Récit de la course : 24 heures de Vallauris-Golfe Juan 2003, par yvesg83

L'auteur : yvesg83

La course : 24 heures de Vallauris-Golfe Juan

Date : 5/12/2003

Lieu : Vallauris (Alpes-Maritimes)

Affichage : 1856 vues

Distance : 80.08km

Objectif : Pas d'objectif

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24H de Vallauris 2003

Tout commence fin août 2003 devant ma télé...
Hicham El Guerrouj remporte le 1500m et je ne peux m'empêcher d'admirer sa foulée qui paraît si belle et si facile...
Je me dis en même temps que je ferais bien de me remettre au sport si je veux déjouer les plans de l'infarctus qui me guette et que la course à pied présente pas mal d'avantages: on peut en faire n'importe où, n'importe quand et l'équipement se résume à un short, un maillot et une paire de chaussures.

Après avoir commencé un plan d'entraînement déniché sur le Net, je tirerai vite la conclusion que courir n'est pas mon truc mais par contre marcher ne me pose aucun souci et je décide de continuer dans cette voie.
Parallèlement à ça je continue mes pérégrinations sur les sites de course à pied et tombe à plusieurs reprises sur www.ultrafondus.com mais au départ il ne m'attire pas particulièrement tant l'Ultrafond (terme désignant les courses supérieures à la distance du Marathon) me paraît éloigné de mes premières envies de courses d'une dizaine de km...

Et puis je ne sais pas pourquoi je me suis inscrit sur le forum; c'était juste après l'Ultra Trail du Mont Blanc (150km en boucle autour du toit de l'Europe avec 8000m de dénivelé positif) et je dois avouer que j'ai dévoré les CR des Ultrafondus (UFOS) y ayant participé.
Même quand ils n'avaient pas atteint leur but je trouvais leur performance admirable et leurs "échecs" ramenaient pour moi ces "extra-terrestres" à des dimensions plus humaines.
Après une petite semaine d'observation je me présente sur le forum pour dire que je veux de venir un UFO marcheur, me fixant comme 1er objectif la Sainté-Lyon du 7 décembre (http://www.saintelyon.com).


Mon plan d'entraînement est simple: chaque soir où je ne rentre pas trop tard je pars marcher entre 5 et 10km avec mon fils de 10 ans.
Au mois de septembre ce sera assez facile à respecter mais au mois d'octobre et novembre je ne pourrai hélas le faire très régulièrement pour des raisons professionnelles.
Entre temps j'ai changé d'objectif: Cyril, un Ufo est en train mettre sur pied une épreuve de 24H à la Seyne sur Mer (c'est à dire à 20km de la maison) pour le Téléthon et je me dis que le 24H ça doit aussi être sympa.
Finalement le projet tombe à l'eau 15 jours avant la date prévue et avec Cyril et les autres Ufos qui avions prévu d'aller à la Seyne nous décidons de nous inscrire aux 24H de Vallauris du 5 et 6 décembre (http://www.escapadevallauris.org) organisés également dans le cadre du Téléthon sur le port de Golfe Juan.

Je prends rendez-vous avec mon médecin pour le certificat médical (sans lui préciser le type de course, j'ai pas envie qu'il prenne peur ;-) que j'obtiens sans problème puis vais chez Décathlon histoire de compléter mon équipement: 2 cuissards, 4 paires de chaussettes, 2 sweat et 2 pantalons de survêtement.
Au rayon alimentation ça se gâte un peu: chacun ayant ses petites habitudes j'ai lu tout et son contraire au sujet des différents types de produits et finalement je fais un petit panachage entre tablettes énergétiques Enervit, gel Maxim, barres Ovomaltine et pastilles d'Isostar à dissoudre dans l'eau.
Je rajoute de la crème anti-frottements et de la bande "anti-ampoules" pour compléter mes emplettes en espérant ne rien avoir oublié.

Alors commence l'angoisse, nous sommes à 3 jours de la course et alors que depuis plus d'un mois je ne pense plus qu'à ça je panique complètement.
Je me dis que je suis fou de m'être lancé là dedans et lorsque le mercredi soir (moins de 48h avant le départ) je tombe malade (39° de fièvre, écoulement nasal ininterrompu, bronches encombrées etc etc...) je pense que je suis maudit mais de toutes façons j'ai trop envie pour que ça m'arrête.
Jeudi matin je m'absente 5 minutes du boulot pour acheter à la pharmacie voisine de quoi me remettre un peu en état sous 24h00...

A part sur le forum Ufo personne ne sait rien de mon projet.
Je n'ai dit à ma femme que la veille que je m'absentais 2 jours pour une course; sans lui préciser le type d'épreuve non plus ;-)

Jeudi soir la fièvre est tombée et ça va un peu mieux.
Je suis si excité par l'approche de l'événement que j'ai du mal à trouver le sommeil et je passe une très mauvaise nuit; ajouté à mes petits soucis de santé ça ne me rassure pas plus que ça lorsque je me lève à 7h45 ce vendredi; la course commence dans 6h15...
Je mets plus d'une heure à préparer mes affaires vérifiant 4 fois la même chose pour être sûr de ne rien oublier et c'est finalement à 9h45 que je quitte la maison pour Vallauris où j'arrive peu après 11h00.

Là j'appelle Cyril pour savoir où on peut se garer mais il est encore sur la route et c'est L'Toro qui me dit où on peut laisser la voiture le temps de la course.
Alors que nous ne nous sommes jamais vu il m'interpelle de loin, l'instinct Ufo sans doute... ;-)
Je le trouve en grande discussion avec Léonard et un des organisateurs Maurice.
Je vais retirer mon dossard puis avec L'Toro et sa compagne nous retournons aux voitures prendre nos affaires.
On décide de manger un plat de pâtes histoire de prendre quelques sucres lents.

Sous la tente réservée aux coureurs individuels les participants arrivent peu à peu.
Je suis rassuré de voir que je ne suis pas le seul à participer à mon 1er 24H.
Le vainqueur de l'année dernière (55 Jean Pierre Rigolat) est là et alors que je me suis juste frictionné les pieds avec de la crème anti-frottements, lui a quasiment vidé la moitié d'un tube de Nok.
Je suis déjà en tenue, pas envie de me déchausser on verra bien...
Ca pour voir on verra...
On verra même vachement bien...

Un des coureurs s'aperçoit qu'il a oublié sa crème, je lui passe la mienne:
- "T'as pas peur que ça te manque?"
- "Bah tu sais c'est ma 1ère course alors ce qui va me manquer je le sais pas très bien, si ça se trouve dans 3h j'aurai abandonné alors sers-toi n'hésites pas."
On fera un bout de route ensemble cette nuit quand Romain ne pourra que marcher mais on ne le sait pas encore.

Entre temps Cyril est arrivé avec sa femme Virginie et son frère Greg qui finalement n'ont pas pu composer une équipe de relais et vont finalement participer en individuel en marchant comme moi; au moins je ne serai pas seul à me faire larguer dès le départ ;-)

Dehors le bruit court que le circuit ne fait pas 1000m mais 995 seulement et je crois halluciner lorsque le 77 (Gérard Valin) s'inquiète de savoir s'il devra faire 200 ou 201 tours pour franchir la barre des 200km.
Lorsqu'un coureur suggère d'installer une table pour les ravitaillements personnels aussitôt 2 bénévoles font "voler" une table par-dessus les barrières: si ça ne s'appelle pas être à l'écoute des coureurs...

"On" en reconnaît certains: "le 52 (Daniel Bauer) il a fini 31° à l'UTMB, le 53 (Christian Efflam) en est à son 2° 24H en ayant gagné le 1er déçu de n'avoir fait que 187km etc etc..."

Certains commencent à s'échauffer et avec les autres Ufos on ne comprend pas bien: on va avoir 24H pour s'échauffer, non?
Léonard se demande s'il n'a pas coupé son entraînement trop tard; pour ma part aucune inquiétude de ce côté là ça fait 3 semaines que je n'ai pas pu m'entraîner...
Plus que 10 minutes avant le départ, c'est l'heure des photos, je me demande de plus en plus ce que je fous là, moi, mon quintal et mon mètre68 au milieu de tous ces athlètes qui me paraissent tous plus affûtés les uns que les autres.

Le coup de feu part, les coureurs aussi; pour rien... puisqu'il avait été annoncé que c'était pour en vérifier le fonctionnement. Tout le monde revient en arrière...
Dans la minute qui suit un second coup de feu part et cette fois-ci est la bonne, la meute est lancée pour 24H...

A la sortie du parking le tracé tourne à droite pour rejoindre la jetée que nous remonterons jusqu'au bout avant de faire demi-tour pour revenir vers le départ ce qui fait que nous n'allons pas cesser de nous croiser ce qui est plutôt sympa.
De l'autre côté de la jetée 2 équipes de 6 nageurs s'affrontent également pendant 24H mais nous n'en verrons rien hélas et ils n'auront pas beaucoup de spectateurs les pauvres. Les équipes cyclistes sur home-trainer par contre seront sous nos yeux à chaque tour ce qui nous permettra d'admirer leurs coups de pédale énergiques.

Avant même d'avoir atteint le tiers du 1er tour avec Greg et Virginie je suis déjà dépassé par la tête de la course mais comprends rapidement qu'il s'agit des même qui s'échauffaient tout à l'heure qui en fait font partie des équipes de relais composées de 6 coureurs et qui donc peuvent se permettre de partir sur des rythmes nettement plus élevés tout au moins pour certains "missiles" qui nous enrhument.
Au bout de 300m je décide de laisser Greg et Virginie: j'aurais aimé faire un bout de chemin avec eux mais leur rythme est plus lent et ne me permet pas d'avancer aussi vite que je le voudrais.
J'ai prévu de marcher à un peu plus de 6 km/h ce qui avec un peu de chance me permettra de tenir une moyenne de 5 km/h en incluant les arrêts divers et me mènera peut être à la barre mythique (pour moi) des 100 km...

Le parcours ne comporte pas de pièges mis à part peut être l'alternance pavés/grilles sur le bord droit lorsque nous remontons la jetée; le problème principal pour moi en début de course est de gérer les dépassements.
En effet il y 3 rythmes très différents: les relayeurs, les coureurs individuels et les marcheurs. J'ai vraiment la sensation que les autres me tournent autour et les entendre arriver n'est pas toujours évident même si les relayeurs sont en général moins discrets au niveau du souffle et surtout au niveau du pas: les vrais spécialistes des 24H décollent à peine les pieds du sol et arrivent sur vous dans un silence quasi total. Il n'y a que le 82 (Benoît Grober) qui soit facile à reconnaître puisqu'il courre avec un cardio-fréquencemètre qu'on entend arriver de loin.

Après 1h de course tout va bien, je tiens le rythme prévu, je n'ai mal nulle part et pour ne pas risquer l'hypoglycémie je m'alimente à chaque tour en alternant boisson (eau vitaminée ou pas ou coca), et sucré (banane, pain d'épices, pomme, etc etc) mis à disposition par l'organisation.
J'essaie au maximum de "trajecter" quand c'est possible (50cm de gagnés c'est toujours ça;-) tout en faisant attention aux coureurs qui arrivent derrière moi et qui eux aussi cherchent à gagner de la distance.
On commence à tous s'encourager mutuellement à chaque fois qu'on se croise, et comme on se croise en permanence on n'a pas le temps de s'ennuyer; on le fait d'abord entre Ufos, pour ceux et celles qu'on ne connaît pas ça commence par un simple sourire puis au passage au pointage on repère le prénom discrètement pour le surprendre agréablement au tour suivant. Christian Efflam est surprenant d'aisance, sa course est fluide, sans à-coups et un sourire flotte en permanence sur ses lèvres.

Après 2h de course tout va toujours bien même si je sens une petite douleur poindre au niveau des mollets mais rien d'insurmontable et je décide que tant que tout va bien je continue sans me poser de questions, simplement en continuant à m'alimenter régulièrement. Je trottine un peu sur 2 ou 300m histoire de soulager les mollets; à L'Toro, Cyril et Léonard qui s'étonnent de me voir courir je réponds que quand je suis fatigué de marcher je me repose en courant ;-)))

Le jour décline ensuite lentement la température chute un peu mais ça reste supportable en cuissard.
A chaque tour je vérifie que le pointeur et moi sommes d'accord sur le nombre de tours effectués, l'ambiance est sympa et là encore l'organisation est au top.
Je croise régulièrement le 58 (Dominique Reynaud) avec Daniel Bauer sur les talons; ils feront presque toute la course ensemble, ces habitués des longs trails souffrant beaucoup sur cette course bitumeuse.

