L'auteur : marathon-Yann
La course : 100 km de Millau
Date : 27/9/2025
Lieu : Millau (Aveyron)
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Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Souviens-toi, il y a 10 ans, mon premier ultra, les 100 km de Millau; Dix ans après, me revoià en Aveyron pour ce 100 bornes unique . Entre temps, j'en ai fait, des kilomètres ! Et je m'en suis fait, des copains ! Ils sont nombreux aujourd'hui que j'espère croiser. À commencer par Pierre, mon complice spartathlète, sur qui je tombe en déposant mon sac au Parc de la Victoire, une demi heure avant le départ. Nous rejoignons ensemble la ligne de départ, et grâce au raccourci qu'il m'indique nous nous retrouvons dans les premiers rangs de l'imposant peloton qui essaie de se réchauffer. Imposant car, parmi les nouveautés de l'année (départ avancé à 8h, barrière horaire un peu plus sévère), il y a une nouvelle course de 23 km, dont les participants prendront le départ en même temps que les cent-bornards et les marathoniens.
Ça part vite, mais entre les coureurs du 23, ceux du marathon et les sprinteurs du 100 bornes, c'est difficile de savoir à quelle foulée se fier. Je m'en remets donc à moi même, et dans ces premiers kilomètres plutôt descendant, je déroule tranquillement, avançant à une allure qui me semble facile mais qui tourne autour de 5 min/km. Plus concentré sur le paysage que sur l'allure ! La vallée est magnifique, un léger voile de brume fait progressivement place à un beau soleil bleu, quelle belle région. Quel bonheur d'être là aujourd'hui ! Sur le bord de la route, un groupe de manifestants témoignage sa solidarité avec la Palestine.
Premier ravitaillement, attendu avec impatience pour moi qui ne dépendrai que d'eux (ni sac, ni assistante) aujourd'hui. C'est toujours une découverte gourmande : qu'est ce qu'on mange ? Je découvre avec étonnement qu'il y a de la bière, je n'ai rien contre une petite mousse, même en courant, mais à 8h du matin, quand même... Je me contente d'un verre de coca, boisson de l'effort bien connue et reconnue.
Juste après, nous retrouvons les accompagnateurs en vélo. Même si je suis seul cette année, c'est touchant de voir ces centaines de cyclistes guetter leur coureur, avec leur vélo parfois orné de la photo du futur cent-bornard, et de voir en temps réel ces histoires d'amitié, parfois d'amour, se graver d'une belle écriture cursive dans le cœur de ces binômes. Je m'immisce dans certaines de ces histoires, non par indiscrétion, mais parce que ma foulée entre en résonance avec celle du coureur accompagné, et que nous avons le temps de discuter. C'est le plaisir de l'ultra !
Et puis il y a aussi le défi sportif, on a quand même 100 km à faire ! Plus pour me donner des points de repère que des contraintes d'allure, je me fixe un objectif : moins que 10h. Après, ce n'est que des maths : 10x10 =100, si j'avance à 10 km/h (6 min/km), je mets 10h, chaque seconde de gagnée me donne de la marge cette barrière.
Après une trentaine de km plutôt faciles, toujours autour de 5 min/km, j'ai presque une demi heure d'avance sur ces repères. Cela ne m'affole pas, je sais que la deuxième partie est plus difficile que la première, et ça me donne un matelas confortable Une petite voix en moi lance, comme une boutade : "une demi-heure de gagnée, si tu cours tranquillement à 5:30 mn/km pendant 60 km, et fais les 10 derniers à 6, tu peux finir en moins de 9h ! Lol ". Et une autre petite voix intérieure, encore plus profonde, lui répond :"chiche ?"
Il vaut mieux viser la perfection et la manquer que viser la médiocrité et l'atteindre, aurait dit Michel Audiard. Se faire un plan de course si précis à 70 km de l'arrivée, en ne tenant compte ni du dénivelé ni des ravitaillements ni de la fatigue, n'est évidemment pas sérieux, mais ça m'occupe l'esprit. Et comme j'avance pour le moment plus vite que 5:30/kilo, je fais basculer ces secondes sur des kilomètres virtuels à faire plus calmement, si bien que le nombre de km à faire en 5:30 diminue rapidement. Inconsciemment, je suis en train de me convaincre que c'est possible, au moins jusqu'à la première bosse, la côte de Creissel.
Les paysages sont magnifiques, comme ce sera le cas toute la journée. Je trouve sur les tables de ravitaillement de la crème de Roquefort qui constituera ma principale source de nourriture jusqu'au marathon, après je me contenterai de boire. Certains spectateurs nous voient arriver de loin, et cherchent dans le journal le nom correspondant à notre dossard pour nous encourager. C'est touchant.
Retour vers Millau pour le passage du marathon. Celui-ci est franchi en 3h35, c'est rapide. Mais les choses sérieuses ne font que commencer, l'aller retour vers Saint -Affrique et les deux côtes, Creissel et Tiergues, à franchir deux fois chacune.
Pris par l'euphorie, ou alors impatient de me mesurer aux difficultés du jour, je fais ma première erreur. Au km 46, au pied de la côte de Creissel, je ne traverse pas la route et zappe le ravitaillement qui m'attendait sur le trottoir en face. J'attaque cette côte, où j'avais prudemment marché il y a 10 ans, motivé comme jamais, impatient de mesurer mes progrès. Casquette visée sur la tête, regard fixé sur les 2 mètres devant moi, je gravi à petites foulées cette première difficulté, trottinant tout le long, mais sans marcher. Wahou.
