Récit de la course : 100 km de Millau 2023, par Cecile Germin

L'auteur : Cecile Germin

La course : 100 km de Millau

Date : 30/9/2023

Lieu : Millau (Aveyron)

Affichage : 83 vues

Distance : 100km

Objectif : Terminer

1 commentaire

Partager :

138 autres récits :

100KM de Millau 2023, ce jour où je suis devenue Cent-Bornarde

Premier récit de course posté ici 🙃
Avant de commencer, je précise que :
1/ j'ai un tout petit niveau par rapport à vous tous ici 
2/ mon objectif était uniquement de terminer dans les barrières horaires
3/ mon chrono n'est sans doute pas glorieux pour beaucoup ici, mais pour moi c'est une vraie fierté d'avoir terminé cette course. Une aventure incroyable 😍

Chapitre 1 : LA GENESE  
Le 100km de Millau est une course mythique, LE 100 bornes par excellence, le plus ancien de France (dans le Milieu on l’appelle « la Doyenne » …). Il est sans doute aussi l’un des plus exigeants, avec ses 1200m de dénivelé positif. Paradoxalement, c’est aussi une course « à la bonne franquette ».
Quand on est habitué aux grosses courses type « Marathon de Paris », ça dénote complètement, et c’est plutôt chouette.
Je m’explique : pour Millau, j’ai envoyé un bulletin d’inscription papier, avec mon chèque à l’intérieur, l’inscription en ligne n’étant pas tout à fait opérationnelle.  
A Millau, tu le sais dès le départ, il n’y aura pas de médaille à l’arrivée. Tu cours pour la fierté de franchir la ligne et d’entrer dans la famille des « Cent-Bornards », pas pour la médaille. La seule médaille est attribuée au vainqueur, une médaille un peu comme celle du cross du collège, à l’ancienne.  
Les 100km de Millau sont portés par des centaines de bénévoles, il y a très peu de sponsors, et du coup, ça en fait une course authentique et sans chichis.  
Après mon aventure dans le désert péruvien, j’ai eu un « désert blues » ...  Quand tu as couru la course dont tu as rêvé pendant des années, quand tu as réalisé ton rêve, quand ton cœur est rempli de ces images et de rencontres incroyables, de cette expérience de dingue, qu’est ce que tu peux faire ? Quel défi pourrait te faire vibrer à nouveau ?
Et c’est là qu’arrive Pierre, le fameux Pierre qui est là depuis mes débuts, celui qui me racontait ses courses avec des étincelles dans les yeux, à l’époque où je n’avais même pas dans l’idée qu’on puisse prendre du plaisir à courir, ce Pierre dont le cerveau regorge d’idées à la con…  Alors que mon cerveau à moi était encore plein de sable, et que je réfléchissais à m’inscrire sans trop de conviction sur la Saintélyon, Pierre me dit : « A 15 bornes près, tu devrais plutôt faire un 100km. Tu serais Cent-Bornarde ! »
A quoi j’ai répondu que 100 bornes, quand même, non, je n’en étais pas capable. Et là, il m’a asséné "THE" argument fatal : « Si si, je sais que t’en es capable, et en plus tu peux avoir un suiveur à vélo ! GG (*mon mari) par exemple ! » Et paf ! en un quart de seconde, il m’avait vendu le bazar. C’était décidé : je ferai Millau, et avec GG... qui ne se doutait même pas de ce que j'avais prévu pour lui !  
Voilà comment je me suis retrouvée à envoyer mon bulletin d’inscription papier aux bénévoles de Millau, un jour froid de février, inscription hyper précoce qui m’a valu mon dossard numéro 2 si parfaitement adapté à notre duo d’amoureux, et qui a suscité tant de convoitise et d’intérêt de la part des autres coureurs (non non, je ne suis pas élite…) !
 
Et quelques mois plus tard, nous voilà le vendredi 29 septembre, à récupérer nos dossards dans la salle des fêtes du bien-nommé Parc de la Victoire.  Le traditionnel village de course est lui aussi « à la bonne franquette » … On est loin du village type Marathon de Paris avec ses dizaines d’exposants prêts à te faire péter ton PEL en accessoires, gels et autres paires de pompes à 300 balles.
Sur le village sportif de Millau, tu trouves du Roquefort, des gâteaux à la broche (la spécialité locale), du miel, de la charcuterie, quelques articles de la boutique officielle… et une buvette !

