Récit de la course : TOR330 Tor des Géants 2025, par birdy77

L'auteur : birdy77

La course : TOR330 Tor des Géants

Date : 14/9/2025

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 244 vues

Distance : 330km

Objectif : Terminer

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Tor des Géants 2025 - Une magnifique épopée pour tourner une page

Récit avec photos et vidéos ici:

https://www.tourdelagruyere.com/index.php/2025/09/24/tor-des-geants-2025/

En début d’année 2025, après plusieurs mois de traitement de chimiothérapie et opérations de ma fille, je cherchais une lumière au bout du tunnel, un renouveau, un projet pour sortir de l’année 2025 de manière différente que l’année 2024. Dans ma tête, le Graal du trail se nomme TOR des Géants. Depuis que Patrick l’a fait en 2019, une petite graine dormait en moi, prête à germer le jour venu. En général, ce jour venu ne vient pas très tôt, on ne se sent pas prêt, on attend ses 50 ans, ses 60 ans, ou que sais-je.

Mais avec les épreuves depuis août 2024 j’ai appris que la vie n’est pas une route sur laquelle nous pouvons passer en esquivant les problèmes, en faisant attention à rouler tranquille, en prenant les sorties pour éviter les bouchons… Non, la vie c’est une route qui défile devant nous, et parfois surgit un obstacle. Il ne sert à rien de l’anticiper et de se miner avant de le rencontrer, mais on peut choisir d’avoir la bonne attitude au moment où on le rencontre, en avancant pas à pas, pour passer ce mauvais pas.

Je me suis donc dis que la vie nous réservait parfois des surprises et qu’il fallait faire les choses que l’on a envie quand on peut les faire, et ne pas attendre un hypothétique moment futur. Donc go pour tenter l’inscription au TOR des Géants 2025 !

Le 1er février à midi, je m’inscris au tirage au sort, en payant 10 euros. Il y a un quota de places pour les Suisses, environ 25 places, et nous sommes 50 inscrits suisses. Sur un total d’environ 1’000 coureurs. Après le tirage au sort le 28 février, je suis 47ème suisse! Donc pas pris…. J’attends encore 2 semaines, car les coureurs doivent confirmer leur inscription après le tirage au sort jusqu’au 15 mars mais je ne me fais guère d’illusion.

Finalement après 15 jours d’attente, l’organisation annonce un « click day » pour fin mars. Il reste quelques dossards, et ce sera premier arrivée, premier servi !

Je clique et …. j’ai un dossard ! Beau heureux de payer vite les 950 euros de l’inscription. En route pour le Tor !

S’ensuit alors toutes les démarches: réserver un appart à Courmayeur, faire une liste du matos, se renseigner sur la course un maximum, acheter petit à petit les éventuelles affaires manquantes… Le premier semestre de l’année se passe surtout à lire tous les articles web, et tous les livres sur le Tor:

J’ai déjà en tête quelques notions intuitives:

Essayer de courir suffisament vite pour avoir suffisament de repos à chaque base de vie.
Mais pas trop vite pour ne pas se griller….
Se reposer à CHAQUE base de vie, car on ne sais pas toujours si il y a de la place pour dormir en refuge et que le temps de dodo y est limité à 1 ou 2h.
Se reposer à chaque base de vie permet aussi d’être plus bas en altitude pour mieux récupérer.
Même si on ne dort pas, la position allongée permet de limiter les gonflements des pieds/jambes au fur et à mesure des journées.
Psychologiquement je pars faire 7 courses d’environ 50km, avec un repos à chaque base.
Pour la matériel je prendrai tout un bordel, mais ce que j’aurais pu économiser, c’est les barres nutritives et les poudres de boissons isotonique. Pas vraiment eu besoin, ou si peu.

Pour le matériel voici un peu la liste, même si je n’ai pas tout pris, cela donne une idée:

https://docs.google.com/spreadsheets/d/e/2PACX-1vSqALY5qVMUZZ8ItWSX-ZNppLboO3FYDMKdt9Y5WWT0U6sp3xn4faTNdDCr1XOtFzAu5WEr_bL_9Gr4/pubhtml

Dès le mois d’août la pression commence à monter. Avec le projet de don pour l’ARFEC, je me suis mis en avant, ce que je ne fais pas d’habitude. Je n’annonce pas trop mes courses à l’avance à mon entourage, comme ça je me sens incognito, si cela devait mal se passer. Il est toujours le temps d’en parler après. Mais là, ramdam avec la collecte de don. A mi-août j’avais prévu une grosse semaine, type week-end choc, mais je suis sur les rotules. Le corps et l’esprit sont fatigués avec les semaines à crapahuter et l’année chargée émotionnellement. Je décide de lâcher complétement l’entraînement et de consacrer le mois qui reste au repos, pour se recharger physiquement et mentalement.

Dans l’entraînement je suis participant du:

« Aussi peu que possible, mais autant que nécessaire ».

Je n’ai jamais fais plus de 1800km en 1 an. Ma plus grosse année doit être 2024, année de l’UTMB, avec 200 heures de courses et 44’000m de D+ et 1540km de parcouru. Bref je ne suis pas vraiment à faire des sorties longues le samedi et le dimanche et faire 5 sorties la semaine. Mais je sais que jusqu’ici j’ai pu remplir mes objectifs, sans suivre les programmes d’entraînement de malade qu’on peut trouver sur internet.

Pour le Tor, 2 choses me paraîssent importantes:

Vaut mieux en faire un peu moins que trop, et arriver frais à la course
Travailler le dénivelé, mon point faible sur mes courses (sur mes 100miles, au bout de 100km je n’ai plus d’énergie dans les montées, alors que les descentes et le plat va nickel)
La seule contrainte que je me suis mise c’est de faire la course CHUV-Moléson au mois d’avril, Charmey-Zermatt en juillet, et 3’000m de dénivelé par semaine durant les 12 semaines avant le Tor.

J’ai donc dû, comme expliqué plus haut, arrêter à la mi-août, mais le contrat était quasi-rempli, j’avais fait environ 34’000m de D+ entre début juin et mi-août. Incluant le dénivelé fait durant nos 2 semaines de randonnée en amoureux dans le massif des Ecrins et la Vanoise fin juillet/début août. Pas de course durant ces vacances, mais être en montagne en altitude et marcher, cela compte autant. Et surtout passer du temps en couple.

Durant le dernier mois se pose quand même pas mal de question. Est-ce que je serai ok après avoir arrêter presque 1 mois. Est-ce que la météo sera bonne. J’ai un genou qui tire et le dos qui fait mal, c’est grave docteur ? Est-ce que je vais pouvoir tout mettre dans le sac suiveur de 60 litres… Bref.

Puis, 2 semaines avant, regain de pression, La Télé vient faire un reportage sur le projet et cela m’ajoute encore un cran de tension. Je suis alors très tendu et inquiet. D’habitude je suis assez serein à l’approche de mes courses.

 
Mais par chance le même week-end du reportage, nous accueillons Stéphanie à l’arrivée de la marche du CHUV-Moléson organisé par La Démarche et nous mangeons avec les marcheurs et membres de l’ARFEC à St-Martin. C’est un moment tellement bien. Les coccinelles qui nous accueillent au somment du Moléson, l’émotion vécue aussi dans les discours à St-Martin. Tout cela me pose et me rend extrêmement serein. Je vais faire une belle promenade pour moi, en plus je peux contribuer à ramener des dons pour l’association, tout est à sa place, rien n’est grave ou stressant. Je suis refait !

 

Ce même week-end, je vois arriver Pierrick au bout de son 100km de la Swisspeak, et cela me fait aussi très plaisir de vivre cela en tant que spectateur.

Les 10 derniers jours, petits réglages physiques de dernières minutes pour se rassurer certainement Merci au chiro James Adams à Fribourg, osthéo Hervé et Valérie Martin à Villars-sur-Glâne, et « Dry-needler » Denis Berlemont à Riaz… J’ai épuisé tout mon quota de séance du Groupe Mutuel en 10 jours  

PS pour Hervé: j’ai récupéré mon poumon dans la 4ème étape…. voir ci-dessous  

Bref, il ne restait plus qu’à préparer ces affaires et faire rentrer tout cela dans un sac 60 litres (Merci Patrick de m’avoir prêté les sacs pour que ma tête comprennent que je ne pourrais pas tout prendre !)

D’un autre côté, j’ai préparé un pense-bête sur quoi faire à la base de vie en arrivant:

J’ai aussi prépare un plan pour chaque étape, avec km, dénivelé, ravito ainsi qu’un mot explicatif sur l’étape (Merci Vincent Sermier pour tes précieuses infos de double Toriste !)

 

 

Et dernier point, je me suis mis un mot derrière mon téléphone, au cas où je serais dans le gaz et que je ne savais plus quoi faire:

 
Et voilà, tout est prêt pour le Tor !

Je pars le samedi 13 septembre pour Courmayeur, ils annoncent une bonne météo toute la semaine !

Je vais récupérer mon sac 60 litres et mon dossard au centre sportif de Courmayeur. En entrant dans le centre, on te colle un numéro sur le t-shirt: 782.

Dans la salle, je vois qu’il y a une file d’attente et que les numéros qui passent sont au alentours de 360 ! Bref, go en arrière, je vais faire une sieste et manger dans ma voiture. Au bout d’une heure je reviens récupérer mon sac.

Je pars à 5km de Courmayeur pour récupérer mon clé d’appartement et j’entamme la difficile sélection de quoi je vais pouvoir enfiler dans le sac. Vers 18h45 c’est tout bon !

Je décide d’aller à la pasta party et au briefing d’avant course, au centre sportif de Courmayeur, et surtout redéposer mon sac de 60 litres, pour avoir la tête libéré pour la nuit!

Durant le repas, je rencontre 4 français, et 2 russes, les seuls russes de la course. Durant le Tor, on se suivra très régulièrement. Certains partent à 10h demain, et d’autres, comme moi, à 12h demain.

On ne s’éternise pas, on rentre vers 21h30. Je me couche et je dors bien. Bonne chose de faite !

Dimanche 14 septembre, c’est le grand jour. Bon sang que ça s’éternise et que j’ai envie d’en finir avec cette attente, je veux courir, pour être libéré, pour voir comment vont la tête, les jambes.

Arrivée à Courmayeur vers 10h45 et go direction le départ.

 

Courmayeur-Valgrisenche

Après des mois à penser à cette course, enfin le départ! La météo s’annonce bonne pour la semaine, tous les voyants sont au vert. Les cols s’enchaînent sans difficulté, c’est un bon jour. Dès la 12ème heures néanmoins, la nausée s’installe. Mais cela n’entame pas le rythme et le sentiment d’être en forme. Petite pluie fine sur un des derniers cols et arrivée à Valgrisenche à 1:35. Manger 15 min, se coucher 45min, refaire son sac 15min. Arrêt total 1h30

Valgrisenche-Cogne

Grosse étape au programme après 45min de repos à Valtournenche. Départ pour 3 gros cols. Aujourd’hui, pour faire passer la nausée je ne mange pas et je survie en buvant des boissons Naak. Qui me donnent la nausée… Mais au moins l’énergie reste stable, même si le sentiment de bien-être n’est pas au beau fixe. En tout cas le point positif c’est que les cols passent tout seul, et les descentes se font bien. Je fais 15min de micro-sieste dans l’après-midi. Arrivée à Cogne je prévois de passer le maximum de temps au lit, et le minimum pour tout le reste. Je rentre dans la base, je récupère mon sac de base de vie, je ne l’ouvre pas, je mange une assiette debout devant la table de ravito, et je file au dortoir. Je mets mon natel à charger, je me change, je me couche, je demande à être réveiller 4 heures après. Et je DORS ! Je me réveille et je prends 20min pour refaire mon sac et partir. Mission dodo réussi ! Aucune perte de temps inutile. Cela deviendra mon mantra: 1. je cours pour avoir du temps pour dormir 2. je ne m’arrête pas au ravito en cours de route 3. A la base de vie l’essentiel c’est d’être couché dans son lit et de manger avant d’aller se coucher pour que l’estomac profite de se repos pour digérer.

 

Cogne-Donnas

Après 4 bonnes heures de sommeil à Cogne je pars à 4h27 de la base de vie. Météo toujours top. Aujourd’hui c’est une étape plus simple avec 16km de montée vers le col -fenêtre de Champorcher à 2827m puis 31km de descente vers la chaleur de Donnas, situé à 300m d’altitude. Je pars seul de la base de vie, je me demande si je suis dans le bon sens d’autant que je croise un coureur qui arrive dans l’autre sens. Cela doit être un gars du Tour des Glaciers ?! Après 1h environ je rencontre Marc, on est content de voir qu’on est sur la bonne voie   On continue ensemble, c’est paisible, le col monte tranquillement dans une forêt. Je vais un peu vite dans la montée et je lâche Marc. Mais on se retrouve durant tout le Tor, à tout moment.

On a terminé la course ensemble sur la dernière descente. Toujours motivé. Toujours jovial Marc.

Je passe le col en tout début de matinée et débute alors la LOOONGUE descente sur Donnas. C’est agréable de relâcher un peu la pression, après 2 premières étapes plus difficiles et la nausée des 2 premiers jours. Aujourd’hui je vais mieux et je pense remanger. C’est un concept intéressant lorsque l’on prévoit de faire 330km ! ça tombe bien, un refuge se présente, avec une magnifique terrasse ! C’est idéal pour se poser 5min au soleil, nettoyer à fond mes flasques, et manger un bout de truc normal (La bouffe est toujours la même sur le TOR, c’est pas très varié, c’est pas terrible à vrai dire…). Puis je continue la descente et je me dis que décidément j’ai mal au dessus des 2 pieds. ça sent la tendinite des releveurs du pied qui pointe et ça m’inquiète un peu. J’ai beau serré au minimum mes lacets, rien n’y fait. Pour finir, je décide de m’arrêter et d’ausculter mes chaussures. En fait il y a comme un chausson très fin intérieur, qui ne peut pas s’agrandir. Ce qui fait que même lacets complétement défait, le pied est serré. Ce n’était pas le cas les 2 premiers jours, mais petit à petit le pied gonfle et se retrouve piégé…

Bref, je me dis que je vais couper tout ça au cutter, mais finalement je fais un étirement de chaussons intérieurs à grands coups de main. Cela soulage le pied. J’en profite pour modifier le laçage également. Le tout à l’air de fonctionner ! 10km plus loin j’ai oublié que les pieds faisaient mal ! Problème réglé. Je décide de ne pas changer de chaussures durant la course, tant que je peux adapter petit à petit mes chaussures que j’ai au pied. Je préfère une paire de chaussures dont je connais les problèmes. Ce sont des Cascadia 16. J’ai une 2ème paire de Cascadia 19 dans mon sac de base de vie, mais je m’en méfie car bien que je les ai porté 200km, elles sont bien différentes. Bref, je resterai avec mes 16 jusqu’à la fin. En les serrant un minimum, ce qui aurait pour effet de créer des frottements sur les côtés de chaque pied et me créer des cloques.

Mais ce seront les seules cloques et elles seront toute à fait gérables. Je ne me suis jamais arrêter à la base de vie pour me faire soigner les pieds ou me masser. Je ne vais jamais me faire masser dans la vie, alors je ne voulais pas faire un truc que je ne connaissais pas durant la course :-). Au fur et à mesure que la descente se poursuit sur Donnas, la température augmente. Le chemin serpente le long d’une belle rivière qui donne envie de s’y baigner. Magnifique. J’arrive en plaine, vers Pont-St-Martin et son château et sa vieille ville. ça fait bizarre de se retrouver dans la civilisation. Je suis à la base de Donnas à 16h54. Il fait CHAUD. Je mange, je me douche dans une douche pourrie, et go me mettre dans le lit de camp du dortoir surchauffé de Donnas. Il faut se reposer car l’étape d’après est connue pour être cossue ! Je reste environ 2h dans le lit, et je prépare mes affaires.

Je repars à 20h12 seul. Je traverse la ville, il y a des voitures qui klaxonnent les coureurs, des gens qui applaudissent, partout on nous fait des signes. C’est le dernier moment de civilisation avant de monter au refuge Coda, 2000m plus haut.

 

Donnas-Gressoney

Etape clé ! Incroyable! Je pars de Donnas à 20h12, seul à travers la ville et les festivités, puis je commence l’ascension de 2100m qui durera 7 heures jusqu’au refuge Coda. Au premier ravito à Perloz, il y a un orchestre qui joue, de la pana Cota et des boissons Bitter. Top. Il est 22h12, je repars. Marco me fait signe en partant du ravito pour partir ensemble.

Nous ne sommes que les deux, et ensuite ce sera la nuit et la montagne durant encore 5 heures. Marco a 58 ans, il est du Val d’Aoste, il pesait 150 kilos à 42 ans et à commencer à marcher en montagne en 2024… C’est une machine, il avance vite. On a un bon rythme, je n’ai toujours pas de difficultés dans les montées, c’est absolument agréable. On passe des heures ensemble, puis à 3h30 du matin on arrive sur la crête venteuse du refuge Coda. Le refuge suivant étant à 4h30 de marche, je dis à Marco que je vais dormir un peu à Coda… Mais gros hic, en arrivant, on ne peut pas entrer dans le refuge…

On doit rester dans une tente où l’air s’engouffre par en-dessous, et si on veut dormir il faut le faire les bras croisé sur les tables du ravito. Bref, tous les coureurs sont dépités… Les cuisines du refuge fonctionnent et on nous sert à manger à travers les fenêtres… Grrrr ! J’apprendrai plus tard que le refuge est réservé pour les coureurs du Tor des Glaciers… Bref on a un coup au moral. Il semble que le refuge Coda soit un haut lieu du TOR et c’est la marque de la moitié du parcours, mais pour moi cela restera la pire expérience de ravito…

On s’habille chaudement et on « dort » 30min les bras croisés sur la table. On se donne du courage et on repart dans la nuit. La nuit n’est pas fraîche et nous n’avons pas sommeil, on avance toujours bien. On croise 2 ou 3 zombies de la nuit qui ont des hallucinations, puis on arrive enfin au refuge de Barma à 8h27. Magnifique endroit… et il y a des lits ! Je saute direct vers les chambres et me couche 1h. Puis je déjeune avec une polenta/ragu. Incroyable endroit pour débuter la 2ème partie de cette étape cossue. J’ai perdu Marco dans l’aventure car lui n’a pas dormi ici et moi j’ai foncé les 500 derniers mètres pour aller me mettre au lit. Je me remet en route et je baisse un peu de rythme car je suis tout seul durant les 4 heures suivantes.

Au ravito d’après, à Lago Chiaro, je me mets derrière Elsa, qui a l’air de bien avancer. On fera 4 ou 5h ensemble et les cols se montent encore et toujours sans difficultés. Les descents se courrent. Bref, c’est dingue. Au bout d’un moment Elsa me dit qu’elle va ralentir un peu le rythme alors je continue seul. Je rencontre un gars de Saarbruck (Redis moi ton nom !) qui descend vite, alors on fait la descente ensemble, puis un autre gars nous dépasse en courant aussi vite et je me mets dans ses pas. Je comprends au bout d’un moment que c’est un gars de la 1ère vague qui est parti 2 heures avant nous de Courmayeur, et qui se fait du souci pour passer la barrière horaire à Niel et que c’est pour cela qu’il met autant les gaz.

Mais bon, je me dis que je suis en forme alors je descend avec lui. En descendant je croise Marco ! Je suis content de le voir mais il me dit que pour lui c’est fini, son dos lâche. Tristesse de perdre un compagnon ! Je continue cette LONGUE JOURNEE jusqu’à Niel où j’arrive à 16h. Là nous attends la grosse montée de 900m avant de redescendre vers Gressoney. Depuis le début, je me dit que si j’arrive à Gressoney, je termine le Tor… Alors j’ai hâte d’entamer la dernière difficulté de la journée, alors que l’on a déjà 20h d’effort dans les pattes sur cette étape et 190km au compteur. J’arrive donc à Niel, je prends un bol de pasta, et je me dis ça y’est, on y est, la derrière c’est Gressoney, tu montes ce col! Je me mets une playlist « TOR » que j’avais prévu pour les moments durs et là… c’est l’explosion !

Mais l’explosion positive ! Je commence à suffoquer, à avoir des spasmes aux poumons, à avoir des larmes qui me montent au yeux, un sentiment d’intense énergie qui monte en moi, quelque chose de mystique! Je pense que le diaphragme se libère, qu’il m’aura fallu venir jusqu’ici pour libérer quelque chose, et que ce quelque chose une fois libéré est juste incroyable! Je commence à courater le début de la montée, je dépasse tout le monde, je me fais peur, je ne sens pas l’effort, je me dis que mon coeur va exploser, mais non, mon cardio est parfaitement normal. Je monte comme une brut, en plein soleil, en dépit de toute bonne gestion. En voyant cette énergie folle, je sais que je n’ai plus aucun souci à me faire, que je peux tirer comme un con sur cette montée, que j’ai une énergie inépuisable et que je n’aurai aucun souci sur aucune montée. C’est dingue! Je m’arrête à 300m de la fin pour HURLER dans la montagne, et je repars faire pacman avec les coureurs devant moi. Arrivée au sommet, je ne redescend pas de l’autre côté, je monte sur une colline plus haute que le col Lazounet et je vais admirer le paysage.

Je me sens absolument bien et pas fatigué, malgré l’intense effort que je viens de faire. Un autre coureur monte, on ne se dit rien, on regarde le paysage, on a l’impression de se comprendre. C’est le point de bascule du TOR, je ne savais pas ce que j’étais venu chercher ici, mais dès ce moment-là, je suis empli d’une confiance inébranlable pour la suite, pour la vie en général. Je ne peux pas t’exprimer avec des mots simples, mais c’étais absolument …mystique. Pour terminer: à ce moment, mon téléphone vibre…je reçois un message. C’est les résultats d’analyse de ma fille fait la semaine d’avant, qui confirme qu’il n’y a plus de tumeur et pas de récidive! Si tu crois au hasard, moi non… Ce TOR sera magique.

