Récit de la course : Ice Trail Tarentaise 2014, par ciretagel

L'auteur : ciretagel

La course : Ice Trail Tarentaise

Date : 13/7/2014

Lieu : Val D'Isère (Savoie)

Affichage : 1136 vues

Distance : 65km

Objectif : Terminer

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Le retour du gros rouge ?!

   3 semaines, - enfin 4 aujourd'hui où j'arrive enfin à publier -, que l'ITT est terminé... Et je ne prends qu'aujourd'hui mon clavier pour vous en faire le récit... La faute à un manque de temps ou de courage ? Mais depuis, les louanges de Pascal sur mes écrits me rappèlent que, premièrement, j'aime bien écrire, deuxièmement, j'aime bien partager mes passions, et tertio, j'aime bien quand vous aimez bien !

  Et à l'inverse, si je vous ennuie, sites-vous que vous embêter, quelque part c'est aussi exister !  :-)

  Enfin bref, je me lance et vais essayer de m'appliquer autant que de faire court... tout en sachant fort bien mieux réussir le premier que le second objectif ! 

   Alors pour ceux qui n'aiment pas lire, allez directement aux résultats en bas de page, mais vous irez vers ce qu'au départ je considérais comme accessoire, et louperez ma merveilleuse aventure, sportive et intérieure, enfin à nouveau vécue !

 

Avertissement

  Avant toute chose, et pour ceux qui se sont lancés dans cette lecture, l'auteur décline toute responsabilité en cas de somnolence aiguë, de céphalées, de larmes intarissables, ou trouble de la vision, et, à l'inverse en cas de tachycardie, infarctus, fourmillements ou démangeaisons dans les jambes, de désordres psychologiques ou autre addiction avérée !

 

Préambule

  Pour commencer, petite précision sur le titre. Tout d'abord et pour ceux qui en doutaient, le gros rouge, c'est moi ! 

Et pour ce qui est de l'origine de ce surnom, finalement réservé à quelques initiés, j'en ai hérité à une petite course au saucisson vers Ales. En vacances alors, je m'inscrivais à celle-ci, délaissais pour une fois la tenue orange du club au profit d'un magnifique tee-shirt rouge. Ce brillant athlète rouge, un peu enveloppé pour l'occasion, vacances oblige, et inconnu en ces terres du sud, partit à une allure qu'il jugea être sienne, mais dont il se mordit vite les doigts. Car oui, au premier petit tour du village donc, je caracolais en tête. Presque aussi facile que fièrement ! Mais ensuite la grande boucle, sous un soleil de plomb, me réserva quelques surprises, à commencer par une terrible côte ! Ce fut le début de la fin pour moi, et je terminai, à l'endroit même où j'étais passé en tête auparavant, bien loin dans le peloton.

  Voici donc la vieille légende du gros rouge, qui trop enveloppé, trop en touriste, et trop sûr de lui, ne fit impression qu'au départ ! 

 

  Mais c'est ainsi que je me retrouvai au départ de cet Ice Trail Tarentaise 2014 dans un superbe tee-shirt rouge !

Pourtant, à chaque fois que je suis en rouge, je pense à cette histoire du gros rouge, et tâche donc d'éviter tant faire se peut cette couleur maudite ! 

Pour cette fois, et au départ, je lui avait donc préféré le noir, fuyant le "gros rouge" au profit d'un super héros tout de noir vêtu, genre Batman, fantomas ou autre "super TDR", bien connu des trailers sur Saint-Étienne !

  Mais la pluie se mêlant à la partie, je dus me rabattre sur le tee-shirt manches longues officiel du team... aussi rouge que magnifique d'ailleurs ! 

Il devenait donc temps de dépasser cette vieille superstition "coloristique" : C'en était décidé, par ma tenue autant que par ma prestation, cet ITT allait enfin conjuré le sort, qu'il s'agisse du gros rouge autant que de mes 2 années sans course...

 

Un sacré challenge !

  Je daterais bien le début de ce récit au 13 juillet 2014, mais ce serait oublier tout ce qui transforme mon retour en ultra en véritable challenge. 

  Après 30 ans d'athlé et autant de rêves inaccessibles en bleu-blanc-rouge, voici que mon passage sur 100km, en 2006, à 34 ans, m'ouvre 2 ans plus tard une série de sélections en équipe de France. La suite s'annonça moins glorieuse, et en fut sans doute un peu la conséquence, avec un passage obligatoire sur le billard fin 2012.

  Depuis, retour à la course légère, avec des hauts et des bas, pour enfin reprendre un dossard, symbolique, car en footing, en ce début d'année 2014 !... À peine 6 mois avant ce fameux ITT : 65km, 5000m de dénivelé, départ à 1850m et passages à 3600 puis 3300m d'altitude. Et j'en passe !

Ajoutez à cela, quelques soucis de constance dans l'entraînement depuis début mai , avec un moi de juin catastrophique : 118 km en 5 semaines et sans aucune séance, la tête un peu ailleurs, et donc une confiance bien entamée ! Mais comme si ça ne suffisait pas, après qu'un mal de pied bien invalidant se soit déclaré depuis juin, et persiste jusqu'à la veille de course, moi qui suis malade à peu près une fois tous les 20ans, je me vis fiévreux toute la nuit du mardi au mercredi avant l'ITT, puis mal au ventre, nausées et maux de tête les jours suivants ! 

  Gros questionnement sur ma participation, belle préparation physique et mentale (lol), et donc sacré capital confiance !

  Mais pour vous avouer, au vu des circonstances, et malgré les perches tendues pour au moins basculer sur le petit format, l'envie fut plus forte : "si je peux courir 32km... je pourrai en faire 65 !" ai-je répondu... Logique imparable, et dont je me suis d'ailleurs souvenu en passant au 32eme kilomètre, mais avec bien moins d'assurance sur ma capacité à aller au bout de la seconde moitié !?

  Mais pour tout dire, s'il y avait effectivement cette logique, avec l'idée que si mon pied et mon ventre tenaient 32km, alors ce ne serait pas eux qui m'empêcheraient d'en faire 65, il y avait surtout au fond de moi, une envie folle de faire cette course, de relever ce défi fou. Un défi que j'ai d'abord trouvé complètement déplacé pour moi, de par le format autant que par la proximité avec ma reprise sportive, mais qui a ensuite pris une place aussi importante que symbolique en moi.

  Pourtant la veille au soir, je me faisais la réflexion que jamais je n'avais couru aussi longtemps que ce qui m'attendait, jamais je n'avais couru aussi haut en altitude, jamais dans la neige ou sous la pluie pour un ultra, jamais avec autant de dénivelé... pas même sur un mois d'entrainement d'ailleurs, et surtout, jamais je n'avais été aussi peu préparé pour une course !!! 

 

L'imbécile heureux ! 

  Alors ce 13 juillet, à 4 heures du matin et à l'aube d'un de mes plus grands défis, qui plus est, sous une bonne pluie et malgré mes doutes, j'étais envieux, (en 2 mots aussi, ça marche ! Lol), ou plus exactement, heureux... Oui heureux. Heureux de me lancer dans cette aventure...

 

Premières foulées...

  Premières foulées, donc, et premières sensations... Pas énormes ! Mais qu'importe, je m'étais programmé en mode rando : finir, juste finir, et si possible profiter des paysages. En cela, résidaient mes seuls objectifs. 

 

  Malgré tout, je comptais sur les premiers hectomètres, plats voire descendants, pour me "placer", et pourquoi pas partager un bout de route avec mes potes du team, Fabien et Alex. Mais je dus rapidement me rendre à l'évidence que je n'arriverai pas à les suivre sans forcer l'allure. Restait donc Stéphanie avec laquelle je pensais bien courir un peu également... si j'arrivais a la suivre, car rien n'était moins sur en mon esprit ! Mais était-elle devant, derrière ? Je n'en savais rien. 

