Récit de la course : Grand Raid 73 2025, par MikeEater

L'auteur : MikeEater

La course : Grand Raid 73

Date : 24/5/2025

Lieu : Cruet (Savoie)

Affichage : 105 vues

Distance : 77.5km

Objectif : Faire un temps

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Ma première course de montagne

Salut à tous !

Après une aussi belle aventure, je souhaitais partager au travers d’un récit ma première expérience de course en montagne. Ces quelques lignes me permettent aussi d’inscrire définitivement les émotions qu’un tel défi m’a procuré. Bonne lecture !

Pour ceux qui souhaitent passer le contexte, je vous invite à lire plus bas uniquement le récit de la course.


Préambule

Avant tout, je me suis inscrit au Grand Raid 73 par dépit. Après la course format 50K Nice by UTMB en octobre 2024, j’avais déjà l’envie de planifier ma saison 2025. Je veux décrocher un ticket pour la CCC, une course emblématique à Chamonix, très médiatisée, trop médiatisée. À tel point qu’il faut décrocher des jetons pour participer à un tirage au sort afin d’avoir un dossard.

L’idée d’aller à Chamonix pour courir une course de 100km en montagne implique évidemment une préparation physique rigoureuse et donc, une ou deux courses intermédiaires. Après un séjour en mai 2024 à La Bourboule, j’ai envie de m’inscrire à la VVX mais les places s’épuisent en quelques heures sur tous les formats ! Après de longues recherches sur les sites spécialisés, je ne trouve aucune course avec les critères de distance/dénivelé désirés. Puis en consultant Facebook, je tombe par hasard sur le GR73. Cette course est présentée comme une course de village, authentique, simple, l’essence même de la course de montagne ; difficile et engagée, et en plus ce n’est pas cher ! 

Donc je fonce et je prends mon dossard en novembre dès l’ouverture de la billetterie (même si les places ont mis un peu de temps à s’écouler). Je me suis au Grand Raid 73 : course éponyme au départ de Cruet, c’est une boucle de 78km et 5600m de dénivelé sur la partie sud du massif des Bauges. Cette épreuve était un objectif secondaire pour 2025 jusqu’aux résultats du tirage au sort pour la course à Chamonix. Vous l’avez compris, je n’ai pas été sélectionné pour la CCC. Marion s’est inscrite sur le 22km et 1300m de dénivelé « Le petit Savoyard » du GR73 afin de préparer l’OCC à Chamonix.

Je réalise alors que le GR73 sera mon objectif principal en trail de 2025. Je me documente un peu plus sur le parcours, les barrières horaires et plus largement, la topologie du massif des Bauges.
Après une saison de cross-country avec le club d’athlétisme, je demande à Bertrand de m’entraîner. Pendant 12 semaines, j’enchaîne les séances de montées, de descentes, de tempo, et souvent, du vélo pour aller au travail. Je constate semaine après semaine ma progression, notamment en montée, ce qui fut mon principal axe d’amélioration à la suite de la course à Nice. Avant, même quand c’était possible de courir, je marchais les côtes.

Maintenant, je sais courir dans les côtes. C’est au 35 km du trail des collines normandes, 1 mois et demi avant le GR73, que j’ai pu mettre en application les conseils du coach. Ce qui m’aura valu une belle 3ème place chez les seniors. Je ne savais pas que j’étais capable de courir 35km et 1200m de dénivelé à ces allures (5min10/km en moyenne) tout en terminant bien physiquement. Un bon boost pour la confiance en soi et cette fin de préparation. Un mois avant la course, lors d’un stage de trail organisé par mon coach, je demande un peu naïvement à Caroline (ma belle-mère) et Bertrand, deux coureurs aguerris, pourquoi ils n’ont jamais participé au GR73. Ils me répondent : « Car cette course est difficile et ça ne se court pas ». AH !