Nous avons ensuite récupéré le vélo électrique de GG, vers Millau plage. Puis, retour à l’hôtel, avant d’ingurgiter une bonne plâtrée de pâtes.  Enfin, il a fallu préparer les ravitos, car j’avais choisi d’être totalement autonome sur la course ne sachant pas ce qu’il resterait au moment de mon passage, d’autant que j’avais un ravitaillement bien précis à suivre, validé par ma diététicienne.  
Le plan de bataille alimentaire était le suivant : à chaque heure de course je devais ingurgiter 500ml de boisson d’effort maison + 1 compote + 1 sandwich (pain au lait et viande des grisons).
*** spoiler : je n’ai pas réussi à le suivre, et ça a sans doute joué dans ma performance décevante ***  

 
Chapitre 2 : L’EXODE  
Samedi 30 septembre, 7H00 : après une bonne nuit de merde où j’ai revu le parcours 10 fois, 100 fois, 200 fois, nous nous sommes mis en ordre de marche ! Les suiveurs à vélo doivent se rendre au KM7, ce qui laisse au flot de coureurs le temps de se diluer au départ et d’éviter un joyeux bordel.
GG part donc directement à Aguessac, pendant que je prends le chemin du Parc de la Victoire, un petit nœud au ventre et le cerveau plein de questions : Ma prépa perturbée va-t-elle suffire ? Mes intestins vont-ils tenir ? Comment vais-je gérer la nuit ? …  Il fait déjà très chaud, je n’ai pas eu besoin de mettre un poncho, le ciel est d’un bleu sans nuage, le soleil tape déjà.
Je dépose mon sac à la consigne pour St Affrique (base de vie du 71e km).  
La salle des fêtes dispose de vraies toilettes, j’en profite pour mon traditionnel « pipi de la peur » d’avant départ. Je découvrirai avec bonheur que tout au long de la course, il y aura de vraies toilettes car pas mal de ravitos sont dans des salles communales. Ça peut sembler un détail, mais c’est un vrai luxe, surtout pour nous les filles.
 
La ligne d’arrivée est dans la salle des fêtes, déjà prête à nous accueillir, avec le panneau 100km. J’ai du mal à me figurer que je vais courir 100km.  Ma plus longue course est de 50km, je n’ai jamais dépassé cette distance sur une seule sortie. Il va falloir aller la chercher cette ligne.  Je sors me mettre au soleil, dans le Parc de la Victoire, en attendant sagement le départ. Les grilles du parc ont été fermées. Les coureurs s’agglutinent, certains sont concentrés, d’autres rigolent entre amis, d’autres encore paraissent stressés. 
 
9H30 : l’ensemble de butacada « Samba Mio » commence à jouer. Jusqu’à cette année, c’était la fanfare de Millau qui accompagnait le cortège depuis le Parc de la Victoire jusqu’à la ligne de départ.  Une vraie procession, une tradition. Cette année, c’est sur des airs de samba que nous allons rejoindre l’arche du départ, avenue Jean Jaurès.  Les immenses grilles en fer du Parc s’ouvrent. Mes poils se dressent sur mes bras. Ce moment est incroyable. On y est. Après de mois de prépa, c’est l’heure !  Le cortège s’élance.
Je me retrouve à côté d’un petit papi, auquel je ne saurai donner d’âge. Il entame la conversation. Il s’appelle Joël. Lui court son 13e Millau, il me dit qu’il court pour sa Belle-Mère, décédée cet été, à qui il a promis de finir. Je lui parle des Sky Angels, de mes copines qui se battent contre cette merde de cancer. On ne se connaît pas, mais en fait c’est toute la magie des courses : partager des choses avec des inconnus qu’on ne reverra sans doute jamais, mais pendant quelques minutes ou quelques heures, on vit le même truc.  
Le cortège continue d’avancer. On rejoint l’arche. L’ambiance monte d’un cran quand on stoppe pour attendre le départ. La butacada s’arrête, la musique et le speaker prennent le relais. Les gens sont aux fenêtres, ils attendent eux-aussi le départ de cette grand’messe annuelle. Le speaker annonce le départ d’un concurrent aveugle avec son guide. Puis, ça va être notre tour.  
Le coup de pistolet retentit à 10h tapantes, les aveyronnais sont ponctuels ! Ca y est : c’est parti… Les 1004 coureurs s’élancent.   