  Alors je poursuivis cette première portion, bien gêné ensuite sur les singles tracks par d'autres trailers, mais je me consolais toujours en me disant que c'était une bonne chose, en ce sens, que ça me permettait de gérer avec prudence ce début de course. 

  Les premiers lacets se présentèrent alors à moi, et force fut de constater que je ne me sentais pas en jambes ! ... Je remarquai alors que mes bâtons étaient encore sur le sac, et le temps de les décrocher, je perdis quelques places dans ce wagon de coureurs. Qu'importait, le chemin était encore long !

 

  Arrivé au premier col avant de basculer sur Tignes, je ne me sentais guère plus en forme, mais ça va, ça avançait ! Le pied, après m'avoir inquiété s'était fait discret, les jambes restaient donc moyennes, mais le ventre ballottant me tracassait, tout comme un insupportable mal de tête, si bien que le long du lac, trainant péniblement ma carcasse, je me posai vraiment la question de poursuivre.. ou au moins de trouver des toilettes et un ravitaillement pour me refaire un peu !

  Mais j'avais oublié que Tignes n'était qu'un passage, notamment avant la terrible ascension de 1500m de dénivelé, et non pas un poste de ravitaillement !

  Mais le jour se levant alors, je quittai casquette et frontale, pour mon plus grand soulagement, laissant enfin commencer à se dissiper ces terribles maux de tête... et envisageant par la même, et de façon définitive, de, quoiqu'il m'en coûte, rallier la ligne d'arrivée. 

 

La Grande Motte, pour le plaisir des yeux

  J'attaquai donc cette fameuse montée en direction du point culminant de la course, la Grande Motte, talonné puis rejoint par une féminine, Maude Gobert, que je savais bonne grimpeuse, et pour laquelle je n'eus aucune difficulté à admettre qu'elle monte mieux que moi et me dépasse. Cependant, il s'avéra que nous fîmes pas mal de chemin ensemble, au gré de multiples séparations... un vrai couple quoi ! Lol !

  Toujours est-il, qu'une femme en appelant une autre, je me demandai alors où était Stéphanie ? Si elle n'était pas loin, je me voyais bien courir un moment en sa compagnie... jusqu'au moment où son ascendant chamois prendrait le dessus sur le mien plutôt typé pachyderme ! Pensant Maude troisième féminine, j'imaginais bien Steph juste derrière, et eus alors bien envie de crier son nom pour en avoir le cœur net. Mais au milieu de ces montagnes, avec ce silence dans lequel nous évoluions, je ne me voyais pas casser cette ambiance unique, quasi cérémoniale !

 

  Plus haut, la neige fit son apparition, humide et molle, et dans laquelle mes pauvres bâtons sans rondelle trouvaient parfois quelque appui, mais s'enfonçaient la plupart du temps. Ce n'est que plus haut, avant l'ascension finale du glacier, que je me résolus à y ajouter des rondelles... juste au moment où non seulement elles ne me serviraient plus, mais pire, me généraient ! Super stratégie !!! 

  Enfin ! Il y avait dans cette aventure une telle part d'inconnu, et finalement si peu de pression de résultat, que ces petites déconvenues ne m'inquiétaient guère. Mieux, elles faisaient partie du "truc" !

 

  Arriva enfin cette fameuse station terminale du téléphérique, synonyme de premier ravitaillement... et d'une première, et bonne, étape franchie pour moi ! 

  Apercevant alors un homme en tenue de pisteur, et mon ventre se faisant menaçant, presque autant pour moi que pour mes plus proches poursuivants, lol, je lui demandai s'il savait ou je pouvais trouver des toilettes. Compréhensif, ou sentant l'urgence de la situation, il fit demi-tour et m'ouvrit celles toutes proches. 

  Soulagement, au propre (façon de parler !) comme au figuré, je profitai de cette position assise, au chaud et un peu trop durable à mon goût, pour enfiler ces fameuse Yaktrax (chaînes à neige qu'on adapte sur les chaussures).

  Ainsi allégé (!) et équipé, je pouvais maintenant attaquer le glacier, et reprendre place dans la file interminable de coureurs... et coureuse, puisque j'eus la bonne surprise de tomber nez à nez avec Stéphanie. Échanges courts, mais chaînes encore à mettre pour elle, et moi ayant perdu quelques minutes, un peu à regret, je continuai donc ma course sans l'attendre. 

  Au loin, et surtout plus haut devant, Maude, alors à peine derrière moi en arrivant au ravitaillement, me confirmait le temps perdu. Tant pis, je m'étais soulagé (!) et avais surtout installé mes chaînes bien au chaud, au grand plaisir de mes mains, encore épargnées, mais pas pour longtemps, par cet air glacial et matinal à plus de 3000m d'altitude. 

  Mais, comme toujours en sport, les efforts sont récompensés, et après avoir erré dans la nuit, le brouillard et le froid, voilà que la Grande Motte s'offrait à nous, ensoleillée, étincelante et sublime. Je ne sais alors si c'était la limite ombre-soleil qui descendait ou bien moi qui montait comme un chamois, (enfin j'ai bien une réponse, mais préfère encore me nourrir d'illusion !), mais toujours est-il que je me retrouvai bien vite en plein soleil et d'autant plus heureux de savourer cet état et ce panorama, que j'en avais "souffert" pour les obtenir. 

  Un régal, qui à lui seul, donne sens à cette course !

  Je poursuivai donc mon ascension, en pleine piste rouge gelée, et très heureux qu'on m'ait obligé à mettre des chaînes pour la gravir ! Comme quoi, ce matériel obligatoire, les chaines comme le reste, et ici plus qu'ailleurs, est une contrainte qu'il faut non seulement savoir accepter, respecter mais aussi apprécier. Un peu comme un air-bag en voiture... Lorsqu'on en a pas besoin, il est évidemment inutile, voire superflu, mais lorsqu'il s'impose, il en devient salutaire.

  Bref, je me retrouvai donc, presque plus vite que craint, au sommet de la piste, que je croyais être celui de ce glacier... Mais c'était sans compter la boucle tracée pour nous en lieu et place de l'ascension sommitale initialement prévue, et déprogrammée pour cause de neige récemment et abondamment tombée. Du coup, les premiers coureurs que j'avais croisés au bas de la piste, ou encore mon ami Alex aperçu au sommet étaient encore plus loin de moi que je ne le croyais : 12 minutes pour Alex, et je n'ose imaginer combien de temps pour les leaders, dont l'éternel et si fiable Fabien Antolinos, que j'admirais alors plus que d'habitude pour sa capacité à répondre ainsi toujours, et quelque soit le format, présent ! Quant à ma place, je n'en n'avais guère idée, ni réel souci, mais je me plaisais cependant à l'imaginer, ou la limiter, à mon numéro de dossard, le 32. Après parution des résultats, il s'avéra que j'avais visé juste, pointant 32eme à Tignes... mais 41eme au sommet du téléphérique, preuve de ma perte de temps aux toilettes, car je n'ai que le souvenir d'un seul coureur me doublant sur l'ascension : le dossard 159, que je mémorisais tant son aisance me donnait confiance en lui pour terminer dans les premiers. L'enviant alors, je me rassurai finalement... en le reprenant dans les tout derniers kilomètres de course. 

  Sur cette boucle donc, qui, malgré un besoin crucial de concentration sur mes pas en cette trace si difficile à courir, je savourai alors ce superbe point de vue offert au dessus des nuages. Le photographe là-bas présent, et que je remercie au passage pour sa serviabilité, devait lui aussi se régaler à faire son travail, et nous à admirer ses clichés après la course !

 

  Mais trêve de rêverie, il me fallait maintenant redescendre cette piste, qu'un temps j'avais envisagé de faire sur un sac poubelle, au point d'en avoir un dans mon camelback ! Devant la raideur de la pente et la dureté de la neige, j'abandonnai bien vite cette idée ! 

  Mais avant de plonger, je perdis encore une bonne minute à batailler pour enlever les rondelles de mes bâtons, les ranger, ainsi que mon coupe-vent devenu inutile.

  Au loin, pour ne pas dire tout en bas, j'aperçus alors ma camarade de course auparavant avec moi au sommet, et mesurai combien mon manque d'expérience, ou de préparation, était grand ! 

  La descente, au début un peu difficile et prudente, se transforma ensuite en grand plaisir et lâcher, en fuyant la neige dure pour lui préférer les bords de piste avec une neige molle et raisonnablement profonde. Juste parfaite pour planter le talon, le laisser glisser et trouver appui, jambes tendues. Une technique que j'ai ensuite adoptée et appréciée toute la course durant, bien moins traumatisante que de laisser le genou se plier, le quadriceps freiner et travailler de façon excentrique.

 

En transit vers Charvet

 

  La suite jusqu'au second ravitaillement se passa alors assez vite, profitant de la descente, mais m'inquiétant cependant de ma difficulté à maintenir le pas couru dès que le moindre pourcentage de pente positive se présentait !

  Je me réjouis néanmoins à l'idée, puis au fait, d'enfin croiser une tête connue en la personne de l'illustre Pascal Balducci. Sans se presser, nous discutons un peu, échangeons quelques plaisanteries de circonstance avec un tel bonhomme, qui par ailleurs m'apprend que Alex est en difficulté non loin devant. Sans trop penser à le reprendre, ni surtout le lui souhaiter, l'idée de faire la course avec lui me séduit pourtant bien. Qui sait si à deux, on ne sera pas plus forts, surtout que malgré que Pascal m'ait trouvé très bien physiquement, je commence à sentir quelques signes de faiblesses... Mais bon, ces encouragements au milieu de nulle part sont toujours précieux et agréables.

  Mais fini de trainer, il me faut poursuivre... et faire demi-tour pour aller chercher... mes gourdes oubliées ! Sacrée équipe ! Sans parler qu'une bonne poignée de concurrents à été plus efficace que moi et en ont profité pour me doubler ! 

  Au diable ces places et ces quelques minutes. Je ne dois pas, et ne veux pas, entrer dans la course... "Juste aller au bout". Je veux "juste" (!) cela.

 

Interminable Fond des fours

  Allez. En route vers le troisième ravitaillement au refuge du fond des fours, où Arnaud et notre kiné nous attendent, même si nous avons bien charrié le premier pour sa capacité à monter le dénivelé et arriver à temps pour nous ! 

  Cette portions fut me semble-t-il la plus difficile. Ma compagne de course, Maude, fut remplacée un temps par Alex, finalement rejoint, et que j'ai du mal à motiver. Il est dans un moment dur... et qui dure ! Mais je reste un moment avec lui et ne pars que lorsque je réussis enfin à lui faire dire quelque chose de positif.

  Pour autant, la différence de rythme n'est pas énorme, et Alex ne me talonne pas de si loin que ça. J'en suis heureux pour lui... inquiet pour moi, le chemin est encore long, à commencer par une ascension en pleine neige pour passer le col de la Rocheure. J'en bave un peu, beaucoup même, et d'autant plus que, malgré mon travail et ma mémorisation des profil et parcours, je suis un peu perdu sur cette portion.