Il reste néanmoins 10km à descendre. Je change de t-shirt car je suis complètement trempé de sueur   Je prends mon t-shirt de rechange dans mon sac et je découvre… que c’est le t-shirt jaune du TOR, tout un symbole. Je me remets en route tranquillement sur la descente. Je vais jusqu’au prochain refuge où je mange une.. raclette !

Je suis en super forme et le gars de la ferme m’offre un jus de pomme. Je profite à fond de ce moment… Puis je pars, je rencontre un irlandais et nous partons à courir les 8km de la descente. Je discute avec lui jusqu’à l’arrivée ou presque, il met le frein à main 1km avant la fin. J’arrive à Gressoney à 20h04. Cette étape aura durée 24 heures, 61km et 5100m de D+…

J’ai coché une grande case sur le TOR 2025!

 

Gressoney-Valtournenche

Après la monstre étape 4, je me suis posé environ 4h à Gressoney. La base de vie était propre et fonctionnel, donc j’en ai profiter pour prendre une douche et je me suis posé au lit 2h30 environ. J’ai bien mangé et je suis parti pour l’étape 5, un peu plus simple. Première montée dans la nuit, puis arrivée à Champoluc au lever du jour, le sommeil commence à arriver et je profite des lits de camps du ravito pour me mettre une heure au lit. Je repars de Champoluc, l’impression d’avoir respirer de la poussière durant ma pause lit de camp… J’ai la gorge sèche. Mais bon rien de grave.

La journée se déroule bien, mais chaudement. On monte au refuge du Grand Tourmalin, superbe endroit! En redescendant sur Valtournenche, je me dis que décidément depuis Champoluc j’ai la gorge et maintenant la langue bizarre. Je prend une photo: j’ai la langue toute verte   Je me dis mince, c’est pas cool, qu’est-ce que c’est que ça ! Mais sinon tout va bien.

Je profite de la base de vie de Valtournenche pour passer dans une pharmacie. Je ne veux pas risquer d’aller voir un médecin du TOR et qu’il m’arrête pour dieu sais quelle raison. Je psychote un peu, je me demande si j’ai une carence en quelques choses. Bref, je me douche, puis je dors 2h à la base de vie, je mange bien et je repars pour la prochaine étape.

Valtournenche-Ollomont

Je pars de la base de vie à 18h00 en bonne forme après avoir dormi environ 2h. Pris le temps de prendre une douche et donc passé à la pharmacie chercher un truc pour ma « langue verte ». Comme j’ai peur d’avoir une carence en vitamine ou un truc du genre, je choisis de faire l’étape en poussant un peu moins fort. La nuit est belle et je marche la plupart du temps seul. Après 2 heures de monter, je profite de redormir déjà 45min au refuge Barmasse pour être en forme pour la nuit. Au bivouac Vareton, je discute avec l’équipe Xavier, Marc, David. Xavier me dit qu’il a aussi la langue irrité, et que cela arrive sur ce genre de distance. Nickel cela me rassure bien! Je repars dans la nuit, pas de fatigue, je suis heureux d’être autant en forme dans cette belle nuit étoilée. Arrivée au magnifique refuge Magià à 2h12. Je vais direct me couché 1h. Puis je mange un truc vite fait et je repars.

La nuit se passe sans encombre, et finalement, lever de soleil à l’approche du Bivacco R. Clermont, endroit magnifique avant le col! Je profite à fond de l’endroit, je regarde le lever de soleil et je déjeune pour la 7ème fois de la nuit dans ce chouette bivouac. J’entends que la descente après le col va être longue et compliqué, dans la caillasse. Et j’entends aussi qu’il est possible de dormir sur un lit! Alors je continue ma cure de sommeil et je me pose 45min dans un des 12 lits du bivouac afin d’être en forme pour redescendre. Puis je pars.

La descente vers Oyace est carabinée sur le début, dans la pierre et la poussière. après 12km de descente, arrivée à Oyace. Je me pose environ 2h30, dont 1h au lit   Je récupère avant la grosse montée en plein cagnard qui nous attends avant de redescendre sur Ollomont. La montée se fait bien, mais il fait extrêmement chaud. Je vois un japonais en pantalon, gant et veste, je me demande comment il fait… A la montée je croise Marc. On fait l’accordéon depuis Cogne !

Puis viens la grosse descente vers Ollomont. Là je commence à sentir un petit truc au genou gauche, rien de grave mais je me dis que je vais devoir faire gaffe pour la suite. Arrivée à Ollomont à 17:00. La base est spartiate, douche froide et lits de camp dans une cantine « venteuse ». J’y reste 1h45, don 45 min au lit. Je me change, je mets mon T-Shirt de l’association des familles d’enfants atteints d’un cancer, c’est avec ce t-shirt que je franchirai la ligne!

