Récit de la course : Grand Raid 6666 2015, par forest

L'auteur : forest

La course : Grand Raid 6666

Date : 20/6/2015

Lieu : Vailhan (Hérault)

Affichage : 2455 vues

Distance : 114km

Matos : Classique

Objectif : Terminer

3 commentaires

Partager :

6666: Ride like the wind !

6666 Occitane: Ride like the wind!

Roquebrun /Orb

 

114 kms et 6600 D+ au programme de cette édition Héraultaise 2015.

C’est à Vailhan que les 250 concurrents de la course prennent le départ à 6h samedi matin. Temps idéal, chaleur modérée à l’aube et le vent annoncé encore en sommeil. Comme moi d’ailleurs puisque le départ me procure les mêmes sensations qu’un matin de grand examen .Lassitude , grosse fatigue et une envie fantastique d’être partout ailleurs sauf ici !! Bref, du classique, tu te demandes ce que tu fous dans cet endroit pourtant magnifique.

Le début de la 6666 est relativement roulant .Les sentiers assez larges et le dénivelé modeste au milieu des vignobles, permettent finalement une entrée en matière si ce n’est agréable tout du moins acceptable pour un samedi matin. Nous sommes deux amis pour cette course et la perspective de faire un bon bout de chemin ensemble est sympathique. Le ravito de Faugères arrive au bout de 2h35 pour 18.8 kms et 750 d+ alors que les difficultés n’ont clairement pas commencé. Les coups de culs et les descentes s’enchainent ainsi de façon régulières, jusqu’à Lamalou alors qu’imperceptiblement l’aspect montagnard de la course commence à se dessiner. 34.6 KMS 1400 D+ et 5h20 de course.

Lamalou les bains est la porte d’entrée du massif du Caroux et à partir d’ici la petite sortie entre potes va se transformer en punition collective. 59 bornes de Caroux et 4300 D+ attendent l’irresponsable qui s’est inscrit sur cette course parce qu’on lui a dit que c’était beau ! Depuis plusieurs jours il est annoncé une température jour de 30 ° et fort heureusement 50 km/h de vent. Par grosse chaleur, le vent est au trailer, un peu ce qu’est le parapluie aux bretons !!!!!!  , un paramètre indispensable. Toujours est-il qu’en quittant Lamalou vers 12 h, juste une petite brise faiblarde vient accompagner nos premiers hectomètres dans le Caroux. Il fait chaud et cela sent le roussi. Le blindage des camels et bidons en eau est indispensable à cet instant si tu veux éviter de te retrouver un peu trop vite sur la plage de Roquebrun à attendre les potes, une perfusion dans chaque bras !

La montée s’effectue en sous-bois et l’aspect très minéral du massif ne saute pas encore aux yeux. Petit rythme tranquille, bien aidé par une nouvelle technique d’utilisation des bâtons (enfin), pour grimper sans trop de mal à la Madale et attaquer plein de confiance ce que les organisateurs du raid appellent une descente ,mais moi de la chute libre ! Cette descente est sévère, truffée de dalles chaotiques sur lesquelles les appuis sont précaires. Mr Guillon parle de la première expérience Caroux .Si tu ne fais pas gaffe cela peut vite devenir la dernière !

 

Arrivé bien entamé à Colombieres au bout de 8h30 de course pour 49 kms. La moyenne horaire c’est écroulée. Dans la plupart des ultras, les descentes permettent aux masos de se refaire une santé mais pas ici tellement les sentiers sont techniques. Je suis épuisé, et m’accorde 30 mn de pause au ravito. Pas de pote en vue, je repars à l’assaut du plateau sans grand enthousiasme. La montée est belle, certes, mais elle est pénible. Des marches de granit succèdent à de gros blocs rocheux, conséquences d’éboulements je suppose. Fort heureusement, au fur et à mesure que le sentier s’élève, le vent forcit en proportion et refroidit la machine. HEUREUSEUMENT ! .il souffle fort sur le plateau du Caroux, et cela me permet de reprendre mes esprits, au cœur d’un somptueux paysage fait de pics, de bruyères et de vues infinies sur les plaines. Ce beau passage, sommet de la course, précède une gâterie dont les mémoires les plus sélectives se rappelleront longtemps. Voici l’Esquino d’Aze ! Aujourd’hui encore j’ai du mal à me rappeler vraiment à quoi cela correspond. Un châtiment corporel, ça c’est sûr, mais plus exactement une dégringolade, dont le niveau d’exigence m’était alors inconnu ! Nous sommes entre le base jump et le rappel en escalade. En fait la nuance se joue à quelques degrés d’inclinaison seulement. Que vous dire de plus ? Il faut l’avoir fait pour comprendre que marcher la dedans est quasi impossible, alors allez imaginer un peu courir dans ce cataclysme granitique !!! Bref, il faut une attention de tous les instants pour descendre ce machin (vraiment je ne sais pas ce que c’est !) et arriver en bas sain et sauf. Et dire que je pensais rattraper un peu de temps perdu à la montée ! C’est donc rincé que j’arrive à la trappe, point final de la descente mais point de départ d’une nouvelle montée sèche sur dalles rocheuses .Un peu plus de 300 D+ d’élévation jusqu’à une intersection et nous voilà reparti pour un retour express dans la vallée. Cette nouvelle descente est également engagée et je commence à puiser dans mes ressources mentales. Le parcours en est maintenant à son paroxysme de technicité et à ma lassitude, s’ajoute à présent, un début de désordre gastrique. J’ai du mal à m’alimenter, du mal à me réhydrater et je veux renter à ma maison !

 Bref j’en chie un max et flirt avec les limites de ma tolérance au mal. Je pensais arriver à Mons mais en fait j’arrive à Saint Martin. Les deux communes sont séparées par le col ou le pic, ou l’aiguille, je ne sais plus trop, de Bartouyre ! 450 D+ en 2 kms et forcément derrière une descente de dingue sur Mons. Voilà voila ! J’ai bien rigolé et ai très sérieusement remis en question d’éventuelles prochaines participations à des Ultra trails.

Mons en vue, enfin : 65 KMS et 14 H de course. L’occasion de se changer et de recharger les batteries .Je prends un peu de temps, assis dans l’herbe .A ce moment, j’apprends l’abandon de mon pote Manu par téléphone .Il aura la délicatesse de m’épargner le nom du petit restau d’où il m’appelle ! C’est toujours la galère pour m’alimenter et je troque de plus en plus souvent l’eau plate avec de l’eau gazeuse et du coca. Plein de lucidité et de bon sens je remplis mes bidons dorsaux avec de l’eau pétillante. En voilà une belle idée bien finaude !!!!!! Je repars galvanisé et le postérieur bientôt intégralement trempé par l’éruption massive et prévisible de la flotte sous pression ! Juste avant d’attaquer le gros 1000 d+ suivant nous passons devant la terrasse d’un restaurant bondé. Echanges de quolibets et encouragements fusent de toutes parts. Une bonne rigolade. Progressivement la nuit s’installe, les leaders ont dû arriver à Roquebrun déjà !

Toujours en proie à des problèmes d’alimentation, je m’affaibli dans la montée, et malgré l’entrée de plein pied dans la nuit noire, mon domaine de prédilection, je me sens anormalement faible .J’ai du mal à suivre les groupes lors des relances dans la montée vers Montahut. Et ce ne sont pas les couinements intrigants de paons en pleine pampa qui parviennent à me détourner l’esprit de ma propre déchéance. Bon, écrire un CR ne doit pas être une longue et chiante litanie de complaintes adressée à un lecteur qui s’en fout, mais je peux ainsi garder traces des difficultés que ma mémoire sélective aura tendance, avec le temps, à balancer aux oubliettes. Et ouais les gars, je fais ma propre thérapie. Bref, arrivé au sommet, je remets le cerveau en off et dégage au plus vite (à relativiser tout de même) vers des contrées moins hostiles !

Mauroul 18h52 pour 81 kms. Au ravito, je saute sur du coca tout droit sorti du frigo, un orgasme pétillant unique ! Petit sandwich au jambon (très mauvais) et une banane pour requinquer la bête sur la réserve depuis trop longtemps. Je prends encore beaucoup de temps à ce ravito et cette mauvaise habitude commence à me gonfler ! Dans mon esprit, à cet instant, le plus dur est fait. Erreur grave !

5 mn à peine après le départ je rends l’intégralité de mon ravitaillement à dame nature. Je suis seul, la honte est modérée ! La conséquence est double .Je vais beaucoup mieux et suis libéré d’un poids stomacal certain mais par contre je viens de vider le réservoir d'essence qui doit me permettre d’attaquer la nouvelle montée menant au fameux col d’Ouliarde .Rangez vos sourire pervers svp ! Le topo de l’orga fait en effet référence à ce passage, mais j’avoue avoir un peu mangé l’info au bout de 85 kms.

La partie finale du col d’Ouliarde, version 6666, correspond à de l’alpinisme. D’ailleurs, il y a des cordes fixes  et un guide de montagne en cas de pépins ! Ne voyez aucune plaisanterie dans mes propos, je suis à cet instant insensible à tout trait d’humour, le plus fin soit-il ! Au pied du mur, comme un con, je commence déjà par accrocher mes bâtons au sac afin de libérer les mimines. Je n’ai ni piolets ni crampons , dommage !

Je crois bien me souvenir avec exactitude, des endroits où j’ai proférés les insultes les plus innovantes envers l’orga et Mr Guillon (pour lequel je voue néanmoins une très grande admiration !) .le passage scabreux est assez long et il faut un balisage de dingue pour nous guider au milieu des rochers recouverts de genets. D’ailleurs j’en ai déplumé quelques-uns en m’agrippant à leurs branches comme un pitbull s’agripperai à une Morteau durant cette éprouvante ascension !

70 km/h de vent (mon estimation) ajoute un peu de piment et de précarité au numéro d’équilibriste que nous orchestrons sur la fin du col. Avec soulagement je bascule enfin dans la descente vers Olargues. Honnêtement ce passage d’escalade couplé avec la violence du vent m’a paru un peu périlleux ! C’est après une longue descente de 6 kms qu’apparait enfin le célèbre pont d’Olargues et le dernier ravito de la course .Yaaaaalaaaaa !

Une Banane, du coca dans la panse et je repars rapidement à l’assaut des derniers 1000 d+ qui nous séparent de la bière fraiche . Le jour se lève lentement, la montée sur le pic de Naudech n’est pas très pentue, le terrain est simple, le moral reviens enfin ! Au sommet la bascule est étonnante et les 300 d- qui enchainent, s’effectuent sur moins d’1 km au milieu de ronces et d'arbres .Cette course ne laisse décidément que peu de répit.

Un point d’eau au col de Garlande et direction la dernière difficulté avant la terre promise. Une longue grimpette de 4 kms, vendue 300 D+ par l’orga mais que j’évalue à un bon 800 m positif après 27 h de course ! C’est que je commence en avoir ma claque de leur montées sans fins qui s’enchainent les unes aux autres .J’ ai depuis bien longtemps oublié l’essence même de l’Ultra et les raisons qui mon conduites en ce lieu. Oui c’est beau, on l’a déjà dit, c’est même admirable, mais que diable je viens faire dans ces galères qui n’ont pour autres but que de repousser les limites de nos résistances morales ?

 A 9h du matin il fait déjà 25/26 degrés et il n’y a pas un pet de vent .Autant vous dire que plutôt l’arrivée est en vue mieux se sera. Les sans dents qui passeront ici vers 12 h vont prendre très cher. Cela fait déjà quelques temps qu’un petit groupe de 5 coureurs s’est formé, légèrement distendu dans la montée, mais raisonnablement compact. Comme en générale je ne descends pas trop mal (sans doute le poids) j’ai un vrai bon espoir de fumer tout ce petit monde dans la descente. Je ne cours jamais pour la place ou pour la compet’ (uniquement pour finir) mais pour des raisons inconnues cette envie me vient soudainement. Dès l’inclinaison de la pente en direction de Roquebrun je recommence à courir, et ce, à la limite du rupteur. Cheveux aux vents, sur de mon fait et remplie d’une vrai joie d’en finir, je vais me faire déposer sur place sans ménagement et de façon irrévocable par mes collègues de course. Un vrai camouflet ! Je finirai même à plusieurs minutes du plus lent d’entre eux !!!!!!! Ils ont dû couper à travers la garrigue !

L’arrivée sur Roquebrun est magnifique, le single domine le village et les innombrables piscines privées sont autant de mirages qui appellent le naufragé des montagnes à un rafraichissement salvateur. Une ligne droite un peu longue, quelques bénévoles enthousiastes, Guillon, Jornet, D’Haene hurlants leurs encouragements massés derrière une barrière de sécurité …. EUH enfin il me semble, et c’est dans une joie infinie que je franchie cette maudite ligne d’arrivée pour étreindre mon pote Manu au bout de 27h 52 de course.

YM dossard 174 27h52 85°

Cette course est l’une des plus techniques du pays ( à voir avec l’échappée belle)

3 commentaires

Commentaire de poucet posté le 20-02-2016 à 19:56:17

Sur le point de m'inscrire, je découvre ton récit ... je m'attendais à du technique, ça se confirme. Bravo à toi !!!
Poucet

Commentaire de forest posté le 21-02-2016 à 15:57:07

Salut Poucet .Tu vas te régaler .C'est technique pour le trailer très moyen ,mais pour les bons c'est un délice . Pour te dire j'y retourne en mode Saute Mouflon . Bon vent et attention au coup de chaud !
ps/En plus c'est le champion du monde qui organise !
forest

Commentaire de TomTrailRunner posté le 26-03-2017 à 21:52:06

suis inscrit cette année : je crois que je vais le relire une fois ou 2 pour mieux me faire une idée du truc !

bravo à toi

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.13 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !