Récit de la course : Ultra Tour du Lac Monteux 2025, par tidgi

L'auteur : tidgi

La course : Ultra Tour du Lac Monteux

Date : 2/10/2025

Lieu : Monteux (Vaucluse)

Affichage : 176 vues

Distance : 456km

Objectif : Objectif majeur

4 commentaires

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Se rapprocher encore plus d'une certaine philosophie Backyard

Il y a deux ans, je repartais de Monteux avec bien plus que ce que j’étais venu chercher : de l’amitié, du dépassement, du partage — tout ce qui fait la richesse de la grande famille de l’ultra.
Ces improbables 53 boucles réalisées m’avaient alors ouvert les portes de l’équipe de France (dont je n'avais aucune notion à ce moment là), pour disputer les Mondiaux par équipe l’année suivante (donc l'an dernier).

Pour cette édition 2025, la motivation est simple : retrouver le maillot bleu.
Mais je sais ce que cela exige (car le niveau monte chaque année) : aller chercher cette fameuse troisième nuit blanche. Bref, viser les 60 à 65 heures, explorer mes limites et repousser mon record personnel. Et surtout, être fidèle à la philosophie de cette épreuve : si tu termines dans les temps, tu repars pour “just one more loop”.

Côté préparation, je m’appuie mentalement sur ma victoire à la BY des Terrils Lens en mars dernier (47 boucles), et physiquement sur quelques longues sorties, sans oublier une reconnaissance de dix boucles sur place, un mois avant la course. L’occasion alors de revoir quelques amis locaux.

 

Le départ
La veille de la course, nous retrouvons Pauline et Julien dans un Airbnb loué pour l’occasion. La nuit n’a pas été au top mais j’ai pu me reposer néanmoins.

L’arrivée sur site, c’est toujours un peu comme arriver à la maison.


Retrouver le petit monde de l’ultra, se faire accueillir chaleureusement par Agnès, Philippe et Stéphane, qui portent cette épreuve avec passion.


Après les papotages et la mise en place du campement, vient l’heure du départ : nous sommes jeudi, il est 15h.

Parmi les « guests » : Andy Symons, Sébastien Raichon, Marius — champion de Côte d’Ivoire. Quelques amis de la Team France sont là : Christophe, Pierre, Fabrice, Philippe, ...
Nous sommes 130 à nous élancer pour le premier tour, un peu trop vite comme souvent. Je trouverai mes marques vers le 4e tour.
Annick est là pour assurer mon assistance. Il faudra qu’elle pense à se reposer elle aussi, car la course sera longue pour nous deux.

 

Les premières heures
Les débuts sont propices aux échanges. On discute, on chauffe les jambes, on réajuste 2 ou 3 bricoles.
La fraîcheur de la première nuit ne facilite pas l’estomac qui aime être capricieux.
Je tourne autour de 51 minutes par boucle, ce qui laisse un bon temps de pause.

 

Cette fois ci, j’alterne mes chaussures en mettant même des chaussures de trail. Ca tape peut-être sur le bitume mais ça permet de passer sur les parties cailloux avec plus d’aisance.

 

24 heures plus tard
Après une journée complète, nous ne sommes encore un tiers du peloton. C’est beaucoup (et c'est bien !) : d’ordinaire, il n’en reste que 10 à 15%.
Mon ami Pierre lutte avec des soucis digestifs. Je tente de le ramener dans le jeu le temps d’une boucle, mais il s’arrête après 28 heures — lui qui avait tenu 52h il y a 2 ans ici.
Fabrice, un peu malade dès le départ, stoppe à 24 heures, tout comme Julien, victime de sa cheville.

Nous entamons la deuxième nuit à une vingtaine...

 

Il fait plus doux que la nuit précédente, et ça aide.
Mon objectif est clair : atteindre les 40 heures, “aller chercher le soleil” à 7 h du matin. Mais la fatigue commence à s’installer.
Je reste régulier, autour de 52 minutes par tour, dans la deuxième moitié du groupe.

Pour en revenir aux chaussures, j’ai du mal à trouver mes marques parmi les 4 paires apportées. Plusieurs fois, je ressens une gène, m’obligeant à tourner plus souvent de paires. Je resterai finalement sur celles de trail avec semelles plus rigides : l’avantage ? Moins sentir les cailloux/graviers dans les portions où je souffrais un peu. L’inconvénient est que ça tape plus.

 

Le cap des 40 heures
À minuit, nous ne sommes plus que 9.
Le groupe de tête tourne plus vite, Julien et Annie régulièrement devant, je ferme la marche.
Mais j’ai appris une chose à la BY de Lens en mars dernier: ce n’est pas parce que tu es dernier que tu es le prochain à sauter.
Je reste concentré, et à mon rythme.

L’aube du troisième jour arrive... pour les 40h.

Le soleil se lève, promesse d’un nouveau palier : battre mon record personnel de 53 heures.


Devant, ça tourne fort — trop vite à mon goût et je ne comprend pas cette stratégique, à part faire sauter certains participants qui ne vont pas s’y retrouver. De fait je ne peux pas me mêler au groupe, c’est bien dommage pour la cohésion de groupe.
Je reste en retrait, convaincu que la gestion primera sur une vitesse excessive.

Annick est heureusement bien là, en soutien à chaque arrivée :

Justine préfère s’extraire du groupe de tête et nous courons ensemble. La fatigue se fait logiquement sentir. Comme pour Pierre, j’essaierai de la ramener dans le jeu avec une boucle commune, mais elle arrêtera après un dernier tour de validé de justesse, à 48h.

Je partage ensuite quelques boucles avec Xavier (arrêt à 51h car il doit rentrer – Tiens ! Ca me rappelle quelque chose... Il y a 2 ans ici même...)

Puis Xuane qui tourne moins vite que moi même si j’essaie de le ramener aussi. Il arrêtera à 52h.

Le jour décline pour la 3° fois quand, enfin, je dépasse mon record perso : 54h validé, il est 20h. Un palier important !

 

La troisième nuit
Mais je sais que pour espérer un retour en équipe de France, il faut aller plus loin : une troisième nuit blanche, un monde inconnu et à explorer... Mes propres limites...

Nous ne sommes plus que six au départ.
Je repars derrière, encore loin du groupe de tête. Une fois de plus, mes temps de repos sont bien moindres que les autres, surtout que le rythme baisse : 56 minutes par boucle.
Le mental ne va pas très fort à ce moment : cette 3° nuit m’inquiète un peu, je suis à nouveau en fond de peloton. Les 60h à 3h du matin me paraissant loin. Je me dis arrêter à minuit, soit 57h (comme mon dossard). Je le prend comme un palier en tout cas, on verra après.
Je me fixe des petits paliers — minuit, pour 57 h — pour continuer sans me projeter trop loin.

Les temps de récupération sont désormais très courts.
Annick optimise tout, jusqu’à me faire gagner quelques secondes précieuses.
J’ai même droit à un massage express des cuisses de la part de Marjorie.

C’est là où je me dis devoir essayer de dormir un peu (la fatigue aidant), ne serait-ce qu’une minute (ce concept de micro-sieste dont j’ai pu m’en approcher une fois à la BY de Lens). J’ai bien essayé mais pas moyen de « décrocher » dans ce laps de temps très court.

Comme il faut tenir, il faut donc mettre du carburant. 
Le choix est donc fait : la priorité est de s’alimenter plutôt que d’essayer de dormir, surtout qu’au niveau digestif tout passe bien. Hummm ce confit de dinde du chef Stéphane, ou son risotto au parmesan !

 

Les hallucinations
Minuit vient de  passer et je suis toujours dans la course mentalement, alors direction les 60 heures !
Seul dans la nuit, autour du lac, les hallucinations débarquent : déroutantes, mais presque drôles.
Sur le parcours après le point de retournement :
· le sentier qui montait légèrement, monte en fait bien plus, le cerveau m’obligeant à marcher plus que prévu.

· la partie plate est en fait légèrement montante.

· et pour couronner le tout (et rester cohérent finalement), le sentier descendant est plat en réalité. Ce qui fait que sur cette portion, je déroule alors que depuis quelques boucles je faisais attention dans cette descente, pour cause de somnolence.

Enfin, devant la Lune, passent des nuages qui vont des va et vient en mode dessin animé.

Cela aura duré 3 ou 4 boucles, me faisant passer les 60h presque sans m’en rendre compte, et aussi passer une partie de la nuit en mode « amusement ».
Mon cerveau réécrit le parcours à sa guise. Et étrangement, cela me fait sourire.

Je continue à avoir très peu de marge de repos par rapport à mes partenaires de boucle : j’ai 2 fois moins de temps.
Mais tant que ça passe, je continue, malgré des pieds qui s’échauffent de plus en plus. Et je ne peux plus changer de chaussures, les pieds ayant trop gonflé. Annick a dû même me percer une ampoule aussi grosse que mon petit orteil... Bonjour le sang... #gore

 

Le jour se lève une troisième fois
Pour la 3° fois, je vois le soleil se lever au dessus du lac. Cette 3° nuit vient de se terminer et je me dirige vers la 66° boucle.
Dans ma tête j'ai vaincu cette 3° nuit qui me faisait un peu peur. Mentalement ça aide mais le corps est moins d'accord (jambes et pieds).

 

Dans la nuit, Sébastien a arrêté à 60h et Annie à 63h.

Nous ne sommes donc plus que 4, Christophe, Marius, Julien et moi. En fait, ils sont plutôt 3... et moi seul en fermeur, à mon rythme, ne pouvant guère aller plus vite... Je ne les vois qu'au départ les gredins.

J’ai bien essayé d'accélérer à la 65° boucle, histoire de moins passer en coup de vent pour Annick, mais je l’ai un peu payé à la 66°...

Un petit échange avec Christophe au départ de l’une des récentes dernières boucles : où l’on est d’accord qu’il faut aussi profiter, car ce n’est pas simple d’arriver jusque là. Alors ou je pense à profiter, mesurant la chance que j'ai d'être là.
Car 48h d’échauffement c’est long non ? Ha ! Ha !

 
La dernière bataille
J’essaie à présent de viser 70, un compte rond. Car je sens que physiquement ça se tend.

66... Ca passe ! Mais que le temps est court. Annick optimise tout.

67... Ca passe ! Mais que c’est compliqué de relancer pour garder des temps de passage encore corrects.

68... En voilà un bon nombre... Une belle année... C’est aussi un beau résultat. Un léger mal de bide me fait perdre pas mal de secondes pour un arrêt obligatoire sur le parcours. Vu le peu de marge de repos, je sais qu’il ne va pas me rester beaucoup à l’arrivée.

Quand je regarde ma montre en déboulant sur la dernière partie en bitume, il me reste moins de temps que ceux que j’avais sur mes précédents temps de passage. Qu’importe, je tiens à valider cette boucle et à ne pas la faire pour rien.

Alors je lance les dernières forces dans la bataille, par un sprint de près de 1000m, pour moi dans ma tête c’est fini car les jambes sont en train de se cramer, tout autant que les pieds qui étaient déjà bien échauffés... Mais je veux valider cette boucle ! B****l !

La fin est épique ! Je pense alors avoir de la marge mais je saurai plus tard que je valide ma boucle à 5 secondes du temps limite. J'entends le sifflet du départ de la 69° boucle mais je ne pourrai pas repartir, et là... Un blanc... Je m’écroule sur place. Fin du game !

 

Julien arrêtera sur blessure à 71h, lui qui a tourné super rapidement.
Marius et Christophe repousseront le record de France de 84 à 86h ! Nouveau record superbement établi par Christophe. Bravo !!

 

L’après-course
Un bref malaise clôture donc l’aventure. C’est fini avec 68 boucles, un symbole avec mon année de naissance. Et j’aime bien les symboles...

 

Une vague d’émotion me submerge quand, forcé d’être allongé sur mon transat suite à ce malaise, je reçois les félicitations du public présent, Agnès et Philippe en tête. Merci à vous ! J’ai voulu faire honneur - du mieux que j’ai pu - à cette belle épreuve que vous portez.

 

Finalement Monteux me réussit plutôt bien :

2022 : 35h, top 4
2023 : 53h, top 3
2025 : 68h, top 4

(j'essaie de suivre le niveau qui monte... Pfffiouuuu !) 

Pour l’instant je suis éligible au retour en Equipe de France, pour les Mondiaux par équipe l’an prochain en 2026.

Garderai-je ma place ? Verdict en Août prochain à la clôture du challenge.

 


Que retenir de cette fabuleuse expérience ?

  • Tout d'abord sur les points qui me questionnent :
    • Avec seulement 7h31 de repos total sur 68h (11%) mais sans aucun sommeil, je suis vraiment "bas" par rapport au top 20 (voire même plus) rapporté à leur temps de course respectif. Etre régulier c'est bien, se reposer est mieux non ?
    • Ne pourrais-je pas me faire plus confiance et essayer de courir plus vite sans me dire que je vais exploser à un moment ? Même si je pense avoir encore de la marge côté dodo, si je veux aller encore plus loin, du sommeil sera indispensable. Il faudra forcément avoir plus de temps... Ca rejoint donc le point ci-dessus... 
  • Sinon, je venais pour continuer d’apprendre et j’ai encore appris en me rapprochant toujours plus de la philosophie de la backyard : « tant que l’on peut repartir, on repart », « juste one more loop ».
  • J’ai eu une assistance exceptionnelle avec Annick, qui a su être à mes côtés pendant toutes ces heures. Merci merci ! Merci aussi à Marjorie pour ces quelques massages en fin de course !
  • Je le savais déjà, mais j’ai retrouvé à nouveau l’âme si particulière de cette backyard, insufflée par les GO Philippe, Agnès, Stéphane et toute l’équipe d’organisation. Pour qu’on s’y sente bien, et porté pour aller loin. Merci à vous.
  • J’ai – encore ici – explosé mon record perso comme il y a 2 ans (passé alors de 35 à 53) : et là de 53 à 68 ! Et ceci grâce aussi à cette émulation entre nous, le fait de tous vouloir aller plus loin. Merci à mes compagnons de jeu.
  • Même si j’ai beaucoup donné physiquement et mentalement, je repars une fois de plus en ayant reçu beaucoup. Tant de rencontres, de partage même si j’ai dû me battre seul (parfois trop seul) et loin des autres pendant les derniers tours.
  • Mais je repars aussi avec des pieds explosés, jamais connu çà. Il va falloir soigner tout ça.
  • Bien que le niveau monte chaque année, je garde pour l'instant la satisfaction d'être à nouveau en Equipe de France. Même si rien n'est joué d'ici un an j'en ai bien conscience. Si ce n'est pas le cas, je sais que je reviendrai ici pour toutes les raisons évoquées avant. Longue vie à l'Ultra Tour du Lac de Monteux


 

 


La récup semble bien engagée. Après les premiers jours très compliqués, me voilà 2 semaines après avec un dossard (inscrit bien avant la BY) : les jambes ont plutôt bien tourné sur un trail local de 20km/500m de D+ (la Val Lyonnaise). Je finis 1° dans ma catégorie (M4H) avec une envie tout du long (34°/300).

4 commentaires

Commentaire de cloclo posté le 21-10-2025 à 21:26:59

Un seul mot, Thierry: RESPECT !!!
Tu commence à sacrément bien la maitriser, la philosophie BY.

Commentaire de tidgi posté le 22-10-2025 à 09:00:18

On progresse, on progresse. Merci cloclo :)

Commentaire de bubulle posté le 22-10-2025 à 08:32:58

Faudra vraiment que je m'y essaie un jour, juste pour voir, même si je sais pertinemment que je n'irai jamais au delà de 20 boucles (et encore). Mais juste pour voir, quoi.....les hallus, je crains de ne pas expérimenter, c'est trop court, une seule nuit, mais ça, j'ai déjà essayé.

Bon, sinon, n'oublie pas de cocher le 3ème week-end de novembre prochain. Si les petits cochons ne me mangent pas, je me referais bien un aller-retour alti-ligérien!

Bravo à vous deux !

Commentaire de tidgi posté le 22-10-2025 à 09:01:02

Juste fait le... et tu te surprendras, tu verras.
Je note pour l'AR 2026 ;-)

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