Récit de la course : Grand Raid des Pyrénées - Ultra 160 km 2025, par philippe.u

L'auteur : philippe.u

La course : Grand Raid des Pyrénées - Ultra 160 km

Date : 22/8/2025

Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 32 vues

Distance : 160km

Objectif : Faire un temps

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Ca s'appelle un ultra

 GRP 160

Je reviens cette année pour la 4ème fois sur le grand raid des Pyrénées,

2014, premier « gros » trail en montagne sur les 80km du Tour des lacs, 2017 abandon au 95eme kilomètre du GRP 220, 2019 120km du tour des cirques.

L’augmentation du nombre de coureurs depuis 2019 est flagrante lorsque nous arrivons en famille sur place le mercredi 20 août au soir. L’appartement est très bien placé entre Vielle-Aure et Saint-Lary, le long de la Neste et des 800m de berges avant l’arrivée de la plupart des courses. Saint-Lary grouille de trailers, on sent qu’il y a du tee-shirt finisher en pagaille sous les k-way (il pleut).

Le programme est simple : gérer au mieux la récupération des dossards et le dépôt des sacs d’allégement pour passer une veille de course la plus reposante possible.

Normalement, je suis frais et en forme. Mon année 2025 a commencé par une préparation au marathon de Séville pour laquelle j’ai enchaîné des semaines à plus de 100km, j’ai commencé doucement le dénivelé vers mars, et pas mal de montagne en juillet.

Je sens que je suis bien plus facile qu’avant sur le plat et toutes les relances, mais une seule course début juillet à la Skyrace de Montgenèvre peut venir confirmer mes sensations, et malgré un bon mois de juillet, j’ai peur d’avoir coupé le denivelé trop tôt (dernière sortie montagne 18 jours avant la course).

Mon objectif est de finir la course en moins de 35h, je bricole un roadbook à la va vite à partir du simulateur de la course, et je note les temps de passage sur le profil que j’ai imprimé et plastifié (je ne le regarderai pas une seule fois de la course…).

Vielle-Aure, km 0, vendredi 5h03

Une fois n’est pas coutume je passe une bonne nuit. Je quitte l’appartement à 4h40, je n’ai que 10 minutes de marche jusqu’au départ où je me place en fin de peloton (pas le choix). Je vis assez mal la première montée jusqu’au Pla d’Adet, trop de monde, j’ai l’impression d’être au fond du peloton, impossible de doubler sereinement, et pas sûr d’avoir la forme espérée. Heureusement, ça s’étire ensuite et j’arrive au premier ravitaillement du Merlans en 2h25. De mémoire, j’avais mis 2h30 sur le GRP80 et 2h40 sur le 220, donc je ne me suis pas tant traîné que ça.

Restaurant Merlans, vendredi 7h27, 15km, 2h24, 1500+, 197ème

Je n’ai aucune idée du classement mais je m’imagine être dans le milieu de peloton, je prends une première soupe, refait le plein d’eau et ne traîne pas au ravitaillement. La suite du parcours devrait être plus intéressante, on entre dans la caillasse mais le chemin est facile jusqu’au col de Bastanet, y a juste à suivre le rythme et apprécier le moment où on sort des nuages et l’appareil photo.

 

Col de Bastanet, vendredi 8h33, 21km, 3h30, 2000+, 187ème

Les 800- de descente qui suivent le col de Bastanet ne sont pas évidents, l’humidité rend les cailloux glissants, et la densité de coureurs oblige à un rythme retenu. Ca commence à parler du redouté Serpolet autour de moi : fini la descente caillouteuse pour laisser place à une montée sèche boueuse d’environ 1,8km pour 380m de dénivelé. On est au début de course donc finalement ça passe tout seul, surtout qu’on file droit sur la Mongie juste derrière.

La Mongie, vendredi 10h23, 31km, 5h20, 2500+, 159ème

Encore une soupe à La Mongie, du salé, du sucré, je remplis une flasque de mélange gazeux et complète l’autre d’eau plate avec mon reste de boisson glucidique. Je file ensuite vers le col de Sencours, que l’on rejoint après une montée régulière de 800m de dénivelé. Je me sens bien dans cette montée, mais décide de gérer en me calant autour de 750-800m/h, je me cale derrière des coureurs et laisse divaguer mon esprit. Sur chaque section, j’essaie de m’accorder des moments où je pense à autre chose, chose aisée au début quand tout va bien.

Sencours, vendredi 12h10, 39km, 7h07, 3400+, 146ème

Il y a du monde à Sencours, on sait que la portion suivante est la plus longue sans ravitaillement (20km) et qu’il faut donc bien se recharger. Je recharge une flasque de poudre énergétique, mais j’en fous la moitié à côté, sur la table, le goulot et mes doigts… Tant pis elle sera moins concentrée c’est pas plus mal (un sachet de poudre correspond à 80gr de glucides que je dilue dans une flasque de 750ml). Je prends une soupe et repars vers Hautacam, sur le papier c’est du roulant descendant entrecoupé de 3 ou 4 coups de cul/col dont le col de Bareilles le plus long (200d+ à tout cassé). En 2017, j’avais pété une durite sur cette portion et était arrivé à Hautacam dans le mal, mais cette année, c’est la balade à son pépère, avec des relances à chaque replat, du trot régénérant et de la fluidité dans les descentes. Je me dis que je pourrais aller nettement plus vite mais qu’il faut penser à la suite, et c’est surtout dans les descentes que je me calme pour arriver à Hautacam le mieux possible.

Hautacam, vendredi 15h17, 59km, 10h14, 4300+, 113ème

Je m’assois pour la première fois sous la tente du ravitaillement qui arrive à point nommé car je n’avais quasiment plus d’eau. Je refais le plein de boisson énergétique en m’appliquant sur le versement de la poudre et constate un net progrès : presque rien à côté. Je mange des tucs et des trucs, bref je profite de la vie en me réjouissant à l’idée qu’il n’y a que de la descente jusqu’à Pierrefitte. Sauf que très vite on se rend compte qu’avant de descendre tranquillou sur des pistes, il faut traverser un kilomètre de merdouille faite de cailloux, ruisseaux mal intentionnés et buissons délaissés des paysagistes. Puis ça descend raide et mouillée sur 200d- jusqu’à la piste, enfin !

Les 6 ou 7km de descente jusqu’à la base vie sont ensuite réellement faciles et une fois de plus je décide de me retenir, me fait doubler par quelques avions, pour arriver au mieux à Pierrefitte (et sans me faire surprendre par les 60m de d+ sournois avant la base vie car la blague est désormais connue)

Pierrefitte, vendredi 16h49, 69km, 11h46, 4400+, 114ème

Une fois n’est pas coutume, je suis assez content de mon efficacité à la base vie. Bien aidé par des bénévoles au petit soin, j’ai le temps de me doucher les jambes, me changer entièrement sauf le short, aérer mes pieds (regret de ne pas avoir prévu des tongs) en mangeant soupe et salade de fruit, refaire le plein de sachets de poudre et gels, le tout en 25 minutes sans me presser. De nouvelles chaussettes et chaussures font un bien fou pour repartir vers Estaing, par ce que je crois être un chemin facile (une grosse montée régulière et une grosse descente du même genre) déjà emprunté sur le GRP220. Le début commence bien sur une piste large où plusieurs relais me dépassent mais j’avance régulièrement en marche nordique quand les balises nous font bifurquer sur un chemin inédit, je déchante alors… Nous sommes désormais dans un chemin au milieu de hautes fougères et droit dans la pente, pas du tout comme en 2017 ! L’avantage c’est que l’altitude augmente bien plus vite, mais ça use sévère et deux gars me doublent successivement, en me laissant littéralement sur place. On arrive enfin sur un espèce de sommet bedonnant et des replats successifs entrecoupés de montées douces sur un chemin de nouveau large, ouf !! La descente se fait désirer et commence sèchement hors sentier, là encore on coupe direct pour s’économiser de la distance. C’est sûrement sur ce genre de descente que je rattrape le plus de temps : raide et glissante mais peu technique donc je ne me plains pas. D’ailleurs je rattrape plusieurs coureurs avant d’arriver à Estaing où je dois slalomer entre les voitures d’accompagnateurs garées à l’arrache.

Estaing, vendredi 20h10, 86km, 15h07, 5700+, 99ème

Je traine presque 30 minutes à Estaing, je prends le temps de manger plusieurs fois car j’appréhende la montée au col d’Ilhéou, la tombée de la nuit… J’ai de grosses irritations à l’entrejambe (pourquoi n’ai je pas changé de short à Pierrefitte???), au niveau du bas des côtes à cause de frottements du sac ou du tee-shirt ou les deux combinés, et des douleurs plus haut à cause de la nourriture des poches sous flasques qui appuie trop fort... j’utilise mon petit pot de crème antifrottement pour l’entrejambe, et je repositionne ma nourriture dans les poches, en rajoutant un buff dans l’une et un coupe vent dans l’autre pour créer deux sortes de coussins amortisseur. Mais je ne m’occupe pas des irritations au bas des côtes… pourquoi alors que j’ai plusieurs morceaux de bande de Taping pour ça dans le sac mais que je ne mettrais qu’à Luz une fois que les irritations deviennent insupportables ?

La frontale est sur la tête en sortant du ravitaillement et sera allumée dans la longue partie de route pour atteindre le lac d’Estaing, au pied du col d’Ilhéou. Au début du col, tout va bien, un coureur relais me rattrape et on discute un peu, je lui dis que j’essaie de rester autour de 700-750 m/h en montée, on parle de nos courses, ça fait passer le temps mais ça ne m’empêche pas de craquer à 2km du col environ (sur 5km pour 1000+). Le coureur relais me passe, puis plusieurs autres de l’ultra et je me retrouve seul dans ma souffrance, pour un moment. En regardant ma trace, je constate que mon craquage intervient avec l’augmentation de la pente, un classique pour moi. Je passe le col sans trop savoir où il est exactement, et me réjouis d’entamer la descente bien que la forme reste très faible. C’est assez technique jusqu’au refuge d’Ilhéou où il n’y a qu’un pointage et de l’eau, et encore une fois, c’est dans les descentes que je reprend des places. Celle jusqu’à Cauterets n’est pas très difficile, mais je sens ma jauge d’énergie se rapprocher dangereusement du zéro. Je n’arrive plus trop à manger depuis la montée, je me force à boire en craignant de vomir à tout moment… Heureusement, voilà Cauterets !

Cauterets, samedi 0h30, 106km, 19h27, 7120+, 84ème

Je dois avoir une sale gueule quand j’arrive au ravitaillement, mais l’état des autres coureurs n’est pas reluisant non plus ! Je pose mes affaires sur une table, remplis mon bol de soupe, m’affale lourdement sur la chaise, essaie de boire en vain, pose la tête entre mes bras, bon va falloir du temps pour me refaire une santé là… Mais j’en ai du temps, alors j’appelle Marion, regarde mon classement sur Livetrail, et attends de finir la soupe pour m’allonger sur le dernier lit de camp juste libéré par une coureuse de relais. Boule quiès, buff sur les yeux, couverture remontée, je n’ai pas vraiment sommeil mais j’essaie de me laisser aller. Ca fait du bien et en me relevant, (peut être 30 minutes après?), je grelotte mais suis capable de remanger : nouvelle soupe et sandwich jambon que j’avale assez vite car j’ai besoin de bouger pour me réchauffer. Au final, il est 1h30 quand je quitte le ravitaillement. La remise en route est un peu poussive, je m’arrête plusieurs fois pour relasser mes chaussures, ranger mon coupe-vent, me laver les mains dans un ruisseau (me suis encore foutu de la poudre partout!). C’est assez raide pour sortir de Cauterets, puis la montée au col de Riou, 1000m plus haut est ensuite régulière, d’abord sur une large piste puis sur un sentier en lacet où l’on peut deviner les frontales malgré la brume toujours présente depuis le matin. Même si j’en ai clairement marre, que je me demande pourquoi je m’inflige ça, que je me jure qu’on ne m’y reprendra pas (bref du classique), j’avance sûrement en me focalisant sur Luz, prochaine base vie, lieu de luxure et orangina. Je passe le col après 12 000 lacets monotones pour filer vers Luz donc, mais dans le début de la descente, un ravitaillement que j’imaginais uniquement liquide s’entremet : Béderet. Pas bon pour ma moyenne tout ça, mais une petite soupe et une chaise ne se refusent pas.

Il reste ensuite 8km de descente, parfois sur sentier, parfois sur la route (de Luz-Ardiden qui me rappelle un bon souvenir de vélo) mais toujours à allure faiblarde (entre 8min et 10min au kilomètre) Je n’ai pas vraiment mal aux jambes, je ne manque pas vraiment d’énergie pour descendre plus vite, mais à quoi bon…

Luz-Saint-Sauveur samedi 5h21, 125km, 24h18, 8200+, 91ème

Cette fois je me change entièrement, me colle deux bandes sur les irritations cotières qui ne sont pas belles à voir, mange au mieux, bref quasiment comme à Pierrefitte sauf que ça me prend quasiment le double de temps : 45minutes. J’ai une bonne marge sur l’objectif de 35h normalement grâce à ma bonne première journée. La section Luz-Tournaboup est clairement la moins intéressante du parcours : 800+ sur 12km de chemin large, route et village, une vraie purge où je me fais violence pour courir dans les faux plats descendants.

Tournaboup, samedi 8h41, 137km, 27h38, 9200+, 91ème

10 minutes d’arrêt et une soupe plus tard, je me lance pour la Hourquette Nère avec 2l d’eau car il est annoncé qu’il faut être autonome jusqu’au restaurant Merlans, 17km plus loin. La journée s’annonce ensoleillée, ça fait plaisir mais la vitamine D ne suffit pour l’instant pas à me faire avancer correctement. Sachant que La Hourquette Nère est à 2461m contre 1451 pour Tournaboup, j’en conclue que ça monte et que j’en chie, ça va être long. Obligé de faire une pause avant le refuge d’Aygues Cluses (vers 2100m), je grignote lentement un snickers, puis tente un gel caféiné. Wow, je sens la caféine m’inonder des pieds à la tête, c’est tsunamiesque. Mais efficace. Enfin j’avance pas plus vite mais me sens mieux et la Hourquette n’a qu’à bien se tenir ! Ce qu’elle fait, elle semble même s’incliner légèrement pour me faciliter son franchissement, sacré Hourquette !

Bon reste plus qu’à se taper la descente merdique vers le lac de l’Oule, pour laquelle les bâtons me sont extrêmement utiles : j’y dépasse pas mal de coureurs. Puis quelques mètres à monter pour rejoindre une seconde fois Merlans, ça sent bon !

Merlans, samedi 13h05, 8154km, 32h03, 10500+, 80ème

Cloclo et son bob kikourou m’accueille pour ce dernier ravitaillement, où je ne m’attarde pas, faut profiter de la forme pour remonter au col du Portet, dernière côte de 200+ avant le toboggan final. Je pousse sur les bâtons et bascule en relançant dès que possible. Je m’enquiers auprès de ma tête et mes jambes : - On est fatigué ? - On n’est pas fatigué !

Les pieds peuvent la fermer, merci. Je file donc vers l’arrivée, d’abord sur un long faux plat descendant, je regarde l’altitude qui ne diminue pas assez à mon goût, mais vers 1900m, la pente s’accentue fortement et on arrive vite à Soulan, c’est raide mais tant mieux, ça sera plus court ! Je trottine tout le long et sur la route après Vignec, un coureur de l’Ultra me double et me dit de le suivre, j’accélère et ça fait pas plus mal, je maintiens donc un bon rythme tout le long de la Neste jusqu’à l’arrivée : bonheur !

Vielle-Aure, samedi 14h52, 167,8km, 33h49min59s, 10700+, 78ème

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