe à sa réussite.
Vous vous inquiétez de sa santé et de sa faculté de récupération.
Franck connaît cette année une rupture au plan scolaire/professionnel/familial. On pourrait se dire que c'est la faute de l'ultrafond. Mais je suis sûr que son investissement sur l'ultrafond est aujourd'hui indispensable au maintien de sa santé. A lui de trouver d'autres chemins compatibles (il s'en préoccupe), et à d'autres que vous de l'aider pour cela.
Une précision sur une question qui m'a été posée, en ce qui concerne la douleur ressentie par les autistes. Les autistes ressentent la douleur au moins autant que les NT. Mais ils ne savent pas l'exprimer : les réactions seront intenses même par rapport à une douleur faible, ou ils n'exprimeront rien ou peu de choses. Franck dit : "si j'ai mal aux dents, je le dis". Par contre, nous, en tant qu'accompagnateurs, nous lui disons qu'il a toujours donné l'impression qu'il était pimpant et frais. Surtout sur le visage. Et nous nous basions sur d'autres éléments pour nous inquiéter de son état. Alors que lui n'a pas arrêté, compte tenu d’une expérience récente, de s'inquiéter pour nous.
Ma fille autiste a l'habitude de dire à ses camarades qu'il faut analyser le comportement des NT (neurotypiques) pour éviter de développer une paranoïa (méchants contre les gentils). Elle a donc demandé à Franck si la réaction de ses critiques n'était pas liée à la peur que d'autres prennent l'exemple (le mauvais) sur Franck. A votre avis ?