Récit de la course : La PICaPICA 2025, par AureLynx

L'auteur : AureLynx

La course : La PICaPICA

Date : 15/8/2025

Lieu : Auzat (Ariège)

Affichage : 103 vues

Distance : 109km

Objectif : Terminer

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PicaPica 2025

Je ne sais plus comment j'ai appris l'existence de ce trail, sûrement en cherchant mon prochain challenge après l'Echappée Belle en 2021. Le ratio km/dénivelé m'a tout de suite attirée : je n'aime pas les trails roulants ! Les quelques images du parcours ont fini de me convaincre. ça avait l'air raide (forcément), plein de cailloux, très sauvage, et différent de ce que je connaissais, donc le trail idéal (en tout cas je l'espérais).

Pour l'entrainement, j'ai tout misé sur les sorties longues et beaucoup de randonnées à fort dénivelé. Pas de fractionné, travail "au seuil" ou autres fantaisies : du dénivelé, du raide, des cailloux, des journées entières en montagne. En soit, ce que j'aime vraiment.

Départ : Auzat (743m)

Le vendredi 15 août, me voilà donc sur la ligne de départ, avec les 278 autres coureurs. Le départ a été avancé à 4h du matin à cause de la canicule. Pour l'instant la température est parfaite. Il y'a de l'ambiance et du public, malgré l'heure. Le speaker demande aux femmes de venir se placer en première ligne. Ça ne m’emballe pas trop, je déteste partir devant et me faire doubler par tout le peloton dans les premiers kilomètres ! Je connais mon rythme, je sais que je serai plutôt dans la seconde partie du classement. Une fille à côté m’entraine avec elle pour se glisser devant, bon, ok, je joue le jeu et vient me placer tout devant sur la ligne de départ. Les photographes s’en donnent à cœur joie et je me dis que, finalement, ce sera rigolo d’avoir une photo de moi au départ. ( j’ai donc une super photo sur la ligne de départ, avec à la fois la future vainqueure (Sarah Veuille) et le futur vainqueur ( Aurélien Jacoutot) la classe 😉 ).

Le départ est donné, je prends mon « petit rythme d’ultra », et inévitablement je me fais doubler. La route est longue, mais ça ne part aussi vite que ce que je craignais.

 

Auzat -> Izourt  - km15, 1850m D+ (4h08)

On traverse quelques hameaux, c’est sympa, il y’a des gens qui nous encouragent : accompagnants, bénévoles, locaux. A un croisement, Blandine L'Hirondel encourage les coureurs, elle met l’ambiance !

On débute la « vraie » première montée, après Goulier, le long d’un torrent, puis sur une crête. C’est joli, le soleil commence à sortir. Je vois plusieurs coureurs se battre avec des insectes. L’un pense avoir été piqué par un taon, une fille peste contre une guêpe qui lui tourne autour. J’apprendrai un peu plus tard que plusieurs coureurs se sont fait piquer par des guêpes, heureusement sans gravité.

J’arrive en haut du Pic du Sarrasi (2213m) pour voir un superbe lever de soleil. C’est magnifique, ça augure du beau pour la suite ! Un court passage un peu « technique » (il faut poser les mains, mais rien de bien méchant, et des bénévoles sont postés autour si besoin) nous mène à la Pique d’Endron (2472m).

S’ensuit une descente raide et efficace. Je me fais doubler par « le Menestrail » (Philippe, qui court des ultras en chantant avec son ukulélé ! On avait couru ensemble une partie du Grand Raid 73 en juin).

Premier ravitaillement au refuge de l’Etang d’Izourt (1650m). Blandine L'Hirondel est à nouveau présente, elle encourage les coureurs et donne une interview.

je mange un peu de cake et pain d'épices, fais le plein d'eau et c'est reparti.

 

Izourt -> Fourcat - km26, 3150m D+ (7h34)

On attaque ensuite la montée vers le Port de l’Abeille (2601m). On passe près de plusieurs lacs, les paysages sont superbes ! Une courte montée nous conduit au Port Tristagne (2682m)

On aperçoit en contrebas l’Etang Fourcat. Le refuge de l’Etang Fourcat (2430m) est perché sur de grandes dalles rocheuses aux couleurs rosées. Avec le lac en contrebas, c’est magnifique.

Je fais le plein d’eau, mange un peu de pastèque, du cake, un peu de coca. J’ai de la nourriture plein le sac mais pour l’instant pas mangé grand-chose.

 

Fourcat -> Soulcem - km33, 3650m D+ (9h35)

En quittant le refuge, une montée raide conduit au Pic de Malcaras (2865). 

 

La descente sur Soulcem me semble interminable. J’ai mal au pied droit : chaussure trop serrée, j’ai déjà eu le problème avec ces chaussures. Problème que je règle d’habitude en desserrant les lacets, mais là, sans que je sache pourquoi, je n’avais pas envie de m’arrêter, en me disant que ça attendrait la base de vie  Grosse erreur, que je regretterai dans les semaines après la course.

Enfin le lac de Soulcem (1594m) est en vue. Il fait chaud, il y’a du monde, et, en m’approchant, je sens une délicieuse odeur de burger. Je connaissais l’histoire de ces fameux burgers à Soulcem, il nous avait été reprécisé au briefing qu’un burger était offert à chaque coureur au premier passage à Soulcem. Je m’étais dit que je n’en prendrais pas, en général ça ne me réussit pas trop les « extravagances culinaires » en ultra. « Ce ne serait pas raisonnable de tenter le burger aussi tôt dans la course ! » 

Bon, en arrivant au ravito, les gentils bénévoles me collent tout de suite dans les mains un burger très très appétissant, je n’y résiste pas. Allez, juste un petit bout… qui se transforme en burger en entier. Il est délicieux, le meilleur que j’ai mangé (sur le moment, c’était vraiment le meilleur de ma vie). Je le regretterai peut-être plus tard mais tant pis. (spoiler : non, même pas, j’ai bien fait de le manger).

Il y’a plein de bénévoles, tout le monde est aux petits soins. Je me trouve un coin à l’ombre sous la tente, récupère mon sac d’allègement, et là commence, comme à chaque fois, une organisation laborieuse. J’essaie de bosser là-dessus à chaque trail, mais ça reste brouillon et dispersé, bien que j’aie « répété » avant dans ma tête ce que j’avais à faire et dans quel ordre. Charger la montre, charger le portable, changer de vêtements, reprendre de la bouffe, ne pas oublier la fameuse doudoune ! (au briefing, Nahuel a lourdement insisté sur la doudoune, qu’on avait le droit de ne pas prendre au départ, mais qu’il fallait impérativement prendre à Soulcem pour tout le reste de la course).

Comme souvent sur les bases de vie sous tentes, je déplore le manque de vestiaires hommes et femmes pour se changer, ainsi qu’un point d’eau pour se laver les mains. Il y’a bien des toilettes sèches mobiles, mais pas vraiment pratique pour se changer (trop exigu) et rien pour se laver les mains. 

 

Soulcem -> Arcalis - km40, 4850m D+ (13h)

Le tracé part à plat sur une piste forestière en plein soleil, il fait très chaud. J’ai hâte de rattaquer une montée pour prendre de l’altitude et avoir un peu de frais. La montée vers l’Etang de Caraussans est plutôt agréable. C’est raide mais on suit un torrent qui permet de se rafraichir. Je fais une grande partie de la montée avec un coureur espagnol « pas tout jeune » (d’après mon estimation) et qui grimpe à un sacré rythme ! (Je découvrirai lors de la remise des prix qu’il s’agissait du premier M5. Il est arrivé 40 minutes avant moi).

On débouche sur l’etang de Caraussans, puis un plateau avec un troupeau de moutons. Ils sont dispersés de chaque côté du sentier, et les bergers tentent de les réunir pour les éloigner. Je discute un moment avec le berger, très sympa, qui vient des Hautes Alpes. On parle de montagne, bien sûr, et de moutons ! Je lui demande quelle est la race de ces moutons (très hauts sur pattes, qui ne ressemblent pas du tout à ceux de chez moi). J’apprends donc qu’ils sont de race Tarasconnaise. Ils me parlent de ceux qu’on trouve dans Belledonne.  Les patous et chiens de berger nous regardent passer tranquillement.

Je poursuis la montée et aperçois un grand cercle noir au sommet de la pointe de Peiraguils.

 

En y arrivant, je découvre que c’est une sorte d’horloge/cadran solaire (le « Mirador » à 2701m), avec un chemin circulaire suspendu qui en fait le tour. Je ne résiste pas, je fais donc un tour du cadran, en admirant la vue et en prenant quelques photos.

Les bénévoles postés à côté doivent trouver ça cocasse, tous ces coureurs qui font un tour d’horloge avant de reprendre la route. 

On repart sur la crête, qui est à la frontière entre la France et Andorre, pour monter au sommet du Pic de Creussans, avant d’attaquer une descente vers le ravito d’Arcalis ( 2230m) (station en Andorre d’Ordino-Arcalis).

Le ravitaillement est dans un petit bâtiment, avec des bénévoles accueillants (comme partout). Je prends de la soupe de vermicelle, du pain et du fromage, et un café. Je refais le plein d’eau.  

 

Arcalis -> Crouts - km53, 6000D+ (17h50)

On repart sous des pistes de ski un peu désertiques. Je vois quelques marmottes, et une sorte de grosse grotte à droite du sentier qui m’intrigue. ( du coup j’ai cherché depuis : il s’agit de l’entrée du tunnel de Port de Rat, un projet de tunnel inachevé qui devait relier la France à l’Andorre).

La montée qui suit se fait rapidement, on débouche à la Brexta d’Arcalis ( 2716m)

Belle descente en passant aux Estanys de l’Angonella (une succession de petits lacs), puis remontée vers le Pic de la Burna, puis le Pic de les Fonts (2749m). Il y’a un passage où il faut poser les mains, sur des dalles instables. Dans la montée, avec un autre coureur, on entend un éboulement en provenance de ce passage. Les dalles sont sombres, et le jour décline, le passage n’est pas très engageant. Je trouve étrange qu’il n’y ait aucun bénévole pour sécuriser le passage, alors que jusqu’à présent, il y’avait toujours du monde dans les passages un peu délicats. Le coin ne donne pas trop envie de s’attarder, je file. On croisera un peu plus loin un bénévole qui rejoint le passage en question (il avait juste « quitté son poste » un moment). Après une courte descente, on remonte vers le Port d’Arinsal (2777m).

 

La nuit tombe pour de bon, je sors la frontale dans la descente vers le ravito de la cabane de la Crouts (1866m). Je commence à somnoler un peu, je pense que je me poserai un moment pour dormir, si l’endroit s’y prête. Arrivée au ravito, je prends un plat chaud (pâtes bolognaises), puis 1 café. Bien contente d’avoir ma doudoune facilement accessible sous le sac, je me refroidis vite avec la nuit et la fatigue. Je vais me poser sur un lit de camp. Pas de couverture dispo, je mets ma goretex sur les jambes et ma doudoune sur le haut du corps. Réveil programmé 20 minutes plus tard. Je suis fatiguée, je sens que j’ai sommeil… mais pas moyen de lâcher prise. Je cogite trop (sur la suite, les barrières horaires, la nuit à venir, etc), et il y’a du bruit ! Entre le volume de la musique, le speaker, et les bruissements des voisins qui se sont installés dans les bivy, c’est infernal. Bon, ça fait du bien quand même, je somnole un peu, et il est déjà le temps de repartir. 

 

Crouts -> Soulcem 2 - km67, 7500m D+ (25h30)

Le sentier repart au milieu d’un troupeau de vaches. Elles me paraissent énormes, et avec leurs yeux bien brillants à la leur des frontales, elles font un peu flipper ! Je fais la réflexion au coureur qui me suit, mais lui n’a pas l’air d’être intéressé par les vaches, ou alors il est perdu dans ses pensées. Quoi qu’il en soit, à un moment, je ne vois plus de fanion… Oups, on a loupé le virage pour monter sur la gauche. A trop regarder les vaches…  On rebrousse chemin et attaquent la montée, raide. De nuit, on voit juste quelques frontales qui semblent monter à la verticale loin au-dessus)

Je me retrouve rapidement seule. C’est un peu long, je sors le mp3 pour écouter de la musique. On passe à côté de jolis lacs (etang de la Soucarrane).

Un peu avant d’attaquer la partie sur la crête, des bénévoles s’assurent de notre état, et nous demandent de rester en petits groupes. Bon, je suis seule… J’attends quelques minutes, on voit 2 frontales qui  arrivent au loin, je les attends pour qu’on reparte ensemble. On attaque tous les 3 la crête qui conduit au Pic de la Soucarrane. 

La crête est très effilée, il faut poser les mains, et elle est exposée plein vent ! Il commence vite à faire froid. Je sors la gore-tex, j’hésite à mettre les gants, mais je me dis que si on passe en mode « escalade », comme cela semble se profiler, il vaut mieux garder les mains nues. La crête est longue, quand on croit en voir la fin, ce n’est jamais le cas et on devine des frontales devant, toujours plus haut ! Il faut dire que notre « cordée » de 3 n’avance pas bien vite. J’ai vraiment très froid, après discussion, je prends la décision de partir à mon rythme et les 2 autres poursuivent ensemble. Le souvenir du cauchemardesque col de Serenne sur le Grand Raid Guillestrois Queyras l’an dernier, où j’ai eu froid comme jamais, n’est pas loin. Pas du tout envie de m’attarder ici en plein vent.

Cette Crête de la Soucarrane est surprenante mais, pour moi, très ludique. Il faut sans arrêt chercher où passer, en devinant le vide de chaque côté, suivre le fil de l’arête, poser les mains sur ces rochers plus ou moins stables. J’avais un peu l’impression d’être sur l’arête nord des Grands Moulins, pour ceux qui connaissent. Enfin si ça se trouve ça n’a rien à voir ! J’aimerais beaucoup y retourner de jour, pour voir à quoi ressemble réellement cette crête !

