Récit de la course : Andorra Ultra Trail Vallnord - Ultra Mitic 2011, par LutetienND

L'auteur : LutetienND

La course : Andorra Ultra Trail Vallnord - Ultra Mitic

Date : 15/7/2011

Lieu : Ordino (Andorre)

Affichage : 4205 vues

Distance : 112km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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Un ultra "mytic" pour mes 50 ans...

Lors mon premier « Ultra » de l'an dernier (voir le CR de mon GRP 80km 2010), des bénévoles de l'Andorra trail étaient venus faire de la publicité sur leur organisation. Sur le coup, je n'y avais pas prêté beaucoup d'attention. Mais, en début de cette année 2011, j'ai commencé à me demander ce que j'allais faire pour fêter dignement mes 50 ans. J'ai hésité longuement entre revenir sur le GRP (en passant sur le 160 km), ou bien m'inscrire sur l'Andorra trail. Finalement, l'hésitation a été trop longue et les inscriptions sur le GRP ont été closes : ce sera donc l'Andorra Ultra Trail ! Ultra Mytic ou Ultra Initiatic ? 112 km / 9.700 m D+ ou 103 km / 6.800 m D+ ? That was the question. La sagesse aurait voulu que je reste sur la plus petite des deux distances, qui consitue, avec le dénivelé, un palier significatif par rapport à mon 80km du GRP 2010. En même temps, l’ascension du Comepedrosa à la frontale me tentait bien. Finalement, je m’étais inscrit sur le Mytic, avec son profil ... à faire peur !

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Me voilà donc à Ordino, en ce 14 juillet. Le temps est maussade, mais je suis content de retrouver ces Pyrénées que j’aime tant et la perspective de leur consacrer de nombreuses heures de tête à tête me rend heureux. Je suis venu avec ma petite famille (mon épouse et mon second fils) ; ils vont profiter de ce WE pour découvrir Andorre, que nous ne connaissons pas. Et ça leur donnera l’occasion, pour la première fois, de partager l’ambiance d’un Ultra.

Ordino est un superbe village, plein de vieilles bâtisses. Le village est pavoisé aux couleurs de l’Ultra Trail et on croise à tous les coins de rue des trailers et leurs familles. Il y a aussi plein de bistrots et de restaurants qui se sont mis à proposer des « menus trails ». Bref, l’excitation est palpable.

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Ordino : Le village et la rue principale

15 Juillet : Jour du départ

Super beau temps ce matin. Nous partons en voiture faire le tour d’Andorre. Comme dit mon fils : on a vite fait de parcourir toutes les routes! Nous montons de bon matin au col de la Botella pour une reconnaissance d’un des points de passage. Le panorama est superbe et ça me donne une petite idée de ce qui m’attend. Nous redescendons sur la Margineda : le pont romain est là, élégant, comme sur les photos… Mais nous découvrons aussi la 2x2 voies assez bruyante qui est juste à côté ! Nous montons ensuite par une petite route de montagne pour un pique-nique.

Retour à Ordino, tentative de sieste, retrait des dossards, préparation et dépôt des sacs que je retrouverais aux bases vie. Je boucle mon sac, mon vieux Eider que j’ai modifié depuis l’an dernier : je lui ai ajouté 4 brides sur les épaules pour pouvoir accrocher 2 portes bidons. Cela m’évitera des contorsions pour aller chercher les bidons dans mon dos, et cela devrait équilibrer le poids de manière plus agréable. J’ai essayé de travailler le système pour réduire au minimum les ballotements dans les descentes et je suis assez content du résultats.

Deux autres changements de matériel par rapport à l’an dernier. Je me suis offert des bâtons monobrins assez légers pour remplacer mes vieux Leki très lourds. Enfin, j’ai décidé de partir avec des Addidas Supernova Riot pour remplacer mes Asics Trabucco, modèle hyper-confortable avec lequel je cours depuis des années. J’avais trouvé en fin de GRP deux défauts aux Trabucco :

  • la semelle des Trabucco était un peu trop fine et on sentait beaucoup les cailloux et aspérités du sol. Au bout d’une dizaine d’heures de course, cela m’avait paru gênant
  • la languette des Trabucco est très fine et, dans les descentes, les lacets ont tendance à scier mon cou de pied

Ces deux défauts sont peut-être liès à ma morphologie ; j’ai d’ailleurs toujours une paire de Trabucco pour les distances plus courtes. A l’entraînement, les Addidas se sont révélées très confortables. La semelle un peu plus épaisse est très stable et accroche bien, et le renfort sur la languette limite effectivement la pression sur le cou de pied. Bref, j’en suis a priori très satisfait, mais elles ne sont pas encore monté au delà de 42km …

 

22:30 : En route vers le départ

Me voilà dans l’aire de départ. J’ai trouvé l’attente tout au long de la journée interminable : de ce point de vue, je préfère largement le départ à 5h du matin du GRP, après une bonne nuit de sommeil qui évite de cogiter… Bref, c’est enfin le moment tant attendu. Je sens ma famille un peu inquiète : c’est vrai que l’ambiance impressionne. Le briefing de toute à l’heure a donné une bonne idée de ce qui nous attendait. Les trailers ont tous l’air hyper affutés. La musique (Carmina Burana) fait un peu monter l’adrénaline.

Je tente de rassurer les proches, mais je ne me sens plus très sûr de mon coup. En raison d’une charge professionnelle importante , mon entraînement de printemps a été minimal, pour ce type d’épreuve. En plus, je réalise maintenant que j’ai –par rapport au GRP qui se courrait plus tard dans la saison– un mois de moins dans les jambes, mois pendant lequel j’avais fait pas mal de dénivelé l’an dernier. Bref, je sais que je suis un peu juste. Un dernier bisou et je m’isole pour récapituler mes objectifs :

  1. ne pas tomber (c’est mon défaut principal en course : je tombe trop souvent)
  2. profiter à 100% de ce long moment de solitude avec la montagne
  3. aller au moins jusqu’à Borde d’Envilara et décider là si je peux finir
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LutetienND pas si fier que ça au départ...

23 :00 : Départ

La musique s’amplifie et un feu d’artifice illumine le ciel. Nous sommes partis. Il y a beaucoup de spectateurs sur les quelques hectomètres de route goudronée qui nous mènent à la sortie d’Ordino. Très vite nous prenons un chemin creux en rive gauche du torrent. La file indienne trottine doucement, et les 6km d’Orino à Llort passent très vite. Il fait doux ; le chemin est super agréable. Je me sens un peu endormi et j’ai l’impression d’avancer dans du coton. Retrospectivement, ce chemin constitue un vrai «sas» entre la ville et le début de la montagne, entre une certaine douceur et un univers beaucoup plus «rugueux» (voire brutal). Bref, à déguster sans modération.

Une fois le dernier réverbère de Llorts dépassé, nous entamons la 1ère montée : pas loin de 1400m d’une traite pour atteindre notre premier sommet, le Pic Clot dell Cavall. Nous traversons une zone boisée et, fidèle à mon habitude, j’essaye d’y repérer faune et flore : j’ai le temps de voir à la frontale de magnifiques champignons (Amanites Panthère). Nous passons un petit pont de bois, et sortons du bois. La pente s’accentue et nous rencontrons les premières pierres. Je me retourne pour voir la ligne sinueuse de frontales. La lune s’est levée. Je monte très régulièrement et me sens bien. La plupart des coureurs sont silencieux. Un groupe d’espagnols très bruyant se rapproche dans mon dos : ça discute et ça rigole ferme. Je ne sais pas pourquoi, cela me gène. J’accélère pour retrouver la quiétude d’un groupe plus calme.