 
Chapitre 3 : LES NOMBRES  
KM 1 à 7 : Je le sais, je dois absolument finir le marathon « fraîche comme la rosée du matin », parce que la course commencera après le marathon. C’est donc pied sur le frein que je démarre.
J’ai programmé ma montre pour respecter une alternance de 14mn de course et 1mn de marche. Ça, c’est la théorie jusqu’au marathon. Ensuite, malgré les bips d’alternance, je sais que les montées seront marchées quoiqu’il arrive. Garder des forces est l’objectif principal.  
Il fait déjà très chaud. La journée s’annonce caniculaire (nous atteindrons 34 degrés). Je suis tellement fière d’avoir quand même fait toutes mes sorties du plan, malgré la canicule parisienne. Ces sorties difficiles vont m’être très utiles car je suis déjà habituée à gérer la chaleur. Cette chaleur aura raison de bien des concurrents.  
Nous prenons la direction d’Aguessac, à 7km de Millau. Je connais bien ce coin, ce parcours. Nous y sommes venus plusieurs fois en vacances, le coin est sublime, le Tarn passant en contrebas. Je discute avec deux copains qui courent ensemble, leurs femmes les attendent au marathon pour les suivre à vélo. Eux aussi courent en Cyrano (alternance course/marche). Nous partageons notre étonnement de voir autant de « papis et mamies » sur la course. Incroyable ! Certains ont clairement dépassé les 80 ans, mais ils ont une patate d’enfer !

GG m’attend comme prévu, ça y est on va attaquer notre course à deux, parce qu’à deux, c’est mieux.  La prochaine étape c’est le semi, entre le Rozier et Peyreleau. Il n’y a aucune difficulté d’ici là, donc on prend simplement le plaisir de courir et pédaler côte à côte.  Je suis tellement contente de partager ce challenge de dingue avec ma moitié, ça nous laissera un souvenir extraordinaire.

KM 8 à 20 :
Les kilomètres défilent, les petits villages que nous aimons aussi.  
Rivière Sur Tarn, le Château de Peyrelade en haut de son rocher, les bords du Tarn, la petite église de Pinet, Boyne, Mostejouls, Liaucous, tous ces magnifiques endroits perchés…
Semi : 3h06
Nous arrivons au Rozier après avoir traversé le Tarn. Le Rozier touche Peyreleau, c’est un endroit vraiment très joli, mais je le sais, la première difficulté est là : ça grimpe. J’ai prévu un passage au semi à 3H30 de course, nous sommes donc un peu en avance. Ce n’est pas plus mal. La stratégie étant de s’économiser, on monte en marchant. 
 
KM 21 à 30 :  Succession de faux plats montants. L’air de rien, ça grimpe, en alternance. On a repéré le parcours avant, on sait que là, c’est ombragé, mais qu’il faut rester sages. Marcher les montées, trotter les descentes, jusqu’au village de La Cresse, le ravito du 30e. On en prend plein les yeux, c’est beau. C’est chouette de partager ça ensemble.  
Je suis surprise de la qualité des ravitos. Il y a beaucoup à manger, du choix en sucré et en salé. Beaucoup à boire aussi : eau plate, gazeuse, du coca, y’a aussi de la bière (bon là, j’avoue que je suis dubitative…). Nous ne sommes pourtant pas parmi la tête de course, mais plutôt la fin du peloton, mais il reste encore énormément de choses. On trouve aussi des sandwiches au pâté, à la crème de Roquefort, des œufs durs, du jambon… Incroyable !  
Plus tard, la nuit tombée, on aura aussi de la soupe et des boissons chaudes. Ces ravitos sont les plus fournis que j’ai vu dans toutes mes courses. Millau n’a rien à envier à des grosses machines comme Paris. Bien au contraire…