Enfin au sommet, j’échange quelques mots avec les bénévoles, qui me montrent le Montcalm, que l’on devine en face ! C'est le programme pour la suite… ! Je ne traine pas, il fait vraiment froid. Autant j’ai aimé l’arête, autant la descente est un long calvaire.

Première partie dans des blocs, je n’avance pas, bien que j’aime ce type de terrain. Je perds un temps, fou, multiplie les pauses (pour manger, enlever la veste, remettre la veste, changer les piles de la frontale, etc…). Je reconnais là les premiers signes de la fatigue et de la somnolence qui guettent. Je me dis que les hallucinations ne devraient pas tarder à arriver. Je remets la musique, prend ½ gel à la caféine, et je prends mon mal en patience. C’est interminable ! J’ai bien le temps de cogiter et d’arriver à la conclusion que je connaissais déjà : je ne prends pas de plaisir à courir la nuit. Je trouve ça chiant, on ne voit rien, j’attends une seule chose : qu’il refasse jour. Le passage sur l’arête maintenait éveillée grâce à la petite poussée d’adrénaline, mais maintenant tout retombe et j’ai sommeil.

Bon, je ne suis pas la seule à fatiguer. Je vois ici et là plusieurs grosses chenilles orange allongées dans l’herbe en bord du chemin : ce ne sont pas des hallucinations, mais des coureurs emballés dans leurs sacs de bivy !

On passe les etangs de la Gardelle (dont je n’ai aucun souvenir…forcément, on ne voit rien).

Enfin, la base de vie de Soulcem est en vue… très bas, il faut encore descendre. Je parviens à la base de vie en même temps qu’une traileuse, S. Quasi pas croisé de femmes jusqu’à maintenant, c’est agréable d’en voir une ! On échange quelques mots, et on se trompe en entrant dans la base de vie par la sortie. Il faut dire qu’il n’y’a plus grand monde ici. Un vrai mouroir !  Un choc par rapport à l’ambiance qu’il y’avait à notre premier passage à Soulcem. C’est déprimant : plein de coureurs à moitié endormis qui attendent une navette pour les ramener à Auzat après abandon. Il reste très peu de sacs d’allègement ! Je me dis « comment ça se fait qu’il reste si peu de coureurs encore sur le parcours ?! »

J’essaie de ne pas trop cogiter, je récupère mon sac d’allègement, je prends un repas chaud, change de vêtements, refais le plein d’eau, met la montre à charger, etc.  Je suis à nouveau confrontée au problème d’absence de vestiaire et de point d’eau pour se laver les mains. Du coup je choisi de garder mes lentilles, mais je prends mes lunettes dans le sac au cas où je devrais vraiment retirer les lentilles en course.

Je veux retenter une sieste (je suis encore large sur les BH). Je vais m’installer sur un lit de camp, sous une couverture sous la tente dortoir. A nouveau je ne m’endors pas profondément, mais somnole pendant 20 minutes. Malgré tout ça me fait du bien d’être allongée, bien au chaud et de me reposer un moment.

Le jour commence à se lever, mais il fait encore frais. 

 

Soulcem 2 -> Pinet - km81, 9500m D+ (33h37)

A peine le temps de se remettre en marche que déjà il faut attaquer la raide et longue montée du Riufret. 

La montée est longue, mais agréable, le long du torrent Riufret. La première partie est raide, entre rochers et végétation. La vue sur la succession de cascades du Riufret est vraiment jolie.

Je croise 2 coureurs dépités qui font demi-tour pour abandonner. 

La deuxième partie est un peu moins raide, avec de plus en plus de rochers, puis un court replat. On attaque ensuite la dernière partie, très raide, d’abord dans des gros blocs, puis un pierrier glissant. Jusque là la montée se passait plutôt bien, mais tout à coup dans les gros blocs, j’avance au ralenti. Comme si d’un coup on m’avait mis un sac de 20kg sur les épaules. Je regarde ma montre : altitude 2800m. Arf, je sais ce qui m’empêche d’avancer, c’est l’altitude. En général je commence à ressentir des effets de l’altitude autour de 2700. La montée finale du col me semble une épreuve. La tête a envie d’avancer, les jambes vont plutôt bien, mais le reste ne suit pas. J’ai l’impression de me trainer lamentablement pour parvenir enfin en haut ! Je le dis aux bénévoles qui sont au col (col de Riufret, 2978m), ça les fait bien rigoler ! Effectivement, ils ont une vue plongeante sur les pauvres coureurs qui galèrent comme jamais pour franchir ce col !

