Récit de la course : Sakura-Michi 2005, par b.constant

L'auteur : b.constant

La course : Sakura-Michi

Date : 23/4/2005

Lieu : Nagoya (Japon)

Affichage : 1428 vues

Distance : 250km

Objectif : Terminer

2 commentaires

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Pas d'autre récit pour cette course.

Voyage au pays du soleil levant

Voyage au pays du soleil levant

Spartathlon, fin septembre 2004.
René Heintz me parle d’une course : La Sakura Michi, une course en ligne de 250km non-stop qui traverse le Japon par sa largeur reliant NAGOYA et KANASAWA, entre Est et Ouest.
SAKURA-MICHI signifie « course des cerisiers » elle se déroule au printemps saison où les cerisiers sont en fleurs. Leurs couleurs sont magnifiques, d’un blanc cassé à un rosé léger, mais le plus beau c’est lorsque le vent détache les fleurs, celles-ci tombent avec légèreté comme des flocons de neige.
J’avais déjà entendu parler de cette course mais restait pour moi qu’un rêve car la sélection y est très draconienne en plus l’organisation ne sélectionne que 2 ou 3 coureurs par pays. Donc mes chances d’y participer un jour sont très minces.
Mais ça fait rien, je tente ma chance. René me passe une inscription et de retour en France je la remplie avec soin, y joint tout mes résultats de grandes courses et renvoi le tout volontairement 10 jours après la date limite d’inscription car si par chance j’étais retenu il faudrait que ce soit pour 2006 car pour 2005 je me suis programmer la badwater
Dix jours passent et surprise ! Un e-mail du Japon me confirme ma sélection pour la Sakura Michi 2005 !!! Super je n’en revient pas. Pourquoi m’avoir retenu alors qu’il y a tant de coureurs d’ultras en France qui aimerai la faire.
J’accepte l’invitation car ça ne se refuse pas et reporte la badwater pour 2006.
Après le Sparte, je fais une coupure de 3 mois pour récupérer d’une tendinite récalcitrante. A la mi-janvier je rechausse mes baskets et commence une grosse préparation pour être en forme au Japon.
Ma préparation est sous forme de pyramide, 2 mois de montée en charge kilométriques avec un maximum de 230 km hebdomadaire, incluant une séance de fractionnés courts et longs ou bien une petite course de 10-15 km à la place, histoire de garder du rythme et un mois à diminuer la charge kilométriques hebdomadaire. Le tout avec des semaines « lourdes et légères » pour la récup.
J’avoue être un boulimique des kms et j’aime çà !!!!!!
Les mois passent et tout se présente bien.
Enfin le départ pour le Japon.
Nous avons la possibilité d’être accompagné d’une personne à prix très intéressant. Malheureusement, ma femme ne pourra pas m’accompagner, je fais donc profiter de ce séjour à mon cousin Philippe, passionné d’Asie. Pas du tout sportif ! Mais nous nous entendons très bien. Il s’improvisera photographe UFO ! Photos et films.
Je prends contacte avec les autres Français, nous sommes 4 cette année : Francis Faure, Raymond Brandhonneur, Pierre Voisin et moi-même. Ils viendront tous accompagner de leurs épouses.
Ce sont tous de grands coureurs ayant déjà participé à de grandes courses.
Samedi 16 avril 16h le jour J est arrivé. Avec Philippe nous nous rendons à l’aéroport de Toulouse, 1h de vol pour rejoindre la capitale où nous retrouvons Francis, Raymond et leurs épouses. Le temps d’enregistrer les bagages nous papotons de courses, bien sûr !! Nous prenons tous place dans un énorme 777 pour un très long voyage de 13h de vol sans escales en direction du pays du soleil levant. Je suis côté hublot avec une japonaise à mes côtés Hum ! Le voyage commence bien ! Après le décollage j’essai d’engager la conversation, pas de bol elle ne parle pas français et encore moins l’anglais. Tout le vol s’est résumer à regarder des films, manger à toutes les heures (ça occupe) et aller discuter avec Francis, Raymond et Philippe. Enfin l’atterrissage à Nagoya et 7 heures de décalage horaires en plus. Nous arrivons donc le dimanche 17 à 13h « heure locale ».
L’aéroport se situe sur une île artificielle. Dès notre descente le dépaysement est total. Les japonais parlant anglais sont très rares et seulement quelques infos et panneaux sont bilingues. Malgré cela, les gens sont très serviables. Nous trouvons un chauffeur de bus qui nous propose de nous emmenés à la gare de nagoya. Elle se situe à une heure de l’aéroport et se trouve être le centre économique de la ville.
Nagoya est une ville immense, elle s’étend à perte de vue sur plusieurs niveaux. Les grands axes routiers passent sur d’immenses constructions au-dessus de la ville. En dessous se trouve la ville, enchevêtrement d’immeubles, de maisons et d’entreprises, mais l’activité dans le centre ville se déroule en sous-sol. Une ville souterraine avec ses rues, ses centaines de commerces et des accès sur l’extérieur ou sur les immeubles comme un immense réseau de connexion. La gare de Nagoya est un monumental bâtiment de 4 tours où arrivent tous les transports en commun, bus, métro, taxis et trains. Nous prenons ce dernier de Hida-Takayama où notre hôte Mr OGO ( le boss de l’organisation) nous attend pour nous conduire jusqu’à sa demeure. Enfin après quelques heures de train et 2 changements plus tard, nous sommes à Hida-Takayama il est 20h45. La nuit est déjà tombée, en effet au Japon le jour commence vers 5h et la nuit vers 18h.
Arrivés chez Mr OGO, nous voilà dans une demeure typiquement japonaise, avec ses coutumes, il faut laisser ses chaussures à l’entrée et enfiler des chaussons ? Après un repas copieux, nous prenons possession de nos chambres. Celles-ci sont pourvues de lits en bois sans matelas, surmontés par un futon.
Les habitations sont en bois et ne sont pourvues que d’un poêle pour chauffer la pièce principale qui est le salon, en cette saison les nuits sont froides et humides.
En ce premier jour, avec le décalage horaire, nous dormons très peu et nous sommes réveillés vers 3h du matin. Le petit déjeuner est prévu à 8h30. Il est très copieux, cuisiné finement et permet de faire la connaissance des autres coureurs européens. Seulement 16 coureurs non japonais ont été sélectionnés, 4 français, 2 danois, 1 hollandaise, 1 norvégien, 1 grec, 1 estonien, 2 belges et 1 allemande. Il manque 2 coureurs, 1 coréen et 1 finlandais que nous retrouvons au départ ? Après le petit déjeuner, notre hôte nous fait part du programme de la semaine.
Les jours seront rythmées avec petit déjeuner à 8h30, déjeuner vers 12h et dîner à 18h, ce qui est tôt pour nous occidentaux. Nous aurons 2 jours de temps libre avec la possibilité d’assister à une fête locale et ancestrale à Hida-Takayama.
Mercredi est prévu un briefing important sur les modalités de la course.
Jeudi est une journée importante car nous devront préparer les poches avec leurs effets afin de les remettre aux responsables des différents check point avant le départ de la course.
Vendredi sera le jour du départ vers Nagoya afin de rejoindre un grand hôtel qui se trouve non loin du château de la ville, lieu du départ de la course.
Ces quelques jours avant course permettent d’échanger quelques infos entre nouveaux et anciens participants à l’épreuve et aussi sur nos différents mode de vie.
Dès le mardi, après un réveil tout aussi matinal et un peu douloureux au niveau du dos, notre hôte nous présente les derniers arrivants. Comme nous sommes nombreux, Mr OGO décide de nous diviser les repas. Les femmes seront ensemble dans un coin repas à l’occidentale avec table et bancs, les hommes à la japonaise, à même le sol avec une table basse à environ 20cm du sol.
Malgré une météo capricieuse, nous en profitons pour faire un petit footing de décrassage d’une heure. Je découvre la beauté du paysage, on se croirait au Canada.
Après avoir assisté à la fête locale et dégusté du Saké, boisson atypique que l’on aime ou déteste, on est déjà mercredi soir et Mr OGO nous fait un briefing de la course.
Le départ sera donné au château de Nagoya à 6h le samedi 23 et après le passage de 2 cols, l’arrivée se fera sur une allée en bordure du parc du château de KANAZAWA. Les coureurs, au nombre de 78 partiront par groupe de 15 toutes les 3 minutes. Le temps total ne doit pas excéder 36h de course avec 5 chek point éliminatoires qui seront situés au 107ème, 143ème, 172ème, 212ème et 250ème km. Tous les 5km, différents chek point seront prévus afin de pouvoir se restaurer. Les chek point sont classés en trois catégories : les premiers n’ont que des boissons, les seconds boissons et petites collations et enfin les derniers sont prévus avec tout ce qu’il faut, repas complet, kiné. Nous pouvons laisser les poches contenant des vêtements ou produits énergétiques à n’importe quel CP. Côté météo, la course s’annonce difficile, il est prévu du beau temps mais la nuit sera très fraîche, la veille de la neige était prévue sur le premier col.
En ce jeudi, veille de départ pour Nagoya, la pression monte. Chacun prépare ses poches, pour ma part j’en laisserai deux, 1 au 107ème km, juste avant la nuit et l’autre au 212ème km, je laisserai des vêtements pour être plus à l’aise et échafaude une tactique de course, mais la grande inconnue sera la météo.
Vendredi réveil très matinal afin de partir vers Nagoya en minibus, lors du trajet, Mr OGO nous montre la route qui sera empruntée durant la course. Nous arrivons enfin à l’hôtel, prenons possession de nos chambres avec vues sur le château et surtout des couchages très moelleux ? Malgré ce certain confort, le sommeil est dur à trouver, toutes nos pensées sont tournées vers demain : la course.
Voilà enfin le jour J. De suite réveillé je consulte la météo car c’est notre grande inquiétude, ouf !
Par miracle, il devrait faire beau mais très froid et certainement de la neige en haut des cols.