Ollomont-Courmayeur

Départ d’Ollomont à 17h avec le T-shirt de l’ARFEC  
Je ne sais pas encore ce que je veux faire pour cet étape. J’hésite à tracer toute la nuit sans dormir, je me sens en forme, mais d’un autre côté j’ai passé une si belle nuit précédente, à parler aussi avec les bénévoles et les coureurs, que je me dis que je devrais profiter encore et dormir aux refuges, 1h par ci par là. Cela permettrait aussi d’arriver plus tard le samedi et je préfère être à Courmayeur en journée quand il y a du monde dans les rues. Je me suis couché 45 minutes à la base de vie d’Ollomont, je décide donc que je vais monter 1000m et me poser 1h15 dans un lit au refuge de Champillon.

Un peu avant le refuge je retrouve Elsa, avec qui j’ai partagé quelques heures de l’étape 4. Elle est aussi en forme et me dit qu’elle va avancer sans dormir jusqu’à Bosse. Je lui dit que je la laisse au refuge car je veux continuer ma cure de sommeil et être autant en forme durant cette nuit que durant les nuits précédentes. Je la laisse donc partir au col Champillon. Je dors 1h15 et je pars du refuge avec Fred. On fait l’accordéon depuis des jours et on va au même rythme. On monte tranquille jusqu’au col, et on redescend derrière vers Ponteille, environ 2h de marche. La descente se fait doucement sans courir, cela me va bien, je ne veux pas me blesser à ce stade. Durant la descente Fred a un grand coup de fatigue. Je le laisse 1km avant le refuge de Ponteille (Désolé Fred !) car je commence à avoir une méchante envie de mettre les gaz. Je vais donc jusqu’au refuge, je mange, et je me dis que je vais essayer de rattraper mon « retard », que je n’aurais pas du dormir au refuge précédent, que j’aurais dû profiter de ma forme, etc… Bref je me monte un film ! Toujours est-il que je pars de Ponteille pour rejoindre le ravito de Bosses, dernier ravito avec la LONGUE montée vers le dernier col de Malatra.

Comme j’ai toujours un peu peur à mon genou gauche, je ne cours pas ce bout-là mais j’avance bien vite en mode « marche nordique ». Je pars à peu près avec Xavier, Marc et David. Avec le recul j’aurais dû aller avec eux, cela aurait été plus chouette. Mais j’avais l’envie d’avancer et je me suis pris dans mon affaire. Bref, arrivée à Bosses à 3h20. Je mange et je me prépare à aller dormir. Xavier, Marc et David arrivent et on se couche tous 45min. Quand on se réveille, je prétexte que j’ai déjà manger, pour prendre les devants et filer faire le col de Malatra tout seul. J’avais envie de vivre ce moment tout seul, après tout ces mois et ces moments difficiles cette dernière année. Je pars « comme un con » à la montée, la forme est là. Mais au bout d’un moment je me dis que je fais n’importe quoi, que le chemin du col est long et qu’à force de tirer sur la machine je transpire et je prends froid, alors que je devrais gérer mon effort, comme je l’ai fait durant 6 jours. 1km avant Frassati je sens que ça lâche. Forcément ! Je me dis que c’est comme ça, qu’il fallait connaître cette limite, et que la limite arrive au bout de 315km parce que j’avais le sentiment d’avoir trop d’énergie en réserve…

Je monte doucement vers le refuge de Frassati, je profite du lever de soleil avant d’aller au refuge. Je profite du moment. Je suis heureux d’avoir vécu également ce moment où j’ai fait une « erreur », je prends ça comme parti de l’expérience. Je rentre fracasser au refuge Frassati à 7h12, je mange comme je peux et je me couche 45min sur un banc. A mon réveil je vois que Marc, Xavier et David sont arrivés. Je repars du refuge à 8h pour faire les 375 derniers m de D+ du Tor, direction Malatra. Pour la première fois depuis le départ, j’ai de la peine à avancer en montée, mais je prends avec plaisir ! Je passe le col, je prends une photo de ce passage mythique et j’entamme la descente avec crainte. Je me dis qu’avec mes conneries de la nuit, j’ai tiré sur mon genou droit plus que de raisons, et que si mon genou s’enflamme, j’ai 20km de descente à me taper. Que si ça se trouve je n’aurai pas suffisamment de temps pour rejoindre Courmayeur. Bref, je psychote !