La semaine qui précède le départ, je me prépare mentalement et j’essaie d’anticiper tous les aléas que ce genre de défi peut réserver. J’imprime et je fais plastifier la carte avec les points de ravitaillement, les barrières horaires et mes temps de passages. Mon objectif, en plus d’être finisher, est de terminer la course en 13h maximum. De plus, la première barrière horaire me semble stricte. Nous aurons 4h pour parcourir 18km et 1700m de dénivelé. Sans assistance, j’essaie d’anticiper la nutrition avec un petit plan qui causera bêtement des désagréments le jour J. Qu’est ce qui m’a pris de vouloir improviser ?



Le récit du Grand Raid 73

Avec Marion, nous nous réveillons à 3h du matin. Je me sens en forme. Je mange du riz et des œufs. Puis je m’équipe. Nous allons sur le départ à Cruet à 4h30. Je m’échauffe un peu car le début du parcours est une ascension de 600m sur 3km.

 Avant le départ

J’embrasse Marion et je m’aligne sur le départ. Les feux d’artifices jaillissent de part et d’autre de l’arche et le coup d’envoi est donné à 5h pile !!! Les 311 coureurs et moi partons pour l’aventure. Les conditions météos s’annoncent idéales : ciel dégagé, 6 à 12°C, du vent entre 6 et 20km/h. Ainsi commence l’ascension du col du Mont. Mes sens se focalisent sur la lumière des lampes frontales et le bruit des bâtons. Je suis bien placé dès la première montée et je suis dans un groupe avec un niveau similaire au mien, je me sens bien.

J’arrive au lac de la Thuile avec 5min d’avance sur mes prévisions (5h55), je reste à une allure très facile. Je fais la rencontre de Théo qui a fait tomber une pâte de fruit. Je la ramasse et lui rends. Nous discutons quelques minutes. Je m’arrête pour remettre un peu d’eau dans une flasque de peur d’en manquer. Le groupe continue le long du lac. L’eau s’évapore et forme une brume légère qui, avec la lumière de l’aube, donne un petit côté mystique à la scène.

Après une brève section de route, nous entamons l’ascension vers la pointe du Gallopaz. Des spectateurs me crient : « le groupe est 200m devant ! ». Je sais mais je vais rester tranquille, je ne suis qu’au 9ème km. Nous traversons un ruisseau, les pieds sont déjà froids et trempés.

Il s’en est suivi un gros passage à vide à partir du 10ème km. Je prends sur moi, mais voilà qu’après seulement quelques minutes de course je me sens mal. 

Voici mon erreur principale : j’avais décidé de prendre 2 flasques soit 1L de boisson isotonique très sucrée. J’ai donc ingéré près de 120g de glucide en à peine 1h30. N’ayant jamais éprouvé cette stratégie à l’entraînement j’ai été pris d’une forte envie d’aller au WC. Je subis la montée vers la pointe du Gallopaz et j’ai peur de … me faire dessus ! Ça ne m’était jamais arrivé, et c’est même en temps normal un de mes points forts. Je me retiens, j’ai des hauts et des bas, des sueurs froides. Nous entamons ensuite la descente. Un toboggan comme disaient les autres coureurs tant la boue la rendait glissante. Je me concentre pour poser le pied, ça m’aide à oublier mon problème principal.

Peu après la descente, au km16, je me retrouve avec un groupe de coureurs dans le doute. Une rubalise propose de passer à droite alors que la trace GPX sur notre montre nous dit d’aller à gauche ! Or depuis le début, nous suivons des fanions orange, et non des rubalises. Nous hésitons car il était annoncé la présence d’un chronométreur au km17. Si nous manquons le pointage c’est la disqualification assurée. Nous décidons ensemble de s’engager sur le sentier de droite et nous retrouvons, 1km plus loin, un fanion orange, ouf !

Une fois ce problème résolu, je suis vite rappelé à l’ordre par mon transit… ça urge !!! Je m’arrête en urgence derrière un rocher à 20m du sentier et je vous épargne les autres détails. Evidemment les déchets ont été mis à la poubelle.

Quel soulagement d’arriver au ravitaillement du chalet Ballans à 8h pile du matin. J’ai plus de 30min de retard sur mes prévisions et je mets du temps à repartir. J’emporte un peu de nourriture avec moi.

Nous descendons ensuite le long de la route et attaquons une petite ascension, je me sens bien. Je me retrouve dans un groupe de 5 coureurs. Nous sommes menés par « le monsieur à la casquette de la diag ». Autour de moi, il n’y a que des gars avec de l’expérience (pour ne pas dire plus vieux que moi 😋). L’un a déjà fait 2 fois la TDS, l’autre l’échappée belle ou encore, plusieurs fois le GR73. Je suis très admiratif de ces gars, mais je ne me sens pas vraiment à ma place. Suis-je parti trop vite ? Ai-je été trop ambitieux ?

J’arrive au ravitaillement des Mermets en 6h (11h). L’ambiance est chaleureuse. Je me sens bien et j’essaie d’être plus efficace qu’au ravitaillement précédent. Puis je vois Théo, le gars de la pâte de fruit. Il est blanc comme le calcaire et il a des cernes noires. Il me répète plusieurs fois : « le bouillon et les nouilles sont excellents, prends en ! ». Je refuse en continuant de manger du saucisson, du pain et de la tomme des Bauges. Il me propose que l’on reparte ensemble, j’accepte.

De là, nous commençons l’ascension vers le Mont Margeriaz. Le début de la montée est difficile car nous sommes dans la forêt, nous avons froid, les mains sont engourdies. Une fois passé en altitude la végétation disparaît et laisse place à un terrain abrupte, nous apercevons la montagne blanche et imposante. Nous avalons presque 1000m de dénivelé en seulement 4km. Les appuis sont fuyants et je tâtonne avec les bâtons. Une chute en arrière peut être fatale. Nous croisons quelques randonneurs qui nous souhaitent bon courage. 5 personnes me suivent, dont Théo. Je leur propose de passer devant mais ils aiment bien le rythme que je propose et ils profitent de mon ouverture sur les appuis. Nous arrivons enfin au golet de l’agneau. C’est une faille de calcaire dans la montagne qui nous permet d’accéder au sommet. Deux cordistes de l’organisation nous saluent. Puis nous nous engageons à l’aide d’une échelle et de lignes de vie dans la fissure. « Ça c’est mon sport ! ». Je me rappelle que j’aime l’escalade et que ça me manque un peu.

Une fois au sommet, nous courons le long de la crête avec une vue vertigineuse. Nous apercevons notre prochaine ascension sur l’autre versant de la vallée. Le mont Colombier nous attend calmement. La descente vers Aillon commence sur des pistes de ski en herbe, c’est très agréable et peu technique. Avec Théo, nous décidons de faire une pause pipi en même temps. Nous repartons mais il s’engage un peu plus dans la deuxième partie de la descente, plus technique. Après quelques belles entorses ces dernières années, je préfère assurer en prenant mon temps. Je descends avec de l’engagement, souple et relâché. J’arrive à Aillon le Jeune à 13h pile. Je suis dans les temps ! Je recolle à mon objectif, incroyable ! 

Je mets trop de temps à Aillon le Jeune. J’enlève mes chaussures. Je veux changer de chaussettes et de tee-shirt mais ils sont trempés dans mon sac. J’aurais dû les mettre dans un sachet plastique… sous chaque gros orteil, j’ai deux ampoules qui me gênent. Pourquoi suis-je aussi douillet avec les ampoules ? Je remets mes chaussures. Je demande à plusieurs personnes de la crème anti frottement avant d’en trouver. J’enlève mes chaussures et je mets de la crème. Puis je remets mes chaussures. Je veux remplir mes flasques. Il n’y a plus d’eau gazeuse sur le ravitaillement. Un bénévole voyant que je mets du temps m’aide à remplir mes flasques. Je mange du saucisson et du fromage. Je retourne remplir ma dernière flasque. Bref, j’enchaîne les allers et retours inutiles sur le camp. J’y passe presque 40min pour rien …

Je repars du ravitaillement pour commencer l’ascension vers le Mont Colombier. Marion a fini sa course (en 3h30) et elle me notifie qu’elle sera présente au ravitaillement du Mont Pelat au km63. Pour y arriver elle va faire 40min de voiture et 1h de randonnée. Je suis heureux de savoir que j’aurais son soutien et son admiration dans quelques km. Je m’étais dit que quand je la verrais sur la ligne d’arrivée ma course sera terminée. Je crains de revivre le même relâchement qu’à Nice (lorsque j'ai aperçu la ligne d'arrivée à 7km devant moi, j'ai frôlé la fracture mentale). Je doute un peu mais j’avance.


Je me sens bien malgré le temps perdu et je suis capable de rattraper le chronomètre. Mais à quoi bon ? Pourquoi prendre le risque d’exploser et de ne pas finir ? Compte tenu de mon avance sur les barrières horaires j’ai fait un choix. Je veux finir bien mentalement et physiquement. Après tout, c’est ma première course en montagne ! Je veux en garder un souvenir parfait et intact. Je vais accepter mes erreurs et je reviendrai sur une course du même format plus fort ! Aujourd’hui, je veux savourer chaque foulée et montrer que je peux finir 80km en montagne sans encombre et avec aisance.

Ainsi, je m’exécute.

Lors de l’ascension vers le Mont Colombier, je discute avec Olivier, un jeune homme de plus de 50 ans (je crois 😅) qui prépare la diagonale des fous (il court sans bâton). Nous rattrapons quelques participants. Mais une fois la végétation disparue, Olivier a eu un petit coup de mou. Je continue. Des rafales de vent froid balaient les estives. Théo me salue depuis la fin de la boucle du sommet. Il a environ 40min d’avance sur moi ! J’enfile une casquette et un buff et je donne mon numéro de dossard au chronométreur avant l’ascension finale. Je prends la pose devant deux photographes et un troupeau de chèvres. C’est parti pour grimper. Je mène un petit groupe de 4 personnes vers le sommet, je leur propose de doubler mais ils souhaitent rester derrière moi. Nous nous exclamons être quasiment arrivés à quelques mètres du sommet. Et bien non ! Le relief nous a trahit, « il reste encore un morceau ». Une fois au sommet, j’admire la vue sans trop m’éterniser car il fait froid. Les autres s’arrêtent pour profiter et prendre des photos.

La descente est raide et technique. Deux gars me doublent et descendent avec une telle facilité qu’il leur faut à peine 30 secondes pour avoir déjà 3 lacets d’avance sur moi. Je suis impressionné ! Je ne prends pas le temps de ranger mes bâtons et je tente une grande première ; j’utilise mes bâtons pour descendre. Pour qui je me prends ? Il y a la théorie et il y a la pratique. La pratique est bien plus difficile que je l’imaginais. J’ai peur de glisser. Donc je glisse. Je tombe fort sur le dos et je tente de me rattraper avec la main droite. Mon petit doigt me dit : « Un peu plus fort et je suis cassé ! ». J’ai vraiment failli me retourner un doigt. Je me contracte si fort que toute la partie droite de mon dos devient rigide. Cette douleur met quelques minutes pour disparaitre et se remplace progressivement par un point de côté au niveau du foie. La boucle du sommet du Mont Colombier est terminée. Mes ampoules me gênent encore, donc j’attache avec deux épingles mes chaussettes à l’arrière de mon sac. En route pour le Mont Pelat !

Après une descente fluide et relâchée malgré un point de côté insistant, je longe une crête boisée et sans fin. Je discutais avec un autre participant qui ralentissait un peu pour attendre ses potes. Il me disait que l’un d’eux avait du mal à manger. Deux chronométreuses me saluent et rigolent à propos des chaussettes qui se balancent dans mon dos. Je m’échappe. Dès que c’est possible je cours et j’allonge ma foulée. Mes jambes répondent parfaitement sur le plat et les descentes. Cependant, dès que le terrain s’incline vers le haut, mes jambes se mettent à chauffer rapidement. Ça y est j’en ai marre de grimper ! Le Mont Pelat est visible de très loin. Cela rend cette section un peu plus difficile mentalement selon moi. Mais je me dis que Marion m’attend là-bas.

Je gravis la dernière section vers le mont en faisant de grand signe de bâtons à Marion. Elle me rejoint pour les derniers mètres de la montée. Une fois arriver là-haut, je m’assois -trop longtemps- et je profite du paysage. Marion s’occupe de mes gourdes et me donne une cuisse de poulet et des frites ! Quelques minutes plus tard, après avoir encore changé de chaussettes, je suis rejoint par Olivier, je lui présente Marion. Nous prenons une photo tous les deux avec l’Arclusaz en fond, nos cuisses de poulet et de grands sourires. Il repart environ 10min avant moi. Je repars du ravitaillement avec Marion, nous partageons 1km ensemble avant que chacun ne poursuive son chemin, elle, vers le parking, et moi, vers l’arrivée. A ce stade, il me reste encore 15km et 1600m de dénivelé négatif. Après 200m de marche je me remets à courir. Plus je cours, plus mes jambes se déverrouillent.

J’entame alors la section jusqu’au col du Marocaz. C’est globalement un long single en sous-bois sur une crête. Même si c’est plat, voire, légèrement descendant, le terrain est parsemé de roches et de racines, il faut relancer tous les 10m, marcher 10m, puis recourir 10m. J’aurai peut-être pu courir, mais les contrastes entre les ombres des feuillages et la lumière rendent la perception des reliefs difficile. Je double quelques coureurs, puis je commence à allonger la foulée dans une descente dégagée. Deux spectatrices s’exclament : « Wow ! Super foulée en descente, c’est fluide et dynamique ! Allez courage ! Le ravitaillement est dans 500m à gauche ». Une fois arrivé au ravitaillement je ne m’arrête pas, un spectateur ne semble pas comprendre cette décision : « Pas de ravito ?! Attention ce n’est pas fini ! ». J’aperçois les secours autour d’un coureur sur un brancard. Je ne me pose pas de question et je continue. Il me reste plus de 1L d’eau et 2 gels pour finir 7km et 800m de dénivelé négatif.

J’entame une petite montée et je croise encore Olivier. Il va beaucoup mieux et semble content de voir qu’il me reste des ressources. Il est tombé dans la dernière descente mais il ne semble pas trop affecté par cette chute. Avec une grande bienveillance il me met en garde : « Attention, même si tu te sens bien, une erreur d’inattention est vite arrivée ! Prends quand même ton temps ». Il a raison, le terrain est très glissant et plein de boue. La glaise cache par endroit des cailloux pointus et des racines courbées. Un vol plané dans le ravin ou une entorse peut signer la fin de la course, même à quelques kilomètres de la ligne d’arrivée. De plus, il me conseille de faire le trail des glaciers de la Vanoise. Selon lui, ça pourrait être une course idéale pour les traileurs qui préfèrent plus courir que marcher fort. A la fin de ce petit taquet, je quitte Olivier et je commence à allonger le pas. Hormis sur les sections proches des ravins, je mets de la cadence et de la vitesse. Je courais à 12 km/h, j’avais l’impression d’être à 16 km/h.

Ainsi je rattrape près de 20 coureurs sur ma course, peut être 30 en comptant les autres courses. Je descends une section raide sans prendre la corde prévue, mes appuis sont fluides et justes, je reste dans ce flux de concentration pendant plus d’une heure, j’adore ! A un moment je croise un participant qui avance à l’aide de ses bâtons avec des petits pas hésitants, je lui demande s’il veut un bandage (je pensais qu’il s’était blessé à al cheville). Il me dit qu’il a très mal aux genoux et que la descente le fait souffrir. Je crois une autre participante qui souffre beaucoup aussi, elle nous dira à l’arrivée que sa sciatique s’est réveillée durant l’épreuve. Bref, je double du monde, jusqu’à ce qu’un homme ne veuille pas trop me laisser passer malgré le fait qu’il marchait très doucement. Je l’avais croisé vers le 15ème kilomètre, il était déjà nonchalant. J’insiste car il y a la place pour se ranger et laisser passer. Il n’en démord pas et fait mine de ne pas m’entendre ! Je force dans le passage du côté de la pente en étant un peu agacé. Je me ressaisis et je repars en mode concentration. Je commence à apercevoir Cruet ! J’accélère et je double plusieurs coureurs à 4’30’’/km. Aucun ne souhaite se prendre au jeu de la bagarre pour franchir la ligne d’arrivée, c’est dommage, peut être que c’est moi qui suis trop dans la compétition ?

Même si je sais pertinemment que je suis dans les derniers j’aime bien me confronter aux autres, j’aime aussi donner le meilleur de moi-même et aller au bout de l’effort. C’est pour ça que j’aime le cross-country, même si je n’arriverai jamais premier (ni deuxième, ni troisième, etc…), j’ai envie d’aller au bout des choses. Selon moi, l’esprit trail ce n’est pas finir main dans la main en partageant le même chrono. Je préfère me dire que c’est partager une aventure avec d’autres, avec ou sans mots, et surtout, se porter ente nous pour être meilleur, meilleur que soi. Théo, avec qui j’ai partagé de longues sections lors de cette course, a fini quelques minutes devant moi et j’en suis très heureux car nous avons chacun appris grâce à l’autre.

Une fois la ligne d’arrivée franchie (19h35, temps de course : 14h35, 128e/220 finishers), je suis content de retrouver Marion et Théo. Une bénévole me félicite et me donne la récompense de la course : Un opinel n°8 gravé GRAND RAID 73 FINISHER. Mais je ne ressens pas la même émotion que pour les autres longues épreuves. Je ne réalise pas vraiment la difficulté de cette course malgré les obstacles que je viens de franchir. En fait je me sens bien. Je ne suis pas détruit comme après mon marathon ou comme après des courses au format maratrail. Je crois que j’en ai trop gardé, mais ça m’a rassuré. En fait, je craignais d’exploser en vol. J’avais peur de moi, cet inconnu qui ne se reconnaitrai pas en cas de pépin. Pourtant, des pépins il y en eu. Et pourtant, je suis arrivé. L'émotion monte, mais ce n'est pas parce que je suis arrivé. Je ressens l’envie de continuer à peine arriver. J’aurai aimé que cette journée dure une éternité !

Avec Marion et Théo, nous partageons une bière et notre plateau repas composé de diot et de crozet. Nous nous racontons chacun nos courses. J’ai même le droit à une petite inspection des pieds car j’apprends que Théo est … podologue ! Quelle chance !

 

Conclusion

Quand j’écris ces lignes, 10 jours après la course, les jambes vont bien mais je ressens encore un peu de fatigue générale. Je dois récupérer pour nos 2 semaines de trek dans les Pyrénées avec Marion début juillet. Avec du recul, je pense que la préparation physique prodiguée par mon coach a eu un impact bien au-delà de ce que j’imaginais pour cette course. Car en y repensant encore aujourd’hui, c’était relativement facile tant j’étais armé pour cette épreuve. La prochaine fois que je participerai à une épreuve similaire, je vais tenter de m’améliorer sur les ravitaillements (je ne pensais pas, mais en cumulé j’ai passé près de 2h30 sur les CP… Lors de mon dernier 60 km à Nice, je n’y ai passé que 10min !) et d’être moins peureux dans l’effort sur du long pour faire ce que j’aime : être meilleur que le moi d’avant.

Pour finir, le moi d’avant c’est un gars qui ne courrait pas de peur de maigrir. (Spoiler : j’ai pris du muscle et de la masse grâce à l’athlétisme.) C’est un gars atteint d’une maladie chronique auto-immune ; la spondylarthrite ankylosante. Un gars a qui les médecins voulaient faire des infiltrations d’anti inflammatoire. Un gars qui n’arrivait pas, par moment, a juste enfilé une paire de chaussettes tant la douleur était forte. Je ne dis pas tout ça pour attirer une quelconque compassion, mais pour être une preuve de plus que la volonté est une source de libération.

Courir, en plus d’être un plaisir, est devenu vital pour mon corps. Depuis que je cours, les symptômes de la SPA sont moins récurrents et de plus faible amplitude. Aujourd’hui je suis très fier de dire que je contrôle mon corps et mon esprit. C’est ça la LIBERTE !

 

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire mon histoire. Et évidemment, grand merci à l'organisation de la course et ses bénévoles de pouvoir nous faire vivre des telles expériences ❤️

 

Michael B

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