Au col, c’est aussi un choc de fraicheur et de vitesse avec les coureurs du marathon qui arrivent à toute allure par l’autre versant! 

Du col on a un chouette aperçu de la suite : Montcalm à droite, Pique d’Estats et Verdaguer à gauche, Sullo droit devant. C’est magnifique ! Il y’a des coureurs un peu partout, c’est surprenant à regarder.

Direction le Montcalm en premier. La montée est agréable, je me fais doubler par les coureurs du marathon, et comme c’est un aller-retour, j’en croise aussi plein. Tous m’encouragent en voyant mon dossard rouge PicaPica (peut être aussi en voyant ma tête que j’imagine marquée par les 30h de course !). L’ambiance est sympa, mais c’est bizarre ce monde, cette vitesse, après avoir été à mon petit rythme d’ultra et seule une grande partie de la nuit.  En arrivant au sommet du Montcalm (3077m), l’émotion me gagne et je verse quelques larmes. La vue est exceptionnelle, et je suis tellement contente d’être arrivée jusque-là ! 

Après quelques photos et mots échangés avec les bénévoles, direction Verdaquer et Estats. Arrivée à la jonction entre les 2, des bénévoles m’expliquent qu’il faut aller aux deux sommets, mais que je peux choisir lequel je gravis en premier. J’opte pour le Pic de  Verdaguer (3131m) : il y ‘a moins de monde, et je commence à saturer de trop de coureurs.

Je grimpe ensuite à la Pique d’Estats (3143m), point culminant de la course.

Les bénévoles sont un peu en contrebas du sommet, mais il est inenvisageable pour moi de ne pas monter jusqu’au « vrai » sommet, d’autant qu’il y’a une jolie croix.

Je tombe sur un groupe de jeunes espagnols en pleine séance photos, j’en profite pour leur demander de me prendre en photo. On partage une belle séance de rigolade, et grâce à eux j’ai de jolies photos.

 

Dans la descente, à 2900m, on passe par un ravito (boissons uniquement). Je pense à kikourou, parce qu'on avait parlé de ce ravitaillement "supplémentaire" pour les coureurs du marathon, mais aussi pour les autres.

Je poursuis la descente, et arrive à la bifurcation pour la montée au Pic du Port de Sullo (que ne font pas les coureurs du marathon). Il faut laisser nos bâtons aux bénévoles, pour avoir les mains libres pour la montée finale.

La montée est très raide, elle débute dans un pierrier avec de belles teintes orangées. Les bâtons n’auraient pas été du luxe pour ce passage : si on s'arrête, on repart en arrière. La fin est une courte barre rocheuse où il faut effectivement se servir des mains. Avant d’attaquer la partie escalade, je ne me sens pas très bien : tête qui tourne, nausée. Je dois m’asseoir un moment. Je peste intérieurement : « ce n’est vraiment pas le moment pour faire un malaise ! ». Je mange un peu, repars et grimpe au sommet. Ce n’est pas très difficile, mais cela demande de la vigilance (escalade facile).  Au sommet, à nouveau la tête qui tourne. Je m’assois quelques minutes avec les bénévoles, prend un shoot de crème de marrons. Je pense que ça vient de la fatigue associée à l’altitude. Finalement ça va un peu mieux, je redescends, récupère mes bâtons, et c’est parti pour une trèèèèèèèès longue descente (-1800m jusqu’à L’Artigue).

Descente moyennement agréable. Le début est joli, il y’a des petits lacs au milieu des rochers rouges. Mais c’est long, je commence à avoir un peu mal aux pieds, et il y’a beaucoup de coureurs, parce que la partie est commune avec le marathon.

On passe près d’une cabane, où des bénévoles nous proposent à boire. Je ne comprends pas trop, puisque le « vrai » ravito est un plus loin. (En fait, c'est un ravito pour le marathon, qui ont 12 (!) ravitos, donc plus que nous sur la picapica). Un bénévole me dit qu’ensuite on va « en face », en montrant un sommet en face, très blanc ( ! ), qui me parait :

1/ très loin

2/très haut

Et surtout je ne vois pas le fond de vallée, qui semble encore bien plus bas…bref ce qui veut dire que la remontée en face va être très longue ! ça me fout un coup au moral, l’espace d’un instant je me dis que je ne vais peut-être pas y arriver. Je repars peu confiante, et désespère ensuite de ne jamais voir le refuge.

On aperçoit enfin le refuge du Pinet (2224m), au bord du lac du même nom. Il fait très chaud, je me mets rapidement à l’ombre. Je refais le plein d’eau, mange un peu (mention spéciale à la crème vanille). 

 

Pinet -> L'Artigue - km85, 9500m D+ (35h25)

En contrebas il y’a un autre petit lac (Etang Sourd). Je me rafraichi à une fontaine, plus on descend, plus la chaleur devient difficile à supporter.

A la base de vie de l’Artigue (1150m), c’est assez calme. Je récupère mon sac d’allègement. Un bénévole est aux petits soins pour m’aider. A nouveau se pose le problème d’absence de vestiaire. Une bénévole privatise la tente médicale (vide à ce moment-là), pour que je puisse me changer. Cette fois je me change en intégralité, ça fait vraiment du bien. Je change même les chaussures (même modèle mais pas la même paire).

Il y’a un point d’eau, je me rince les mains ( à défaut de pouvoir les laver vraiment avec du savon), et enlève enfin mes lentilles ! ( 35h sans les retirer, un record – pas sûr que ce soit bon pour les yeux…).

Je ne m'attarde pas, il fait trop chaud, j'ai hâte de remonter pour trouver un peu de fraicheur.

C’est reparti, direction la Pique Rouge de Bassiès.

 

L’Artigue –> Bassiès - km99, 11000m D+  (42h29)

Le début de cette montée est un enfer. Mon pire passage de la course. Il fait une chaleur à crever. Le sentier longe d’abord un torrent. Je pensais qu'il ferait un peu frais : erreur, c’est encore pire. C’est encaissé, donc très étouffant. Il y’a beaucoup de végétation, ambiance forêt équatoriale ! Je monte au ralenti, je m’endors debout, je multiplie les pauses pour boire/manger/pester contre cette montée qui n’en finit pas. Dès qu’il y’a un peu d’ombre, je m’assois dessous. On prend de la hauteur, il fait toujours aussi chaud.  Plusieurs coureurs me doublent, je leur emboite le pas. La végétation change, il y’a plein de petits sapins, c’est joli. Des randonneurs qui descendent nous disent qu’il y’a un torrent où l’on peut se rafraichir juste au-dessus, mais qu'après il n'y a plus rien.

On fait une pause près de l’eau, pour boire et se rafraichir. Je m’assois dans le torrent sans faire exprès, j’ai le short trempé. Finalement ça me gardera au frais une bonne partie de la montée au-dessus.

On repart à 2, avec T, l'un des coureurs qui m'a rattrapée dans la montée. En montant la température devient plus supportable, et la fin de journée approche aussi. On discute, ça passe plus vite. On attaque la deuxième partie de la montée, dans les blocs de granit très blancs (ceux qu’on voyait si bien d’en face). C’est superbe. Plusieurs vautours tournent dans le ciel à gauche du sommet.

Il n’y’a pas vraiment de chemin : « dré dans l’pentu », comme on dit en Savoie. Grimper sur ces blocs est très ludique. Ça accroche bien, ça se monte presque tout seul. On plaisante sur le balisage, parfois très fantaisiste. « Ils ont fait exprès de choisir les blocs les plus raides, là, non ? ».

Je commence à fatiguer, T. prend de l’avance. Je fais une pause sur le côté du sentier, et je surprends un magnifique gypaète qui décolle, pas loin de moi. Je suis trop contente, j’ai envie de le montrer aux autres, mais il n’y a plus personne autour. 

La fin de la montée me parait longue. Enfin surtout je n’avance pas. Je commence à être bien fatiguée.

En haut la vue est juste exceptionnelle. Pour moi la plus belle de la PicaPica. Partout autour tout est beau. Le soleil se couche, je garde en mémoire l’image exacte de ce coucher de soleil, et ce que j’ai ressenti alors.

De l’émerveillement, de la satisfaction d’être là, mais aussi un peu de nostalgie ! Je ne pensais pas ressentir ça un jour sur un ultra. De la nostalgie de penser que le plus gros de la course avait été parcouru, que ça allait s’arrêter, que c’était le 2eme est dernier coucher de soleil de ma PicaPica, et qu’il fallait profiter de chaque moment à venir.

Le genre de truc qui, raconté ensuite à mon entourage, me fera passer pour une folle ! (Déjà que, pour beaucoup, il faut être cinglé pour participer à des courses pareilles).

Un groupe de coureurs repart dans la descente à bonne allure. Je sais que je ne vais pas réussir à les suivre alors je repars très tranquillement, fais beaucoup de photos. Il y’a plein de petits lacs au milieu de tous ces rochers blancs.

Au milieu de nulle part, de façon inattendue, un groupe de bénévoles attend dans un petit abri. Ils m’offrent à boire et de la pastèque.

La nuit tombe, je sors la frontale.

Quand le terrain devient un peu plus roulant, j’essaie d’accélérer. Je ne vois aucune frontale devant, aucune frontale derrière… Je trouve le temps long, je prends mon mal en patience. Je vois un énorme crapaud au bord du chemin. Quand je sors mon portable pour le prendre en photo, il a disparu. Un instant je me demande si ce n’est pas une hallucination. Mais je vais en voir plein d’autres ! C’est impressionnant, il y’en a partout, de toute les tailles. Il faut faire attention de ne pas marcher dessus.

J’ai dû bien accélérer, car je suis surprise de rattraper un groupe de coureurs. On poursuit ensemble, puis je prends la tête du groupe pour accélérer encore un peu. J’ai retrouvé de l’énergie, j’ai hâte d’arriver au refuge, je file ! ça suit plus ou moins bien derrière, bon, on va bien finir par y arriver à ce refuge ! Pour l’instant on ne voit rien du tout, aucune lumière. On descend, descend, descend… Le sentier est curieux : des grandes dalles quasi horizontales (on ne dénivèle pas beaucoup), entrecoupées de passages herbeux. Là aussi, j’aimerais bien y aller en plein jour pour voir à quoi ça ressemble. Ce passage m’a laissé un sentiment de bizarrerie, en tout cas ça ne ressemble à rien que je connaisse. (J’ai vu, après, sur la carte, qu’il y’a un très grand lac à côté du refuge : j’étais loin d’imaginer ça, je ne l’ai pas du tout vu !)

Enfin on aperçoit une lumière…mais loin au bout du vallon. On s’approche du refuge de Bassiès (1654m), il faut monter sur un petit pont et on l’atteint enfin.

Une grande table bien garnie nous attend sur la terrasse du refuge. Les bénévoles et personnes du refuge sont souriants, chaleureux, et aux petits soins pour nous. Un vrai moment de bonheur. On me sert une délicieuse soupe à l’oignons, avec supplément pain et fromage. Une bénévole fait plein de photos (merci à elle). Le cuisinier lui-même arrive, en caleçon et tablier ( !) , pour nous proposer de la mousse au chocolat maison qu’il vient de faire. Un régal. 

Je profite qu’il y’ait un point d’eau (avec savon, quel luxe !) dans le refuge pour me laver les mains et remettre mes lentilles.

C’est parti pour le final, direction Auzat !

 

Bassiès -> Auzat - km111, 11500m D+ (45h41)

La montée depuis le refuge attaque assez raide. Je repars seule, avec un bon rythme (tout est relatif), galvanisée par la fin qui se rapproche : je vais être finisher !  Le Port de Bassiès (1931m) semble vite atteint. Je m’attends à trouver des bénévoles en haut, mais il n’y a personne. Du coup je me demande si je suis bien au sommet ou si c’est plus loin. C’est bizarre, il y’a comme un flottement : c’est « ça » la dernière montée de la PicaPica ? Je ne m’attendais pas à une fanfare ou une banderole géante, mais qu’il y’ait personne, c’est surprenant.

On rejoint le Port de Saleix (1793m), puis on attaque la descente, assez raide, dans des lacets. C’est relativement roulant, mais je n’arrive plus trop à rouler… On voit des petits points lumineux très loin en bas. Je sais qu’il y’a plus de 1000m  à descendre, on est loin d’être arrivés.

On attaque une longue traversée en balcon, d’abord sur un chemin un peu large, où on traverse des troupeaux de vaches, puis sur un single. J’essaie de courir en permanence, même à faible allure. Je me dis que si je marche, ça va être horriblement long. A nouveau je suis seule. Aucune frontale devant ni derrière. Le sentier est agréable, ça dénivèle lentement, on entre dans la forêt, j’entends plein de chouettes.

Vers le 107ème kilomètre, on entame une descente assez raide, sur un sentier étroit qui passe dans des rochers. La forêt devient plus dense. J’entend des bruits entre les arbres, je crois que c’est un sanglier ! (c’était en fait un kikoureur, Marmadoc ! )

Je rattrape T., qui m’emboite le pas. On poursuite la descente jusqu’au hameau de Saleix.

 On se demande où on va : Auzat est à droite, et le balisage nous fait partir à gauche !

Enfin on entre dans Auzat. Les émotions se bousculent dans ma tête.

Je franchis la ligne d’arrivée. Personne ne m’attend à l’arrivée, mais ça n'a pas d'importance. Cette course, j’avais besoin de la faire seule.

Le speaker qui est à l’arrivée me sert dans ses bras, les larmes montent.

Il me fait choisir la fameuse pierre de finisher. Je choisis celle qui me fait le plus penser aux rochers de la Pique Rouge de Bassiès : grande, verticale, magnifique. Comme la PicaPica 🙂

 

45h41, 108ème, 14ème femme

 

Après

Après un repas chaud et une sieste de quelques heures dans la voiture, j'ai eu le plaisir d'assister à la remise des prix. J'ai pu échanger quelques mots avec la vainqueure Sarah Veuille et avec Nahuel Passerat, fondateur de la PicaPica.

