Récit de la course : Off - Chemin de Stevenson - GR70 2025, par cabalex

L'auteur : cabalex

La course : Off - Chemin de Stevenson - GR70

Date : 20/7/2025

Lieu : Le Monastier Sur Gazeille (Haute-Loire)

Affichage : 200 vues

Distance : 244km

Objectif : Pas d'objectif

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STEVENSON, LE CHEMIN DE LA LIBERTE

 

Depuis longtemps l’idée me trottait dans la tête de parcourir à pied le « chemin de Stevenson ». Du nom du célèbre écrivain écossais, qui aidé de son ânesse Modestine, s’en alla à l’automne 1878, relier les quelques 230 km entre Le Monastier sur Gazeille en Haute-Loire et Saint-Jean du Gard dans les Cévennes. Cette expérience initiatique marqua profondément Stevenson et inspira des générations de randonneurs. Aussi, j’avais découvert en 2016 les premiers kilomètres de ce tracé mythique à travers le Grand trail de Stevenson organisé par l’association 3 Soleils. Mais cette fois-ci, point de course, juste une « rando-trail » (un mixte de marche et course nature) organisée en solo de A à Z pour fêter mes 50 ans. Un « off » offre l’avantage de s’organiser et se challenger en toute liberté, tester sa débrouillardise, prendre le temps de se mouvoir et s’émouvoir des sentiers et paysages traversés. 

LE POIDS DE LA LIBERTE 

La réussite d’un tel projet requiert ainsi anticipation et organisation. Evaluer d’abord sa capacité physique et le nombre de kilomètres journaliers. Réserver ses hébergements en fonction des étapes définies. Préparer minutieusement son sac, le plus léger possible (au final 6kg), sans renier sur le nécessaire et sa sécurité. Etudier le tracé et ses diversités, sa topographie, la richesse du patrimoine…Un grand merci à Laurence et à Jérôme Begon pour leur bienveillance et précieux conseils. Le 20 juillet à midi, j’étais donc prêt à m’élancer pour 6 jours d’un défi physique peu commun sur le GR70.

ENTRE GRIS CLAIR ET GRIS FONCE 

A la sortie du Monastier, je m’élance donc symboliquement de l’église Saint-Jean, à l’endroit même du départ du trail, neuf ans auparavant. Première étape de 28 km en ce début d’après-midi, le mauvais temps est annoncé alors je ne traîne pas. Déjà dans le vif du sujet avec une succession de vallons et plateaux volcaniques, de larges pistes en terre battue et pierres oscillent entre le rouge et le noir. C’est roulant alors j’allonge la foulée mais dès que la pente s’élève, j’actionne le mode marche rapide pour m’économiser, entre 6 et 7km à l’heure. Première rencontre : celle d’une dame en train de fixer le bât sur son âne, Alès est sa destination, je lui souhaite bon courage ! Beau panorama sur le château de Beaufort à Goudet au passage du pont sur la Loire. Le ciel est changeant et j’essuie une averse orageuse à Ussel là où Stevenson avait galéré avec son chargement sur le dos de Modestine. Premier réflexe en arrivant dans le village, repérer la fontaine d’eau potable pour recharger mes flasques. J’en ai deux remplies en permanence, une d’eau plate, l’autre avec des électrolytes (glucides avec vitamines et sels minéraux). Ce n’est pas la grande forme, je me sens déjà entamé en arrivant au Bouchet Saint-Nicolas, terme de cette première étape. Je décide quand même de tirer jusqu’au lac du Bouchet, un cratère volcanique. Cela vaut le détour. Au gîte, je suis accueilli par la co-gérante Emilie du gîte la Retirade et un labrador. Première soirée à partager avec les autres randonneurs nos premières impressions autour d’un repas 100% bio.

EXTRATERRESTRE 

Le lendemain, c’est la première grosse étape , dans la continuité de la veille niveau météo (frais et nuageux, idéal pour l’occasion!), paysages du Velay et du Vivarais. Landos, Arquejols, Pradelles et Langogne, des bourgs pittoresques et anciens de moyenne montagne, la forêt du Mercoire (point de bête du Gévaudan!)... Les quelques flâneries photographiques le long du GR70 sont autant de pauses bienvenues et revigorantes. A part la fin de mon panier repas méridien en compagnie d’une mère et sa fille sur la table en bois du centre de Pradelles, je ne croise à ma surprise pas grand monde sur le chemin. Ce sera souvent le cas ensuite. C’est au repas du soir au Cheylard l’Evêque que je retourne à la civilisation. Une tablée d’une vingtaine de convives, dîner gargantuesque (un gâteau à la châtaigne avec glace vanille maison à tomber par terre !), où l’on me prend pour un extraterrestre avec mes 40 bornes par jour ! (en moyenne, c’est 15 à 25 kilomètres en mode pure randonnée, chacun à son rythme!). Je discute avec Mélanie et Thomas les propriétaires du refuge du Moure, il y a bien eu un effet post Covid avec une clientèle plus exigeante : par exemple, davantage de chambres, moins de dortoirs, des réservations de dernière minute...même une demande du style: « je suis végétarien mais cela dépend des jours ! »

UN BOUT DU MONDE

Mardi, le soleil est enfin vaillant et moi aussi. Une journée riche en découvertes : le château de Luc et son donjon orné de la Vierge Marie, l’abbaye Notre Dame des Neiges dans un décor du bout du monde où je croise un groupe de filles scouts unitaires de France venu donner de leur temps au service des moniales, la forêt domaniale de la Gardille où trône désormais un parc d’éoliennes, ce lieu même où huit jours auparavant s’était déroulée une immense rave party interdite ! Enfin, les lavoirs et le magnifique panorama au sortir de Chasseradès, terme de ma troisième étape. Je suis bien reçu par mes hôtes Stéphanie et Laurent au relais de la Modestine, c’est leur première saison après une reconversion professionnelle. Je croise de nouveau le couple de néerlandais de la veille. Surpris de les voir arrivés avant moi mais ils avaient emprunté un raccourci ! Je fais notamment la connaissance de Patrick, un sexagénaire dynamique en télétravail le reste de l’année sur son... bateau en Méditerranée ! Le lendemain matin, parti après lui, je le dépasserai en courant et Patrick en s’exclamant : « tu gambades comme un certain...heuh… Jornet (Kilian Jornet, champion d’ultra-trail), à ce rythme là, rendez-vous à Nice! ».

ORAGE ET DE L’ESPOIR 

Ce mercredi était une journée déterminante de mon chemin. Mi-parcours, ascension du Mont Lozère, entrée dans le parc National des Cévennes, une région à l’histoire tumultueuse… J’étais plutôt rassuré par les prévisions météo : couvert et pluie faible l’après-midi. Viaduc de Mirandol, forêt du Goulet, traversée du Bleymard en mode apéritif, vient alors le hors d’oeuvre : la progressive montée vers le col de Finiels (1 699m) avec une succession de drailles parsemées de montjoies, colonnes de pierres sèches dans un silence absolu, au milieu de landes, sous un ciel menaçant. Je contemple longtemps ce paysage d’exception et les panoramas alentours. Au sommet, il me reste 11km de descentes jusqu’au Pont de Montvert. Le temps se gâte au début de ma traversée de la sapinière. Le vent se lève, l’orage gronde de plus en plus près, je suis piègé ! Certes bien équipé mais le premier village, Finiels, est à 3km, rien pour m’abriter en dur. Heureusement je suis descendu des crêtes. La pluie redouble, je n’ai pas d’autre choix que de courir à bonne allure. Par chance, un éclair passera près de moi, je me mets en boule par terre. La suite c’est une cavalcade humide, avec de supers sensations ! A 4km de l’arrivée, je rencontre une famille sortie d’un bois, parents avec 4 jeunes enfants apeurés et un gros chien qui s’étaient réfugiés sous un rocher ! Les deux derniers kilomètres sont spectaculaires, j’aperçois le Pont de Montvert au fond de la vallée en empruntant des chemins de granites glissants et techniques. J’arrive trempé mais bien en jambes. Inoubliable !

LA TRAVERSEE DU DESERT

Je passe la nuit à l’auberge des Cévennes dans la chambre solo où séjourna Robert Louis Stevenson himself ! Le Pont de Montvert est un lieu emblématique qui intrigua beaucoup l’écrivain écossais : de confession protestante, il relate dans son «  Voyage avec un âne dans les Cévennes » la guerre des Camisards, cette lutte sanglante des résistants huguenots contre les persécutions royales au début du XVIIIème siècle pour la liberté de conscience et de culte. Viendra ensuite la concorde religieuse mais la région reste marquée par ces réunions clandestines appelées « assemblées du désert ». Justement, ma traversée du désert est le point d’orgue de cette journée du jeudi, la plus longue de 51 km, sous un soleil retrouvé ! D’abord, visite du temple puis la remontée sublime du Pont de Montvert au milieu des blocs de granit, la forêt et alpages du Signal du Bougès et ses yoga minéraux, la descente vers le village de Bedouès et sa collégiale puis la traversée de Florac et le final dans la vallée de Mimente jusqu’à Cassagnas, sept derniers kilomètres interminables sur une ancienne voie de chemin de fer transformée en voie verte, un chemin de croix pour mes guibolles ! L’accès au gîte Le Mimentois, en côte, me rajoute quelques kilomètres imprévus. Ce soir là, la nuit est étoilée et le repos salvateur.

Le dernier jour est toujours spécial. Fatigue accumulée, envie d’en terminer mais surtout profiter de l’instant présent. Encore une énième ascension pour profiter des vues sur les montagnes cévenoles suivies de belles descentes vers la vallée Française (St Germain de Calberte et St Etienne Vallée Française). La dernière difficulté, le franchissement du col saint-Pierre, escarpée et caillouteux, je la partage avec l’ami Xavier Capilla en mode 100 % randonnée jusqu’à la fontaine Stevenson de St Jean du Gard, épilogue d’une itinérance pas comme les autres.

Au final, 244 km de chemins et de sentiers accessibles, une expérience sensorielle unique, la concrétisation d’un rêve et l’envie de revivre, un jour, ce genre d’aventure.

 


 


  

 

 

1 commentaire

Commentaire de philkikou posté le 01-08-2025 à 18:30:55

Bravo pour ta rando trail ... On était pas loin de se croiser, lors de ma traversée vélo diagonale du vide j'étais dimanche soir à Pont de Montvert, dormi au camping car le gîte d'étape était fermé pour raison sanitaire (surement punaises de lit) J'ai eu l'orage à 19h. et dans la nuit, et en lisant ton récit je vois que j'ai eu du bol d'y échappé sur mon vélo

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