L'auteur : Greg136
La course : Ultra Trail du Mont-Blanc
Date : 30/8/2024
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 30 vues
Distance : 176km
Objectif : Terminer
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274 autres récits :
Je ne pensais pas écrire de résumé sur cet UTMB 2024, mais comme je vois que personne ne s’est jeté à l’eau et dans la mesure où tous les récits ont été une mine d’or pour ma préparation et ma motivation, je me dis que ça serait bien égoïste de ne pas prendre l’initiative pour cette édition 2024.
2024 je participe enfin à l’UTMB après mon abandon de 2016 au lac Combal.
Le chemin pour obtenir le précieux sésame a été une épreuve de patience, depuis 2018 je me suis inscris tous les ans, mais il y a d’abord eu le changement de règlement (fini la qualification automatique après trois refus), puis le covid, puis les tirages au sort négatifs malgré un stock de running stones proche de 20. J’avoue qu’après chaque tirage au sort, j’ai souvent eu le sentiment de “c’est bon je passe à autre chose”, mais ce sentiment était vite effacé par les souvenirs de ma TDS 2013, de l’ambiance particulière de l’UTMB et de l’envie de ne pas rester sur ce seul et unique abandon en trail.
En 2016, ma préparation avait été perturbée par un déménagement à New York en Juillet de la même année, un petit garçon de 9 mois que je gardais toute la journée en attendant d’avoir un visa de travail. Mon entrainement en D+ s’était fait dans les escaliers de l’immeuble (10x100m 🙂). Néanmoins, en 2016, je n’ai pas eu le temps de buter sur mon manque d’entrainement, mais des douleurs gastriques dès les Chapieux qui n’ont fait qu’empirer (malgré une sieste à Elisabeta), et qui ont fini par me faire abandonner. A posteriori, j’analyse ces douleurs comme liées à la déshydratation.
Pour 2024, le contexte est très différent : bien installé, 3 enfants, mais qui ont tous grandi, un job qui me permet d’avoir un bon lifestyle. L'objectif est clair : terminer sans trop souffrir, en particulier durant la seconde nuit. La préparation a été de très bonne qualité avec 5 premiers mois de vélo et de course à pied, puis un focus sur le trail dès juin et les dernières six semaines avec beaucoup de montagne. Depuis le mois d’Avril j’étais sur un rythme de 3 semaines x 10H d'entrainement + 1 semaine de surcompensation.
J’arrive donc dans d’excellentes dispositions avec un entraînement qui devrait compenser mes 8 années de plus (45 ans) depuis la dernière tentative. J’ai un plan de marche sur 40H, pour 168km (les puristes auront remarqué que ça ne matche pas avec les Km de cette édition 2024 - 176 km). Mon objectif est de pouvoir faire la descente du grand col Ferret en courant. Je suis sans assistance donc je porte une belle quantité de gels, purée et pâtes de fruit. En matière de matériel, je pars avec les Kjerag que j’adore (en particulier en descente), mais que je n’ai jamais pu tester sur 170km, donc j’ai prévu un changement à Courmayeur pour des New Balance Hierro plus confortables mais moins dynamiques.
Sur la base de mon expérience de 2016, j’ai comme stratégie d’essayer d’être rapidement devant le gros du peloton pour éviter les bouchons (au début) et la cohue aux ravitos. De fait, je rejoins la ligne d’arrivée 1H30 avant le départ et je suis proche du sas élite tout en étant assis sur des petits escaliers. L’attente passe assez vite, j’arrive à faire le vide autour de moi et à ne penser à rien.
18H03 le départ est enfin lancé. L’ambiance est encore plus folle que dans mes souvenirs de 2016. Je suis porté par cette marée humaine de supporters. Je constate que le fait d’être à l’avant est un bon choix, je peux courir de manière fluide, et je me cale à un rythme confortable qui me permet d’arriver au col de Voza sans bouchon - 1h46 - 930ème - 14’ d’avance sur mon plan.
La descente vers St Gervais est toujours aussi raide, je descends à mon rythme et arrive en 2h46 - 982 ème avec 25’ d’avance sur mon plan. L’ambiance à St Gervais est à la hauteur de mes souvenirs, et grâce ma petite avance sur 2016 (27’) le ravitaillement est fluide
La remontée vers les Contamines s’avale rapidement. Pas de bouchon comme en 2016 et je relance régulièrement tout en restant en gestion, et me voici rapidement au ravitaillement en 4h13 - avec 31’ d’avance sur mon plan et déjà 53’ d’avance par rapport à 2016 - je suis 905. Je m’arrête juste pour le plein d’eau, car je préfère faire une vraie pause au ravitaillement de la Balme.
C’est maintenant que la vraie course démarre avec l’ascension à la Croix du Bonhomme. Je constate que l’organisation a ajouté quelques animations - la Fly Zone - et surtout, dans les premiers raidillons après Notre Dame de la Gorge, il y a une ambiance folle, type tour de France dans l’Alpe d’Huez. Le rythme et le palpitant accélèrent malgré moi, et j’avoue apprécier le retour au calme une fois cette zone finie. Arrivé au ravitaillement de la Balme je fais une petite pause soupe et sandwich de 10’. Je repars 872ème en 5h55. J’ai stabilisé l’écart avec mon plan de marche à 33 min.
J’attaque maintenant la montée finale vers la Croix du Bonhomme, dont je garde un si bon souvenir en 2016, en particulier les frontales dans la montagne et la montée en peloton. J’avoue que cette année j’ai l’ai trouvée longue et que je l’ai montée relativement seul. J’avais également oublié la fin où on avance à flanc de coteaux jusqu’au refuge. J’arrive 870ème en 7h26 - 24’ d’avance sur le plan de marche et 1h14 d’avance par rapport en 2016.
La descente s’avale tranquillement, pour rejoindre les Chapieux en 8h06 - 863ème et 1H17 d’avance par rapport à 2016. Pour moi c’est un point de passage important car c’est là que j’ai commencé à avoir mal au ventre en 2016. Contrairement à 2016, le ravitaillement est calme, je peux m’asseoir. J’en profite pour prendre la boisson Naak que j’avais testé à l'entraînement.
Après 16’ de pause (qui m’ont semblé 5) je repars hyper confiant, avec le sentiment que cette année ça va le faire jusqu’au bout. Le parcours a un peu changé par rapport à 2016 et on quitte vite la route pour un sentier le long de la montagne jusqu’au pied de l’ascension du col de la Seigne. Je rejoins une coureuse avec qui on échange. Elle a mal au ventre et commence à s'inquiéter de ne pas finir. Je ne partage pas mon expérience malheureuse mais je compatis. Je constate néanmoins qu’elle monte fort et on arrive au col de Seigne dans un vent glacial en 10h40 - 870ème. Il fait encore nuit et je ne m’attarde pas car le froid est intense. Petite descente et au refuge Elisabetha, ma coureuse décide d’abandonner. Je lui conseille d’au moins dormir et de prendre sa décision à son réveil. Je crois qu’elle a malheureusement abandonné, ce qui me rappelle de tristes souvenirs.
On attaque maintenant les fameuses pyramides calcaires qui avaient scellé mon UTMB 2016. Là, rien n’a changé, c'est toujours aussi dur à la montée comme à la descente (le plus dur du parcours à mon avis). Je me fais beaucoup doubler dans la descente, mais je n’ai pas le courage de courir dans ces pierres. J’arrive au Lac Combal en 12h17 et 913ème et encore 20’ d’avance sur mon plan de marche. Je suis content d’y retrouver de l’eau car finalement la boisson Naak m’écoeure. Je compenserai le manque de glucides avec mes derniers gels avant Courmayeur. Petit signal, mes intestins se rappellent à mon bon souvenir, heureusement le ravitaillement est bien équipé en toilettes. J’espère que ça n’est que passager. Je repars après 15’ de pause.
Après 15’ de pause, me voici reparti avec le levé du jour pour attaquer l'arête du Mont de Favre que j’avais trouvée si belle durant ma TDS 2013. C’est toujours aussi beau, surtout avec le levé de soleil, mais c’est aussi une sacré montée.
J’y arrive en 13H40 - 960 ème. J'enchaîne direct sur la descente qui a l’air magnifique. C’est le moment où mes intestins m’envoient de nouveau des signaux désagréables. Il devient difficile de courir vite. Peu d’emplacements propices à une pause toilettes, je continue donc jusqu'à Checrouit où je trouve les plus belles toilettes de tout le parcours. Revigoré, je repars en 14h25 - 996ème et avec seulement 5’ de retard sur mon plan de marche. Il est temps d’attaquer la descente vers Courmayeur pour laquelle j’ai une certaine appréhension du fait des nombreux récits.
Le départ est sur de grands chemins qui descendent sur les pistes de ski. J’y vais doucement pour m’assurer que mes intestins sont bien remis, puis on bifurque sur un petit sentier. Et là, ce fut… un grand kif, je prends confiance sur ce single un peu raide mais très joueur, et je descends en courant à belle allure. Courmayeur qu’on voit en contrebas arrive vite, et me voilà au centre sportif en 15H13 - 1021ème - et avec 20’ d’avance sur mon plan de marche. Je suis super content de cette première partie, et c’est une seconde victoire de savoir que je quitterai Courmayeur par les chemins et non pas avec le bus comme en 2016.
Il y a pleins de places assises ce qui est confortable. Je me dépêche de faire le changement de T-shirt et de remplir le sac avec la nourriture nécessaire pour la suite. J’hésite à changer de chaussures, mais je me dis que je vais tester et la sensation de confort est telle dans mes Hierro que je suis immédiatement convaincu que la dureté des Kjerag pourrait devenir pénible pour les 25-30H qui m’attendent. Je me dirige maintenant vers le buffet, et je constate qu’il n’y a pas grand chose à part des pâtes trop cuites sans sauce et des produits NaaK. Je me contente d’un peu de soupe et je me mets en quête des toilettes, pour constater qu’il y a une queue énorme pour 2 toilettes en tout et pour tout. Je décide donc de m’en passer (mes intestins ont l’air bien remis) et je repars après 40 minutes de pause. Il est 10H, la température est agréable. Beaucoup de monde pour nous encourager dans les rues de Courmayeur. Je repars regonflé à bloc 958ème.
La montée vers Bertone est fidèle à mes souvenirs de ma CCC. Je prends un rythme régulier qui me permet d’arriver en 17H28 - 969ème. J’essaie de calculer la vitesse, mais il me faut ma calculatrice pour arriver à faire la division. Je commence à prendre conscience de la lucidité qui baisse.
Je repars sur ce qui est dans mes souvenirs un single track assez plat. La réalité est très différente, avec une alternance de montée et descente. La chaleur commence à s’intensifier. Je commence à souffrir lorsque je cours. Je crois reconnaître au moins 5x le refuge Bonatti qui n’arrive jamais. Finalement, le voici en haut d’une grosse côte. J’arrive en 19h et je suis 960ème. Je sens que je suis en train de prendre un coup de chaud. Je profite de la fontaine pour me rafraîchir et je repars avec pour objectif de faire une grosse pause à Arnouvaz. La descente me semble longue et j’ai du mal à me motiver à courir, surtout que mes intestins se rappellent à mon bon souvenir. Je mets 1H12 min pour parcourir ces 5km en descente, et j’arrive en 20H12 à Arnouvaz en 980ème position.
J’ai d’abord du mal à me motiver à boire ou à manger. En voyant ma tête, une bénévole me dit que j’ai l’air d’avoir pris un coup de chaud et me recommande de manger de la charcuterie. Comme un enfant je m’exécute, et par je ne sais quelle réaction chimique, je commence à me sentir mieux, à avoir faim et à boire à grosses gorgées. Rassasié, je décide de faire une sieste, allongé dans l’herbe à côté du ravitaillement. Je mets un réveil dans 10 minutes. Je crois m’endormir instantanément et partir dans des rêves assez étranges. Je me réveille juste avant la sonnerie et je décide de refaire une deuxième sieste de 10min, avec le même déroulé et les mêmes rêves étranges (psychédélique). Je me sens requinqué avec ces 40 minutes de pause. J'attaque le grand Col Ferret. Souvent considéré comme le juge de paix de l’UTMB, je l’avais fait durant la CCC 2012 sous la pluie et la neige, et j’en garde un très bon souvenir.
Magie de l'ultra trail et de la sieste, j’ai retrouvé mes jambes et malgré la chaleur j’avale le grand col Ferret à toute berzingue. J’arrive au sommet 990ème en 22h15 - j’ai 30min de retard sur mon plan de marche, mais la forme est là. J’engage donc dans la descente en courant et j’atteins mon objectif de faire toute la descente en courant. La pente douce est top pour moi et c’est comme ça que j’arrive à la Peule en 22h48 968 ème. Je décide de calmer un peu le jeu et je gère jusqu’à la Fouly où j’arrive en 24H - pile sur mon plan de marche.
A la Fouly, l’ambiance est très sympa. La tente est aérée et de grande taille. Je me laisse tenter par de la raclette avec de la charcuterie. Fort de mon expérience d’Arnouvaz, je décide de refaire une petite sieste de 10 minutes allongé dans l’herbe près du ravitaillement.
Je repars après 25 minutes de pause (contre 10 minutes dans mon plan de marche) et à partir de ce point je ne reviendrai pas sur mon plan de marche. A ce moment, en pensant qu’il me reste encore 60km à faire, je suis pris d’une certaine panique. Panique que j’arrive à canaliser en me concentrant sur le tronçon à venir en faux plat descendant, sur le fait que je peux toujours courir et qu’il fait encore jour. J’engage donc vers Champex. Pour la seconde fois depuis le début, je fais un brin de causette avec un trailer. Il en est aussi à son second essai. Lui avait abandonné à Champex à la suite d' une chute sur la section dans laquelle nous sommes (les racines)... Cela dit, nous courons à bon rythme et nous voici rapidement en bas de la remontée vers Champex. Le soleil s’est couché et je sors ma frontale. La montée s’effectue avec un petit groupe qui me suit et un rythme régulier pour atteindre Champex en 27h07 en étant 931ème.
A Champex, bizarrement, il y a du monde, même si il est facile de trouver un banc. Je me change en mode nuit. De nouveau je ne suis pas inspiré par le buffet et je me contenterai de bouillon de soupe et de charcuterie. Je suis très mal organisé, surtout que le ravitaillement est très grand. Je multiplie les aller retours. Une fois rassasié, je ressens un coup de barre et je décide de faire une micro sieste. Je me dirige d’abord vers la tente dortoir. Cependant, le côté cosy et sombre me dissuade d’y entrer, de peur de ne pas avoir le courage de repartir affronter le froid. J’opte donc pour une sieste allongé sur un banc. A nouveau je m’endors instantanément et me réveille avant la sonnerie. Je me lève aussitôt et je repars. Je suis resté 50 minutes dont 10 minutes de sieste. Je me demande encore ce que j’ai fait le reste de ces 50 minutes.
Pour moi, passer Champex veut dire que l’on finira. Il reste 3 ascensions. Il “suffit” de découper ça, comme dans le récit de Chti’gone qui dédie chaque ascension à un membre de sa famille. Je repars donc confiant sur le fait que maintenant c’est une question de patience et de méthode
La nuit est maintenant bien sombre. L’humidité du lac et la fatigue font que c’est dur de se réchauffer. Dans mes souvenirs de la CCC la montée vers Bovine arrive très vite et je suis surpris de continuer sur un long chemin forestier. Je suis seul, personne avec qui vérifier que je ne me suis pas perdu. Néanmoins, le balisage est là pour me rassurer. Je mettrais 1h avant d’arriver au début de l’ascension. Dès que je débute, je me fais doubler par des pelotons qui montent forts. D'abord démoralisé, je mets mon amour propre de côté et je continue à mon rythme. Puis d’un coup, je recommence à doubler tous les pelotons. Je ne sais toujours pas si ils sont partis trop vite ou si c’est moi qui ai accéléré -sans doute un peu des deux. Rassuré, j’arrive à la Giète en 30H47 position 919
Grisé par mes bonnes sensations, je file dans la descente seul avec ma frontale et moi même. Comme en 2012, je m’amuse beaucoup dans cette descente. J’arrive au col de la Forclaz où il y a un gros son... Néanmoins, c’est désert (il est 2h15 du matin). Je me fais rattraper par un gros peloton que je suis tranquillement jusque Trient, où j’arrive en 32h13 et en position 928. Avec le recul, je me demande encore l’intérêt de courir seul dans la nuit en descente au lieu d’avancer avec un peloton plus régulier qui donne la sécurité de ne pas être seul.
A Trient, la zone coureur est pleine à craquer. Je vais donc m’asseoir dans la zone accompagnants. Autour de moi, tout le monde parle fort, téléphone, crie. Avec la fatigue j’ai du mal à supporter ce tintamarre et je me dis qu’il serait bon que je refasse une petite sieste. Aussitôt dit aussitôt fait je m’allonge sous un porche à même le bitume à côté de 5 coureurs. Habillé de ma gore tex, je refais un micro sommeil de 15 minutes.
Il est 3H du matin, c’est la dernière partie dans la nuit. Je repars dans le froid le long de la rivière et je rattrape un petit groupe. La montée est très raide mais peu technique. Je me retrouve à prendre le lead du groupe que je garderais jusqu’au col. Je crois que c’est de cette ascension dont je suis le plus fier, et pour laquelle j’ai pris le plus de plaisir : malgré la difficulté de l’ascension, après 34H de course je suis monté avec le flow à quasiment 600 m de D+.
Arrivé au sommet, mes intestins se réveillent mais je ne trouve pas d’endroit propice. Mes hésitations, me font perdre le groupe avec lequel j’ai fait l’ascension. Sans groupe, je perds aussi le rythme dans la descente et je me retrouve à trottiner au ralenti seul dans la montagne, tout en ayant mes intestins qui manifestent leur mécontentement.
Une fois dans la forêt, et pour la première fois depuis le début de la course, je vois mes premières hallucinations : un papi Japonais assis sur un champignon géant et une soucoupe volante en train de faire le plein… C’est assez amusant car d’habitude mes hallucinations sont des ombres. Là j’ai pris une upgrade, et mes hallucinations sont en couleurs.
Après cette longue descente, j'atteins enfin la dernière pente avant Vallorcine. Il reste un grand tour à faire le long de la rivière avant d’atteindre le dernier ravitaillement. J’arrive en 36h35. On sent qu’on est en fin de nuit, l’ambiance est très “sleepy”. Je file direct aux toilettes, et fais la queue 10 minutes car un seul toilette pour tout le ravito… un verre de coca et je repars direct pour cette dernière étape. Au final je serai resté 25 minutes alors que j'ai eu l’impression d’un ravitaillement express.
Je repars avec le soleil qui se lève. Un drôle de sentiment s’empare de moi : “ç’est déjà fini - j’aurais voulu que ça continue encore”, et les premiers km vers le col des montets se font avec une certaine mélancolie. Il y a finalement pas mal de supporters et même le train que je croise n’hésite pas à klaxonner pour m’encourager alors qu’il est 6h30 du matin et qu’il roule dans Vallorcine. Souvent minimisé lorsqu’on prépare une course, mais toutes ces attentions, sourires, encouragements, etc… font partie des trésors qu’on garde au fond de nous après ce type de course.
Me voilà, au début de cette nouvelle ascension. Le sentiment de “c’est déjà fini” est vite remplacé par la dure réalité, qu’il reste encore 1000m de D+ et que je commence à fatiguer. Je me fais beaucoup doubler dans la première montée vers le Béchar, je suis philosophe et je me dis que j’ai maintenant le temps et je reste sur mon rythme. Dans la descente, j’assiste à plusieurs gamelles et je décide de rester prudent en faisant le constat que mon niveau de lucidité est super bas. Au détour d’un virage j’ai de nouvelles hallucinations, alors qu’on est en plein jour… Je vois notamment ma Grand Mère.
La dernière ascension jusqu'à la Flégère est raide, d’abord sur les chemins puis sur les pistes de ski. Dawa Sherpa (une icone du trail de mes jeunes années) est là au bord du chemin pour nous encourager. Le soleil est maintenant bien haut, et je constate que j’ai dû oublier mes lunettes de soleil dans un ravito (probablement la veille à la Fouly). Au fur à mesure qu’on se rapproche de la Flégère on reçoit de plus en plus d’encouragements et c’est avec une certaine émotion que j’arrive au dernier ravitaillement en 39h57 et 966 - ce qui est cohérent avec ma montée au ralenti. Même si je suis monté en 2h27 depuis Vallorcine alors que mon plan de marche prévoyait 3h10.
Je constate sur les panneaux, qu’on est déjà à 170 km. Je comprends à ce moment que mon plan de marche était foireux et qu’il lui manquait 10km, car basé sur le parcours de 2016… Cette anecdote me fait sourire et je me dis qu’en fait c’est cool, je serais vers midi à Chamonix pour l’apéro. Une pause rapide pour resserrer les chaussures et passer aux toilettes (pour garantir que mes intestins me laissent savourer la descente et surtout l’arrivée).
J’avais reconnu cette descente en Août et je m’élance confiant tout en sachant qu’au ralenti peut paraître longue. Passée la partie raide du début, mes jambes répondent bien et j’ai le plaisir de courir avec aisance dans les sentiers de la forêt.
De fait, je prends un grand plaisir dans cette descente et je profite de toute l’énergie que les randonneurs / supporters nous donnent. Voici rapidement la Floria, puis les bruits de la route… et enfin on arrive à la passerelle temporaire qui enjambe la route. Ce sont les deux derniers Km le long de l’Arve. Bien entendu, la fatigue disparaît et je profite de cette arrivée que j’avais tant rêvée. Elle fut largement à la hauteur de mes fantasmes, même en l’absence de proches.
Je franchis l’arche en 41h24 - 977ème.
Après une petite sieste (et une douche) à l’hôtel je retourne profiter de l’ambiance à l’arrivée. La remise des prix a eu une saveur particulière. Au restaurant le soir, j’écoute une tablée de volontaires débriefer de cette semaine. Un immense merci à tous pour nous permettre de vivre nos rêves.
De manière assez surprenante, pas de courbature, ni le soir ni le lendemain pour aller prendre le train. Durant le trajet en train, je tente de répondre à quelques messages du boulot, mais je fais vite le constat que je mon état ressemble plus à un lendemain de soirée et qu’il est sage de poser les E-mails. Je suis content de ne pas avoir prévu le moindre trajet en voiture (genre Chamonix Lyon) ça n’aurait pas été possible. Je savoure donc ces 6H de train pour revivre ma course, répondre aux messages de mes amis et revivre en pensée cette aventure.
Quel bilan 9 mois après ? Je reste très fier de moi, et toute l’émotion positive des supporters, des paysages, des cols franchis, du fun dans les descentes, du départ et de l’arrivée est toujours présente. Il y a sûrement un peu de post rationalisation, mais je suis très content d’avoir été en gestion durant toute la course (ou presque si on retire la traversée Bertone Arnouva) et je ne regrette pas de ne pas être passé sous les 40H. J’ai atteint mes autres objectifs et j’ai vraiment kiffé.
Je n’ai pas eu de déprime post UTMB et après une semaine j’avais repris le vélo à bon rythme et la course après 10 jours. Néanmoins en cette d’année post UTMB, je n’ai pas eu la motivation pour m’inscrire à un nouvel ultra, car je savais que je n’aurais ni la motivation, ni le temps de retrouver le niveau que j’avais atteint. J’ai opté pour d’autres challenges comme un triathlon L (je nage comme un fer à repasser) et des courses de vélo. Ca n’est que maintenant que l’envie de retourner sur des ultra est en train de revenir.
Est-ce que je referai l’UTMB ? pas tout de suite c’est certain, même si on me donnait un dossard. Mais je suis à peu près certain que d’ici quelques années, l’envie de revivre l’ambiance de Chamonix sera la plus forte.
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