Récit de la course : Migoual Concept Race - 130 km 2022, par ced_jab

L'auteur : ced_jab

La course : Migoual Concept Race - 130 km

Date : 9/7/2022

Lieu : Millau (Aveyron)

Affichage : 496 vues

Distance : 130km

Objectif : Pas d'objectif

6 commentaires

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Pas d'autre récit pour cette course.

Migoual 2022 - ça a le goût d'une course, la couleur d'une course... mais ce n'est pas une course!

J'ai longtemps hésité à publier ce premier récit, tant la Migoual est difficile à décrire : ça ne ressemble à rien que j'ai connu jusqu'à présent (vraiment... promis, ce n'est pas juste pour vous le vendre).
Avant la course? L'orga est chouette, rigolote, je me fends la poire à chaque mail faisant office de point de communication sur la course (à la limite, je les attends presque, ces informations, et je partage chaque mail avec mes proches pour en partager l'humour et le côté décalé). 

Briefing? Le même esprit que les mails, mais devant une bière dans un bar en plein air en bord de Tarn, ça déconne, ça discute, ça se prend pas la tête... le but est de se retrouver pour partager un moment avant la course, pas pour faire dans le cérémonieux (extrait choisi, l'organisateur : "L'année dernière, un ultrafondu a pris son caillou à 1km du départ (NDLR : pour s'inscrire, il faut ramener une bière et pour être finisher, il faut ramener un caillou trouvé sur le chemin, d'approximativement 1565g, correspondant à l'altitude du Mont Aigoual), il l'a emmené à l'Aigoual, il a fait des photos avec, il lui a parlé, fait des bisous, il l'a ramené à Millau... Bin ce gars-là, on le respecte... vous, vous faîtes ce que vous voulez, mais lui, on le respecte") 

Début de course : ambiance colonie de vacances, ça part cool, ça discute encore et toujours... tu te dis "ouais, OK, le cadre est chouette, les gars sympas, mais est-ce que ça vaut vraiment qu'on y revienne chaque année depuis 5 ans comme quelques uns des 99 concurrents?"
Au sommet de la Puncho d'Agast (km5 - 600m de D+), ça commence à devenir joueur... les terrains deviennent techniques voire très techniques, et les paysages t'obligent à l'arrêt photo toutes les 15 minutes. À couper le souffle...


km11 : 1er ravito "surprise" - farçous, saucisse aveyronnaise, roquefort, tripoux, fouasse (brioche à la fleur d'oranger), eau, jus de fruits, vin! Première boîte aux lettres orange, il faut marquer sur un papier l'heure de passage de son équipe et envoyer un SMS à l'orga.
Premier passage paumatoire : nous partageons un bout de chemin avec un gars qui l'a faite 5 fois... une aide certaine pour la navigation .


km18 : point eau/eau gazeuse/coca... et une auberge ouverte nous offre un café et une madeleine. Le chef organisateur est encore là (il le sera à tous les points).
Descente technique dans un petit canyon (merde, on est plus en France?), longue remontée sur le Causse, on nous confirme que le Massif de l'Aigoual est interdit pour cause d'incendie et que nous ne ferons "que" 90km... déception dans les rangs, vite passée en arrivant au Roquès Altès, un site somptueux de cheminées naturelles.
Nous arrivons en pleine garrigue. Les chemins sont toujours aussi techniques et cassants. Et ça papote toujours autant, c'est pas une course mais une grande rando entre copains.


Ce passage au Roquès Altès marque pour moi le basculement, après 22km, d'un état de forme correcte à celui d'une fatigue générale. Incapable de relancer. Même sur le plat. Même en descente. Je me traîne, et traîne par la même occasion mon coéquipier qui a des jambes de feu et une caisse d'enfer. Dans la tête, impossible de faire taire cette petite musique qui mêle lassitude et culpabilité de brider mon partenaire.
Descente une fois de plus ultra technique (et va falloir remonter ça au retour?!!! Je ne pourrai jamais!).

 

Petit aparté : la course en aller-retour, c'est chouette et dur à la fois. Je pensais surtout que ce serait ennuyeux, mais pas un instant j'ai ressenti de lassitude à courir sur des chemins empruntés quelques heures auparavant. Le décor est différent, les sensations également, et cela permet surtout de voir les paysages loupés à l'aller. Mais dans la tête, se dire que chaque descente deviendra une montée, et chaque montée une descente dans laquelle je ne saurai pas trottiner, attaque sacrément le moral.


Encore 20km jusqu'à la base-vie, et je cogite. On parle souvent de la responsabilité du plus rapide à s'adapter, jamais de celle du plus lent à permettre à l'autre de s'amuser s'il en a la capacité. Je me demande comment annoncer à mon binôme qui a fait des sacrifices - d'entraînement, professionnels, familiaux - pour m'accompagner sur cette Migoual que je vais l'abandonner au tiers de la course initiale.


km27 (Montméjean) puis km29 (St Véran) : petits villages de maisons en pierres et en lauzes, l'arrêt photo s'impose.
Mon coéquipier s'en charge pour notre équipe pendant que je prends 20m d'avance. Passages par moment en balcon, parfois sur des chemins toujours piégeux, avec des vues splendides sur Montpellier le Vieux.
J'annonce à mon partenaire que je le confierai à une équipe de coureurs, et que je rejoindrai une équipe de randonneurs. Il s'oppose, il veut m'attendre, me tirer, me pousser, m'emmener à l'arrivée. Longue discussion... Je lui parle de mon anémie permanente, de ses effets, de la difficulté de se prendre le mur de fatigue. Il comprend mais refuse de me laisser.


Arrivés à La Bouteille (km34), nouveau point eau/eau gazeuse/coca, et toujours des bénévoles (ils sont une dizaine normalement pour cette course, mais ils sont partout). À partir de là, le chemin se fait moins technique, à peine vallonné, il faudrait relancer mais je ne peux pas. Au mieux, je tourne à un petit 6km/h en alternant marche et course, et il commence à faire très chaud. Nous sommes sur un plateau pendant 10km, jusqu'à la base vie à Lanuéjols. Que c'est long quand on ne peut pas vraiment courir...
Quelques km avant cette base vie, nous croisons les premiers (ça, c'est hyper chouette de croiser ceux qui nous précèdent), on tape dans la main des concurrents qui n'en sont pas (vraiment l'impression d'être tous potes depuis des plombes), on s'encourage, et là se passe un premier déclic. Un premier frisson. Il se passe quelque chose dans les tripes, ça ne s'explique pas, ça se ressent.

 

Km44, base vie, Marie, ma compagne, nous attend sur une petite place avant de nous accompagner à la salle des fêtes où se trouve le ravito. On retrouve nos sacs de délestage, et on est accueilli avec une bière (oui oui, bière à volonté à la base vie). On rentre : de la place pour tout le monde, le chef organisateur nous accueille, on se pose, il y a une douche, des lasagnes, du riz au lait, du taboulé, des farçous, du jambon, moult boissons... c'est simple : il y a tout, vraiment tout, pour se requinquer.
Je vois la Team Fragiles - alias la "Team Poussins", avec leurs T-shirts jaunes fluos personnalisés pour l'occasion -, croisés au sommet de la Puncho d'Agast au matin, des sacrés loustics, avec une tchatche permanente, un sourire jusqu'aux oreilles, une générosité énorme... et des têtes de brigands. C'est à eux que je veux confier Fred, il va se marrer pendant tout le retour, c'est certain!
Il refuse encore, proteste, je n'en démords pas, il se résout à leur demander s'il peut repartir avec lui, et c'est un grand oui des 3 équipiers. À partir de là, nous vivrons chacun une aventure personnelle différente, et c'est une bonne chose pour lui comme pour moi.
Et puis... l'orga nous permettant l'échangisme d'équipe, autant en profiter!
J'arrive à la base vie avec la certitude de repartir en voiture avec Marie. Faut se rendre à l'évidence, je ne peux pas faire le trajet retour, je ne peux plus faire du si long. Marie me calme posément, m'écoute, me dit de prendre mon temps, tout en douceur, sans me braquer, sans me brusquer. Je mange des lasagnes, bois du coca, mange du riz au lait, bois du jus de fruit. J'entends à côté un gars pour qui c'est le premier trail (pour ses soixante ans), qu'il a été embarqué là par son cousin, qu'il fait plutôt du semi et du marathon. Il veut retourner jusqu'à La Bouteille et abandonner là-bas. Dans la tête, ça bascule, je me dis que je pourrais l'accompagner, qu'il ne doit pas être en meilleur état que moi mais peut-être qu'à deux, et avec son coéquipier, on arrivera à avancer doucement sans trop de pression. Je tâte le terrain, mais son partenaire faisant partie de l'orga, ils ne peuvent pas prendre un nouveau coureur.
Seulement, je viens de passer de l'abandon à un "peut-être repartir", grâce à eux. Je me suis pris au jeu, j'ai eu un espoir, alors pourquoi pas démarcher d'autres équipes en cherchant des "randonneurs", sans autre objectif que de finir.
Et là, je vois entrer dans la salle l'équipe des Dubois, deux frères rencontrés tôt ce matin dont l'un a fait toutes les éditions de la Migoual et l'autre en a fait trois.
Je m'approche... je suis timide... j'ai l'impression  d'avoir 13 ans et d'être dans un boum pour discrètement aborder Fred.
Oui, j'abandonne un Fred pour en retrouver un autre, ainsi qu'un Vincent. Et là, un accueil... à te foutre un nouveau frisson. Simple, authentique, généreux, bienveillant.
Les deux en coeur me proposent de venir avec eux, que nous avanceront lentement pour atteindre l'arrivée, et s'il le faut le lendemain à midi (barrière horaire suggérée par l'orga pour profiter du repas et des festivités d'après course). Et je repars à ma table le sourire aux lèvres et le coeur léger. Une nouvelle course commence? Non, car bordel, c'est pas une course mais une putain d'aventure humaine.
Les bénévoles plaisantent avec Fred, connu comme le loup blanc depuis le temps, je les laisse se préparer, mais ils sont déjà aux petits soins avec moi, à l'image d'anges gardiens (tout en muscles, les anges!).


Nous repartons en marche, et commençons à discuter et à nous découvrir. Ça marche et ça matche, un vrai coup de coeur pour des bonhommes attentifs et solaires.
Dehors, sur le plateau qui nous ramène à la Bouteille, il fait toujours aussi chaud. Plein soleil, pas d'ombre, l'organisme prend cher.
J'arrive à boire l'eau plate et pétillante que j'ai sur moi, bien que chaude. Nous parlons encore et encore, c'est simple et naturel. Oui, c'est une grande balade entre potes, cette Migoual.
Nous croisons les derniers, échangeons un sourire et nous nous encourageons mutuellement.
La Bouteille marque le retour à couvert, mais également un terrain plus cassant. Nous faisons régulièrement des pauses, les bonnes sensations sont revenues, je filme les paysages et rejoins mon groupe en trottinant.


Peu après St Véran, et quelques dizaines d'anecdotes partagées, Fred est pris de nausées fortes, avec l'obligation de s'allonger et de se reposer immédiatement. Aucun souci, rien ne presse, profitons de cette coupure et requinquons-nous avant d'entamer une belle montée.
Après 5 minutes, une équipe arrive à notre hauteur. Sans me consulter, Fred et Vincent, conscients de leur état, les apostrophent en leur demandant de m'emmener avec eux et de me faire passer la ligne d'arrivée.
Là, c'est moi qui proteste... je ne veux pas les laisser sur le chemin après qu'ils m'aient permis de repartir de la base vie, ce n'est pas honnête. Mais ils me font comprendre que ce sera difficile pour eux de repartir.
À contre-coeur, j'accepte leur suggestion, et après l'équipe 7 au matin avec Fred, l'équipe "abandon" durant quelques minutes dans la tête à la base vie, et l'équipe 8 avec Fred et Vincent, je me retrouve dans l'équipe 6 de Jean-Noël et Christophe, alias Jean-No et Câlin.
Et soit j'ai le cul bordé d'nouilles, soit tous les gars de la Migoual sont comme ça (je penche pour la 2ème solution), mais je tombe encore dans une chouette équipe avec des gars en or!
Je prendrai plaisir à les découvrir pendant plus de 28km.


Montméjean, deux coureurs sont sur le carreau (vomissement, coup de chaud), l'orga vient les chercher. On entame une belle montée, au pas de Yack, ça avance bien, à un bon rythme régulier.


Roquès Altès, toujours aussi magique, arrêt photo/vidéo avant une longue descente aux cailloux fuyants donc piégeux. Nous gardons un rythme de marche rapide pour nous préserver, je suis un peu plus discret mais je profite des discussions entre mes nouveaux coéquipiers. C'est agréable, j'ai l'impression d'être en rando entre copains (comment ça, je me répète...). C'est simple, fluide, on parle de tout.
Fin de cette longue portion descendante, de nouveau, la camionnette de l'orga vient chercher un coureur. Triste mine, nous sommes peinés pour lui.


km68, début de la remontée par le petit canyon américain, l'orga a rajouté un point eau/coca (le 10ème au moins! Franchement, ils ont assurés), on rejoint une équipe qui a un peu jardiné, on remonte sur 3km et rejoint le Maubert, avec sa petite auberge qui nous avait servi un café au matin.
La dame est en train de remballer, l'autre équipe demande si elle n'aurait pas un petit truc à manger pour les dépanner, elle leur fera des sandwiches avec de la saucisse maison. Incroyable comme tout semble parfait...
une succession de petits détails et d'attentions qui, mis bout à bout, donne toute sa particularité et son authenticité à cette course.
Reste 17km, presque rien et en même temps plus de 3h à notre rythme. Le soleil se couche doucement, la chaleur s'estompe lentement.
Nous repassons sur les chemins du matin en doutant parfois de les avoir empruntés, tant la perception est différente.
Nous traversons un chaos de pierres assez technique que j'espérais passer de jour, objectif atteint. Il n'y aura qu'une dernière montée à faire de nuit pour atteindre la Puncho d'Agast.
Nous rejoignons Longuiers et son ravito surprise du matin. Reste un point d'eau bienvenu pour attaquer la dernière section sereinement. L'équipe aux sandwiches du Maubert nous rejoint au moment où nous repartions, nous ne verrons ensuite que leurs frontales au loin, avant de les accueillir à l'arrivée.


La montée à la Puncho est longue, toujours sur des chemins fort techniques, mais se passe sans difficulté. J'ai des difficultés à boire alors je garde un peu d'eau sous la langue avant de la recracher, histoire de continuer d'hydrater le bestiau.
Au loin, les lumières du viaduc de Millau, au dessus, un ciel étoilé de toute beauté... une atmosphère sereine et magique.
Reste 4,5km lorsque nous atteignons la dernière longue descente, alternant chemins piégeux en forêt et route. Nous plaisantons sur le caillou à trouver - "il nous faut un vrai caillou de forêt, pas un de bord de route" -, j'en trouve un avec un peu de mousse : "un caillou et une petite mousse, c'est bien le principe de cette course, non?". Christophe et Jean-Noël trouvent la leur, d'au moins 3kg chacune!
Et c'est con, mais après cette journée, la recherche du caillou fut vraiment ludique. Étrangement, on s'y attache... là aussi, vu de loin, c'est difficile à comprendre, mais pour qui a vécu la Migoual, il ressent forcément cette quête du caillou comme un passage de témoin pour le coureur qui le recevra l'année prochaine en récompense.
Alors oui, je me suis attaché à cette pierre pendant quelques kilomètres, et j'y ai mis un peu de moi.


Zone pavillonnaire sur les coteaux de la Puncho, nous croisons un blaireau, nous déconnons encore et toujours. Je remercie mes nouveaux anges gardiens. Il y a 10 heures, j'abandonnais à mi-course, et maintenant, je vais avoir le droit de choisir un caillou et une bière grâce à des gars que je ne connaissais pas au départ.
Marie et Fred (le premier que je n'ai même pas usé à l'aller) nous attendent à 500m de l'arrivée. Nous sommes heureux de nous retrouver, et l'ambiance qui nous attend est folle.
Arrivée dans un bar en plein air, ça chante, ça danse, ça boit, ça rigole, un accueil comme nulle part ailleurs. Frisson encore.
Je choisis une pierre - la plus belle, j'en suis convaincu - et une bière - la meilleure, j'en suis certain.
Je vois les sourires, le bonheur, la fatigue aussi... je suis transformé. Je le sens déjà. Et le doux poison de la Migoual est inoculé... je suis pris au coeur. Et aux tripes!
Je reviendrai en 2023... c'est certain.

6 commentaires

Commentaire de Twi posté le 10-03-2023 à 12:04:57

Magnifique cette aventure, ça donne vraiment envie !!!

Commentaire de ced_jab posté le 11-03-2023 à 15:16:29

Merci, Twi! Pour le moment, c'est ma seule inscription pour 2023, c'est dire comme ça m'a bousculé...

Commentaire de shef posté le 14-03-2023 à 10:24:14

bière à volonté à la base vie. Ca laisse reveur

Commentaire de ced_jab posté le 14-03-2023 à 11:08:52

Bon, elle était peut-être - voire certainement - sans alcool, mais c'est fou comme ça fait du bien!

Commentaire de philkikou posté le 14-03-2023 à 21:32:33

Original et convivial ! A travers ton récit on ressent bien l'ambiance si particulière et chaleureuse ! De belles montagnes cévenoles, en espérant en 2023 aller jusqu'à l'Aigoual ;-)

Commentaire de ced_jab posté le 15-03-2023 à 09:43:41

Merci Phil', j'espère en effet voir le mont Aigoual... et en revenir!

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