  Mais au bout d'un temps qui me paru bien interminable, et au terme d'un long périple désespérément seul, je finis enfin par rejoindre puis doubler un concurrent, juste avant d'atteindre ce ravitaillement tant attendu.

 

  "Une étape de plus de franchie", me dis-je alors, comme une nouvelle marche montée vers mon challenge. Et c'est ainsi, presque avec une certaine fierté tant cela ne me paraissait pas gagné, que j'allais retrouver notre manager et ami Arnaud.

  Sur place, je ne ressentis pas ce même sentiment en lui, comme s'il ne mesurait pas ma performance au même niveau, au-delà d'ailleurs d'un classement que j'ignorais totalement, ou plus vraisemblablement, comme s'il avait tant confiance en moi, qu'il savait que je serai là, toujours en course.

  Malgré tout, je répartis un peu déçu donc.

  Par contre, me sentant limite en arrivant, il m'apparut vraiment nécessaire de recharger les batteries, notamment en buvant et croquant tout ce qui se présentait devant moi. Le ravitaillement fut donc comme toujours un peu long, mais salvateur pour le corps comme l'esprit.

 

  La suite, notamment avec le col du fond des fours, fut assez dure, puis les effets du ravitaillement se firent peu à peu sentir. Je me relançai alors, positif, gonflé à bloc pour finir, même si cette ultime montée à 3300m a l'aiguille Pers planait encore sur moi comme une épée de Damoclès. 

  À cela s'ajoutaient depuis le dernier ravito, les concurrents de l'altispeed à doubler. Car s'il restait motivant de remonter du monde, chaque dépassement me demandait à la fois d'être patient pour trouver la bonne opportunité, mais surtout de débaucher une folle énergie pour sortir de la trace, sprinter en neige molle et instable, et enfin doubler. À chaque fois, hormis en descente, il me fallait même un temps de récupération avant de repartir. 

  Mais bon, malgré cela, je dois avouer que sur cette partie et jusqu'à la route de l'Iseran, je me suis non seulement régalé, mais aussi regonflé le moral et à priori le physique aussi. Car oui, je remontais, et oui, franchir la ligne d'arrivée me paraissait maintenant de plus en plus vraissemblable. 

 

A en pleurer !

  Alors, juste avant d'arriver à ce redoutable faux-plat montant qui devait me mener jusqu'à l'Iseran, quand j'entendis des voix d'enfants crier "allez papa, allez !", sans savoir pourquoi je me suis mis à pleurer. À en prendre conscience, me ressaisir, et pleurer de nouveau ! De joie sans doute, à l'idée d'enfin les voir, peut-être également avec cette fierté d'être en train de réussir quelque chose à nouveau, après plus de 2 ans d'absence. Mais je savais aussi, que ces raisons, tout comme bien d'autres, si elles étaient la cause de ce surprenant émoi, n'étaient en fait que la conséquence de ce qui fait la richesse de l'ultra : tous les sentiments sont éprouvés au centuple. Et j'étais en train de le vivre, larmes aux yeux, comme un gamin me disais-je, mais quel plaisir, quelle chance même !

  Par contre, lorsque, arrivant sur la route, je réalisai que ces voix n'étaient pas celles de Samuel et Anouk, je crois que je me remis à émettre quelques sanglots, plus légers, et plus sournois ceux-ci.

  Mais je poursuivis mon effort, sachant que quoiqu'il en soit ils seraient là au bout des 2 ou 3 kilomètres de goudron. Sur ceux-ci, je tentai d'abord de courir un peu, mais l'énergie dépensée pour le faire me paraissait trop grande. Alors, je me mis au pas, un pas cadencé, rythmé, et sinon véloce tout au moins puissant me sembla-t-il. Et encore une fois, l'aide des bâtons me fut précieuse. Moi qui pensais ne les utiliser qu'en montée, je ne les poserai jamais sur toute la course.

  À défaut de courir, j'avançais, je doublais encore, et me rapprochais de mon but ultime... Et puis surtout, j'étais gonflé à bloc ! Et gonflé était bien le mot, car comme pour emmagasiner de l'énergie, et peut être pour chercher un air un peu trop rare à ces altitudes, souvent je me prenais une ou deux grandes inspirations/expirations qui me relançaient. 

  À ce propos, concernant l'altitude et après réflexion, je fus surpris de ne pas souffler davantage, notamment à la Grande Motte. Non que je sois acclimaté à l'altitude, mais je crois que mon manque de préparation m'empêcha de mettre de l'intensité. Je n'étais pas essoufflé, mais plutôt vide et au ralenti lorsque j'en bavais. Ce fut mon ressenti alors, et une hypothèse post-course. 

 

Aiguille Pers en vue !

 

  Enfin bref, d'altitude il était encore question puisque le second plus haut sommet de la course, et presque l'ultime, m'attendait. Avant cela, passage par le restaurant La cascade où enfin je retrouvai ma troupe au complet. Le temps de prendre quelques victuailles, et puis des nouvelles des athlètes du team sur l'altispeed, je me retrouvai le nez dans la rocaille, véloce comme je le pouvais, remontant encore les coureurs du petit format, mais bien las parfois devant la pente à nouveau bien raide. 

  Mais je ne baissai pas les bras, au contraire, et cette dernière grosse ascension, attaquée assez moyennement, redoutée de par la vue des autres coureurs déjà si haut sur la crête au-dessus de nous, passa finalement fort bien. Non qu'elle fut facile ou courte, mais je fus tout de même presque surpris d'être déjà au sommet. 

  À peine le temps de jeter un œil sur la brume, de remercier les bénévoles d'être là, que je basculai enfin. Sentant la fin proche, et les jambes répondant encore presque solidement, je me lâchai alors vraiment. À ce plaisir de descendre comme un dératé dans la neige succéda celui plus équilibriste de choisir les trajectoires, jongler avec les appuis plus ou moins fuyants, enfin, plutôt plus que moins, et toujours de remonter, et de sentir que les jambes sont encore là ! 

 

Banco ! Dernier ravito !

  Au col de l'Iseran, dernier ravitaillement. Je ne pris pas grand chose, car je me sentais en forme, et après une dernière petite ascension jusqu'au tunnel, je savais qu'alors il ne me resterait qu'à dérouler jusqu'à Val d'Isère. 

  Et je répartis donc, sans ménagement, et après la surprise d'avoir rejoint ma compagne de début de course, Maude. Je me fis alors la réflexion d'être sans doute "seconde féminine" après n'avoir même pas réussi à être sur ce podium durant pas mal de temps ! 

  Mais bon, ce n'était pas important, au contraire du classement scratch que maintenant je tenais à défendre, voire conquérir. Et donc, sachant fort bien que je livrai là sans doute mon dernier effort en montée, cette dernière ascension jusqu'au tunnel Lessières se passa plutôt bien, malgré la gêne occasionnée par les coureurs remontés, sans doute ceux de l'altispeed, et l'espérais-je, quelques uns de l'ITT... Mais encore une fois, je n'avais aucune idée de mon classement, hormis le féminin ! ;-)

  Assez vite finalement, je me retrouvai dans la dernière bascule, celle qui allait me mener jusqu'à la ligne d'arrivée quelques 1150m plus bas. Et même si cette descente fut longue, le fait de remonter, de me lâcher véritablement et d'apercevoir Val d'Isère de plus en plus proche, me faisait me livrer totalement, sans réserve aucune. J'ajouterais même, un vrai plaisir en dehors des trop forts pourcentages, dans lesquels il me fallait tout de même freiner !

  Ça y est. Je débouchai enfin sur le parcours emprunté hier par Anouk et Sam, et pensai à eux dans cette même portion. Le temps de dépasser un groupe de 3 ou 4 coureurs, et je pouvais couper mon effort, savourer ma ligne d'arrivée, lever le bras car victorieux sur moi-même, de moi-même. Et saveur suprême, même si je m'attendais à la vivre grâce à ma petite famille, mais finalement retenue à l'Iseran, ce fut Thibaud qui accompagna mes dernières foulées, au moins aussi heureux que moi ! Heureux d'une joie immense, et de ce que, à cet instant, et avec recul encore, je considère comme une de mes plus grandes réussites... Sans même connaître mon classement... Richesse de l'ultra encore une fois, qui seul peut faire verser des larmes de joie au coureur lambda du peloton !

  Quelques minutes plus tard, j'appris alors ma place, 26eme au scratch, et 4ème vétéran... Je ne me croyais pas si loin, mais cela ne diminua pas ma joie. Je me rassurai même en apprenant qu'avec le même temps, l'an passé, j'aurais terminé 11ème à priori, et que sans les étrangers, plutôt aguerris à ce type de parcours, car venus sans doute disputer le challenge skyrunning, j'aurais été classé 10ème et second vétéran.

 

On remet ça ?! 

  Au bilan donc, une très grande satisfaction, que je qualifierais volontiers de fierté si je ne craignais pas qu'on me taxe de prétentieux. Mais je ne crois pas que ce soit le cas, car c'est une fierté intérieure, pour moi, très personnelle pour ne pas dire intime. Pourtant je vous la confesse aujourd'hui... Paradoxe du faux modeste ?! Je ne l'espère pas ! C'est juste la réalité de mon ressenti.

 

  Mais s'il faut maintenant faire preuve d'humilité, je vous dirais volontiers que j'ai encore un sacré chemin pour être min peu plus efficace aux ravitaillements, que j'ai marché sur beaucoup de portions où les meilleurs galopent comme des gazelles, que j'ai tellement bu et mangé dans l'aire d'arrivée que je n'ai pas dû être bien bon pour m'alimenter correctement sur la course, et puis argument ultime et qui remet vite à sa place : je termine 2 heures derrière le superbe vainqueur François Daene ! Quel bonhomme. Je suis d'ailleurs impressionné par son temps autant que par le personnage, un personnage avec lequel je n'ai pas pu, mais espère bien un jour, discuter... Toujours est-il que 2 heures c'est énorme, comme un autre monde. C'est près de 25% de temps en plus pour moi, et c'est surtout 2 minutes d'écart par kilomètre !!! 

 

  Cela étant, je mesure donc encore le chemin à faire, non pour battre ce genre de "spécimen", mais au moins pour m'en rapprocher un peu. Mais pour vous avouer aussi, je reste plus motivé que jamais, presque serein aussi, de pouvoir le faire, car cet ITT au départ écarté, refoulé, comme ne me concernant pas, s'est avéré être un révélateur que je pouvais tenir ce genre d'efforts, même à court de préparation et dans ces conditions, et puis surtout que je pouvais y prendre grand plaisir. 

  Alors le jour où ce plaisir rejoindra la performance, promis, ce sera mon graal, et promis, je vous ferai un vrai résumé cette fois-ci (lol) ! Plus sérieusement j'y œuvre tous les jours, et compte bien sur cette arrière saison pour porter haut les couleurs de ceux qui, en plus d'être de vrais amis, me font confiance : famille, club et team Terre de Running / Mizuno. 

  Merci à eux, patience à eux, car comme Arnold le dit si bien : "I will be back !" ou plutôt exactement : "The big red is back"

  ;-)

.

.

PS : Merci, et bravo aux lecteurs qui ont été au bout. Admiration même pour ceux qui n'ont pas sauté de lignes ! Je me demande si leur performance n'est pas meilleure que mon ITT ! 

;-)

Résultats ici :  (http://www.icetrailtarentaise.fr/wp-content/uploads/2014/07/RESULTATS-SCRATCH-ITT20142.pdf)

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