Le plein de confiance est fait, d'autant que nous sommes déjà à mi-course ! Pourtant, je ne me sens pas particulièrement à l'aise dans la descente, et je passe au ravitaillement suivant, dont je repartirai en marchant, plus de temps qu'aux précédents. Le contrecoup de l'effort et du ravitaillement zappé sans doute.
La suite nous propose, d'après le profil de la course, un long faux plat montant . Sur le terrain, je ne le ressens pratiquement pas, ce qui est un excellent signe ! Je me souviens de ce ravitaillement isolé, où comme il y a 10 ans la sono diffuse à fond de vieux tubes français. Nous passons devant un camping d'où émane une délicieuse odeur de barbecue. Le soleil nous transmet sa bonne humeur contagieuse.
Juste avant la côte de Tiergues, précisément au km 60, je croise le premier coureur sur le retour, qui vole vers une ébouriffante victoire et le record de l'épreuve. Il est suivi par une voiture officielle affichant le chrono : 5h10. Je ne me demande pas comment ce champion a fait pour faire ses 85 km en 5h10, mais je prends l'information pour moi : si j'arrive à faire mes 40 derniers kilomètres en moins de 3h50, le sub9 est possible ! Chiche ?
C'est donc avec un esprit combatif que j'aborde cette longue difficulté, de la même façon que la précédente : à petites foulées régulières, ne regardant que les 2 m devant moi, sans me faire peur en regardant le sommet. Et sans marcher.
"Allez Yann" . Je me retourne, et reconnais dans ce bruyant supporter mon ami Vincent T., grand spécialiste de Millau. "Tu ne devais pas courir ? "Si, mais je suis blessé, malheureusement. Bravo,, tu vas faire moins de 9h !" " Je me bats pour ça ". Il dira plus tard qu'il m'a trouvé "frais et heureux dans les épingles de Tiergues ", c'est exactement ça, à ce moment de la course.
Plaisir de l'aller retour, nous croisons tout le peloton. Je tape dans la main de mon ami Florian, à une magnifique 5eme place, juste avant de plonger vers Saint Affrique. Et c'est parti ! Elle est longue, cette descente ! Je suis partagé entre le plaisir de ces kilomètres faciles, presque gratuits, qui me rapprochent de l'arrivée, et l'appréhension de me dire qu'il faudra tout remonter !
Petite boucle dans Saint Affrique, ravitaillement mérité (j'y trouve de l'Orangina, quel plaisir), et je remonte la côte de Tiergues. C'est l'heure de vérité. Si je veux vraiment faire mon sub9, c'est ici que ça se joue. Alors je reprends ma stratégie : à petites foulées, casquette visée sur la tête, ne levant la tête que pour saluer les copains que je croise (Mickaël, Sébastien, Pierre...), je franchis ces kilomètres, une nouvelle fois sans marcher. Non seulement j'arrive à monter, mais j'arrive à descendre ! Je peux lâcher les chevaux dans la descente, et je constaterai ce soir avec fierté que mon 82eme kilomètre, dans cette descente, sera le plus rapide de ma course. Quelle forme aujourd'hui !
Il y a ensuite le faux plat, descendant dans ce sens, qui nous ramène vers la dernière difficulté. J'y croise de nombreux coureurs, avec qui nous échangeons des encouragements. C'est beau, la course à pied.
Dernière côte. Je sais qu'elle n'est pas très longue, mais raide. Après 90 km de course, je ne vole plus, au contraire ! Je m'autorise même 200 m de marche, jusqu'à l'ombre, là -bas.
Si je veux mon sub9, il ne faut pas trop trainer. D'après mes calculs, c'est jouable, mais il y a un décalage d'environ 500m entre le kilométrage donné par ma montre et celui affiché. Ceci suffit à installer le doute : mes estimations, basées sur ma montre, sont-elles correctes ? Vais-je arriver bêtement en 9h02 ? Je décide de ne pas me prendre la tête avec ça. Faisons comme si.
Alors que je descends la côte de Creissel, je croise les derniers coureurs, qui ont encore plus de 50 km à parcourir, et toutes ces difficultés. Je suis sincèrement admiratif de leur courage et de leur abnégation, à l'image de ce coureur accompagné de son jeune fils en vélo. Ce qu'ils vivent ensemble doit être intense, et le fait qu'il ne soit pas sûr de terminer dans les temps rends l'aventure encore plus belle.
Je ne zappe pas, cette fois, le dernier ravitaillement, même si je n'y prends que de l'eau. Dernier doute en arrivant dans Millau : je me retrouve au bord du Tarn, sous le pont que nous avions emprunté à l'aller. J'ai du me planter quelque part. Je remonte sur celui-ci, et le vibrant "allez Yann" que je reçois de Florian, qui rentre chez lui en voiture, me confirme que je suis sur le bon chemin. Ouf !
Je peux savourer ces derniers kilomètres. Passage dans le cœur de Millau, remontée vers le Parc de la Victoire, et ma victoire est là : 8h56 pour finir cette course unique, 32eme et 1er M3, rien que ça ! Bon c'est promis, il ne me faudra pas 10 ans pour revenir !

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