KM 30 à 42 :  Aucune difficulté à prévoir sur cette partie mais la chaleur est torride et cette partie-là n’est pas ombragée. Je vais avoir un coup de chaud vers le 35e, c’est très difficile, je me ferme et me mets dans ma bulle, je me dis qu’il faut me remobiliser, boire, manger.  Objectif : arriver au marathon.
Ne pas penser plus loin.  
Entrée dans Millau, direction le Parc de la Victoire, le balisage est franchement moyen, des flèches partout sur la route avant, quand il n’y a pas vraiment de risque de se tromper, mais arrivés à Millau, quasiment plus de flèches, c’est un peu bof.
Le Parc de la Victoire est là. Je laisse GG au parc à vélos pour faire son ravito et recharger mes bouteilles, et je monte pointer à la base de vie.  Marathon bouclé en 6H20, j’avais visé entre 6h30 et 7H. On est dans le timing.  Je m’accorde une pause de 10/15mn avant de repartir. Je me ravitaille, je me rafraîchis, je fais une « escale technique » et quelques minutes les mollets en l’air.
 
KM 42 à 52 :  C’est maintenant que la course va vraiment commencer.  Je fonctionne par objectifs intermédiaires : après le marathon, mon objectif c’est le 71eme, St Affrique et la 2e base de vie. Les difficultés sont devant nous : les côtes ! Et la première c’est celle du Viaduc, 2.5km.  En attendant d’y arriver, nous sommes impatients de croiser le 1er. Parce que l’avantage d’une boucle, c’est que tu croises la tête du peloton. Et on ne va pas être déçus ! A la sortie de Millau, au 98e km (pour lui…), on le voit débouler comme une fusée, c’est hallucinant… Le gars a une foulée de dingue, pas une goutte de sueur ne perle sur son petit minois de gamin, il est frais comme un gardon, et il va aller exploser le temps en terminant en 6h58mn. Du coup, on s’attend à croiser le 2e. Mais le 2e on ne va le croiser que plus de 20mn après, car il a été distancé comme jamais. 

Maintenant il faut attaquer la méchante grimpette du Viaduc. Il est là, majestueux, la route est pour nous, la circulation a été coupée, c’est incroyable. Impressionnant !  Une ambulance nous double et vient s’arrêter pour récupérer un mec qui ne peut plus avancer. Il est étendu au bord de la route, avec quelques personnes à ses côtés. Pour lui, l’aventure s’arrête là. Nous l’ignorons encore, mais nous ne serons que 769 sur les 1004 partants à terminer l’épreuve. Il fait toujours aussi chaud, mais j’ai repris du poil de la bête, je me sens bien, on approche les 50km, soit la moitié du parcours, on rigole avec GG, je prends du plaisir sur cette course à deux.  C’est un truc de dingue ces 100 bornes. Petite pause photo au KM50, afin d’immortaliser la balade. Profitons-en pendant qu’il fait encore jour… 

La descente va me tuer les cuisses. 2km, ça ne parait rien, mais je sens que ça chauffe, j’ai hâte d’arriver en bas. Au ravito de St Georges de Luzençon, il y a des massages, j’avoue que je suis bien tentée, mais je veux tracer sur St Affrique, d’une part pour valider la barrière horaire, mais aussi pour atteindre mon 2e objectif, avec le moins possible de course dans la nuit.  Je commets là ma première erreur : j’aurai dû faire masser mes cuisses.

KM 52 à 65 :  Maintenant, on sait qu’on va se bouffer 12km de côtes : une première partie de 8km, suivie de la fameuse côte de Tiergues de 4km, jusqu’au col. Mais une fois passés ces 2 gros morceaux, il n’y aura « plus qu’à » redescendre sur St Affrique.  Le jour commence à tomber, nous avons dégainé nos frontales et nos gilets jaunes au passage du ravito. Je n’ai jamais couru « vers la nuit », j’ai couru « vers le jour ». Je trouve ça angoissant, mais je suis avec GG, qui ne faiblit pas d’un iota. Et puis la nuit va aussi nous apporter de la fraîcheur.  Finalement je gère plutôt pas mal la partie de 8km, toujours en alternance course / marche. Sur le papier la côte est flippante, mais dans la réalité elle passe pas mal. C’est une succession de grimpettes assez étirées. La côte de Tiergues par contre, ça va être une autre histoire. Pour le coup, celle-ci, elle ne s’étire pas. En revanche, elle brûle les cuisses, elle casse les mollets, … et le moral aussi.  Je la trouve absolument interminable. Plus question d’alterner course et marche, je me traîne avec lenteur. Je m’accroche à l’objectif de rallier St Affrique. Avancer, lentement mais sûrement. Enfin, la montée se fait moins raide, et on commence à se dire que ça sent la fin. Nous atteignons le col de Tiergues, et savons qu’à présent c’est la redescente de 6km jusqu’à St Affrique. Nous passons le 65e km après 10H39 de course.  KM 65 à 71 :  Je reprends mon alternance course / marche. Ça descend, mais sans trop piquer comme pour le Viaduc. Cependant, pas de répit, on sait qu’il n’y a pas de faux plats, on a reconnu le parcours. C’est cette remontée dans le sens du retour qui m’effraie le plus sur cette course.  Le 2e objectif est proche, je veux arriver avant 22H à St Affrique pour être large avec la barrière horaire (fixée à minuit). Nous voilà au panneau St Affrique : il est 21H43, le plan se déroule sans accroc.

Direction la base de vie pour une petite pause bien bien méritée. Là encore il y a des massages, mais il y a trop de monde qui attend, alors je renonce.  Je décide de m’allonger quelques minutes sur un lit de camp mais je me refroidis super vite. Et puis j’ai envie de dézinguer quelques Fraises Tagada alors on les dégaine avec GG, en même temps que nos vêtements chauds, parce qu’il commence à faire froid dehors. Je retrouve un des deux gars que j’ai croisé sur les premiers kilomètres. Il est seul, dans le dur, il me dit avoir les intestins en vrac. *** spoiler : il abandonnera ici, et rentrera à Millau en bus *** La pause dans l’effort me refroidit trop rapidement et je me mets à grelotter fort. Je dis à GG qu’il faut qu’on reparte, après m’être couverte pour le retour.  Maintenant nous allons vers le dernier objectif : l’arrivée ! Il reste 29 kilomètres. Nous avons déjà 71 bornes dans les pattes. Ça tire, mais il va bien falloir rentrer !  

KM 71 à 85 :  Nous voilà donc face à cette côte de 6km pour remonter jusqu’au col de Tiergues. Ma plus grande appréhension. Je ne sais pas si c’est la pause à St Aff, mais globalement, avec GG on est d’accord : elle est plus impressionnante qu’elle n’est réellement.  On la monte, doucement, mais on la monte. Finalement, ce ne sera pas elle la pire.  Mais j’ai froid, et force est de constater que je n’ai pas pris assez pour me couvrir. Je n’ai pas correctement évalué l’impact de la fatigue sur le corps. Et puis je ne mange pas assez, je ne bois pas assez. Ça a du mal à passer. Je me force, mais clairement, je sais que mes apports ne sont pas suffisants. Je vais payer le prix un peu plus tard.  Je commets là de nouvelles erreurs : l’alimentation insuffisante et le mauvais choix de vêtements.  Bon an mal an, on arrive en haut du col de Tiergues. Les 80km sont proches. 80 bornes… prendre conscience qu’on a fait 80 bornes, bordel ! On est des guerriers…   Mon GG tient la route, il ne faiblit toujours pas. Ce qui est le plus dur finalement c’est le manque de sommeil, parce que mon GG, c’est un couche-tôt. Il m’impressionne. J’ai eu beaucoup de craintes avec sa prépa relativement light (… euphémisme…).  
Les 4km de descente vont être aussi longs qu’à la montée ahahah, je reprends mon alternance course / marche, mais là encore je les trouve interminables. A présent je rêve d’un massage des cuisses, j’ai les quadriceps en mode « combustion spontanée ». Je dis à GG qu’il me semble qu’au ravito de St Rome il y avait des massages. Je suis donc super impatiente d’y arriver.  Mais je déchante vite : que nenni, point de massage. De la soupe et du chocolat à croquer, des lits de camp, mais hélas, pas l’ombre d’un masseur. La soupe me tente, mais je me rappelle un podcast où Cécile Bertin racontait avoir été malade à cause d’une soupe. Hors de question qu’une bolée de soupe vient gâcher ma course. Je repars donc frustrée et frigorifiée du ravito. Je vais mettre de longues minutes à vaincre le froid. Je reprends doucement mon alternance course / marche mais ça devient difficile.  Je sens que mon corps arrive dans ses retranchements. Je devrais manger, mais je n’ai pas envie. Je me force, mais je sature. J’ai lâché les compotes, je ne mange que les sandwiches.  Soudain, dans le ciel, passe un truc qui ressemble à une étoile filante mais avec une trainée. GG pense que peut-être c’est une comète. Mystère… en tout cas, c’était beau. Et j’ai fait un vœu, sait-on jamais !  La descente des 8km va nous ramener à St Georges de Luzençon, là où j’avais vu les premiers massages. Je m’accroche à cette perspective : me faire enfin masser mes pauvres cuisses en feu. Je ne lâche rien, on a passé la dernière barrière horaire de St Rome, maintenant rien ne nous empêchera d’arriver à Millau.    

Chapitre 4 : LE CHEMIN DE CROIX  
KM 89 : Il est 02H du matin, cela fait donc maintenant 16h que nous sommes en course.
Nous arrivons au ravito de St Georges, je vais pouvoir me faire masser. J’en rêve depuis des km…. Je rentre dans la salle des fêtes, GG m’attend dehors avec son vélo.  
Et là stupeur. Horreur. Malheur. Ils sont en train de finir de plier les tables. Plus de massage. Finito. T’arrives trop tard ma grande !  Il reste 4 lits de camp, dont 2 sont occupés par un couple en piteux état. Je m’écroule sur un des lits restants. Et je me mets à pleurer. J’envoie un SMS à GG pour lui dire que je me pose, et qu’il n’y a plus de massage. Je pleure à chaudes larmes, aussi fort que j’ai froid.  Il ne reste « que » 11km, mais là tout de suite maintenant, cela me semble insurmontable. J’entends que le couple à côté abandonne. Ça me fiche un coup. Je me dis que ça y est : j’ai atteint ma limite.  
GG arrive, je le vois dégainer la crème et prononcer les mots magiques. Il commence à me masser les cuisses. Il me dit que ça va aller, qu’on va finir, on va prendre le temps, de toutes façons on a le temps, y’a plus de barrière, et on va finir… Ensemble !  
Oui, il faut repartir, il faut finir. Se remobiliser, c’est la fin.  
11km quand on en a fait 89 ce n’est rien, et en même temps c’est l’Everest.  Je prends un thé chaud à la sortie du ravito. J’ai tellement froid que je manque de renverser le gobelet tant je tremble. Ça me fait sourire.

KM 89 à 98 :  Nous repartons. C’est la dernière ligne droite, je le sais.
Il nous reste la côte du viaduc, et une autre à Millau, mais je préfère me dire qu’elle n’existe pas. J’ai prévenu GG que maintenant, je vais simplement marcher jusqu’au bout. Je ne peux plus courir, c’est mort.  Mes jambes ne peuvent plus courir. J’essaye de m’alimenter mais je n’y arrive pas bien.
L’alimentation a été un vrai point faible, qui je pense, m’a pénalisée. A refaire, je gèrerai différemment. Je n’ai pas donné assez d’énergie à mon corps. Mon corps qui s’est mis en mode « économie d’énergie ». C’en est fascinant : à chaque fois que je mange un truc, immédiatement après j’ai un horrible coup de froid. Comme si la Machine mettait ce qui lui restait d’énergie sur la digestion, au détriment du maintien de la température.  
Mon corps est meurtri par ces 90km… mes cuisses brûlent, j’ai les pieds qui chauffent et je suis persuadée d’être percluse d’ampoules (ce qui est faux…), j’ai desserré ma chaussure droite plusieurs fois, j’ai mal au dos. Et j’ai froid, très froid. Il est temps de rentrer, là je veux juste finir, franchir la ligne.
Je sens que la tête sature.  Plusieurs fois je dis à GG de monter avec son vélo et de m’attendre en haut, mais il ne veut pas. Il reste avec moi. 
Des voitures nous doublent, la circulation ayant été rouverte, on trouve d’ailleurs ça plutôt dangereux. Nous avons enfin dépassé le Viaduc, et la descente s’annonce, plutôt raide. Le dos prend cher, mais je sais que c’est la dernière. Nous allons rejoindre Creissels, qui jouxte Millau.
On n’a jamais été aussi proches du but. Nous sommes quasiment seuls. Finalement, cette côte du Viaduc, la plus courte, celle dont je ne me suis pas méfiée, c’est elle qui m’aura fait le plus souffrir…  L’humidité est tombée, j’ai toujours aussi froid, j’aurai supporté une épaisseur de plus, clairement. Nous arrivons sur Creissels, la dernière côte nous attend, et je continue de marcher.  
03H53 : KM95
04H06 : KM96
04H20 : KM97  
J’égrène ces derniers kilomètres comme un chapelet. Je suis clairement poussée dans mes retranchements, mais je reprends vie : il reste 3km. 3 putains de KM et nous allons finir !  
Nous allons réussir, et être finishers. Même si c’est difficile, le passage du panneau et l’entrée dans Millau me redonnent un coup de boost. Je ne peux toujours pas courir mais j’ai retrouvé un sursaut d’énergie.  
La tête a repris le dessus. La Guerrière est de retour.

Chapitre 5 : LA TERRE PROMISE  
Il est 04h31, nous arrivons au KM 98. C’est là que nous avons croisé tout à l’heure le vainqueur de l’épreuve, frais comme un gardon.  Moi, là, je suis physiquement au bout de ma vie, il fait nuit, pas d’escorte de moto et personne pour nous ovationner. Mais nous sommes tout aussi méritants que lui, nous qui arrivons au bout de l’épreuve, à notre petit rythme.  

KM 99 :  
Il est 04h48. Arrêt photo. Je réalise que nous terminons notre épopée, je sais que GG est crevé, c’est l’heure où il est déjà debout, et là il ne s’est même pas couché. Il n’a pas tangué. Il a râlé pour la forme, mais lui aussi, il a fait ses 99km.  Il me dit que le Parc de la Victoire est proche. 
On y entre par la grille en fer, celle-là même que j’ai vu s’ouvrir au son de la samba quelques 18h55 plus tôt. Nous y sommes ! L’arrivée est au bout de l’allée.  
GG me dit qu’il va m’attendre ici. Je lui réponds qu’il en est tout bonnement hors de question !  Nous avons fait cette course ensemble, on passe la ligne ensemble. JA-MAIS je ne la passerai sans lui… et ça n’est pas négociable. Du coup j’ai oublié que j’ai mal partout. Je ne pense qu’à une chose : franchir cette ligne AVEC lui.  

18H59mn de course.
GG accroche son vélo, on range nos affaires dans les sacoches, pour pouvoir entrer dans le gymnase. Je prends lui la main, et nous montons vers l’entrée de la salle des fêtes.
ENFIN ! Nous entrons dans la salle, foulons la moquette verte et nous passons la ligne.  
A cet instant, il n’y a plus de douleurs, plus de corps meurtri et frigorifié, plus de nuit sans sommeil. Il y a juste les 2 amoureux au dossard numéro 2 qui ont bouclé les mythiques 100km de Millau en 19h03mn. Ensemble.

Nous prenons la pose pour une photo que me propose gentiment une bénévole.  Je ferai l’impasse sur le plateau repas proposé aux coureurs, n’ayant qu’une idée en tête : me couvrir chaudement et aller dormir !!! SuperGG est d’ailleurs déjà reparti, en utilisant pour la première fois du parcours l’assistance électrique de son vélo pour retourner à l’hôtel, tout ça pour revenir me chercher en voiture, et m’épargner 2km de côtes… Mon Chevalier Servant !  

Millau, c’était une expérience incroyable, très difficile physiquement mais aussi dans la gestion de course. Je naviguais en eaux troubles et en terre inconnue, ce qui m’a valu quelques erreurs stratégiques qui ont forcément impacté ma course (alimentation, vêtements, gestion de la fatigue).
Je pense sincèrement que sans GG, je ne serai pas arrivée au bout.  
C’est aussi très exigeant mentalement. Courir seule sur des distances parfois monotones, surtout de nuit, et aussi longtemps, demande une force que je ne pense pas avoir.  Je crois que cette distance n’est pas forcément faite pour moi, pourtant j’aime le long, mais elle demande une préparation de dingue, des sacrifices importants, et la difficulté de l’épreuve n’est pas une légende.
En revanche, le côté « course à l’ancienne » de Millau, pourtant mythique et bien rôdée, lui donne un charme certain, en plus d’un décor vraiment splendide. En clair, si on ne devait en faire qu’un dans sa vie, autant faire celui-là !  

1 commentaire

Commentaire de CROCS-MAN posté le 16-10-2025 à 08:21:26

Tu as eu la volonté et la Force d'aller au bout !
Félicitations

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.1 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !