Récit de la course : Trail du Ventoux 2007, par Gibus

L'auteur : Gibus

La course : Trail du Ventoux

Date : 18/3/2007

Lieu : Bedoin (Vaucluse)

Affichage : 4636 vues

Distance : 43km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Le géant chauve

Le géant chauve 

En arrivant sur Bédoin, on aperçoit ce bloc de montagne avec l'observatoire érigé là tout là haut qui nous défie tel un geste obscène : "allez vous faire voir, vous ne m'aurez pas". C'est ce qu'on va voir d'ici quelques heures mon lascar, le temps d'enfiler mes trails et je suis à toi. Arrivé de bonne heure, je trouve facilement de la place dans le parking ou stationnent pas mal de camping cars sur cales. Le début des va et viens des voitures va réveiller ceux qui sont encore dans les bras de morflé : la veille d'une course importante on pense toujours à ce qu'on va prendre et la nuit est souvent agitée. Le camping quatre étoiles avec ses piscines est l'accueil de l'épreuve. Les coureurs se croisent, se disent bonjour. L'ambiance est détendue. Je récupère mon dossard avec deux bouteilles de pinard du coin, du vin du Ventoux bien entendu, la cuvée spéciale Demoiselles coiffées et un sachet de bonbons berlingot spécialité du coin, le vainqueur gagnera d’ailleurs, son poids en friandises. Je retrouve Jean Louis, Michèle, Xavier et Gilles qui déjeunent au bar. On s'raconte nos dernières aventures : t'as fait quoi ? Puis c'est le tour de Remi, Jean Luc et Bernard d'arriver sur le site. Tout le monde se rempli la panse avec du gâteau sport. Retour à la voiture. Il y a plus de monde que tout à l'heure, les groupe se sont formés, c'est moins intime et les gens ne se disent plus bonjour. Bref, je prépare mon camelbak, produit énergétique. Ceinture avec gels. Je ne sais pas trop comment m'habiller : long, court. J'opte pour un cycliste, tee shirt technique plus petite polaire à manche longue. Je mets le dossard sur le cuissard. Sparadra sur les tétons, pommade sur l'entrecuisse. Je mets une paire de gants dans le sac car je ne sais pas si il va y avoir un passage avec des cordes ou pas. J'aperçois Dawa Sherpa qui s'échauffe avec un k way orange sourire aux lèvres, heureux d'être là ou heureux tout court. Je rejoins le départ et retrouve Marie Françoise et Isabelle plus mes compagnons du début. Pipi de la peur. Tiens une fille avec des bâtons, je croyais que c'étais interdit. Elle les a pliés dans le sac à dos. On s'approche de l'aire gonflable du départ. Devant je vois Guichard, vainqueur de la SaintéLyon, des Templiers et des Burons. Il n'a pas ses grandes chaussettes bleues, mais marrons. Il y a aussi Trottet et le vainqueur de l'année passée. On le reconnaît d'après les vidéos d'internet. On retrouve Christophe et surtout Bruno qui est impatient de partir. Il fait le petit trail et a une idée derrière la tête. Nous sommes donc onze d'Ambérieu.

 

Le départ est imminent et le commentateur nous précise les 42 kms et plus sur le grand parcours. Michèle fait partir son stress avec la zikmu de son walkman. Certain ont mis les gants, j'en ai fait de même : c'est pas les grandes chaleurs tout de même. 5,4,3,2,1 c'est parti. On déclenche les chronos par réflexe. Un petit tour sur le camping étire le peloton limité à 800 coureurs. On taille à gauche et je vois ma voiture. Pas encore envie de m'y arrêter. Un coureur perd son bidon. Il est rappelé à l'ordre par les autres. C'est un petit tour de 2, 3 kilomètres qui nous est proposé. Je remets mes gants tout en courant dans mon sac. On repasse près du départ et nous quittons la route pour de bon. On chemine près de vignes. Discussion avec un gars d'Annecy qui prend des photos. Tu les mets sur ton site ? L'ambiance est bonne. On ne le se la pête pas sur les courses de trail. Nous arrivons sur le fameux site des demoiselles coiffées érosion et sable de couleur ocre forment des cheminées fermées telles des souches géantes. On passe trop vite dis je à mon compagnon de route. "Je suis venu hier pour prendre des photos, on n'a pas été jusqu'à la combe, c'est trop loin". Nous reprenons une route en faux plat. Je rattrape une fille blonde.

 

Je reste à son niveau, mais assez vite je la distance. Nous rentrons dans le cheminement qui va nous amener à la combe Curnier. Maintenant tout le monde marche et le parcours trace sur de gros cailloux blancs. Certains veulent aller plus vite que d'autres et je me fais marcher sur les talons 2, 3 fois, Je laisse passer. Je comprends pourquoi les bâtons sont interdits. La fille de tout à l'heure me double à son tour. Elle a la patate. Ca se rétrécit de plus en plus. C'est féérique. Si il y a un tremblement de terre, on y passe tous ratatiner entre les deux parois. Ca y est on est dans la partie la plus étroite. Impressionnant. Faut faire gaffe à la tête. Le sac à dos passe tout juste. Salle temps pour les gros. On s'appuie sur cette roche pour progresser. Nous sommes sortis de ce canyon apache et les sous bois ont remplacés les cailloux. Je me cogne plusieurs fois la tête sur des branches vues trop tard. Ravito sur la gauche. "C'est de l'eau". Certains font un pipi stop. On repart. Un moustachu me demande à quel kilomètre se trouve la séparation. "C'est au 12° " Il est déçu car il pensait que le point d'eau passé était au kms 12. C'est vrai qu'il nous reste encore des bornes. Un troisième larron nous dit qu'il a mis 5h30 l'année passée et qu'on est dans le même tempo. Nous arrivons au ravito de la séparation dans la clairière. A droite c'est le 22 kms et tout droit 43. La table est bien achalandée. Il y a même une gamelle d'eau à terre. "Ravito pour chiens". Je bois du coca, quelques pattes de fruits et c'est parti tout droit pour la grande boucle. Une pancarte nous signale que nous sommes bien sur le grand parcours de 43 kms. Il reste 5,5 kms avant le sommet. Je m'efforce à trotter en me mettant derrière un autre coureur car le chemin n'est pas trop pentu. Nous passons près d'une aiguillette, érosion encore, qui a fait de ce rocher une pointe dressé vers le haut. "On n'est pas bien là ". On tchatche un peu entre nous. La descente risque d'être terrible prévoit on déjà. On prend à gauche, puis c'est un point d'eau avant d'attaquer les 3 derniers kilos par le chemin du facteur. Il doit rester une demi-heure environ.. Nous contournons le jas des pèlerins, maison en pierre blanche, puis c'est l'ascension finale. Le vent nous attend et ça commence à cailler sécos. Je sors mes gants de mon sac, heureusement que je les ai car je me les gèle sérieux. Comme le dit le dicton : en avril ne te découvre pas d'un fil, en mars non plus. Je comprends maintenant pourquoi cela s'appelle le mont Ventoux. Qu'est ce que ça doit être en plein hiver, un vrai hiver pas comme cette année. Quelques plaques de neige sont encore présentes à l'abri du zef derrière des épineux. Jean Louis me rattrape. "Allez Gibus". Tels des pénitents, tête basse nous finissons cette procession interminable. Cet observatoire blanc et rouge est énorme, comme la fusée de Tintin et Milou, elle nous nargue tout là haut. Je me retourne et j'ai presque le vertige avec ce que je vois. Tout la bas la terre ferme est bien loin, bien basse. On termine enfin cette ascension, encore une plaque de neige et je m'arrête pour observer ce spectacle. L'autre versant est enneigé, la route aussi, et puis au loin on voit toute la chaine des Alpes. "Ca vaut le coup hein !". Le ravitaillement est là au pied de l'observatoire à 1912 mètres donc 19 kilomètres 2h55'. Un gars téléphone à sa copine. "Je n'ai plus qu'à redescendre" lui dit-il. Et ouai, ya plus qu'à. Je jète un coup d'œil à la table d'orientation. Je vidange à l'abri du zef. D'ailleurs un gars me demande si j'en ai pas pris sur les pompes. "Qui pisse contre le vent, se rince les dents" me lance-t-il. Allez on y go. Christophe m'appelle, il vient de me rejoindre. On repart ensemble. Je lui envie son bonnet. Le mien, celui de la SaintéLyon, est resté dans la caisse. On descend assez vite, on croise la route sur laquelle zigzague un cycliste avec ses sacoches chargées. Il est bientôt arrivé. Je l'encourage. Il doit se prendre pour Virenque ou Pantani. Une fille me double, elle est habillée vraiment léger. J'ai froid pour elle. On aperçoit le début de son tatouage en bas du dos. Trêve de rêverasserie. Ya des cailloux, et faut faire gaffe. Ca remonte et j'ai soudain deux crampes aux cuisses en même temps. Je m'arrête cinq secondes, je me masse et redémarre. Ca va, c'est le froid. J'ai toujours de visu Christophe, juste devant. Je double une fille qui marche. "Ca va ?" Elle a un point de côté. "Ca va passer !" Ok. Un chemin a remplacé maintenant la caillasse. Ca descend moins. On quitte le désert du haut et les sous bois réapparaissent. Ca serpente et les faux plats sont fréquents. Je reviens presque à hauteur de Christophe quand une nouvelle côte apparaît. Il y a plein de feuilles mortes amassées par le vent. Je me prends une pierre cachée sur la cheville. Ca me calme et je ralenti. Ca redescend sérieux et sur la droite l'observatoire n'est là pas loin. C'est pas vrai, il est toujours là à nous narguer. J'ai perdu Christophe de vue. On descend et on monte sans arrêt. On arrive au ravito au Chalet Reynard. 27° kms, non on n’a fait que 8 bornes depuis le haut. On traverse la place et c'est reparti. "Attention il y a des cailloux, ça glisse" nous dit un bénévole. Ca ne fait rire personne car la caillasse on commence à en avoir plein le dos. C'est du tout droit avec des droites gauches sur un ruisseau asséché. Un gars me double. Il siffle pour passer le temps ou alors il est heureux. Je commence à en avoir ma claque et un mal de bide apparait. Purée trop de gels ou l'hydra dans l'camel trop fort. Ca remonte ça redescend, ça yoyote à souhait. Je heurte souvent des pierres bien plantées dans le sol et manque de me rétamer. Je ralentis et me concentre encore plus sur la pose de pied. Mes pieds me brûlent un peu aussi. J'suis pas bien. Une dame me signale le point d'eau bientôt. Une grosse descente et c'est le ravito. Plus que 9 ou encore 9. C'est selon la forme, pour moi c'est encore 9 bornes, surtout que ça redescend de suite. On croise des marcheurs. Et c'est une descente monotone interminable qui commence. Ca va serpenter pendant 5 bornes sur des cailloux, blancs bien sur. J'essaye de courir à un petit rythme. J'heurte de nouveau une pierre, j'évite la chute de justesse. Un sifflement avec un bruit dans les feuilles mortes sur le bas côté me font repartir aussitôt. "On dirait un serpent qui danse, au bout d'un bâton, à te voir marcher en cadence, belle d'abandon" Non je ne vais pas abandonner sur de simples paroles de Feldman. Allez courage. Je laisse passer un concurrent "Il reste combien ? Encore 2 ou 3 kilomètres". Ouf. Bientôt fini. Il rajoute : "Puis c'est le ravito et là encore 4 et demi.". Je m'arrête de nouveau. Il m'a assommé. Tant bien que mal j'arrive au point d'eau. Quand je repars, j’entends un Hé Gibus ! C'est Rémi qui arrive. Je lui lance un "Salut Serge !" , puis je repars. J'suis vraiment vide, je l'ai appelé Serge… Le chemin est plus large fini les cailloux. Remi-Serge me double, puis c'est Jean Luc et Bernard. Les moindres faux plats sont des montées de science fiction. C'est la fin. On rejoint la route. C'est le camping, ce n’est pas celui des flots bleus, mais arrivée quand même. 6h14. Isabelle et Marie Françoise sont là pour m'accueillir. Ca me fait plaisir. "T'es pas tout seul Jef !" Elles sont arrivées trop tard à la bifurcation du 14° et on fait le petit trail, un peu déçues. Xavier s'étire dans l'herbe. Je retrouve Rémi (le faux Serge), Jean Luc et Bernard, on rigole. Michèle n’arrive pas loin derrière moi. On en a tous notre claque. Avec Jean Louis, on estime à chaud que c'est plus dur que la 6000D. Christophe dit qu'il arrête ce genre de course pour se concentrer au triathlon. Ah les promesses à l'arrivée d'une épreuve sont souvent pas tenues "Jamais plus ça !" et l'année après on est encore là. Gilles arrive enfin. Il est destroy aussi. Bruno est déjà douché, il a terminé 21° du 22 kms et premier v2. On rencontre l'organisatrice. On lui lance des "On vous a vu sur l'ordi lors de la reco." On boit un coup, on regarde les premiers résultats. 3h50 pour le premier, la vache ! Rendez vous au trail de Douvres le 6 mai me lance Christophe, il fait sa pub. Ok on verra. La route du retour va être longue avec l'état des jambes. Allez un dernier coup d'œil là haut. L'observatoire est en train de se couché. Un drap de coton l'entoure. Les nuits qui vont suivre seront à marquer de pierres blanches. Chaque fois que je vais fermer les yeux, je vais voir des cailloux… blancs.

4 commentaires

Commentaire de Aiaccinu posté le 22-03-2007 à 13:00:00

...Mais quelle joie de vaincre le Géant chauve !

Commentaire de NoNo l'esc@rgot posté le 22-03-2007 à 21:38:00

Magnifique le récit de ce trail du Mont Ventoux,
même si visiblement, c'était un peu un jour de galère...
Faut dire que ça n'a pô l'air facile du tout !!!
Merci en tout cas pour la visite bien agréable,
et bravo d'avoir tenu jusqu'au bout.

NoNo_l'escargot_ta_voisine_du_Revermont

Commentaire de Bourdonski posté le 24-03-2007 à 20:07:00

Très bon commentaire et dommage que ce fut un peu moyen pour toi. J'ai connu aussi les crampes en fin de montée puis par intermittence dans la descente. Je pensais ne pas avoir assez bu mais j'avais oublier le froid : short, petit maillot technique manche longue, gants dans le sac. 9a explique peut-être les crampes car je pensais avoir été assez facile dans la montée. Par contre, moi qui pensais avoir fait un Ventoux moyen (pour quelqu'un qui rêve de finir l'UTMB), tu m'a rassuré sur ma prestation. Tu est passé en 2h55 au sommet pour finir en 6h10. Pour ma part, j'étais là-haut en 3h10, un petit coup de pompe sur les crêtes mais une descente très rapide où je me suis bien amusé contrairement à toi = 5h48 à l'arrivée. Sportivement

Commentaire de titifb posté le 26-03-2007 à 07:02:00

Salut Gibus !
Ton récit est un régal pour le P'tit Poucet !!!
Bravo pour ton courage : tu l'as fait.

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