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Montée vers le Pic Clot dell Cavall de nuit

Pic Clot dell Cavall 01:50 (02:50 de course : 256ème/295 partants)

Le sommet est atteint. La dernière section a été assez technique et je me rends compte que nous ne progressons pas bien vite. Pour autant, je n’ai pas vu passer le temps et je suis content de cette première ascension. Du sommet, on voit les lueurs orangées d'au moins deux villages importants (Ordino en bas et plus loin?). Je ne m'attarde pas : il fait encore nuit noire et il fait frais ! Une descente suivie d'un chemin assez valonnée. Une petite heure plus tard, on voit des lumières devant nous. En s'approchant, les lumières dessinent comme une piste d'atterissage qui monte vers un grand feu. Les lumières sont de petites torches placées par les bénévoles et qui délimitent l'arrivée vers le refuge. L'intention est sympa. On a vraiment l'impression d'arriver dans une haie d'honneur.

 

Refuge du Pla de Estany 02:50 (3:50 de course : 253ème/295 partants)

Au refuge, le ravito est disposé dehors. L’eau est disponible sous forme de gros bidons de 10l. Je recharge méthodiquement : pas trop d’eau (c’est la nuit et il y a le Comapedrosa à grimper). Le ravito est un peu maigre : j’avais envie de banane mais elles brillent par leur absence (ce sera comme ça tout au long de la course) Quelques Tucs, deux quartiers d’Orange et me voilà reparti.

 

Pic Comapedrosa 04:45 (5:45 de course : 233ème/295 partants)

La montée vers le Comapedrosa est… brutale. C’est du cailloux et des éboulis tout le temps. Il faut vraiment faire attention à ses appuis. Pas mal de gens dérapent. Le vent se lève et il commence à faire froid. Dès le bas de la montée, on entend une cornemuse jouer au sommet. Le son disparaît parfois lorsqu’on est dans un replis de terrain , mais réapparaît vite. Le gars joue sans discontinuer : chapeau. En arrivant sous l’arrête sommitale je suis en sueur et je fais une pause pour passer ma Goretex, mes gants en prévision du passage de l’arrête et de la descente. Sur l’arrête, les bâtons deviennent rapidement encombrant : il faut mettre les mains parfois. La cornemuse se rapproche… Je passe au sommet très rapidement : il n’y a pas beaucoup de place et c’est déjà un peu encombré par le(s) musicien(s), les bénévoles qui pointent, et quelques coureurs arrêtés. Je jette on œil à mon tableau de marche : j’ai déjà une heure de retard par rapport à ce que j’avais prévu. Moi qui avait peur de partir trop vite… me voilà rassuré.

Je débute la descente. Là encore, c’est plein de cailloux et, si on veut assurer , on ne peut pas aller bien vite. On passe un tout petit, mais vraiment tout petit, névé. C’est vraiment pour dire qu’on a marché sur la neige ! Peu a peu la descente devient plus facile. J’accélère et me retrouve pour la première fois de la course assez seul. Les lueurs du petit matin commencent à éclairer l’horizon. Je vois une lumière au loin qui me semble être celle du refuge à venir. J’ai hâte d’arriver à ce refuge (envie de soupe chaude !!! et de me poser un petit peu).

 

Refuge de Comapedrosa 05:50 (6:50 de course : 230ème/295 partants)

Arrivée au refuge. J’ai trouvé le temps long en fin de descente. Le refuge est super agréable : le ravito est à l’interieur et il règne une douce chaleur. Je profite de mes 2 puis 3 bols de soupe. Toujours pas de banane. Je refais les niveaux, range la frontale en fond de sac, et me voilà reparti.

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Intérieur du refuge du Comapedrosa 
 
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Départ du Refuge Comapedrosa

La montée vers la portella de Sanfons n’est pas trop difficile et le passage de la portella est superbe. Le soleil levant éclaire les sommets. On a une vue à 360° Je fais quelques photos. La descente vers le col de Botella est agréable : c’est un sentier roulant qui descend progressivement à flanc sur une pente herbeuse. La monotrace n’est pas large, mais je me fais plaisir en courant pendant le plus grande partie de la descente.

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La lune au dessus de la Portella de Sanfrons
 
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En montant vers la Portella de Sanfrons
 
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Panorama de la Portella de Sanfrons (vers le Nord)
 
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Panorama de la Portella de Sanfrons (vers le Sud et le col de Botella)
 

Col de la Botella 07:25 (8:25 de course : 218ème/295 partants)

C’est l’heure d’un petit déjeuner… sommaire. Le soleil est maintenant bien levé ; j’en profite pour mettre ma tenue de nuit au fond de mon sac. Finalement, je ne vais pas y rester trop longtemps et je repars. La piste entre le Col de Botella et le pied de l’ascension vers le Pic Bony de La Pica est, elle aussi très agréable. C’est un sous-bois très légèrement ondulé. Je trottine la plupart du temps, doublant quelques coureurs. La montée vers le Bony de la Pica est très raide. Deux jeunes me dépassent assez rapidement : je prends un rythme régulier et je monte sans à coup. Au bout d’une vingtaine de minutes, le dépasse les deux jeunes qui se sont accordé une petite pause de récup. C’est quelque chose qui se reproduira plusieurs fois dans la journée : je suis dépassé en début de grimpette, puis je reprends les jeunes padawans plus tard dans la montée.

 

Bony de la Pica 09:00 (10 :00 de course : 218ème/295 partants)

L’arrivée au sommet du Bony de la Pica est superbe. Là encore, nous cheminons sur une très belle crête. On voit au loin la tente de deux bénévoles qui ont passé la nuit à cet endroit.

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Sur la crête vers le Bony de la Pica

Pointage au sommet, et on entamme la longue, longue descente vers la Margineda. Pas loin de 1500m de D- au programme. Je me dis que ça va chauffer… Juste avant d’entamer la descente, deux bénévoles signalent l’entrée d’un couloir signalé comme « très délicat » par le road-book.

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LutetienND juste avant de plonger dans le couloir

Effectivement, c’est pentu et la végétation et les racines sont entaillées par des sentiers sablo-caillouteux. Une série de cordes sécurise cela très bien. Je suis tout seul, et j’en profite pour m’amuser à descendre assez rapidement en utilisant la corde pour me freiner. Le sentier passe maintenant un éperon rocheux : les cordes sont remplacées par des chaines en inox.

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Passage de l'éperon en descendant de la Bony de la Pica

Finalement, ça se passe assez facilement, mais je fais attention à chacun de mes gestes. La fatigue aidant, un faux-pas est vite arrivé… Petite remontée vers le col de Les Comes, et la « vraie » descente commence. Elle traverse une forêt et reste très technique avec pas mal de racines en travers. On peut courir un peu, mais au bout d’une heure les cuisses commencent à chauffer et je ralenti le rythme pour les ménager un peu.

Au sortir de la forêt, ça fait presque 2h qu'on descend. Mes cuisses commencent à vraiment me faire mal. On traverse une partie herbeuse qui se révèle assez glissante et on commence à voir le hameau d’Aixas, en contrebas. A lever le nez pour regarder le hameau, je trébuche et tombe en avant, le nez dans l’herbe. Plus de peur que de mal, mais je me reproche cette inattention d’un instant. On passe le hameau d’Aixas et il commence à fair vraiment chaud. Une fontaine d’eau potable m’attire comme un aimant : hop, je mouille la casquette et je bois un coup d’eau bien fraîche.

Juste après Aixas, un petite raidard nous fait reprendre 80-100m de D+. A l’échelle de la journée, ça n’est rien, mais je ne m’y attendais pas, au millieu de cette descente, et je commence à sentir mes cuisses dans cette montée. Mauvais signe. La descente reprend et, à mesure que l’on perd de l’altitude, la végétation devient de plus en plus méditerranéennne : on traverse une forêt de buis et de pins. Les rochers virent au rouge, puis au noir. Il est près de 11h du matin, il n’y a plus un poil de vent, et le soleil tape de plus en plus fort. En plus, on se rapproche de la vallée et le grondement permanent de la 2x2 voies nous fait perdre un peu (beaucoup) de la magie de la montagne. Bref, c'est un peu la fournaise. Je trouve le temps très long et il me tarde d’arriver à la Margineda.

