Récit de la course : Grand Raid du Golfe du Morbihan - 177 km 2018, par doudouX

L'auteur : doudouX

La course : Grand Raid du Golfe du Morbihan - 177 km

Date : 29/6/2018

Lieu : Vannes (Morbihan)

Affichage : 3015 vues

Distance : 177km

Matos : Mizuno Wave Inspire
Sac Olmo 8L Raidlight.

Objectif : Terminer

5 commentaires

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Un si long chemin

1° Un drôle de projet

En décembre 2016, je m’étais lancé dans la course SaintéLyon… tout cela c’était fini dans un temps et une souffrance très raisonnable.

Ayant surement un côté un tantinet maso, je ressentais depuis quelques temps l’envie de m’embarquer dans une autre aventure du même genre. Mais plus dur pour voir ce que j’avais vraiment au fond de moi. Un peu un « vie ma vie de 50 nuances de Grey en mode Runner 2.0».

Alors faire l’Ultra Marin semblait un bon compromis pour se faire bien mal sans avoir à sortir le fouet et autres articles en vente dans le quartier du Moulin Rouge.

Je me suis donc préparé raisonnablement, pendant 3 mois tout en enrichissant mon ostéo qui m’a déniché une petite hernie discale en mars. La famille a vécu au rythme de mes blessures successives (un mauvais replay de la SaintéLyon).

Vendredi, c’est donc le grand jour. Départ de Palaiseau le matin avec un ami (JB, le même qui a fait la SaintéLyon avec moi) et Delphine mon épouse qui avait accepté de me suivre tout au long du we comme « accompagnante » au fur et à mesure des ravitos. Et mine de rien, ce  soutien direct a été c’est déterminant.

Le départ de la course était à 18h, il fait déjà 30°. On n’en menait vraiment pas large. Gros stress, inquiétude au moment de se lancer dans une aventure assurément marquante. Delphine n’en menait pas large non plus. Beaucoup d’émotion.

Top départ ….

2) la course

JB me lâche au bout de 6km le méchant. Mes 8km/h sont trop lents pour môsieur. En fait c’était prévu à l’avance.

A part le fameux passage dans l’eau à marée haute plein de pierres et un tantinet stressant (on ne voyait pas le fond), la route se déroule à peu près bien et tranquillement jusqu’à la nuit (déjà 4h30 de route). A noter qu’au 1er ravitaillement, ma femme me fait la surprise d’être là. Elle était censé me récupérer au matin. Je suis témoin alors du coucher de soleil sur le golfe et du lever de lune, qui est de couleur orange .Tout le long, les paysages seront absolument superbes et les copains très sympas. Pleins de rencontres. En gros, on fait quelques km de circonstances avec un coureur qu’on rattrape et la conversation commence naturellement. Un truc impossible à faire dans la rue… où même en s’entrainant. Là, on est tous dans la même galère.

Et c’est partie pour une nuit blanche. J’essaie d’avancer un maximum « à la fraiche » - j’avais en tête une phrase du film « Alvin et la chipmunks », sommet absolu du 7eme art : « tu te reposeras quand tu seras mort ». Je tiens relativement bien le choc. A noter un gros coup de moins bien vers 4h du matin au ravitaillement du 67eme km. Cuisses en feu, j’ai commencé à avoir froid. Décision de repartir tout de suite, d’autant que cet arrêt était une vraie cour de miracles avec des dizaines de coureurs couchés sur l’herbe pour essayer de se reposer un peu. Un doliprane et quelques km plus tard, j’étais de nouveau dans un état satisfaisant voire euphorique. Marcher et un peu courir comme ça, de nuit, c’est particulier comme ambiance et j’aime beaucoup. L’ambiance du matin aussi, lorsque la nuit est encore présente mais qu’on commence à entendre le chant des oiseaux. Je n’ai pas de souci de fatigue particulier.

A 5h du matin, mon ami JB m’envoie un message, il est déjà arrivé à l’embarcadère. Il a déjà 10 km d’avance (une vraie machine). J’assiste alors au lever de soleil sur le golfe. Toujours aussi merveilleux. Je fais alors la route avec un autre coureur qui bosse à l’ambassade France à Washington et qui est en charge des achats de vins et spiritueux. On trace ensemble la route jusqu’au bateau. Suit alors 15 mn de traversée en zodiac.

Je suis submergé de messages d’encouragement de la famille et d’amis de toute part et ça fait un bien fou. J’ai aussi été supporté toute la nuit par ma belle sœur qui bossait de nuit. En effet, Delphine avait prévu ami et famille que les encouragements seraient les bienvenues. Super surprise, d’autant plus que certains messages proviennent de personnes totalement improbables.