Vers 18h00 je passe par la tente pour enfiler une 2° paire de chaussettes afin de ralentir l'apparition d'ampoules que je sens poindre et m'aperçois que Benoît est en train de se rhabiller: il abandonne alors qu'il était en tête à cause de son tendon d'Achille blessé avant l'épreuve; il me dit qu'il va se consoler avec une bonne soupe de poissons; GRRRR....
Jean Pierre Rigolat le vainqueur précédent abandonnera un peu plus tard...

Alors que je couvre mon 28° km le 49 (Patrick Taranto) me porte un petit coup au moral sans le savoir: il me double en téléphonant et je l'entend dire "ça commence à devenir dur aux jambes j'en suis à 50km..." Pour ma part mes douleurs aux mollets se sont accentuées et je pense que les ampoules sont apparues, je serre les dents.

Peu avant 19h00 et alors que je suis à près de 30km je décide de m'arrêter manger un plat de pâtes et passe par la tente pour récupérer un ticket repas. Une asiatique (Seeda Lorenzelli, n°42) entre et commence à se changer en m'expliquant qu'elle vient de travailler 10h00 et n'est venu "que" pour faire un marathon parce qu'elle travaille encore demain; c'est un peu de l'Ultra ça aussi non? ;-)
Mes pâtes et le café rapidement avalés je reprends la piste où je retrouve Seeda qui est partie sur un bon rythme.

La nuit est maintenant bien installée, le phare d'Antibes dans l'axe de la jetée semble nous guider comme il le fait pour les bateaux; au bout ce sont les marins qui tiennent le ravitaillement et l'un d'eux nous propose ses "petites nouilles" pour nous sustenter ce à quoi je lui répond qu'en matière de petite nouille je suis déjà équipé... ;-)

Christian a désormais pris la tête devant Gérard mais c'est une autre course que la mienne...
Alors que je boucle le 34°km j'entends le speaker réclamer le médecin à la tente des kinés dont je ne connaissais pas l'existence et je décide de m'y arrêter dès le tour suivant pour mes mollets.
Il est 20h20 lorsque j'y entre découvrant avec étonnement qu'il y a aussi un podologue.
La kiné est partie courir me dit-il (après tout elle a bien le droit de s'amuser aussi) mais dès que j'ai fini avec ce monsieur je m'occupe de vos pieds.
Je me déchausse délicatement, ôte mes chaussettes et m'allonge sur le ventre pour qu'il puisse opérer...
Il constate ce que je craignais: 2 ampoules sont formées et 2 en train de naître.
Il s'en occupe si délicatement que je ne sentirai rien, il m'a refait des pieds tout neufs en me prévenant toutefois que d'autres vont apparaître et qu'on est amené à se revoir mais pas avant 2h parce que là il est invité à manger une raclette...

La kiné est revenue entre-temps et commence à s'occuper de mon mollet droit et je constate qu'elle également est une vraie professionnelle mais pour la raison opposée par rapport à son collègue puisque si avec lui je ne sentais rien avec elle il en va autrement mais, je cite, "si ça fait pas mal ça ne sert à rien".
Elle passera ensuite au mollet gauche mais celui-ci est en meilleur état que l'autre et rapidement elle me "relâche".

Lorsque je reprends la course il est 21h00 et alors que la table de pointage m'a déjà rajouté un tour je lui précise que ce n'est pas le cas, hélas...
J'en suis donc toujours à 35km ce qui ramené aux 7h de course fait bien une moyenne de 5km/h comme prévu, donc pas de soucis.
Seeda un peu fatiguée décide de marcher un peu avec moi, on parle de tout et de rien; à chaque tour on s'arrête pour que je fasse quelques étirement conseillés par la kiné pour soulager mes mollets ce qui fait que maintenant je tourne à un peu moins de 6km/h mais qui veut voyager loin...
Dans le 43° tour le sourire revient quand je réalise qu'ayant passé la distance du marathon je suis devenu enfin un Ufo...
A 23h00 je me dirige à nouveau vers la tente de soins pour me faire soigner les ampoules qui d'après les sensations que j'ai se sont bien développées maintenant et refaire masser le mollet gauche qui ayant été négligé tout à l'heure doit être jaloux et se rappelle à mon bon souvenir..

Le podologue n'est pas encore revenu (il doit abuser de la raclette ;-) mais je tombe sur une sympathique jeune femme qui me dit je suis le médecin si vous voulez je peux m'en occuper.
Connaissant désormais la bonne position d'opération je me déchausse et m'allonge sur le ventre; elle me confirme que les 2 en cours tout à l'heure sont désormais pleinement formées mais aussi que 2 autres se sont reformées par-dessus celles déjà opérées.
Une fois traitées elle commence le massage du mollet droit alors que la kiné arrivée entre temps attaque le gauche; 2 femmes pour un massage y'a pire non?

C'est pas le tout mais quand je repars j'ai un peu de retard sur la moyenne prévue et je passe le cap des 10h de course avec 49km au compteur. Un peu avant 1h00 du matin nouvel arrêt sous la tente de soin car une douleur est apparue à la base du tibia au niveau du cou de pied mais en fait elle n'est pas nouvelle puisque la semaine précédente j'avais effleuré par hasard cette zone et avais ressenti une violente douleur mais comme sans contact je ne sentais rien je ne me suis pas inquiété.
Cette fois la "kiné miracle" ne peut rien faire, le "podologue magicien" non plus et le médecin me conseille de passer une radio à l'occasion car plusieurs choses sont possibles: il parle entre autre de blessures due à des chaussures hautes trop serrées (rollers par exemple) ou de périostite, de fracture de fatigue, de tendinite des releveurs...

Je ressors à presque 1h30 du matin et décide de réduire le rythme pour pouvoir tenir: les ampoules et les contractures des mollets sont supportables en serrant les dents mais pas la blessure à la base du tibia et je n'ai donc que ce moyen pour pouvoir continuer.
En ce qui concerne les autres Ufos Léonard atteint la barre des 100km, L'Toro est au dessus de 60, Cyril commence à souffrir du genou alors que les inséparables Virginie et Greg qui a le genou en pire état que son frère ont ralenti le rythme et sont pointés à un peu plus de 35 km.
Seeda ayant fini son marathon me dit au revoir pour aller goûter un repos bien mérité.

Ma baisse de rythme me permet de ne plus souffrir de la jambe gauche mais désormais elle ne m'aide plus vraiment et à 2h00 du matin alors que je pointe à 55km après un rapide calcul je me dis que le bon rythme à tenir désormais est de... 3km/h ce qui hélas m'amène à seulement 91km au bout de la course mais bon déjà tenir 12h n'avait rien de gagné d'avance.
A partir de là je fais un tour toutes les 20mn m'attardant au besoin à la table de pointage histoire de taper la discute avec ceux qu'on commence à bien connaître maintenant.
A chaque fois que j'arrive ma pointeuse "attitrée" me gratifie d'un "YYYEEEEEEEES, et un de plus" qui fait chaud au coeur. Et tous les pointeurs avec elle m'encouragent à tenir.; géniale l'ambiance.
A 4h00 du mat c'est avec une salve d'applaudissements que nous accueillons Christian pour son 140° passage; il s'arrête pour se ravitailler on discute un peu, il est étonnamment frais toujours le sourire aux lèvres puis repart en trottinant; respect.

Je suis au 62° tour quand je m'aperçois que L'Toro dort et est pour l'instant à 68km, s'il ne se réveille pas trop tôt je peux peut-être lui faire l'extérieur tranquillement, dors mon petit, dors... ;-)
Mais alors que sur les coups de 5h00 du matin je boucle mon 64° tour je le vois qui se lève et repart; tant pis ;-)
Cyril par contre dont le genou est de moins en moins bien est parti se coucher vers 3h00 du matin après 85km de course.
Quant à Léonard il me prévient qu'il est 3° mais quand je lui demande devant qui il ne sait pas et ne connais pas son avance non plus; pas de problèmes je m'en occupe (entre chaque tour j'ai un peu de temps libre;-) et au tour suivant je lui dit que son adversaire est le n°48 juste devant lui mais qu'il a 2 tours d'avance et donc qu'il est tranquille pour le moment. Il me répond qu'il aimerait bien faire podium derrière les 2 extra terrestres.
Quelques tours plus tard je l'informerai que son adversaire s'est arrêter se reposer un peu et qu'il a maintenant 7 tours d'avance, pour le podium y'a plus qu'à gérer...

A la fin de chaque tour je vais me mettre au chaud dans la tente de soins histoire de ne pas me refroidir en attendant la tranche de 20mn suivante où je discute avec le podologue et un coureur des relais qui ne veut pas dormir et qui après avoir fait plusieurs 100km ne veut plus souffrir à 45 ans.
A 5h00 j'espère trouver le podologue mais il est parti dormir et personne ne peut me soigner avant 6h00 du matin; c'est pas grave de toutes façons à 3km/h je peux tenir encore une heure sans soucis.

A l'heure prévue un autre médecin arrive, elle me fait allonger sur le ventre comme d'habitude et répare les dégâts. Au bout de 25mn je ressens quelques nausées dues sans doute à mon estomac compressé dans cette position mais je me dis que ça va passer dès que je me redresserai.
Erreur...
Je me redresse mais n'ai pas le temps de me rechausser que je sens que quelque chose ne va pas.
Je me rallonge pour reprendre mes esprits en disant "heu j'ai un petit souci là..."
La kiné et un coureur me redressent les jambes pendant que le médecin prend ma tension en m'interdisant de m'évanouir.
Je suis tout blanc, la tension est tombé de 6 points et le médecin m'explique qu'il s'agit d'un malaise vagal; quand je lui parle de la compression de l'estomac et de mes nausées il me dit que c'est sans doute lié au diaphragme mais qu'il veut que j'aille faire un électrocardiogramme aux urgences et un test de glycémie; les pompiers sont prévenus on va chercher mes affaires sous la tente, la course est finie pour moi.

Les pompiers m'aident à monter dans l'ambulance, l'un d'eux fait un signe discret à son collègue pour me mettre sous oxygène ce qui me fait sourire puisque, ancien pompier volontaire, je sais d'avance ce que ce geste signifie.
Aux urgences tout est réglé en moins de 15mn, l'électrocardiogramme est normal et donc je suis libéré rapidement. Je fais appeler un taxi pour me faire raccompagner sur le lieu de la course histoire d'assister à la fin de l'épreuve.

Assister à la fin de l'épreuve??? Ca va pas non? Je fais le calcul qu'il est à peine 8h15 et qu'avec les presque 6h de course qu'il reste je peux encore finir à 85km avec mes 3km/h de moyenne.
Le temps de ranger mes affaires sous la tente et je reprends le circuit avec les encouragements des pointeurs, des spectateurs "abonnés" et même du corps médical qui a compris que de toutes façons dans la tête je ne lâcherai pas.

Les coureurs au fur et à mesure que je les croise sont surpris de me revoir en piste et ne manquent pas de m'encourager; encouragement que je leur rends évidemment: on est tous dans la même galère, premier ou dernier on est tous là pour tout donner.
En parlant du premier d'ailleurs Christian n'a plus que 2 tours d'avance sur Gérard et la fin risque d'être chaude; sa sœur est venu l'encourager, elle le renseigne sur l'écart et courre à ses côtés aussi souvent qu'elle peut.
J'aperçois Seeda au bord de la piste; très élégante elle part travailler et me demande si ça va; je lui réponds que oui sans évoquer mon passage à l'hôpital.

A 10h00 j'ai rajouté 6km au compteur, j'en totalise 73 mais ma jambe gauche est de plus en plus "inutile" et je mets maintenant plus de 15 minutes à boucler le tour, je dois encore lever le pied et décide de descendre à 2 km par heure.

A 11h30 je m'arrête pour me faire masser une fois de plus, mais les ampoules je ne veux pas y toucher; ensuite je vais taper la discute avec Greg, Cyril et Virginie assis à une table dressée pour le repas.
Cyril a atteint son objectif de 100km en tirant son genou blessé et a décidé d'attendre l'heure fatidique, Virginie et Greg vont essayer de rajouter quelques tours pour arriver à 60.
A 12h30 je décide que je ne peux pas en rester à 77 et que je dois absolument tenter d'arrondir à 80; à la table de pointage on m'encourage également à rajouter les 3 tours qui m'amèneraient à mon numéro de dossard et je repars comme je peux pour atteindre le chiffre espéré près d'une heure plus tard en ayant fait de nombreux arrêts notamment au stand des pêcheurs au bout de la jetée pour prendre le temps de les remercier lors de mon dernier tour.

Je profite également de ces derniers tours pour monter sur la digue afin de voir les nageurs en pleine épreuve, remonter et descendre la digue indéfiniment doit leur paraître interminable, bravo à eux...

Il est un peu plus de 13h30 lorsque je pointe le tour n°80.
Pour faire un chiffre encore plus en rapport avec mon dossard je ferai encore 80m 5 minutes avant la fin et finirai donc mon 1er 24H avec 80km et 80m au compteur.

Lorsque la sirène du port annonce la fin de l'épreuve je n'ai d'un coup plus mal nulle part mais mes nerfs lâchent et des litres de larmes vont s'écouler pendant plus d'une demi heure; je ne peux que murmurer sans cesse "je l'ai fait, je l'ai fait..."
Je ne vois plus rien, plus personne...
Je rejoins la ligne d'arrivée en larmes, les Ufos me réconfortent, une des organisatrices aussi, j'arrive à remercier la kiné entre 2 torrents de larmes, je suis heureux...

Je vais sous la tente ranger mes affaires afin d'être prêt à partir dès la fin de la remise des prix.
En attendant la fanfare locale ne trouve rien de mieux que de jouer "le jour le plus long", de l'humour sans doute... ;-)))

Du premier au dernier tout le monde est finalement récompensé avec une coupe et un diplôme commémoratif.
Il est alors temps de nous quitter après une dernière photo entre Ufos...

En conclusion de ce (trop) long CR je voudrais remercier tous ceux qui de près ou de loin m'ont permis de vivre cette course magique, depuis mon fils jusqu'à tous les Ufos en passant par Bruno dont l'attitude aux championnats du monde à Taiwan m'a beaucoup aidé à ne pas céder (t'as vu côté ambulance au moins on est au même niveau... ;-)))) sans oublier les organisateurs et bénévoles, dont la Dream Team médicale, de cette magnifique manifestation entièrement dévoués aux coureurs, coureurs qu'il convient également de remercier ici tant leur mentalité est belle, gardez cet esprit, c'est un honneur d'avoir été parmi vous tous, je ne suis pas près d'oublier mon baptême d'Ultra...

Pour les Ufos présents:
L'Toro l'année prochaine je te balance un truc soporifique dans ta boisson pour être sûr de pouvoir te rattraper pendant ton sommeil ;-)))
Cyril quel dommage que ton genou se soit mit en travers d'une perf supérieure que tu peux atteindre sans aucun doute.
Greg et Virginie vous étiez là presque par hasard mais vous aussi vous avez tenu le choc; à l'année prochaine?
Et enfin un grand bravo à Léonard évidemment qui avec ses 188.35km se classe 3° derrière Christian (213km) et Gérard (203.23km) et qui m'a tant impressionné avec sa position de course étrange mais finalement assez efficace.

Pour ma part maintenant c'est repos puis une fois que toutes les courbatures auront disparues (3 jours après j'ai encore du mal à marcher normalement;-) et que mes ampoules (10 en comptant celles que j'ai ramenées intactes à la maison) seront refermées je soignerai ma blessure mystérieuse à la base du tibia.
Puis je vais me poser les bonnes questions pour progresser (comment préparer mes pieds, dois-je partir moins vite pour tenir plus longtemps où ça n'aurait rien changé etc etc...) afin d'atteindre les 100km qui auraient pu être à mon avis franchis sans cette blessure au tibia et le passage aux urgences.
Ah oui parce que je vous l'ai pas dit, j'ai déjà envie de recommencer, c'est grave docteur?

--
yvesg83

"Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait."
Mark Twain

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