Je fais la descente toute en retenue jusqu’à Bonatti, mais je constate gentiment que le genou semble tenir. Je prends un café à Bonatti et go vers Bertone. Je constate alors avec effroi que le parcours ne va pas du tout descendre jusqu’à Courmayeur ! J’ai fait ces 8km entre Bonatti et Bertone l’année d’avant à l’UTMB et je me souviens bien que cela ne fait que monter et descendre. Ce bout-là devient un chemin de croix. Interminable. En plein soleil, puis à l’ombre. Au début je relance, je cours quand cela descend, mais au bout d’un moment j’en peux plus. Je me dis que je suis sec, plus d’énergie, et que si je ne fais pas une pause je vais juste m’évanouir et je me réveillerai dans un hôpital de Courmayeur, alors que je suis à 7km de l’arrivée !
A ce moment-là arrive Marc! Il court, il est motivé et en forme ! Il me dit de le suivre. Je me dis que c’est bien joli mais que justement j’étais en train de penser m’évanouir… Mais je suis, je me remobilise, je me sens monter une nouvelle énergie et GO ! On arrive ensemble à Bertone. Là je me dis qu’il reste 5km de descente dans les cailloux, avec 800m de D-. Celle-là va falloir prendre du temps car je n’ai toujours pas confiance en mon genou gauche. Mais Marc part à la descente en courant, les spectateurs sont nombreux pour encourager les autres courses, dont les premiers arrivents, il fait grand soleil, bref, je me dis GO, on suit Marc. Je mets ma Playlist TOR et je descend en courant. Et plus de craintes de genoux, pas de douleurs, rien, tout est neuf.

On descend jusqu’en bas, je me dis que je vais arranger mes bâton pour l’arrivée, remettre mes affaires en place pour ne rien perdre sur la dernière ligne droite, laisser partir Marc devant pour ne pas arriver trop proche et que chacun puisse avoir son moment (A l’UTMB je n’ai pas fait attention et je me suis retrouvé collé à un autre coureur et sa famille à l’arrivée, alors cette fois-ci je voulais avoir « mon » moment   Bref, me voilà arrivé au Parc Bollino à Courmayeur. Mon fils Elouan m’attends avec Lowen, le fils de Pierrick (mon beau-frère). Plus loin ma fille Ombline m’attend avec un grand drapeau « Bravo Papa Fred ». Puis surprise ultime, ma femme Stéphanie est là ! Elle ne pouvait pas venir car elle devait s’occuper du concert d’Aubane mon autre fille, mais elle a fait 6 heures d’aller-retour quand elle a vu qu’elle arriverait goupiller concert et arrivée du Fred dans la même journée. Quel joie de tous les voir là! On trottine et on arrive dans les rues de Courmayeur.

Ambiance de folie, c’est 13h, plein de monde. Dernière surprise, Paolo Gabbarini est là ! Il a aussi pris le départ du Tor mais il est malheureusement DNF. Cela m’avait fait très mal de voir cela sur le suivi durant la course. Paolo s’était occupé de moi quand j’avais fait un malaise au Mont Terrible. Il est de toutes les courses et il a préparé son TOR sur le parcours durant toute la saison. C’est le roi des types ! Cela me fait très plaisir de le voir! La petite troupe avance dans les rues de Courmayeur et à 13h20.39 je franchis la ligne, après 145 heures et 20 minutes d’une aventure extraordinaire. Les émotions ne viennent pas en grand, mais un sentiment de bien-être m’envahit.

Cette course je ne voulais pas la faire cette année. C’était une course pour « plus tard ». Pour quand je serai prêt. Pour moi c’est un accomplissement, mais surtout un beau symbole, une belle aventure pour conclure une année difficile. J’ai appris la confiance en moi, en mon corps, que tout n’est pas fragile. Mais ce Tor on l’a fait avec l’énergie de toute la famille, de mes enfants Aubane, Elouan, Ombline, et de ma femme Stéphanie, qui ont toujours trouvé les ressources durant ces mois difficiles, pour tenir le cap, pour se renforcer, pour ne pas s’écrouler. On s’est chacun épaulé, on a pris sur soi, et un jour, on se découvre plus fort, une carapace en moins, mais un sentiment de grande Force intérieur. C’est ce que le Tor m’a fait découvrir, mais c’est surtout notre famille qui a réussi son « Tor ».

Je Nous aime infiniment.

Fred

1 commentaire

Commentaire de Erve posté le 26-09-2025 à 11:04:19

Juste magnifique. Très heureux pour vous et votre famille.

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