J’ai hâte d’arriver à Arzon (86 km et déjà 15h de passées), il y a un gros ravito avec Delphine qui m’attend, des douches, des lits de camps et un sac de rechange déposé exprès (contenant un change complet, un short compressif bien utile pour mes cuisses et des chaussures de rechange). Je prévois d’y rester 1h en dormant 30 mn. Un îlot de paradis est en vue…

Donc donc donc, je sors du bateau, je ne tombe pas à l’eau et je progresse vers le paradis qui est à 6 km… trop fastoche. Sauf que Delphine n’est pas là, aïe. « Allo, je suis à Port Nèze – mince c’est l’étape d’après – attend j’arrive »

Mais là, c’est le drame… je vais chercher mon sac et l’organisation ne le trouve pas. On m’annonce qu’il y en a d’autres dans le même cas. Ils semblent n’en avoir rien à faire, aucune empathie. En gros, ce n’est bien pas grave. J’ai juste une nuit blanche et 86 km dans les pattes, je suis cuit, je ne peux pas me battre avec eux, et là, je m’écroule, j’en aurais pleuré. En 2 mn je passe du jardin d’Eden à l’enfer sur terre. Un peu hard sur le coup.

Mais à ce moment, Zorro – Delphine – est arrivé. Elle s’engage alors dans un bras de fer avec l’organisation que je ne soulignerais jamais assez. Elle se bat pendant ½ heure, remue ciel et terre pour que finalement le responsable lui dise que le sac est peut être dans le camion qui ramène les sacs de ceux qui ont abandonné avant. « Mais il va bientôt partir, on ne va pas aller regarder » (ben non… votre mari a payé pour avoir mal non ?). Comportement à relativiser car en général, les bénévoles étaient exemplaires. Notamment quand il faut rester une nuit entière sur une route à faire la circulation tout seul.

Mais une personne témoin de tout cela monte alors d’autorité dans le camion, fouille celui-ci et… retrouve le sac. Alléluia … Reste le stress d’imaginer avoir été déclassé. Non, ça c’est bon, j’ai encore le droit de m’amuser avec tous mes nouveaux amis – enfin ceux qui reste.

Suite à cela, je me repose comme prévu, puis passage entre les mains d’une podologue. Malgré une petite ampoule, elle me dit « je n’ai jamais vu de si beau pied après 86 km ». J’ai quand même le droit au traitement à l’eosine. Un truc génial pour maso en manque !!!

Mode d’emploi : 1) vous plantez un seringue dans l’ampoule / 2) vous videz la dite ampoule / 3) vous remplissez alors l’ampoule avec de l’eosine… et alors… mmmmhhh…et ben les témoins – dont Delphine - ont l’impression d’être dans une salle d’accouchement « respirez bien fort monsieur, ça va piquer ». Et vraiment, ça pique. Je mordais ma serviette. On était 3 mecs l’un à côté de l’autre avec une autre participante qui passe à côté en disant « ça veut faire de l’ultra et ça fait se chochotte ».

Pendant ce temps, Delphine croise son collègue responsable du contrôle de gestion, à poil avec des strappes sur les têtons… ça casse un mythe (ceci dit il est allé au bout en 41h15…. respect man).

Tout ça cumulé, j’y reste 2h30 au lieu d’1h, il est 11h30 du matin. Dehors, le couvercle est installé sur la cocotte minute, il fait 32°, temps idéal pour inconscient notoire. A ce moment là, je ne me concentre que sur le ravito suivant et Delphine qui y sera. Sans trop penser qu’il doit rester 90 km et une nuit de plus si tout va bien … ou mal. A voir ce que vous préférez.

J’avance alors cahin caha sur 30 km, environ 6h (3 fois 10 km dans ma logique) – 5 km/h, c’est encore pas mal. Comme la plupart de mes potes morts-vivants, j’arrive à trouver un coin d’ombre au bord de la route, je me couche dans l’herbe et je meurs… euhhh je dors ¼ d’heure. J’avais alors l’impression de participer à une procession de Zombies en basket. Mais en vrai, on discute, on s’encourage, on admire le paysage toujours aussi beau. Une belle aventure – c’est difficile comme ça à s’en rendre compte en lisant mais vraiment, c’est super chouette.

J’arrive à Sarzeau (km 120 et beaucoup trop d’heures). J’ai 2 ampoules à l’avant de chaque extrémités. Re-séance de podologue mais pour 4 ampoules… soit 4 accouchements successifs sans péridurale  :O) . Et comme il fait chaud je préfère dormir dehors, erreur, je suis dévoré par les moustiques. Il faut dire que ça manquait dans l’ensemble du tableau ces petites bestioles. Il reste alors 55 km (en gros au moins 12h de bonheur total). Prochaine étape dans 15 km, ce qui représente alors une véritable montagne.

Et ben j’avance encore, mais chaque pas commence à être un peu dur. Je pensais que la douleur des ampoules passerait avec le traitement. Que neni. Au bout d’environ 7 km supplémentaires (130 au total – 28h), je me ré-allonge pour dormir. Nouvelle attaque de moustique. Je ne tiens pas 10mn. Et là, après 100 mètres, c’est trop douloureux, je décide de mettre fin à tout ça. Je suis tout bonnement incapable de faire 50 km comme ça.

 J’ai une seule image qui me vient à l’esprit : Palaiseau - Neauphle le château, 33 km (je l’ai fait durant la préparation). Avec mes douleurs aux pieds, juste pas possible. Il est 22h15. En marche depuis 28h et 130 km. J’ai trouvé ce que je cherchais. La distance parcourue me convient. On arrête les frais et on est content de soit. Une concurrente passe, s’inquiète pour moi. Elle m’encourage à continuer, que je vais regretter sitôt en voiture.  Finalement non, je n’aurais pas pu y arriver. J’ignore alors que déjà quasiment 50% des concurrents ont baissé pavillon.

J’ai alors la chance d’assister de nouveau au coucher du soleil. Belle image pour un baisser de rideau. En parallèle,  mon ami JB est arrivé à 23h30… une vraie machine. Il a eut des ampoules en même temps que moi mais il lui restait 25 km à faire… ceci dit il a encore couru.

Conclusion

Une belle aventure à coup sûr, partagée en couple. Delphine a fait un travail extraordinaire et selon ses dires, elle ne regrette absolument pas d’être venue. Elle a également bien rempli le sac à émotion. Elle pourrait faire aussi son récit avec une vision extérieure. A noter qu’à un moment elle m’a même conseillé devant tout le monde de faire la route avec une très jolie blonde très sympa, c’était rigolo. J’aurais du l’écouter (j’étais vraiment dans un état second je me rend compte maintenant), son allure était plus raisonnable que la mienne et ça m’aurait évité de marcher tout seul ; on gamberge trop par moment.

Donc pour conclure ce long récit. Une très très belle aventure. Une belle quête de soi même. Et même si je ne suis pas arrivé au bout, non je ne regrette rien, comme dirait l’autre.

Et je réalise que bien caché au fond de moi-même, les 130 km devaient être inscrit avec mention « très honorable » (pour nos camarades bacheliers). Le corps et la tête ont alors déclaré forfait ensemble. Genre, « tu es bien gentil mais maintenant, tu t’es démontré que t’es un warrior alors tu serais bien brave de nous laisser revenir à une vie normale ».

Bref, je suis un homme heureux et satisfait.

Est-ce que je prendrais un jour ma revanche (si revanche il y a), je ne sais pas, c’est probable. Du moins pas tout seul, avec un rythme plus raisonnable et en changeant de chaussette plus souvent.

5 commentaires

Commentaire de neofoxy posté le 05-07-2018 à 15:56:16

Hello, bravo à toi même si tu n'as pas fini.
Je tiens à préciser pour le traitement éosine:
On vide en partie l'ampoule et déjà on sent une douleur et on se fait réinjecter le liquide mélangé à de l'éosine. Dans le cas d'une grosse ampoule, ils le font plusieurs fois sur la même.
A l'arrivée, je n'ai pas vu une seule personne ne pas douiller de ce traitement...

Je confirme que ne pas être seul aide quand ça devient dur mentalement.

Commentaire de arnauddetroyes posté le 08-07-2018 à 10:03:59

L idée d aller chercher ses limites ou de s en rapprocher donne déjà une bonne raison de relever ce défi;bravo de l avoir tenter et raconter ...

Commentaire de Chti Jef posté le 08-07-2018 à 22:38:16

Bravo d'avoir déjà fait autant. J'étais également sur la ligne de départ et j'ai eu la chance d'aller au bout. J'ai subi l'orage et les trombes d'eau ( vers Sené ) puis les moustiques à 6H du mat; tu as raison une horreur de passer ces patures marécageuses bondées de moustiques. Franchement c'était vraiment hard et certains ravito étaient plus que moyen.

Commentaire de Chti Jef posté le 08-07-2018 à 22:38:58

Bravo d'avoir déjà fait autant. J'étais également sur la ligne de départ et j'ai eu la chance d'aller au bout. J'ai subi l'orage et les trombes d'eau ( vers Sené ) puis les moustiques à 6H du mat; tu as raison une horreur de passer ces patures marécageuses bondées de moustiques. Franchement c'était vraiment hard et certains ravito étaient plus que moyen.

Commentaire de doudouX posté le 09-07-2018 à 09:44:20

Merci à tous pour vos commentaires. Tout ça pour dire, il pointe déjà en moi un goût de reviens y !!!! Je vais pas m'avouer vaincu si facilement !!! Non mais.
Par contre, quand on dit qu'il faut 2 à 3 semaines pour s'en remettre, je suis d'accord. J'ai passé le we à me reposer.

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