Récit de la course : La Montée des 4000 marches 2019, par c2

L'auteur : c2

La course : La Montée des 4000 marches

Date : 2/6/2019

Lieu : Valleraugue (Gard)

Affichage : 870 vues

Distance : 10.8km

Objectif : Se dépenser

3 commentaires

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montée des 4000 marches 2019

La montée des 4000 marches

 2 juin 2019

 

 

Betty nous droppe dans le bourg avec sa Twingo plus que majeure au pot d’échappement pétaradant entre « la maison de Pays » et la « salle municipale » point pivot de l’intendance de la course. Il est 8h30 passé et Valleraugue commune d’un millier d’âmes disséminées dans une trentaine de hameaux et de lieux-dits se réveille doucement en ce jour dominical. Le petit village Gardois en terre Cévenole s’étire sans fin des deux côtés de l’Hérault enchâssé entre deux séries de montagnes toutes proches. Le ciel pur augure de vues dégagées et magiques. L’ambiance est tranquille. Le beau tee-shirt bleu de bienvenue est seyant. Taille, dessin, matière : un sans-faute. Je me réveille doucement au point d’hésiter sur le sens de mon dossard transformant mon numéro 060 en 090 !!

Je m’assieds sur un banc à quelques dizaines de mètres de l’arche du départ sur la route « principale » somme toute peu large. Marie est partie pour une petite mise en chauffe. Je suis à deux pas du petit pont central enjambant le serpent liquide bien sage en ce début d’été proche de son étiage à mille lieux de ses terribles grondements lors des fameux épisodes cévenols pouvant se traduire par des débits instantanés multipliés par plus de 100. Dévalant des tourbières des flancs du Mont Aigoual, lieu de sa source, le fleuve est connu pour contribuer à de nombreuses crues et inondations sur les 150 kms qui le mènent à la mer près d’Agde et de l’embouchure du canal du midi.

 

Parcours le long des deux rives de l’Hérault

 

Il fait déjà bien chaud. Plus de 30 °C programmés en après-midi. Heureusement, d’ici là, l’affaire sera déjà bien avancée. Car le sommet n’est pas facile voire capricieux. 240 jours de brouillards à l’année issus de la confrontation des masses d’air atlantique et méditerranéenne. De plus c’est un des coins de France les plus arrosés avec plus de 2 mètres d’eau par an en moyenne. Des vents flashés à plus de 300 km/h. Alors ne nous plaignons pas du temps du jour apportant cette soudaine chaleur déstabilisant les organismes. Cette météo va nous permettre indéniablement de nous abreuver de fabuleux paysages. Quoi de mieux ? En attendant l’ombre des arbres majestueux du minuscule parc tout en longueur, en léger contre-bas, coincé entre le fleuve et la route est précieuse. Une fine silhouette me rejoint et se pose sur la partie restée vide de ces grandes lames de bois couleur marron constituant ce long siège spartiate.

 

L’homme est tout en retenu. Mon bras gauche s’appuie sur le dossier du banc pour mieux deviser avec ce quasi V5 qui m’évoque sa 14ième participation à l’épreuve. S’attaquer une nouvelle fois à ce morceau, proche des 80 ans, c’est fort, très fort. J’observe ses mitaines. « C’est pour ne pas me blesser » me dit-il en devançant ma question. De fringants V4, hommes et femmes le rejoignent rapidement. Me voici comme un jeune cadet qui écoute les anciens avec grand respect vis-à-vis de ces sachants. Ils me font intérieurement sourire lorsque je les entends déjà faire les podiums dans leurs catégories en fonction des présents et des absents. Avec un peu moins de 300 inscrits, l’épreuve reste à taille humaine presque confidentielle. Et pourtant c’est déjà la 32ième édition. Elle a été site d’accueil en 1993 du championnat de France de course en montagne et deux ans plus tard du championnat d’Europe avec 16 nations au départ. Ca claque tout de même. Ultime recommandation du « sénateur » avant de se quitter presque à regret en direction de la banderole de départ prévu à 9h30 : « Attention au possible bouchon au début à l’attaque du sentier ».

 

 

Ma préparation diététique finale a été « optimum ». Magrets de canards, Blanc d’Ardèche, Rouge Pic Saint Loup et Costières de Nîmes. Passons. Je ne m’échauffe même pas. Passons une nouvelle fois. Le tour de ville en boucle du début de 1500, 2000m à plat y contribuera grandement. Et pour le menu course il reste tout simplement à prendre le chemin ancestral du facteur pour rejoindre l’observatoire météorologique du mont Aigoual, à 1567m. Cette bâtisse à l’allure compacte et massive, construite à la fin du XIXe siècle, en a vu d’autres et ce n’est certainement pas quelques coureurs qui vont l’impressionner.

 

Un petit 11 bornes d’épreuve, ça parait presque facile, plus de 1200m de dénivelé, ça fait réfléchir un peu plus. Mais quelque chose m’interpelle d’une manière plus marquée. 4 ravitaillements, ça me semble beaucoup. En fait le futur proche me montrera que non. Quant aux 4000 marches, ne cherchez pas, il n’y en a pas. Elles restent dans l’imaginaire populaire Cévenol. Une subtile bataille s’engage entre la température qui monte avec l’heure qui avance et qui potentiellement va diminuer avec l’altitude. Je vous laisse deviner qui l’emportera par KO ?

 

L’épreuve est bien cadrée. Ce n’est pas une marche mais une course, soyons clair. Les bâtons sont interdits et le temps limite est de 2h30 maximum (officiellement) pour arriver au sommet. 4 barrières horaires éliminatoires à chaque ravitaillement complètent le tableau. Dont acte. Le retour gratuit sur Vallerauge peut se faire en car par une belle route de 28 kms desservant au passage la station de ski de piste et de fond de Prat Peyrot. Mais rien n’interdit aux coureurs de faire le chemin du retour par la voie allez en mode « récupération ». Compte-tenu d’une classique équation personnelle à 4 inconnues : la préparation (moyenne), l’état de forme (correct), le parcours et ses difficultés (sérieuses) et enfin la météo du jour (belle mais chaude), j’autosigne un contrat moral avec moi-même pour 2h de course. Je prends le risque d’une légère mise sous pression en l’évoquant auprès de mon staff accompagnateur.

 

Lieu de départ et vue sur la route montant au mont Aigoual

Le départ se fait en douceur rive sud, à l’heure, sans heurt, presque par surprise. Passage rive nord. Le déroulé bitume du début en boucle rectangulaire dans les ruelles du bourg nous fait repasser sur la ligne de départ étirant sans difficulté cette cohorte bipédique bigarrée comme une guimauve fraiche. Des villageois, des connaissances accompagnatrices observent en faisant une claque polie.

 

Petite boucle en « ville »

Virage à droite au détour d’une ruelle, net changement de pente, encore quelques hectomètres de goudron puis le caillou prend le pouvoir dès les dernières maisons. Bienvenue aux 4000 marches.

 

 

Début de grimpette

 

Le premier ravitaillement, Antenne, arrive bien vite….en distance. 3km. Question vitesse, c’est une autre affaire. Un verre dans le gosier, un autre sur la casquette. Pour la pente, disons qu’on fait dans le bien raide. Pas grand-chose sous les 20%. Quelques randonneurs s’écartent gentiment. Beaucoup de pierres. Heureusement le soleil dardant ses rayons sur les ramures touffues de denses futaies de châtaigniers et de fayards n’est pas encore en mesure de prendre totalement la main question thermique. Les chronos désespérants sont dans la catégorie grabataire débutant. 16 mn et 13 mn pour grimper ces 2  kms.

 

 

Second arrêt au 5ième km, Estivel. Cette fois-ci je trempe toute la casquette dans une grande bassine. L’entrée dans ce second tiers change du tout au tout. Les arbres ont presque tous disparus remplacés par les fougères et les genets. La vue dégagée porte loin. Portion de monotraces parfois à flanc entrecoupée de quelques chaos minéraux. La pente s’émousse de temps en temps. Les chronos redeviennent légérement  plus décents, autour de 10 mn au kilomètre tout de même.

 

 

Monotraces parfois à flanc de montagne

 

Nous évoluons dans le parc nationnal des Cevennes. Ce parc, un des seuls de moyenne montagne est d’une richesse incroyable. Pour n’évoquer que les plantes, il y en a ici plus de 2000 espèces, soit 40% de la totalité de la flore française rassemblées sur 0.5% de la surface du pays. Je garde le cap, bien au milieu du sentier, pour ne rien piétiner !!

La Fageole, encore une occasion de refaire les niveaux et de se refroidir à 3 kilomêtres du sommet. Je n’y manque pas.

 

Quelques barres rocheuses à franchir

 

Et puis de nouveau les arbres nous encerclent dans ce troisième tiers. Ils sont porteurs d’un bien et d’un mal à la fois. Ils distillent une belle protection vis-à-vis du soleil mais limitent la vue au bout de nos chaussures. Ca regrimpe fort. Moins qu’au début avec les genoux qui cognaient dans le menton, mais tout de même. On coupe une petite route bitumée au milieu de nulle part. Un panneau de chemin de randonnée l’indique. Mont Aigoual : 0.6 km. Un coureur à ma hauteur me lance dans un souffle et d’un ton assuré. « Ca va le faire pour les deux heures ». Ben, si tu le dis. Je n’avais pas trop fait attention au chrono. J’intègre le truc dans mon fort intérieur sans regarder ma montre. Beau challenge. Alors je m’accroche.

 

Proche du final

C’est à quelques centaines de mètres seulement lorsque les derniers arbres disparaissent que l’observatoire m’apparait. J’ai envie de dire, enfin. Longue ligne droite monotrace qui monte, monte dans une grave caillouteuse.

 

Sentier d’arrivée

 

Betty, Jacques et Sabine m’attendent en supporters dans le dernier virage à droite. Dernière grimpette en arc de cercle qui nous canalise entre deux rubalises qui se resserrent progressivement pour déboucher sur le replat final face au bâtiment massif et austère au look mi-forteresse, mi-prison. J’y suis, au sommet du Gard à la frontière de la Lozère. Des bénévoles égrènent à l’ancienne les numéros de dossard des arrivants. Je bloque le chrono et je souris. 1h 59:54. Si j’avais pris une photo de plus en course et bien c’était mort pour un sub 2h. Une petite satisfaction personnelle supplémentaire qui ne tenait qu’à un cliché bonus !!!

 

 

Observatoire au sommet du mont Aigoual

Refroidissement du moteur, petit papotage et je repique dans la pente. Je récupère Marie à 1200m du Graal. Dans un jour moyen elle finit au mental et à l’expérience. La récupération se fait en trois temps. Un : Pique-nique au pied de petits arbres qui doivent bien lutter pour survivre en hiver en cette terre hostile. Deux : Montée jusqu’à la table d’orientation sur le toit du bâtiment principal pour un 360° époustouflant. Trois : Visite du météosite avec les explications passionnées et passionnantes d’un météorologue habité par sa science et au look improbable : « Bon, vous auriez pu voir les immeubles si caractéristiques de la « Grande Motte » situés à plus de 60 km à vol d’oiseau mais aujourd’hui avec le vent de sud qui apporte de l’humidité, ce n’est pas possible ».

Rien de bien grave, nous reviendrons !!!

Christian

 

NB : 271 classés dont 54 femmes. 1er homme 1h 05 17, 1ière femme 1h24 48, dernier classé 2h 54 21

3 commentaires

Commentaire de centori posté le 13-06-2019 à 18:59:17

waouh ça donne envie !

Commentaire de robin posté le 14-06-2019 à 16:46:46

A mettre dans la do liste ! Sympas toutes ces photos et ouf on se sent moins coupable au vu du chrono

Commentaire de Shoto posté le 14-06-2019 à 18:45:41

Joli récit et belles photos. Merci. Il faut avoir une sacrée caisse et un gros mental pour se taper un tel dénivelé sous une telle chaleur ... bravo !

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