Récit de la course : Les Kilomètres de l'Espoir (24 heures pour le Téléthon) 2006, par daloan

L'auteur : daloan

La course : Les Kilomètres de l'Espoir (24 heures pour le Téléthon)

Date : 8/12/2006

Lieu : Les Ulis (Essonne)

Affichage : 1094 vues

Distance : 101km

Objectif : Pas d'objectif

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Les kilomètres de l'Espoir (ou le tranfert de compassion du téléthon vers le coureur)

C'est vrai, cette épreuve n'avait rien de raisonnable :

- Entrée au chausse-pieds dans un calendrier déjà ventripotent,
- Date à laquelle courir de jour est déjà révélateur de problèmes affectifs graves,
- 6 fois 4h ? 4 fois 6h ?? 2 fois 12h ???
- Présence de vrais coureurs uniquement, comme dit dans la pub.



Acte un : Avant le jour J (ou avant le nuit N)


On s'inscrit.

Comment en est-on arrivé là ? Une simple soirée d'Assemblée Générale du JDM 15 jours plus tôt, une annonce anodine de la Prez. invitant les raides-28-teurs à venir faire quelques tours après leur AG-à-eux le 8/12.
L'idée est à peine formulée que déjà le team Charvin décide de faire ... le Charvin et Phil'Fuchs brut de pomme saisit l'aubaine : courir à moitié nu toute une nuit, quel pied. Un simple moment d'égarement et au lieu de la fermer, ben je l'ouvre : «allez, je viens aussi».


On gamberge.

Tout s'enchaîne.
Des périodes d'euphorie : je vais te leur faire 150 bornes. 150 bornes en 24h, c'est l'UTMB sans les montées, mais il me resterait 20h pour les faire ces montées, c'est pas la mort alors hop, dans la foulée du téléthon je m'inscris à l'UTMB.
Des périodes de doute : Fred, tu te rappelles (je me tutoie) dans quel état tu es aux 12h de Bures ? Tu te vois repartir dans l'autre sens après une nuit passée à te cailler ? Tu vas morfler toute la nuit et au petit matin, tu seras en vrac. Une loque. Tu vas faire peur à Sabine et aux 3 z'Orsoni junior. Tu vas te pêter quelque chose, d'ailleurs tu viens de te pêter quelque chose, tu te rappelle déjà plus ?
Quelques moments plus sereins : allez, on se fait 12h, tout doux pour voir, on regarde ce que ça donne et on avisera en route.
J'ai donc navigué entre ces 3 tendances durant 15 jours, avec en plus une météo très changeante pimentant mon humeur car elle ne laissant présager rien de bon.



Acte 2 : La course, tant qu'on court


Pan, on part.

Au départ, impec, pas de pluie annoncée avant 22h, tout le monde est frais, se salue, se congratule, on ressemble tous à de vrais coureurs, mais on voit bien vite ceux qui découvrent ce type d'épreuve : ils finissent par se regrouper, essaient de s'encourager en songeant que dans le tas, il y en aura au moins un qui s'arrêtera avant eux !
Après le départ, psychologiquement les 2 premiers tours sont durs. Là, je vois bien que je suis avec les derniers. Au 3ème tour, nous commençons à nous faire doubler par les premiers, il y a dès lors du monde tout autour de la piste et nous nous sentons tout à coup moins derniers. Je me mets même à rêver de me dédoubler en deuxième partie d'épreuve, assimilant ma lenteur à de la prudence. En fait l'écart de vitesse entre premiers et derniers ne cessera de grandir, donc dans la vraie vie plus ça va, plus on se fait doubler, Donc finalement moins ça va. C'est moche, mais mieux vaut vous y préparer tout de suite pour l'an prochain.


Les Ulis by night.

Les six premières heures de course sont super. Nous sommes accompagnés par mal de monde (merci le JDM), On se sent super fort, super à part : nous, on a les dossards, on mange à l'oeil, et à chaque tour les bénévoles repoussent les vulgaires amateurs à l'extérieur des plots, laissant les couloirs intérieurs à l'élite (une suggestion : peut-on forcer l'éclairage sur ces seuls couloirs pour accentuer encore la différence avec la plèbe?).
Vers 2 heures du matin, derniers trocs de « bonne nuit » contre « bon courage », et nous nous retrouvons entre nous reste encore une bonne paire d'heures durant laquelle je savoure la course. A noter dans les demi-fêlées Dame Zabeth venue faire pour le fun son « petit marathon et puis s'en va », il manque juste la photo à l'arrivée cette fois ci.
Il est 4h du matin, je commence à me cailler sévèrement et enfile une 3ème couche de vêtements (tee shirt manches longues – polaire – gore-tex) et double ma paire de gants. Quelques gouttes d'eau venues du ciel nous rappellent que ça pourrait déjà être bien pire.
Sentant le moral fléchir, je sors de mon sac le remontant maison : LONZO; c'est pas gras, c'est salé, ça rappelle les vacances et ça fait un sujet de discussion. J'en distribue aux bénévoles, c'est quand même la moindre des choses car si nous on se caille, imaginez-les au bord de la piste. Si l'un d'eux lit cette chronique, qu'il transmette à tous les faiseurs de croix et remplissuers de gobeletes ma reconnaissance. Une vérité profonde jaillit subitement de mon esprit embué : le lonzo, c'est pas facile à couper avec des gants.
Autre événement qui à lui seul peut justifier votre inscription l'an prochain : Philippe Fuchs est revenu sur le circuit après une courte nuitée et IL PORTE UN COLLANT ! Du jamais vu. Bon, comme il a acheté du 14 ans, il flotte un peu dedans, mais sinon décidemment, un rien l'habille. A partir de là, il me doublera environ 80 fois, ça a un côté agaçant. C'est pour toutes les courses où il part devant et où on ne le revoit qu'une fois la ligne d'arrivée franchie.


Cocorico.

La montre tourne doucement -bien qu'avec nos Polars-Timex, la notion « tourner » finira par être dure à comprendre pour les générations futures- et on arrive paisiblement à 12h de course. Début de lever du jour, pas mal aux pattes du tout, mais coup de barre quand même. Pour la première fois, je regarde le classement et suis victime d'une terrible désillusion : 67km au compteur ! Honnêtement, j'aurais parié pour 20 de plus car je ne me suis pas arrêté de la nuit même si j'ai marché 1 minute pour 5 minutes courues. Moi pas comprendre, ça fait 30 bornes de moins qu'aux 12h de Bures, alors je décide unilatéralement de finir en marchant, et puis finalement ça m'arrange. Mais finir quoi ? Un triple marathon me semble tout à coup bien inaccessible, alors réduisant la voilure je fixe le cap à 100km et 400m, hisoire de faire un peu plus qu'un compte rond.
C'est bizarre, mais malgré ce violent coup de bambou, je ne me pose toujours pas l'inévitable question : Fred, qu'est-ce que tu fous là (je continue bien sûr à me tutoyer, après 12h consécutives d'introspection, le vouvoiement aurait quelque chos de suranné, non ?).
Etonnament et sans même y penser, si tant est que ce soit encore possible, j'adapte mon rythme à mon nouvel objectif. Marche, 5km/h (12 tours par heure). Mais très vite, ce train de sénateur se transforme en train d'enfer pour moi, mal au genou. Suite aux conseils avisés de Philippe, je m'autorise une bonne pause dans le dortoir impeccablement préparé par l'organisation qui, tout au long de l'épreuve nous aura chouchoutés. Surprise : il est noir de ronfleurs, même s'il n'y a qu'un coureur, tous les autres étant à cette heure soit revenus en piste soit rentrés définitivement chez eux. Je ne sais même pas quelle heure il est, juste que ça coïncide pile poil avec l'heure de mise en route de la Sono du téléthon. Mauvaise pioche...


Dernier acte, Condensé de retraite de Russie à Verdun

Debout là dedans.

Réveillé en sursaut par le portable de mon voisin de sieste qui n'esquisse aucun geste pour répondre, me voilà d'une humeur de chien. Mal dormi, mal aux genoux, orgueil mis à mal, je me lève d'un coup (traduisez : je me retourne sur le ventre, grimace en me mettant à quatre pattes, agrippe le banc et m'agite de manière désordonnée jusqu'à ce que seuls mes deux pieds touchent par terre) et fais mon sac : c'est décidé, j'arrête... J'allume mon portable : 2 appels du boulot, c'est décidemment une bonne nuit.
A peine sorti du gymnase, je tombe nez à nez sur Marie Laborie, tout sourire, à qui j'annonce ma décision. Je lui promets de revenir pour l'arrivée, et pars sur la piste saluer mes compagnons d'infortune. Tombant sur Géraldine et Corinne (les miss UFO gagnant chacune les 12h de Bures dans leur catégorie l'an dernier), quelques tours d'adieu communs s'imposent. J'enfile ma quatrième épaisseur avec une veste de survêtement entre polaire et Goretex.
Et me voilà finalement reparti ... pour 5 heures de piste en fait, car chaque tour fait me rapprochant l'air de rien des 100 km, je me recale sur cet objectif de repli. Un coup de chance qu'on ne compte pas en miles.
Si musculairement tout est au beau fixe, une trendinite à chaque genou commence à me faire sérieusement souffrir. Belle invention la tendinite, je ne connaissais pas encore. De là à dire que cela valait le coup de rester pour en faire l'expérience ? C'est lié à quoi ? La pluie ? Mais il n'a pas plu, le froid ? Mais il n'a pas fait froid non plus...


On mange pas à midi ?

Ah oui, à 13h15, on change une dernière fois de sens de course, le temps de se taper tous dans les mimines, voici enfin une activité cérébrale intense qui mobilise l'avant dernier neurone encore allumé (le dernier est réservé pour sourire et dire merci aux bénévoles), activié qui me permet de me resolidariser avec les autres, ceux qui courent ou marchent encore un peu vite. Je suis de leur bande. Il est des no-ôtres...
Vers 15 heures, ayant ramené mon rythme à 7 tours à l'heure pour ne pas souffrir (je vous laisse faire la conversion en km/h tellement c'est déprimant), la horde familiale vient me donner un coup de main (les mains vont pourtant bien, j'aurais préféré des genoux), qui se transforme vite en coup de gueule au vu de mon état. Trahi pas les siens, c'est terrible !
Etant sur pilote automatique depuis le fin de matinée, un ravitaillement tous les 3 tous, le lecteur mp3 vissé au fond des oreilles, je m'étais habitué à me faire doubler jusqu'à 60 fois dans le même tour par mes compagnons d'infortune qui appréciaient très diffrrémment ma présence : encouragements souriants de Corinne avec une petite tape sur l'épaule bien réconfortante, compassion et parfois incompréhension d'autres coureurs et bruits suspects du Castor Junior qui dispose d'un droit de réponse pour se justifier. Le retour à la réalité est brutal.


Au gouter, j'arrête.

Après une heure de course en famille, ou plutôt une heure durant laquelle la famille Orsoni était éparpillée aux 4 coins de la piste, je finis enfin mon 250ème tour au chronométrage officiel. Ceci dit, étant dans le deuxième couloir depuis la veille pour ne pas gêner les autres coureurs, j'ai parcouru environ 406m par tour, ce qui me permet a posteriori de revendiquer un équivalent de 254 tours - je fais grâce à l'organisation du décompte des détours pour les diffférents arrêts au stand.
Stop, je m'arrête et ne repartirai plus.
Je remets une couche avec une grosse doudoune en haut et un bas de survêtement sur le collant, me pose sur une chaise en vrac et m'endors immédiatement... Le froid me réveillant bien vite, je me rends compte à quel point 24h c'est long et transi de froid, perclu de douleurs aux genous et meurtri par le peu de kilomètres parcourus, je profite de la voiture de Dame Monique pour rentrer à la maison.
Je ne prendrai connaissance du classement final par Internet que quelques jours plus tard.


Epilogue

N'ayant pas encore recouru, je ne sais pas encore si je vais trainer longtemps ou pas cette foutue tendinite. J'en connais une qui dirait que c'est bien fait, mais qui ne le penserait pas. En tout cas, à aucun moment je n'ai regretté cette course, ce qui m'arrive pourtant parfois durant des marathons. La seule inquiétude c'est peut être l'image un peu pitoyable que l'on donne aux autres en marchant à 3km/h sur une piste. Rien de raisonnable ne pouvait justifier cet entêtement, et pourtant pas de regret à se dépasser de temps en temps.
En forme de clin d'oeil, ce petit mot du Professeur Schwarzenberg à une de ses patientes : « madame, si vous ne buvez plus, que vous ne fumez plus et que vous ne faites plus l'amour avec votre mari, je ne peux peux pas vous garantir que vous mourrez plus vieille, mais cela va vous sembler beaucoup plus long ». Bref, faut se lacher, rien n'est consigné à la fin.
Une semaine après, je ne sais pas encore s'il faut en rester là ou si le défi des 24h doit à nouveau être relevé dans quelque temps (par un bipède normal, type moi, s'entend). Il est clair que l'UTMB attendra encore un peu, même pas sûr que ce soit raisonnable de s'inscire sur le « petit »... Ou alors faut lancer l'idée lors d'une prochaine AG et profiter d'un moment de fanfaronnade.
Positivons : 35 coureurs qui au final vous prennent en moyenne 50 km, cela représente 4375 occasions de se faire doubler, ça tue ou ça forge un mental de ouineur, non ?

Pas cap' l'an prochain ?

2 commentaires

Commentaire de L'Castor Junior posté le 18-12-2006 à 23:49:00

Je n'ai entendu aucun bruit suspect, mais j'ai beaucoup ri à la lecture de ce CR.
Heureux en tout cas de voir tous tes neurones réveillés, car, comme je l'avais dit à Sabine, ton allure m'a souvent peiné pendant ce 24 heures.
Dommage que je n'ai pu te saluer avant ton départ (je me sentais un peu responsable de ta présence sur cette piste...).
Allez, fais une cure de foie gras au chocolat, et je suis sûr que tu seras d'attauqe pour le CCC, en belle préparation d'un tour complet en 2008 !
à+
L'Castor Junior

Commentaire de alafus posté le 21-12-2006 à 08:46:00

J'ai gardé un excellent souvenir des quelques heures de nuit où nous avons tourné ensemble.Tu avais dit 100 bornes, même si tu as beaucoup été aidé par le salé tu as eu beaucoup de courage. Maintenant tu n'as plus qu'à te motiver pour le dernier ultra de l'année. U T Fois Gras.Tu es spécialiste du salé. Rendez vous aux 12 heures de BURES. Je suis dans le même cas que toi, belle tendinite, alors repos complet, ce n'est pas plus mal sur cette fin d'année, j'étais fatigué
Amicalement
alafus

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