Récit de la course : Trail d'Ecouves et du Pays d'Alençon - 61 km 2013, par Eric VOLAT

L'auteur : Eric VOLAT

La course : Trail d'Ecouves et du Pays d'Alençon - 61 km

Date : 2/6/2013

Lieu : Radon (Orne)

Affichage : 1740 vues

Distance : 61km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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TRAIL D’ÉCOUVES – 61KM ; 1478M DE D+ ET 1478M DE D-

Le trail d’Écouves est la 4éme étape de ma préparation pour le Grand Trail de Stevenson. Situé 1 mois et demi avant l’objectif majeur de ma fin de saison, ce sera également le dernier trail long. Depuis le 28 avril, j’ai enchaîné un trail montagnard. Couru dans la pluie et la neige sous des bourrasques de vent à rendre les Lodévoises fidèles. Les terrasses du Lodévois est probablement le trail le plus technique que je n’ai jamais couru. 51km ; 2356m de D+ ; 2509m de D- (Certains passages dépassant les 100% - Autrement dit vous ascensionnez plus que ce que vous vous déplacez) en 10h10mn. Deux semaines plus tard, je retrouvai Fanny et les CLM pour un maratrail festif off organisé pour fêter les 10 ans de Courir Le Monde, sous le soleil biterrois mais cette fois ci ce sont les biterroises que le vent rendit fidèles. J’en profitais pour clôturer ma quatrième décennie. 48h de fêtes, de ripailles, de danses mais aussi 6h32mn dont 2h30mn de remplissage de panses le long du canal du midi pour 45km (80m de D+ et 80m de D-) de bonheur. Un anniversaire mémorable orchestré de main de maître par nos amis Tony et Valérie respectivement El Palméro et la Palmera de CLM. 15 jours plus tard, je rendais visite à Nadine et Gygy pour un Week-End Trail à Roscoff. Une succession de 3 courses marines en deux jours idéalement placé pour envisager les grands ultras de l’été. Le « Prologue » de 17km (108m de D+ ; 101m de D-) et le « Nocturne » de 12km (32m de D+ ; 32m de D-) étaient passés sans encombre respectivement en 1h29mn et 1h. Des soucis et préoccupations personnels me faisaient passés une très mauvaise nuit et c’est seulement après 1h de sommeil que je me présentais à la « Spéciale » les jambes lourdes, le corps et l’âme douloureux. Autant dire que malgré l’environnement magnifique, je n’avais pas vraiment la tête à courir. 2h37mn pour 25km – officiellement 27km -  (204m de D+, 201m de D-) sur un trail très roulant, il n’y a pas de quoi pavoisé. Il n’y a que notre sport ou l’on puisse enchaîner en 1 mois et demi autant de diversité…

À vrai dire, j’ai hésité longtemps entre ce trail et une de mes courses fétiches, la « transbaie ». Mais la transbaie ne rentrait pas dans le profil de ma préparation. Trop festive, trop de monde, trop courte, trop intense et ne présentant pas assez de moment où l’on se retrouve seul avec sa solitude.

Autres arguments, je serai hébergé chez ma Françou, une camarade de luttes de plus de 20 ans et je reverrais mon amie Estelle qui assurera peut-être ma logistique sur le GTS et pourrait être ma partenaire vélo sur les 100km de Sologne.

Quoi qu’il en soit, mon histoire commence le samedi matin sur le parking d’une jardinerie d’Évreux ou je venais d’acheter des fleurs pour mes amies. Alors que je m’apprête à charger la voiture, un jeune labrador me saute dessus et semble m’inviter à jouer avec lui. La laisse qui pend à son collier laisse à penser que ce jeune monsieur s’est libéré de son entrave, ce qui me le rend immédiatement sympathique. Je trouve un bâton et nous jouons donc comme des gamins que nous sommes. Quelques minutes après, une jeune et jolie femme semble affolée à la sortie du magasin et appelle autant qu’elle le peut « Lumen »… Je prends donc Lumen dans mes bras, qui en profite pour me faire un baiser langoureux et présente l’objet de sa recherche à la demoiselle en détresse qui, après d’affectueuses retrouvailles me demande si je peux encore jouer 5mn avec Lumen. Trop heureux de profiter encore un peu de mon nouvel ami, j’accepte. Peu de temps après, la jeune femme ressort. Lumen et moi profitons de ce moment pour jouer un peu à ses dépens. Elle finit cependant par reprendre possession de son animal et m’offre un très joli bouquet de fleur avant de monter dans une voiture et de me laisser à mon triste sort. Sur le bouquet de fleur, un numéro de portable. Elle n’est pas belle la vie… Deuxième fois qu’une jeune femme m’offre des fleurs. La première c’était Debbie lors du marathon de Paris 2009 ou j’accompagnais VéroCavalaire (voir le CR de l’époque), l’une de mes plus belles courses. Serait-ce le présage d’un merveilleux week-end ? Dans tous les cas, mon égo fait le fier et le moral est au beau fixe !

Je pars d’Évreux vers 15h et j’arrive à Radon 1h45mn plus tard. Je regarde l’arrivée du Vétathlon puis à 17h, je suis dans les premiers à prendre mon dossard. Je fais un petit tour dans le village trail et me dis qu’heureusement que je ne compte pas gagner… Le podium est décidément trop haut et je n’aurais jamais eu le courage, après 61km de course, d’escalader la première marche. Direction Mont Saint Jean ou Françou et Estelle m’attendent pour un repas succulent et de circonstance. Françoise a mis les plats dans les grands. Entrée de fabuleuses tomates farcies aux rillettes locales, des spaghettis carbonara dont la crème a été remplacée par de la tomate, parfait et en dessert un riz au lait maison que mes papilles réclament encore. 22h au lit, contrairement à Roscoff, je m’endors aussitôt pour me réveiller avec le soleil vers 5h30mn. Petit déjeuner Sportdej, Gâteau Sport au citron et le reste du riz au lait, mes stokes de glycogène sont remplis, toilette puis j’enfile mon habit du parfait petit trailleur. Je serais tout noir cette fois ci. Dans mon sac de 5l, en plus du matériel obligatoire en trail, je glisse un coupe-vent et une polaire légère. J’ai préféré deux bidons de 0,8l, plus facile à remplir qu’une poche à eau. 6h30mn, je pars pour Radon ou j’arriverais 30mn plus tard. Mon téléphone vibre, c’est un petit message de Fanny mais sans mes lunettes, je ne parviens pas à le lire. Je décide donc de l’appeler…

7h30mn, une demi-heure avant le départ, comme à mon habitude, je dois aller aux toilettes. Je viens à peine de m’accroupir que l’on tambourine à la porte et que l’on me houspille parce que je serais trop long. Je décide donc de laisser ma place à ce bénévole si pressé de partir occuper son poste. 5mn se passe, la place se libère, je me réinstalle et pan ! Même scénario… Bienvenue dans ce lieu de quiétude et de relaxation ! Cette fois ci, je continuerai cependant à déposer mon offrande préférant tout de même le faire en ce lieux plutôt qu’ensemencer mon nouveau terrain de jeux. Après ce petit intermède finalement plus drôle maintenant que lorsque je l’ai vécu, je me retrouve sur la ligne de départ. Nous serions 133…

8h, le départ est donné. Un petit tour du champ ou nous saluons un public finalement assez nombreux et nous rentrons dans la forêt par un chemin pentu et déjà gadouilleux. Je ne sens pas de bonnes sensations, malgré la semaine de repos que je me suis accordé après Roscoff to Roscoff et comme en ce moment, j’ai des idées noires plein la tête, je ne suis pas trop à ce que je fais. Je décide donc de me tenir à l’allure basse du plan. Selon mes prévisions, je devrais parcourir les 61km entre 7h29mn et 8h39mn. La procession avance sur un chemin resserré, et malgré la relative étroitesse, je me fais doubler de toutes parts. Juste devant moi, un gars se prend une racine et tombe. Je ne sais pas encore comment j’ai fait pour l’éviter et pas le piétiner. Cela a le mérite de m’obliger à me concentrer. Oh ! Je ne vais pas plus vite pour autant et les sensations ne sont pas encore là mais au moins, je commence à entrer dans la course. Il faut dire que plus encore que la montagne, la forêt est mon terrain de jeux. Je connais comment appréhender ses difficultés et je parviens bien à décrypter ses pièges. Je sais parfaitement contrôler ma foulée pour la rendre sûre et m’amener sur la meilleure trajectoire. Les kilomètres passent, trop lentement à mon goût, je ne suis pas encore seul mais le peloton c’est bien étalé et les places semblent se figer. De nombreux ruisseaux inondent les chemins. Oh ! Ils ne compliquent pas beaucoup la course mais ils me ralentissent encore. Les guêtres empêchent la terre et la boue (parfois jusqu’à mi mollets et qui sera une constance de cette course) de rentrer dans les chaussures et l’eau rafraîchit un peu les pieds. Je passe le Bézier sans m’en apercevoir.  Une longue et belle descente roulante comme je les aime et j’attaque une belle et courte grimpette pour arriver au parc animalier du bois d’Aché. À peine le temps de saluer les lamas qu’il me faut déjà en sortir. C’était pourtant bien agréable de gambadé sur un gazon presqu’à l’Anglaise et surtout de profiter du beau soleil bas normand pour me chauffer les épaules. Pas loin de 14 km et 1h26mn et je n’ai toujours pas de bonnes sensations… Je longe un court instant la lisière nord de la forêt et profite d’un joli point de vue sur la région de Sées. Difficile de penser que cette ville de 4500 habitants est une sous-préfecture et le siège d’un évêché. Elle possède à ce titre une très belle cathédrale et n’a que très peu souffert de la seconde guerre mondiale puisque assez éloigné des voies de communication. Le chemin nous ramène bientôt vers le cœur de la forêt. Je suis maintenant seul avec mes mauvaises sensations. Le chemin est roulant et comme je n’ai rien du coureur supersonique, je profite pour observer mon environnement et quelle n’est pas ma surprise d’apercevoir sous les fougères encore naines, 3 petits renardeaux qui s’ébattent joyeusement. Je me pose pour les observer. Cela n’a pas l’air de les déranger… « Mais que faîtes-vous là vous ! À cette heure vous devriez être au terrier, petits inconscients. Bon, je suppose que maman n’est pas loin et que la maison doit être cachée à deux pas »… Voilà que je parle à des Renards moi, je ne vais pas mieux… Je me décide à repartir. Il y a parfois dans une course un petit moment magique qui redonne un sens à notre présence. Je repars sourire aux lèvres et l’envie d’abandonner qui m’a un court instant traversé l’esprit c’est éloigné. Je ne suis pas mieux mais je sais à nouveau pourquoi notre sport est beau ! J’ai lu qu’il fallait moins se préoccuper de ce que l’on a pour mieux se concentrer sur ce que l’on est. Je ne sais pas pourquoi, mais la magie de l’instant me permet d’y songer. Je suis là, je l’ai choisi, je n’ai mal nulle part et je vis ce que nombres de personnes ne vivront jamais… Au diable tes états d’âme Eric, tes sensations, tu t’assois dessus. C’est la tête qui commande, tu te dois d’avancer et y prendre un maximum de plaisir. Je m’approche doucement du premier ravitaillement, ça tombe bien, j’ai déjà avalé 3 gels et mes deux gourdes sont presque vides. La verrerie du Gast apparait au détour du chemin, je me pose pas loin de 15mn. Presque 27km au compteur et 3h de course. Je sais que la course va se durcir un peu avec l’ascension du Signal d’Écouves qui est le point culminant (413m) de la Normandie mais aussi du massif armoricain qui ne se limite pas à la Bretagne. Je repars donc pour un long parcours en montagne Russe. Curieusement, je ressens un mieux… Je ne pense pas que j’irais plus vite mais je crois que je vais être en mesure de maintenir mon allure et ainsi pouvoir conclure en 8h, ce que je n’osais même pas espérer quelques dizaines de minutes avant. Je suis à nouveau seul, et pour le moment, je dois bien convenir que ça me convient… Le signal est passé sans que je m’en sois aperçu. Ce que je vois par contre, c’est ce chevreuil qui me coupe la route alors que je venais sur sa droite… A là là ! La maréchaussée n’est jamais présente là où on en a besoin. Bizarre, la sacoche que j’ai sur le ventre ne ballotte plus… Un coup d’œil ! Et pour cause, elle n’est plus là… Demi-tour ! Ouf, je n’ai pas loin à remonter, elle se trouve sur le chemin, l’attache est déchirée mais heureusement le rouge se voit bien sur le chemin de terre assez large à ce moment. Trois coureurs profitent de mon arrêt pour me passer. Je glisse la sacoche dans mon sac et je repars. Voici la cheminée du Mustang, un court passage d’escalade qui ferait presque du bien et un joli point de vue sur la forêt. Je sais que le ravitaillement suivant viendra vite, alors je me désaltère abondamment et avale un gel supplémentaire. 40ème kilomètre, le ravitaillement se situe pas très loin du chêne au Verdier. Je remplie les gourdes, m’inquiète de mon classement… 79 coureurs sont déjà passés. Je repars avec un coureur, grimpons un petit raidillon sur près d’un kilomètre. Mon acolyte prépare le grand raid du Morbihan mais il se plaint de son genou… Pour une fois, je voyage léger et je ne peux donc rien lui proposer pour le soulager. Dans la longue descente qui suit, il me dit que ça ira et que je ne m’inquiète pas de lui. Sa compagnie m’a fait du bien et je ressens une énergie nouvelle qui me pousse à accélérer d’autant que descendre, ben ça me connait ! Autre élément à prendre en compte, nous croisons maintenant de nombreux randonneurs. Et moi, lorsque je cours en public, ben je fais le kéké, plus de douleur, lorsque l’on me dit courage, je réponds que ce n’est pas du courage mais du plaisir et lorsque je vois de jolies demoiselles, ben je quémande le rituel bisou salvateur. Bref les kilomètres passent et je double beaucoup de concurrents (peut-être même les plus courageux du 35km). Les étangs de Fontenay à main droite, je continue à dérouler. Les randonneurs sont nombreux maintenant, et peu devant moi, alors que j’arrive au rocher du Vignage, un groupe qui se rapproche à toute vitesse. Je crie « Milieu » pour annoncer mon passage, généralement le groupe s’écarte mais là que nenni, ne m’ont-ils pas entendu ? Toujours est-il que je suis obligé de viser les fougères qui manquent de me faire tomber. J’entends derrière moi, le groupe qui s’excuse… Je cris « pas grave, pas mal », repartant de plus belle sous l’effet coup de fouet des ronces et des fougères. Je zappe le dernier ravitaillement et entame la dernière montée. Je décide de marcher pour pouvoir tout donner sur la fin car je devine un public nombreux et qui dit public, dit un Riquet euh ! Comment dire ? Survolté ! Une petite descente, et un court raidillon que je grimpe en courant (ben oui, obligé, il y avait du monde qui nous encourageait) et je plonge sur les étangs de Radon. 3 coureurs sont devant moi, je décide de tout faire pour les rattraper, je mange le premier peu avant de rentrer dans le près du village trail, j’accélère encore, j’effectue les 300 derniers mètres à près de 15km/h mais je ne parviens pas à rattraper mes deux prédécesseurs. Je passe la ligne en grimaçant, je crois bien que j’ai donné tout ce qui me restait… 7h28mn51s. Je n’en reviens pas, mieux que ma meilleure prévision. Je cherche Estelle mais elle n’est pas encore arrivée, je prends mon maillot finisher. J’ai faim… J’appelle Estelle, elle est sur la route et ne devrait pas tarder. J’appelle Cécile et Fanny, heureux de partager mon aventure avec mes amis… Vivement dans 15 jours…

7 commentaires

Commentaire de Mustang posté le 10-06-2013 à 12:14:44

Récit qui transcrit bien ton plaisir de courir. Heureux que tu aies eu bonheur à courir en Ecouvie.


(Roscoff est une bien belle épreuve!)

Commentaire de Eric VOLAT posté le 10-06-2013 à 22:11:06

Mon plaisir qui est aussi le tien Mustang, j'ai d'ailleurs été surpris de m'apercevoir dans tes photos de Roscoff to Roscoff 2011... 2010-2011 et 2012 furent pour moi mes pires années de courses tant les blessures furent nombreuses à cette époque, mais bon qu'est-ce que 2-3 ans sur une vie (38 ans/50) de plaisirs à courir.

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 10-06-2013 à 19:16:35

Sympa ton récit, on revoit bien ces passages bien connus.

Commentaire de Eric VOLAT posté le 10-06-2013 à 22:05:33

Si je suis venu en Alençon, c'est un peu (beaucoup) pour avoir savouré et tes récits et tes photos le Lutins et puis, j'ai beaucoup d'affection pour ta forêt... Il y a longtemps déjà, je l'avais découverte par Alençon-Médavy

Commentaire de Esprit-des-elfes posté le 10-06-2013 à 21:31:11

Extra ton récit, j'ai l'impression d'y être encore !
Voilà le miens si tu veux y jeter un œil:
http://www.esprit-des-elfes.fr/?p=614#more-614

Commentaire de Eric VOLAT posté le 10-06-2013 à 22:02:16

Des Elfes, tu as la magie et l'esprit est plus rapide que la vitesse de la lumière... Une autre vitesse, un autre monde... mais pas tant que ça, l'esprit trail respire dans celui des elfes ! Encore Bravo, pas seulement pour ta victoire mais aussi pour avoir su garder la magie de l'instant...

Commentaire de Esprit-des-elfes posté le 10-06-2013 à 22:08:17

Alors la tu me fait rougir ! Je suis content que tu ressentes l'esprit Trail des Elfes c'est ça qui est bon !

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