 

La Margineda 11:20 (12:20 de course : 213ème/295 partants)

Enfin. La base vie est dans un gymnase et il y fait plutôt frais. Je suis finalement arrivé avec plus de 2h de retard sur mon plan de marche : plus de 12h pour parcourir 44km, c’est vraiment le signe d’un profil et d’une technicité que je n’avais jamais rencontré auparavant! Je resterais, comme prévu, presque 1h à la Margineda. Vêtements secs, lavage des pieds et chaussettes sèches (pas la moindre ampoule à l’horizon : de ce côté là tout va bien). Je n’ai pas trop faim, mais je me force à manger un peu de salade de riz. Là encore, je chercherais en vain les bananes (l’an prochain, si je reviens, j’en mettrais une ou deux dans mon sac). Un petit coup de fil à mon épouse pour lui dire que je continue. Je me force à manger encore quelques Tucs, à boire un peu de coca.

Je repars vers 12:20. Il fait vraiment très chaud. Je passe rapidement le pont romain.

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Pont de la Margineda

Encore un petit km de plat et on entamme la montée. Au programme 1500m de D+ pour rejoindre le col de Bou Mort. Ca monte en lacets dans la forêt, et c’est raide. Très raide. Toujours le brouhaha de la 2x2 voies. Vivement que cela s’éloigne. Il fait chaud et je commence à rêver d’eau fraiche. Je m’applique à m’hydrater régulièrement, mais j’ai toujours l’impression d’avoir soif. Je commence à faire moins attention au paysage. Les nuages commencent à monter, le vent à se lever. Je continue de m’élever. Le paysage sur la vallée d’Andorre, qui est assez urbanisée, est moins envoûtant que les paysages de ce matin. Je continue à monter. Un contrôle dans une bergerie (Cortal de Manyat). Les bénévoles ne sont pas d’accord sur la distance qui me sépare encore du refuge de Prat Primer, mon prochain objectif. 3km, 4km ? 1h, 2h ? En fait, ça fait un bout de temps que je n’ai plus regardé ma montre ni même mon plan de route. Je n’ai aucune idée si je suis très en retard ou pas. Finalement, ça m’indiffère. On verra bien. J’ai un vrai coup de mou dans cette montée. J’ai l’impression que le temps se fige, un peu comme dans le vers d’Appollinaire (le temps se fige et l’on dirait qu’il bout…). Je double un concurrent qui est endormi sous un arbre. Je l’envie. Il me fait penser au dormeur du val d’Arthur Rimbaud

C'est un trou de verdure où chante une rivière,

Accrochant follement aux herbes des haillons

D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

 

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

 

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.

 

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille.

Il a deux trous rouges au côté droit.


Refuge de Prat Primer vers 15:00 ? (16:00 de course)

Arrivé au refuge de Prat Primer, je commence à me rendre compte que j’ai un problème d’alimentation. Les jambes vont encore pas trop mal, mais je n’ai plus faim et tout me dégoute. J’essaye de m’alimenter mais… ça ne passe vraiment pas. Je reste assis un long moment dans l’herbe. Je repars finalement. La montée qui reste pour le col de Bou Mort (pas grand chose : 200m de D+ à peine) me semble interminable. J’ai l’impression de voir des Quads sur la crête… Finalement, ce ne sont que des trailers. N'importe quoi mon pov' bonhomme.

Descente, remontée. Passage du refuge de Claror, du Refuge de Perafita, de la Collada de la Maiana. Je ne sais plus à quelle heure…et je me sens un peu en léthargie. La traversée du Madriu me reveille soudain. Je vois un panneau : Refuge de Illa : 1h45. Je me remets à monter d’un meilleur pas ; ça va vraiment mieux sur cette montée et, pour la première fois de l'après-midi, je commence à envisager de ne pas abandonner à Borde d'Envilara. Finalement, j’atteindrais le refuge en 1h15, tout content d’avoir repris des forces dans cette montée.

 

Refuge de Illa 20:15 (21 :15 de course : 191ème/295 partants)

L’arrivée dans le refuge est un peu cahotique. Le responsable de la course me parle très vite en Espagnol. Je comprends qu’il veut que je reparte dans 5mn. Je ne comprends pas pourquoi. J’ai faim et j’ai envie de me poser un peu avant la prochaine étape. Je réalise soudain que je suis dans la dernière heure avant la barrière horaire. Le responsable veut que je reparte avec un groupe de trois. Je me dépêche de manger un peu. Il me rempli mes bidons en me disant « vite, vite… ». Je ressors et je vois un groupe de 3 qui s’éloigne. Du coup, j’attends le prochain départ. Un des coureurs a des ampoules aux pied qu’il essaye de soigner. Finalement, il ne veut plus repartir. Un autre coureur, arrivé en même temps que moi essaye de se reposer un peu, mais il est, comme moi, « poussé dehors » : une petite montée, et ensuite 3h de decente jusqu’à Borde d’Envilara, qu’il me dit le responsable. Mouais...

Finalement on part à 3 : deux coureurs et un membre de l’organisation. On entamme la montée vers le collada del Pesons. Ca monte très sec. Mes jambes vont bien et j’essaye de reprendre le rythme de la montée avant le refuge de l’Illa. Mais mon collègue coureur n’a plus aucune force. Quand je monte 10m il en monte 5. Le gars de l’organisation est parti d’un bon pas et nous ne le reverrons qu’au col. Du coup, j’attends régulièrement mon compagnon qui n’avance vraiment pas vite. On fait un peu connaissance. Le soleil est maintenant couché et le vent se lève. Mon collègue est en tenue légère (jambes courtes, pas de gants…). Heureusement, il a un Goretex qui semble assez chaud, mais on voit bien qu’il commence à prendre froid. De mon côté, je suis bien couvert : je me suis habillé chaudement au refuge en prévision de la nuit qui tombe. La montée, à ce rythme, me semble vraiment longue.

Arrivé au sommet, on prends vers la gauche une longue, longue arrête en plein vent. Je me concentre pour ne pas perdre la trace. Un petit drapeau rouge. Un autre. Ca n’est pas le moment avec le collègue épuisé de partir jardiner. Enfin, on bascule vers le cirque des Pessons. Nous voyons une enfilade de lacs au milieu d’un invraisemblable amoncellement de cailloux. Juste sous la crête ; nous retrouvons deux bénévoles et les informons que notre descente va être très longue. Ils réalisent que l’un d’entre nous n’est pas vraiment bien et nous proposent d’envoyer un 4x4 nous prendre au lac des Pessons, quelques km avant Borde d’Envilara. Ca me paraît, compte tenu des circonstances, une bonne idée.

Nous entammons la descente. Je passe un coup de fil à mon épouse (le GSM ne passait pas pendant la montée vers l’Illia et le collada del Pessons). Je lui indique qu’on est en train de se faire ratttraper par les barrières et que, selon toute probabilité, j’abandonnerais à Borde d’Envilara. La descente est vraiment lente. Je fais un peu la conversation avec le collègue, pour essayer de passer le temps. Le paysage est fantastique, mais je suis trop préoccupé par la situation pour vraiment en profiter. Nous ne sommes que deux, et il ne faudrait pas que l’un d’entre nous soit obligé de s’arrêter. Nous passons un lac, un second, un troisième. La nuit est noire depuis longtemps maintenant et la piste est par moment assez difficile à suivre. A deux ou trois reprise, il n’y a aucun fanion luminescent en vue (en fait, le fanion et là, mais le carré luminescent s’est décroché et on ne peut pas le voir). Alors on explore méthodiquement les quelques embryons de pistes qui se présentent à nous jusqu’au moement où on retrouve les fanions. Avant-dernier lac avant le lac des Pessons. La lune s’est levée et elle se reflète sur le lac. C’est magique, mais je suis complètement focalisé sur notre progression et je n’ai plus le courage de sortir l’appareil photo. Mon compagnon est régulièrement obligé de faire une pause. Enfin, un phare apparaît au loin. C’est le 4x4 qui nous attends. Il nous faut encore faire le tour du lac del Pessons et nous rejoignons bientôt la piste où le véhicule nous attend. Il est Minuit quinze et je suis heureux de nous avoir ramené à bon port. Nous attendons encore une bonne demi heure « quelqu’un qui descend derrière nous ». Je n’ai vu personne (aucune lumière) derrière nous et je suis étonné. Finalement, c’était une mauvaise info et nous redescendons en 4x4 quelques km de piste de ski pour rejoindre Borde d’Envilara.

 

Bordes de Envalira 00:15 (25 :15 de course : 189ème/295 partants)

Nous avons juste le temps de voir le dernier groupe repartir de Borde d’Envalira. J’hésite un instant à essayer de repartir avec eux, mais j’ai laissé trop d’influx dans la descente. Convaincu que j’allais arriver trop tard à Borde d’Envalira, je ne me suis pas assez régulièrement alimenté et repartir, quoique techniquement possible, me paraît à cet instant prendre un risque idiot. Fin de la course et de l’aventure. Je dormirais ce soir dans un lit.

 

Le lendemain

Jambes dures le lendemain. Mais dès le surlendemain il n'y paraîtra plus rien. Une grande ballade ves Llorts, où nous avons pu admirer la série de sculptures décrites dans le road-book et que je n’avais pas pu voir de nuit. On croise les derniers de la Ronda del Cime et on les encourage. Je suis plus qu’admiratif, compte tenu de la difficulté du parcours. Super restau à Llorts ou j’ai dégusté : des pieds de porcs, avec des escargots, du foie de volaille, des cèpes et des champignons de bois ( !).

 

Le bilan :

Je m’attendais à un profil difficile, et c’était … bien plus difficile que je ne l’avais imaginé. Pour le reste, compte tenu de mon entraînement, ça ne s’est pas trop mal passé. Pieds nickels. Equipement pile-poil. Pas tombé (ou si peu). Des paysages super. Motivation et moral au top pendant la course. Des problèmes d‘alimentation qu’il faudra que je travaille.

Un peu de regrets de n’avoir pas été au bout des 112km, mais, honnêtement, j’étais un peu juste en entraînement. 295 participants, 143 finishers... C'est tout dire !

En même temps, j'ai atteint le point que je visais (Borde d'Envalira : 76km, 7.100m D+) et ça restera un ... Ultra bon souvenir pour mes 50 ans. Il n'y a qu'a regarder la video officielle pour se rendre compte de la magie de cet Andorra trail. Je me demande si je ne reviendrais pas un jour pour boucler ce Mytic. L’organisation est tip-top (beaucoup de bénévoles sur le parcours : merci à eux tous). Il manque juste des bananes sur les ravitos ;-)

2 commentaires

Commentaire de manu3842 posté le 27-07-2011 à 22:49:10

Ce n'est que partie remise : tu as surement pris une sage décision car la fin était encore très difficile ... Bonne récup ... et puis tu reviendras plus fort sur le prochain ultra car tu te connaîtras mieux .
Manu

Commentaire de @lex_38 posté le 28-07-2011 à 08:44:29

C'est toujours un peu décevant d'abandonner. Mais il faut voir le côté positif, ce n'est pas un abandon sur blessure et tu as pris de l'expérience. Prêt à revenir ou à te lancer un autre défi!
Pour les bananes, je suis assez étonné car j'en ai eu à tous les ravitos
A une prochaine!

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