Après une collation très matinale, vers 4h, les derniers préparatifs en vue du départ de l’épreuve sont effectués, sans oublier le petit drapeau UFO que je fixe sur le devant de ma ceinture porte bidon, en espérant qu’il me porte chance ! A 5h30, nous avons rendez-vous sur la ligne de départ située à l’intérieur du parc du château de Nagoya, malheureusement, les accompagnateurs ne sont pas autorisés à s’y rendre et resterons donc à l’entrée du parc.
Nous faisons quelques photos d’avant course. Je fais parti de la 3ème vague de 15 coureurs, avec moi il y a aussi Pierre Voisin. 6h06 le départ, 1km dans le parc du château, superbe allée fleurie. A la sortie je retrouve Philippe qui commence à faire (tintin reporter), le public est venu nombreux malgré l’heure matinale. Une multitude d’encouragements « gambaté par-ci, gambaté par-là » (qui veut dire bon courage !), j’ai du l’entendre plus de 1000 fois. Il faut dire que pour eux cette course est comme pour nous le tour de France cycliste. Il y a 700 bénévoles pour 78 coureurs. Le froid étant mon point faible, je part en corsaire et petite polaire respirante. Pour ne pas faire de boulettes j’ai pris le cardio et surveille mes puls très souvent. Quand le public est là nous avons tendances à courir trop vite, donc je reste environ à 135 puls. Je doit être en forme car je me retrouve à 11.5 km/h, cette vitesse m’inquiète mais après tout, pourquoi pas !
Tous les accompagnateurs des coureurs étrangers suivent la course dans un mini bus de CP en CP.
Me voilà parti en direction des faubourgs de Nagoya. Nous avons 55 km de ville, beaucoup de trottoirs quelques passerelles et obligation de s’arrêter aux feux rouges piétons, sous peine de se faire écrasé par une voiture et si l’on y échappe c’est la police locale qui vous explique les bonnes manières.
J’arrive au CP 3, 15ème km à 7h35. Tout baigne, je suis dans mon rythme sans forcer, un verre d’eau au passage et continue ma route.
Me voici au CP 5, 25ème km, je passe dans les 10 premiers mais je trouve que la course est partie sur un rythme très rapide. Nous- nous suivons tous les uns derrière les autres. Superbe ravitaillements gastronomiques ! Incroyable, il y a de tout, je n’ai jamais vu de tels ravitos. Le bus d’accompagnateurs est là, nous sommes accueillis comme des « héros » pourtant nous sommes qu’au 25ème km. Je ne speed pas et prend le temps de récupérer. Je repart et essai de me concentrer pour reprendre mon rythme zen avec ma foulée rasante et quelques minutes plus loin, plus rien n’existe, je suis rentré dans mon monde, que j’aime. Et ainsi, les kms et les CP défilent.
Me voici au CP 8, 40.6ème km. Le soleil est de sortie, j’enlève la polaire et corsaire et passe en débardeur et short. Juste pour info, je suis 7ème avec un japonais, nous avons presque le même rythme mais je me souci pas du classement car la route est encore très longue. Mes puls sont toujours entre 135 et 140 maxi pour 11,5 km/h, par précaution je vais quand même ralentir.
Je repars et premier souci, après avoir légèrement transpirer et m’être dévêtu, j’ai très froid un petit vent glacial c’est levé. Mince … je ne suis pas à l’aise pour courir, j’ai diminué ma vitesse à 11km/h et 135 puls maxi, de ce côté-là tout va bien ! Arrivé au CP 9, km 45 c’est la kata. J’ai de grosses douleurs abdominale, j’ai pris froid, il faudra que j’aille plusieurs fois au p’tit coin. Ca va pas fort,Cela me fait comme au 100 km de st Nazaire. Plus de jambes et plus de jus. Je me fais remonté par beaucoup de coureurs, mon moral en prend un coup, Raymond me passe et m’encourage mais le cœur n’y est pas ! Cela me rappelle trop mon abandon à mon 1er Spartathlon
Et tout à coup j’ai une pensée pour le drapeaux UFO !!! Derrière ce bout de tissu vieilli, il y a trop de monde, une grande famille ! Je n’ai pas le droit de baisser les bras. Je me motive et trouve la force de continuer, je gère au mieux ma petite vitesse qui est descendue à 8-9 km/h. Vu mes soucis mes objectifs sont de passer les barrières horaires et de terminer cette course. Ma foulée est moins légère qu’au début mais parvient quand même à garder le « contact ». Au fur et a mesure que les CP passent je retrouve un peu de jus. Il est bientôt midi quand j’atteint le CP13
Km 67, c’est un CP hors agglomération où l’on trouve tout ce qu’il faut pour se refaire une santé et j’en profite. C’est la tournée gastronomique : fraise, banane, sushi, tofu, riz, yaourt, pâtes japonaise, pomme, soupe, arachides variées, gâteau, fromage blanc + thé, eau et de multiples petites bouteilles de fruit et tout le reste que j’oublie, il y a une très bonne ambiance. Philippe fait quelques photos et m’informe des autres coureurs, le norvégien a abandonné suite à des problèmes respiratoires, il rejoindra le bus pour suivre le reste de la course. Raymond est devant moi, Pierre me rejoint au CP et Francis est derrière, s’est un habitué de la chaleur de la badwater, ici ce n’est pas le cas.
Je repars après 15mn de pose, je me suis bien remis de mes problèmes gastriques. Avec une moyenne de 10 km/h, je vais essayé de me préserver en vu de la montagne et refaire mon avance toute la nuit car s’est mon point fort.

Philippe : A tout les CP, lorsque les coureurs sont repartis, nous sommes invités à nous restaurer ce qui nous permet de nous rendrent compte que les produits présentés aux coureurs sont particulièrement bon mais peut-être pas adaptés à tous. Les écarts entre coureurs se creusant au fil de l’épreuve ne nous permettent pas de les suivrent aux mieux. Nous partons donc en direction du CP 21, 106ème km. CP avec la 1ère barrière horaire et se situant au pied des difficultés, la nuit, le froid, la montagne.
J’essai de faire évader mon esprit pour couper la monotonie des kms, le paysage est vraiment superbe. Il y a des rizières, des forêts de bambous, des jardins typiques japonais avec petit cours d’eau et bonzaïs. Les CP défilent sans m’en apercevoir j’ai repris confiance en moi. Dans tous les villages la population est très chaleureuse, ils nous applaudissent tous et nous souhaitent gambaté massaï.
Je rattrape Raymond, il marche ça ne va pas fort pour lui ! Il a un petit coup de moins bien. Je reste un p’tit peu avec lui, jusqu’au CP et repars. Nous longeons la route tant tôt à droite tant tôt à gauche. Il me faut garder à l’esprit que les véhicules roulent à gauche, c’est très stressant, je fais très attention. Surprise ! Ria l’hollandaise me remonte, échangeons 2 petits mots, elle est plus rapide que moi, je ne cherche pas à la suivre. Quelques kms plus loin j’aperçois le CP 21, 107ème km. La ville s’appelle Shiratori, c’est super nous sommes accueillis par des jeunes de la croix rouge, il y en a 2 qui m’accompagne en courant à mes côtés. Il y a énormément de monde dans les rues, cela fait chaud au cœur ! J’arrive au CP à 17h45, cela fait 11h39 que je cours, je suis actuellement 36ème mais le plus important c’est que je ne suis pas cassé. Je récupère ma poche que j’avais déposée et enfile un tee-shirt, une polaire respirante plus un coupe vent et un collant long, ceci devrait me permettre d’affronter la nuit car la température a énormément chutée, sans oublier la frontale et une paire de gants. La nuit est tombée et je distingue au loin les sommets enneigés, le cœur des montagnes où je vais devoir passer la nuit. Je prends quelques minutes pour me ravitailler comme il faut et repars toujours accompagner par 2 jeunes qui courent avec moi sur quelques mètres.

Philippe : Les autres coureurs européens sont dans des rythmes très différents. Certains sont en forme et on déjà repris la course et d’autres sont à la peine, Raymond récupère doucement et repart, un belge arrive en pleurs avec des douleurs aux niveaux des genoux, Le grec et la danoise aussi ont des problèmes physiques mais ils repartent. Il est 20h et il ne reste que 6 minutes avant l’heure fatidique. Francis n’est toujours pas là. Deux minutes avant la mise hors course, le voilà sous les applaudissements et les encouragements de tous. Un moment parmi nous et il repart. La nuit sera longue pour tout le monde. Nous reprenons le bus et tout en remontant les coureurs que nous apercevons fugitivement à la lumière des phares. Nous- nous dirigeons vers le CP 34, 172ème km pour la nuit, c’est la 3ème barrière horaire.
Depuis le départ de la course la route monte progressivement mais sûrement et à partir d’ici nous grimpons au sommet des montagnes, il fait de plus en plus froid. Je suis en forme, je reprends un rythme de 10km/h. malgré le dénivelé et commence « la chasse » aux concurrents qui se trouvent devant moi, c’est ainsi que je me motive. Il fait nuit noire, j’ai la frontale vissée sur la tête. Au CP certains coureurs et bénévoles se tiennent autour d’un poêle. Un à un je commence à remonter plusieurs coureurs dont Ria l’hollandaise, gros soucis pour elle, les mains sur les genoux déleste sont estomac qui n’en peu plus. Je reste un p’tit peu avec elle en marchant ça me permet de récupérer car la route monte toujours. Je lui donne 3 doses de glucodose pour re-sucrer sa glycémie. Arrivé au CP elle va mieux et peut à nouveau s’alimenter. Je continu ma route, il est 23h18 quand j’arrive au CP 28, 143ème km, la 2ème barrière horaire. C’est le CP le plus haut de la course, j’ai 2h50 d’avance mais je ne rigole plus !!! J’ai très très froid, je ne tiens plus ! Je ne sais plus quoi faire pour me réchauffé. Je tape mes mains et mes bras contre mon corps mais rien à faire j’ai toujours aussi froid, sur mon collant j’ai rajouté mon corsaire. Par endroit il y a plus d’un mètre de neige il me tarde de redescendre dans la vallée, il devrait faire meilleur. Il reste 107km de course et j’ai 3h d’avance que je dois gérer au mieux. Vers 1h du mat je trouve Pierre Voisin à un CP, lui aussi à très froid, nous repartons ensemble mais il a du mal à repartir, je le laisse pour garder mon rythme, pour essayer de me réchauffer. Enfin la descente. Je reprends un bon 12km/h.

Philippe : Dans le bus il y a des couvertures et le chauffage mais malgré tout le froid me réveille, il est 3h du matin. Je sors et vais m’abriter sous une tente où se trouve un chauffage à pétrole. Il fait extrêmement froid, je claque des dents et demande un café bien chaud. Nous apprenons que 3 européens ont abandonnés et la mise hors course de Francis Faure à la 2ème barrière horaire, 143ème km. Certains coureurs sont très marqués physiquement, ils restent de longues minutes près du chauffage, le regard dans le vide.
Durant la nuit à certains CP il y a un maximum de confort pour les coureurs, réchauffement à l’aide de serviettes chaudes, boissons fumantes, brasero où cuisent des légumes et des viandes. Il fait de plus en plus froid car dans la vallée, les gorges que nous longeons se trouvent plusieurs grands lacs qui amènent énormément d’humidité dans l’air et commence une grande série de tunnels plus ou moins longs. Je traverse un village et sur le rebord d’une fenêtre je vois un thermomètre, par curiosité je vais y jeter un coup d’oeil.Il fait tout de même un bon -7°
Très humide qui me devient insupportable. Je peste, je ralle, je ne tiens plus !!! Je commence à marcher ! Le froid me rentre sous la peau et me paralyse les muscles, je m’endort, je titube, je perd un temps fout ! Mais reste conscient des barrières horaires .Dans ces cas ça gamberge vite et trouve un ultime effort pour appliquer la méthode « cyrano » et oui même au japon ça marche !!!
J’opte pour un petit 30m marche et 100m en courant, se qui m’a permis d’arriver au CP 34, 172.6km à 4h11. Pétrifié par le froid, je mange de la soupe et café me réchauffe un maximum, je tremble de partout, s’est terrible d’avoir aussi froid. Raymond et Pierre arrivent, nous sommes tout les trois. Pierre a des douleurs aux jambes et demande à se faire masser mais il abandonnera plus tard dans la matinée. Je repars avec Raymond clopin, clopan.

Philippe : À ce second jour de course l’écart entre les premiers et derniers européens étant de près de 5h, il est décidé de se rendre à l’arrivée à Kanazawa.
Enfin, petit à petit je me réchauffe, je reprends un 10km/h. Nous passons une multitude de tunnels pour un total d’une vingtaine de kms puis le jour se lève. Je découvre le paysage, grande forêt de pins et grand lac avec tout autour de grandes montagnes enneigées. Au petit matin le soleil apparaît. Pour moi c’est la naissance d’un autre monde, j’ai l’impression de revivre !!!
Comme un lézard au soleil. Au CP qui est au pied de la dernière côte, je dépose tout mes vêtements et reste en débardeur et short. Ultime côte de 7 ou 8 km, très dure. Mi course, mi marche. Ensuite vient le plus long tunnel de 6km, un enfer se vacarme à l’intérieur avec les véhicules. Puis vient une descente de 8km que je descendrai d’une traite à 15km/h jusqu’au CP 42, 212ème km, 4ème barrière horaire que je passe à 10h27. Ca fait 28h21 que je cours et il me reste 38km. Maintenant il fait très chaud, je me crame la figure et les mollets mais ça fait rien je supporte très bien. Le paysage à totalement changer c’est une plaine de succession de rizières et la traversée d’une petite ville Fukmitsu-chou. Ensuite 2 petites côtes et descente sur Kanazawa. Je double plusieurs coureurs qui sont dans le sac. Le final dans Kanazawa, 8km de ville très pénible, je n’en voit pas la fin à jongler entre les voitures et piétons. Enfin on me fait signe, au fond là-bas ! Plus que 500m, un carrefour, des feux tricolores, un petit bout de cul à grimper et me voilà dans une grande allée de cerisiers bordant les jardins du château. Il y a pas mal de public mais ce n’est pas la foule, tout le monde m’applaudit et me félicite. Ils sont tous là, les accompagnateurs.
Encore quelques foulées et c’est l’arrivée, la délivrance d’une course extraordinaire de 250km laissant dans ma mémoire des images. Empreintes de joie et de souffrances. Me voilà touchant le cerisier qui symbolise l’arrivée de cette course avec un sourire sur mon visage content et fier d’avoir participé et fini la Sakura- Michi. Il n’y a qu’un seul gagnant mais pour ma part nous avons tous gagné, nous avons réussi à dépasser les frontières du raisonnable et puiser au fond de nous même la force de finir.
Je termine 1er français, 4ème européens, 38ème au général sur 78 au départ et 57 à l’arrivée.
Je remercie fortement mon cousin Philippe qui à bien voulu me suivre pour cette aventure.
Bernard Constant.

Philippe : Elle est un peu triste cette arrivée. Il n’y a ni banderoles ni un public digne d’une course comme celle-ci. A chaque fois que des coureurs arrivent ils doivent toucher un cerisier situé au bord d’un talus. Il est environ 10h du mat lorsque le 1er européen arrive, c’est un estonien. Il met 28h06 et le vainqueur un japonais en 24h24. L’après course est bien différente en effet. A l’arrivée pas de kiné, pas de ravitaillement.
Après quelques instants de repos, les coureurs sont pris en charge par un véhicule militaire assurant l’acheminement vers l’hôtel. Un périple de 20minutes à travers la ville. Arrivés à l’hôtel une autre surprise nous attend, le rituel des chaussures, mais malheureusement les coureurs n’ont pas de chaussettes car ils arrivent sans avoir pu se changer. Heureusement j’ai ma valise, j’en profite pour donner à Bernard une de mes paires.
Nous gagnons les étages et là, récupérons sa valise.
Il n’y a pas de chambres individuelles mais une grande salle avec des matelas à même le sol.
Nous sommes trop fatigués, cela fera l’affaire.
Le lendemain, départ vers Shirakawa pour la cérémonie de la plantation du cerisier et la remise des prix, le trophée en bois en cerisier où est gravé le certificat de participation et le temps du coureur ayant fini l’épreuve. Les vainqueurs (homme et femme) ont droit à une couronne en fleurs de cerisier. En guise d’au revoir un repas nous est offert avec musique traditionnelle.
Voilà, après plusieurs jours passés au japon il est temps de rentrer, avec plein de souvenirs et d’images en tête.
Heureux d’avoir assisté à une course unique.
Philippe Aubard.

2 commentaires

Commentaire de Jerome_I posté le 18-05-2009 à 23:01:00

Quelle joie de lire un tel récit, cela me fait vraiment rêver et pourquoi pas m'inscrire d'ici quelques années. J'essaierai la 9 Colli avant!

Jérôme

Commentaire de HervéB posté le 29-07-2015 à 08:26:33

Je m'instruis ... j'ai renvoyé mon bulletin de participation hier. J'espère être sélectionné...

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