Sur 279 partants, il y'a 150 finisher (54%) (Chez les femmes, il y'a 69% de finishers, contre 52% chez les hommes).

Cette PicaPica est, à ce jour, mon plus beau trail. Le plus exigeant, aussi, que ce soit en effort fourni et en technicité de terrain. J'en garde surtout de bons souvenirs. Tout le parcours m'a plu, je n'ai jamais vraiment envisagé l'abandon, même dans les moments les plus difficiles. 

Merci aux kikoureurs pour les discussions sur le forum, le bouzin et le reste ! Merci spécial à Bubulle pour le roadbook, qui ne m'a pas quittée pendant la course !

Sur le plan pratique, j'ai trouvé l'organisation quasi parfaite, le balisage excellent, les ravitaillements très bien fournis. 

Pour l'eau, je n'ai pas eu besoin des pastilles ou du système de filtration : je suis repartie de chaque ravitaillement avec la poche à eau remplie (2L en journée, 1.5L la nuit), et ça m'a suffit pour ne pas avoir à en reprendre en chemin dans les torrents. 

Concernant le matériel obligatoire, tout me parait justifié. ça avait beau être la canicule, j'ai quand même sorti la gore-tex, le collant long (la 1ère nuit), et mis la doudoune sur les ravitos la nuit et pour les siestes sur les lits de camp. 

Le plus difficile aura été la trajet de retour, en voiture, dans les bouchons (weekend du 15 août, à prendre en compte dans l'organisation), en s'arrêtant quasi toutes les heures pour manger et dormir (Plus difficile qu'un ultra et beaucoup moins beau).

6 commentaires

Commentaire de philippe.u posté le 23-10-2025 à 09:17:37

Enfin un récit de la Pica 2025 et un agréable de surcroit, merci ! Tu as l'air d'avoir gérer facilement les coups de moins bien, bravo ! (même le bivy te parait justifié ...?)

Commentaire de AureLynx posté le 23-10-2025 à 09:36:19

Le bivy, je le vois comme nécessaire en cas d'immobilisation en attendant les secours, ou si la course devait être interrompue (comme ce qui c'était passé sur la TDS par exemple). Mais du coup, je pense qu'on pourrait se dispenser de la couverture de survie.
Après, il y'en a plein qui ont utilisé le bivy pour les siestes en bord de chemin, ça serait intéressant de savoir ce qu'ils en ont pensé en terme d'isolation (froid, humidité) ? Perso je n'ai pas osé par peur d'avoir froid, mais, avec le recul, j'ai vraiment eu du mal à dormir sur les ravitos avec le bruit autour, j'aurais peut-être mieux fait de me trouver un coin tranquille sur le parcours pour dormir un quart d'heure dans le bivy.

Commentaire de jano posté le 23-10-2025 à 09:27:54

tiens, marrant, je me faisais la même réflexion que philippe.u et je me disais qu'il fallait que j'avance sur le mien pour qu'il y en ait au moins un. ça me fera de la lecture ce soir !!

Commentaire de fred_1_1 posté le 23-10-2025 à 13:25:01

ça me rassure, je ne suis pas le seul à avoir vu "beaucoup" de grenouilles dans la descente sur le refuge de Bassiès. C'était il y a plusieurs années déjà mais ta photo prouve bien que là ce n'est pas un hallucination !!

Commentaire de fred_1_1 posté le 23-10-2025 à 13:25:02

ça me rassure, je ne suis pas le seul à avoir vu "beaucoup" de grenouilles dans la descente sur le refuge de Bassiès. C'était il y a plusieurs années déjà mais ta photo prouve bien que là ce n'est pas un hallucination !!

Commentaire de bubulle posté le 23-10-2025 à 13:59:02

Merci, Aurélia, pour ce récit qui fera sûrement partie des petits détails qui, mis bout à bout, vont enfin me convaincre de venir me frotter à la Chose.

Merci aussi pour les discussions à propose de la course, pendant le WE Kikouroù qui ne m'ont pas seulement permis d'en savoir plus sur la course, mais également de mieux connaître la personne derrière le récit !

Et, si tu veux, j'ai les photos d'une bonne partie de tes deux parcours de nuit ici : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.3774711625878839&type=3 (j'ai rendu l'album public ce qui devrait, en théorie, éviter d'être obligée d'avoir un compte Facebook, ce réseau de boomers.....;-) ). Tu y verras notamment qu'on ne voit pas les crapauds dans la descente du Pic Rouge de Bassiès quand on y passe de jour...:-)

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