Récit de la course : Grand Raid 56 - Golfe du Morbihan 2011, par david a

L'auteur : david a

La course : Grand Raid 56 - Golfe du Morbihan

Date : 24/6/2011

Lieu : Vannes (Morbihan)

Affichage : 3505 vues

Distance : 177km

Matos : scott aztec

Objectif : Terminer

2 commentaires

Partager :

85 autres récits :

Le récit

Voilà mon CR de l'ultra marin. Il est long et sans images, désolé ! Merci à ceux qui auront le courage de s'y frotter ...

 A retrouver aussi sur mon blog : http://captrail.blogspot.com/

Et bien voilà, le premier objectif de la saison est terminé ... Comment ? quel temps ? Es tu arrivé jusqu'au bout ? Patience ...

Etant novice sur la distance, mon premier réflexe lorsque je me suis inscrit en novembre, fut de chercher sur internet différents plans d'entraînement. Un petit coup sur le site de Bruno Heubi, un autre sur l'improbable blog de zeb et quelques allers retours sur d'autres forums m'ont laissé quelque peu perplexe . En effet les entraînements proposés correspondaient à ce que je faisais déjà dans une semaine classique de préparation !
J'allais donc devoir me débrouiller pour monter un plan qui allait me permettre de boucler cette interminable aventure.

Oui mais voilà, suite à l'origole 2010 , les douleurs au genou gauche reviennent et après 2 mois de pause (pose de semelles, kiné, étirements... tout le tralala !) puis deux mois de reprise avec des séances inférieures à 1 heure, je me sens enfin prêt à rallonger la distance .
Je commence donc 10 semaines où l'objectif sera de courir longtemps à allure régulière avec des jambes déjà fatiguées pour m'habituer mentalement à courir avec de la douleur dans les membres inférieurs.

Et cela fonctionne ! 8 weekends chocs avec enchaînement de 50 bornes le samedi et au moins 30 le dimanche (plus une troisième le vendredi ou le lundi de 16 kms) . Je multiplie les offs, sillonne l'ensemble des GRs ( 3 mois à 412, 480 et 480 kms) et finis ma préparation frais comme un gardon prêt à affronter mon Everest.

Les deux dernières semaines de décompression sont longues, j'ai l'impression de ressentir des douleurs partout, je ne m'approche plus des malades par peur d'attraper une saloperie qui pourrait me priver de cet évènement. Mais, finalement, le jour J arrive et tout va bien . Je pars le vendredi matin pour 7 heures de route en direction de Vannes et j'arrive à 13 heures sur place où je visite le village départ (achat du buff ultramarin) tout en allant retirer mon dossard. Une bénévole me place un bracelet jaune fluo au poignet (indiquant la course que je réalise) et la pression monte ...

Il commence à faire chaud et je vais me placer à l'ombre dans la voiture pour tuer le temps. Je somnole, lis , mange une dernière fois, prépare mes affaires et place enfin le dossard. J'y suis, ça y est , je vais pouvoir me frotter à la bête.

Dans ma tête , tout est clair, je vais essayer de tenir 9 km/h le plus longtemps possible et après ... on avisera ! Je commence à me connaître et j'espère que je saurai repérer les premiers signes de sur régime.Côté alimentation, je décide de manger toutes les heures (banane , chocolat , tuc ... ) et de boire toutes les 10 minutes la nuit et 5 minutes le jour. Voilà la théorie, place à la pratique.

Je rejoins le départ au son des cornemuses, les poils s'hérissent , j'ai la chair de poule.

19 heures, c'est parti ...

 

19 h , le départ est donné.
Je m'élance dans le peloton bien décidé à respecter mon plan à la lettre : 9 km/h , pas plus. Je me fais pas mal doubler, le rythme de certain est assez élevé et je laisse les suicidaires partir pied au plancher persuadé que d'ici quelques heures je vais les retrouver à l'agonie sur le bord de la route .

L'erreur que je ne voulais pas commettre sur cette course , c'était de faire un décompte des kms par rapport à l'arrivée, de peur de prendre un bon coup de bambou derrière la casquette. Du coup, je découpe l'épreuve en étape , 13 exactement correspondant aux divers ravitaillements mis en place sur le tracé. A chaque départ de ravito, je contrôle la distance qu'il me reste à parcourir pour atteindre le suivant et comme celle ci se situe entre 10 et 20 kms cela facilite la progression !

Revenons à la course : mon GPS m'aide au début à ne pas me précipiter , à ne pas me laisser embarquer par un rythme qui risque de me laisser des traces dans quelques heures. Bien entendu, tout va bien pour l'instant et je ne profite pas réellement des paysages concentré sur mon allure. Le premier ravitaillement (au 18.5 kms ) est atteint en 1h56 (202 ème), je ne m'attarde pas , quelques morceaux de chocolat, de banane, quelques gorgées de coca et c'est reparti direction Noyalo pour 19.5 kms de routes et chemins pas très agréables .

La nuit nous rattrape, les contrôleurs nous arrêtent pour nous demander d'allumer les frontales à quelques encablures de la fin de cette seconde étape. Au ravito, le manège et le même que précédemment : je mange, bois et rempli la poche à eau. 38 kms ( 4h02 et 121 ème) dans les jambes et ça va , la fraicheur se fait sentir, offrant plusieurs heures de répits à nos organismes déjà meurtri par la chaleur.

Direction Sarzeau , autrement dit le tiers de l'épreuve. Il fait nuit et j'ai l'impression de ne courir que sur de la route . vu que l'obscurité est totale, le peu de chemins côtiers ne nous permet pas de nous émerveiller des paysages . Mais il faut avancer , toujours, et c'est ce que je fais de façon toujours aussi régulière pour boucler les 58.3 kms en 6:23:37 et 67 ème.
Pour l'instant ,je ne suis pas entamé, je me force à manger quelques pâtes , à réaliser toujours les mêmes rituels , boire, manger, remplir, repartir. Je n'ai pas vraiment de souvenir de cette première partie, quelques bribes seulement mais je sais que jusqu'à là le parcours m'a quelque peu déçu.

Oui , mais voilà ... l’inconvénient quand on ne connaît pas le parcours c'est qu'on ne sait pas à quoi s'attendre ! La suite du tracé jusqu'à l'arrivée , hormis encore plusieurs portions de route , va se dérouler sur sentiers côtiers . Cool, de l'ombre ! c'est certain ... oui mais moins cool les cailloux , moins cool les racines et encore beaucoup moins cool les ESCALIERS. Des marches et des marches, jamais beaucoup, trois par ci, cinq par là mais l'accumulation fait mal, très mal.
L'esprit doit rester clair, l'attention centrée ou la chute arrive vite (surtout la nuit !).
Mais ça va toujours et même si je suis souvent seul et que je ne connais pas ma place, je sens que je grapille des positions. Trop ? peut être ... et je commence à m'affoler lorsque au 79.3 kms je rattrape au ravitaillement un groupe de coureurs dans lequel se trouve Christian Efflam , vainqueur 2010 du grand raid du Morbihan .
Paradoxalement, Je crois que c'est là que je me suis posé les premières grosses questions de la course ...

 Toujours les mêmes interrogations par manque de repères ... Suis je parti trop vite ? je n'en ai pas l'impression .

Alors on continue ! d'autant que la première nuit touche à sa fin révélant un paysage grandiose seulement éclairé par les premières lueurs de l'aube. Ce lever du jour correspond à mon arrivée à l'embarcadère d'Arzon en compagnie de Christian qui s'octroie une petite pause technique avant la traversée en bateau. Depuis le ravitaillement précédent, nous nous suivons. Tantôt il prend de l'avance , surtout en côte -je l'ai d'ailleurs surnommé le chamois-, tantôt je le rattrape au bout d'une longue portion plane . Il est impressionnant de régularité, de facilité, il n'a pas l'air de souffrir. Il m'annonce qu'il revient des 6 jours d'Antibes (second !), qu'il s'en ressent un peu, mais que vu qu'il a participé à toutes les éditions de l'ultra marin, il se devait d'être là, une huitième fois ! Le fou ! ou le héros ... chacun son camp ,quoique la limite entre les deux est parfois proche.

Nous discutons de tout , d'entraînement et de blessure et nous arrivons tranquillement en vue d'Arzon après avoir longé toutes une série de pointe. Mais l'embarcadère a beau être à portée de main, il faut s'en eloigner ponctuellement pour aller chercher une petite boucle de quelques kms de l'autre côté du village. Ça y est , port en vue ... la moitié du périple est bouclée, j'ai l'impression d'avoir atteint le sommet d'un parcours dont il ne me resterait que la descente ... on m'annonce 18 ème en 11 heures 04 et les jambes suivent toujours bien qu'un peu dures .

On revêt un poncho imperméable, un gilet de sauvetage et hop, dans le zodiac ! la traversée dure une dizaine de minutes et permet d'apprécier le spectacle , personne ne parle, la course n'est pas finie , il faut rester concentré.

Locqmariaquer approche et la reprise de la foulée aussi ! mais pour seulement 2 kms afin d'aboutir au second gros ravito. Plus les heures avancent, plus les reprises sont difficiles, plus les jambes me rappellent combien elles ont déjà souffert.
Comme d'habitude, manger,boire, remplir et comme je suis persuadé que je ne tiendrai pas, je me permet même un petit tour chez les kinés pour rafraîchir les gambettes ! Mais dommage, pas de kiné ici, il faudra attendre Lamor-baden.

Bon , alors je repars pour une étape composée de 2 parties : la première tout en sentier côtier (avec la première grosse erreur de balisage) va me permettre de remettre la machine en marche et bien que je sois toujours seul , je cours presque constamment . Les racines, cailloux et escaliers se font plus rares , le parcours plus roulant , j'en profite pour conserver un rythme correct afin de boucler les 10 kms m'éloignant du point d'eau suivant. La seconde partie de l'étape citée plus haut va m'amener doucement à Auray. Ce fut la partie la plus difficile, tout en côte avec un maximum de dénivelé, des erreurs de balisage et le tout dans des villages et sur de la route. Bref, 10 bornes à oublier , mais qui vont être récompensé par l'apparition ,sous nos yeux épuisés, du port d'Auray magnifique village un peu enclavé synonyme de ravitaillement. Je me sens fatigué bien sûr, mais relativement frais quand même et courir ne représente pas encore une douleur.

D'autant que vont suivre 10 kms magnifiques tout en sentier côtier en bord de crique. Je me sens super bien et l'impression physique que j'ai est accentuée par la différence de dénivelé qu'il y a avec l'étape précédente . Alors je cours, toujours et encore, j'accélère même ! et je me sens bien. Peut être un peu trop ? pourtant je fais encore attention à mes sensations et j'arrive au point d'eau suivant sous une chaleur accablante en 8 ème position sans me douter que cette partie allait être mon chant du cygne ! Je bois et repars en marchant quelques mètres , m'élance et ... remarche. Merde, j'y arrive plus ...je ne peux plus, je le sens bien. Comment peut on enchaîner aussi vite deux périodes aussi différentes : une d'euphorie et une d'agonie ? Il me reste pourtant plus de 50 bornes ! tout passe dans la tête, les calculs de moyennes à 5 km/h s'effectuent ... je ne suis pas arrivé ! mais je le savais que j'allais souffrir alors il faut maintenant faire avec. Sauf que je vais vraiment doucement, les 5 km/h n'y sont sûrement pas. Alors je décide de m'allonger à l'ombre dans une pinède pour un sommeil ,je l'espère réparateur, d'une demi heure et je somnole en percevant le doux impact narquois des foulées de concurrents à qui il reste encore du jus. Qu'est ce que je fais là ...

 

Couché face à la mer , sous un grand ciel bleu, à l'ombre d'une pinède parfumée ... le paradis .Mais pas aujourd'hui, pas maintenant. Le repos sera pour plus tard, debout et avance; Et je me lève. Aucune impression particulière, pas d’amélioration physique en tout cas mais l'esprit va mieux et a retrouvé la fraicheur nécessaire à la suite de l'aventure. J'aligne à nouveau les pas et je m'élance doucement dans une foulée qui m'a tant fait défaut depuis de longues minutes. Je me lance dans de savants calculs pour estimer le temps qu'il me reste avant Lamor baden et j'arrive finalement plus vite qu'estimé à destination. Dernier gros arrêt,contrôle inopiné du sac par un membre de l'organisation et c'est reparti, je me suis suffisamment reposé dans la pinède. J'apprends que je suis 17 ème en 17 h 36.

Nous repartons a 2 mais mon compagnon lâche prise assez vite. Je cours sur plat , en descente mais marche en côte. Les cuisses sont fatiguées mais tiennent pour l'instant le choc. Que ça dure ... moins de 40 bornes à lutter. La fin du parcours est marqué par une alternance entre sentiers côtiers roulants ,petites corniches en bord de mer et route surchauffé par le soleil de milieu d'après midi.
Une section de quelques centaine de mètres avant Arradon devient horrible. De grosses pierres au milieu du sentier qu'il faut enjamber , escalader. Hors de question de courir . Heureusement, nous sommes récompensé par l'arrivée au ravito ou je retrouve Christian qui avait du me doubler pendant ma petite sieste. Il repart vite et je le suis à distance respectacle. Toujours le même manège : en côte , il prend de l'avance et sur plat je le rattrape.

Nous arrivons finalement assez vite sur le dernier arrêt à 14 kms de l'arrivée. Courir est de plus en plus difficile mais je m'y tiens d'autant que les passages en bord de mer offrent un spectacle magnifique.La plage est bondée, tout comme la corniche et il faut donner de la voix pour se frayer un passage. Dur après tous ces kms parcourus. Pourtant , j'avance, 1 km puis 2 ... ça sent l'écurie et bizarrement c'est là que mes jambes décident de ne plus fonctionner.Un long dialogue intérieur s'instaure avec mes membres inférieurs . Elles ont gagné.Même la vue d'une sirène au seins nus et en string ne m'incite pas à courir ...
Christian me rejoint , s'arrête à côté de moi et marche. Je ne l'avais pas encore vu marcher depuis le départ. Je lui dis que je suis cuit et qu'il n'a pas besoin de m'attendre. Il déclare pourtant ces paroles que je ne suis pas prêt d'oublier : " je vais pas te doubler, je l'ai déjà gagné maintenant je m'en fou du temps ..." C'est tout con et sur le coup ça m'a beaucoup touché. Alors je suis reparti en courant, les cuisses en feu pour ne pas gâcher la fin de notre course. Les quadriceps me brûlent comme jamais, j'ai les mâchoires serrées mais je cours et largue mon ange gardien. Je souffre vraiment comme jamais j'ai pu souffrir en course mais j'avance et atteint le port de Vannes. Passage de la passerelle en marchant, un petit coup d’œil en arrière et j'attends Christian, je lui dois au moins ça. Nous passons la ligne d'arrivée en 23 h 13 et 12 et 13 ème position ( 3 ème sénior !!!). Une accolade , des remerciements, un petit discours,le t-shirt finisher dont j'ai tant rêvé et une avalanche de merveilleux souvenirs.

Je vais bien, j'ai un peu la gerbe mais décide d'aller me coucher dans un coin. Je ne me relèverai pas. La croix rouge s'occupe de mon cas, j'ai perdu 6 kgs sur la course et bu 20 Litres d'eau !
je passerai la soirée à divaguer et les jours suivants dans un état semi comateux .Maintenant ça va mieux . D'ailleurs, on recommence quand !?!

2 commentaires

Commentaire de olafmax posté le 30-06-2011 à 22:41:00

Merci David pour ce beau CR, je t'avais dit que j'attendais ton recit et ben, je suis pas decu !
Et quelle perf ! Bravo !Bravo !

Commentaire de breizhman14 posté le 01-07-2011 à 18:49:45

Merci pour le récit et bravo pour ta perf! Remarquable comme j'ai perçu le parcours à peu près pareil: la 2nde portion sans intérêt, les sentiers pleins de racines, les escaliers, la baie d'auray... ça fait partie des meilleures images, avec l'arrivée aussi bien sur... Encore bravo bravo!!!

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.16 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !