Récit de la course : Saintélyon 2010, par zwiling

L'auteur : zwiling

La course : Saintélyon

Date : 5/12/2010

Lieu : St étienne (Loire)

Affichage : 3316 vues

Distance : 69km

Matos : Chaussure Kalendji Kapteren AW. Coupe Vent Quecha. Sac a dos Salomon. Mini guêtre Raidlight. Collant Décathlon

Objectif : Faire un temps

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Saintélyon 2010

Course : SaintéLyon 2010

Date : 05/12/10

 

Samedi 4 Décembre 2010. Les collines qui entourent mon village sont blanches. Un beau soleil brille dans un ciel d’azur. Les couleurs sont belles. L’air est froid et sec. Bref, en fermant les yeux on se croirait aux sports d’hiver.

Pourtant ce n’est pas un slalom spécial qui m’attend ce soir mais bien un course à pied. Du moins, sur le papier ça l’était, lorsque je m’y suis inscrit il y a plusieurs moi déjà. Cette course, c’est la doyenne de la course nature en France, la course la plus courue de l’année dans le Rhône et un passage obligé pour tout ultra marathonien ou trailer qui se respecte : la Saintélyon.

 

La « Sainté » je m’y suis déjà confronté l’an dernier et j’ai vaincu ce rite initiatique en bouclant en 7h40 les 69km qui séparent Saint Etienne de Lyon.

L’an passé jetais humble et craintif devant toutes les difficultés que représente une telle course. La distance tout d’abord (plus d’une fois et demi un marathon), la nuit ensuite (la course part à minuit) et les monts du lyonnais pour finir (1300m de dénivelé positif cumulés pour 1700m de dénivelé négatif cumulé). A ce programme déjà copieux 2 ingrédients particulièrement épicés sont venus s’ajouter en 2010 : le froid et la neige.

 

En effet la température n’est pas passée au dessus de 0 degré depuis 10 jours et de fortes chutes de neiges ont transformés cette semaine la région lyonnaise en une véritable station de sport d’hiver.

 

On aura donc de la neige, c’est un fait. Naïvement je pensais qu’il n’en resterait qu’un peu et que sur les parties de la course qui empruntent des chemins (cela représente la moitié du kilométrage)

En réalité nous courrons 70% du parcours sur la neige et y compris sur de nombreuses portions empruntant la route.

 

1.   L’avant Course

 

Cette année encore, je ne suis pas parti seul dans cette galère. Je suis accompagné de mes habituels compères de Bureau Veritas (David et Roxanne) ainsi que de deux amis (Julien et Eddy). David, a déjà terminé la Saintélyon, c’était en 2008 et Roxanne était au départ avec moi l’an passé mais elle a du abandonné dans la dernière partie pour cause d’hypoglycémie.

Eddy vient de Londres tout spécialement pour passer cette nuit blanche en France et Julien ne pourra finalement pas participer car il est victime depuis quelques semaines du syndrome de l’essuie glace qui, bien qu’il ait un nom pour le moins rigolo, ne fait pas du tout rire les coureurs qui en souffre.

 

Compte tenu de mon emploi du temps de jeune cadre dynamique et de papa modèle, mon niveau d’entrainement n’est pas trop mal cette année. Par rapport à 2008, j’ai effectué moins de kilomètres en septembre et octobre mais en réalisant 2 courses sur route sur lesquels j’ai battu tous mes records de vitesse. En novembre en revanche j’ai couru plus de kilomètre qu’au cours d’aucun autre mois de ma vie auparavant : plus de 200kms en tout.

 

Ce qui me manque, comme d’habitude, ce sont les sorties longues car la majorité de ces kilomètres ont été réalisés lors de séances de 10 ou 11km

 

Malgré la neige et le froid je suis donc beaucoup plus serein que l’an passé car je sais que je n’aurai pas pu m’entrainer plus et surtout je sais désormais que j’ai la distance dans les jambes. Je sors de ma plus grosse saison de trail de ma carrière (cette sainté sera ma 4ème course de plus de 40km de l’année) et j’aurai également fait 3 courses de 20km et une de 15. Je connais le parcours, je suis mieux équipé (mon petit sac Salomon est plus beaucoup léger que le fidèle sac Décathlon qui m’a accompagné ces dernières années). De plus je sais mieux gérer mon alimentation et ma consommation d’eau.

 

Pour faire le plein de sucre lents, cela fait 3 jours que je sirote du malto, boisson riche en sucre lent et qui permet de faire le plein sans  se goinfrer de pates à tous les repas. Depuis que j’ai découvert cette boisson, je suis devenu un adepte et la mère Lustucru à beau me répéter qu’elle a les mêmes à la maison (de sucre lents), je n’y reviendrai pas ;o)

 

Même si je suis plus serein qu’en 2009, je n’ai pas résisté au classique achat impulsif de dernière minute et 2 jours avant la course je me suis acheté une nouvelle poche à eau avec un tube protégé par du néoprène pour éviter que l’eau n’y gèle.

 

Samedi, après une dernière sieste, j’embrasse ma femme et mes enfants, et je file vers Gerland pour y garer la papamobile et y retrouver Roxanne qui me ramène chez elle.

 

On passe prendre David chez lui à Brignais et on va chez Roxanne pour diner. Au menu ce sont … des pates bien sur !

 

On s’habille ensuite bien au chaud, c’est beaucoup plus sympa que de le faire dans le hall de départ au milieu de l’agitation (c’est ce que j’avais du faire l’an passé). Me pensant plus fort que le vent du nord, je tente de ne mettre que mon T-shirt manche longues sous le coupe vent. Je mets ma mini polaire dans mon sac pour pouvoir me changer si jamais une vague de faiblesse me submerge avant le départ.

Puis Vincent, le mari de Roxanne, nous emmène très gentiment à saint Etienne. La encore, c’est beaucoup plus agréable que le train. C’est année décidément, c’est grand luxe !

 

Nous voici arrivés au parc des expositions de Saint Etienne. L’an passé les organisateurs de la course n’avaient réservé qu’un seul hall sur les 2 et le deuxième était occupé par un concours bovin. Cette année les 2 halls sont réservés par la Saintélyon et les bêtes à cornes ont été remplacées par des bêtes en collants. Offrir plus de place à toutes les personnes qui arrivent longtemps à l’avance et passent toute la soirée dans le hall de départ, c’était effectivement une bonne idée.

Malheureusement les nouveautés 2010 ne s’arrêtent pas là et l’organisation a aussi décidé de changer le système des dossards pour remplacer les nombreuses files d’attentes par une seule et unique grosse file qui se sépare en différent postes uniquement sur la fin. L’idée est clairement moins bonne car du coup cela créer un goulot d’étranglement et l’on fait la queue presque 45min pour récupérer nos dossards.

 

Après cette longue attente on retrouve Julien et Eddy et on attend avec eux que l’heure du départ s’approche en faisant les derniers préparatifs.

Le froid est intense, il fait moins 7 degrés et je change donc de tactique en remplaçant mon T-shirt manche longue par ma petite polaire de course. Je met également mes gants de vélo au lieu des petits gants de soie. Je mets un Buff autour du le cou, un bandeau sur les oreilles et un autre Buff par-dessus ma grosse tignasse.

J’ai délaissé mes collants Raidlight super légers pour mon vieux collant Décathlon, beaucoup plus lourd et moins technique mais aussi beaucoup plus chaud.

On met ensuite nos sacs dans les bus en partance pour Lyon. Cette fois encore on va essayer d’arriver avant eux mais cette fois encore je doute qu’on y arrive ;o)

 

A cause du froid on attend le dernier moment avant de sortir du Hall et, à en croire le nombre de coureurs encore à l’intérieur, on n’est vraiment pas les seuls à rechigner à affronter la rigueur de cet hiver anticipé. On ne sort dehors que 5min avant le départ et, du coup, on se retrouve très très loin sur la ligne.  On n’entend même pas le speaker ni la musique, dommage.

 

 

2.   La Course

 

On n’entend pas le décompte mais on voit au loin que le début du troupeau s’emballe : C’est parti ! Il nous faudra environ 4 min pour passer sous l’arche de départ.

 

En parlant de chronométrage, et donc de montre, j’avais prévu un super système pour mettre mes temps de passages cibles dans ma toute nouvelle montre GPS, que j’étrenne aujourd’hui. Mais en allumant la montre quelques minutes avant le départ je me rend compte que la synchro n’a pas fonctionné... Tant pis, de toute façon le temps cible de 7h20 que je m’étais fixé il y a longtemps n’est pas tenable avec la neige.

 

On part gentiment car on est « dans le paquet » mais avec David on commence rapidement à zigzaguer car on ne veut pas être trop loin dans le peloton quand on arrivera sur les portions de chemins.

 

Après quelques kilomètres sur le bitume, on distance Roxanne et Eddy et je commence déjà à avoir chaud ! J’enlève donc le Buff que j’ai autour du coup

On continue à serpenter dans la foule et on arrive bientôt sur les chemins. Je profite de la montée de sorbiers, une des dernières sur route, pour changer de gants et mettre remplacer mes gants de vélo, trop chaud, par mes gants de soie. Qui a dit qu’il faisait froid finalement ?

 

On arrive sur le premier chemin où la neige nous attend de pied ferme et plein de mecs s’arrêtent sur les côtés pour…chainer ! En effet, une marque canadienne propose des sortes de petites chaines qui s’adaptent sur les chaussures de marche ou de trail et visiblement beaucoup de coureurs ont investis dans cet accessoire.

 

Moi je n’ai pas de chaines et en plus mes pneus ne sont pas neufs ! J’attaque donc tout droit et la neige est bien là. Il y a même une belle couche de neige assez fraiche. On perd donc un peu d’accroche mais pas trop et c’est plutôt agréable.

Je commence à avoir du mal à suivre David et j’ai envie de soulager une vessie qui n’a visiblement rien écoutée quand j’ai dis que cette année j’arrivais à bien gérer mon hydratation.

Je fais donc une mini pause pipi et ça me fait du bien de m’arrêter 10, 15 secondes. Quand je repars, je vais de mieux en mieux.

 

On arrive sur quelques passages en descente ou il y a une très belle couche de poudreuse dans les champs qui bordent le chemin. Je m’écarte donc un peu et je descend droit dans la « peuf » à grande enjambées. J’ai beaucoup plus d’accroche que sur la neige déjà tassée du chemin et du coup je fais ma trace en doublant tout le monde, quel pied ! Les trails blancs proposés dans les stations de sport d’hiver ça doit être super sympa en fait ;o)

 

Quand la neige et plus travaillée et le terrain est plat ou en montée je reviens sur le chemin et c’est beaucoup plus physique car les appuis sont fuyants. Il devient peu à peu très difficile de doubler mais d’un autre côté j’ai de moins en moins besoin de le faire car je commence à arriver dans la partie du peloton qui coure à mon allure. Je me contente de doubler des paquet de coureurs dans les descentes ou je peux passer sur le côté dans la poudre. Visiblement la plupart de ces personnes doivent rester bien sagement sur les pistes quand elles vont au ski ;o)

 

Je tiens finalement un bon rythme et je rattrape même David qui m’annonce qu’on est toujours dans les temps pour l’objectif de 7h20. Vu la difficulté de progression par rapport à une année normale on va clairement trop vite. Je le sais mais comme d’habitude, je continue sur le même rythme en me disant que ce qui est pris n’est plus à prendre.

Depuis que j’ai commencé la course à pied, je passe systématiquement les secondes parties de course à perdre des places et cette Saintélyon confirmera à nouveau cette règle….

Je sais pertinemment que ce n’est pas la bonne tactique et pourtant, à chaque fois je refais pareil car j’aime trop … doubler. L’orgueil, c’est un péché me direz vous ? Vous avez bien raison et c’est un péché et il me perdra, dans la vie comme sur les stades ;o)

 

Dans les portions de chemins un peu plus larges je finis par doubler un peu plus facilement et je distance un peu David pour passer au ravitaillement de Saint Christo en 1h36, donc quasiment dans les temps pour l’objectif final de 7h20.

Je prend un verre de Redbull, quelques bricoles à manger et comme l’an passé il y a des barres énergétiques d’une marque qui sponsorise la course. Ces barres coutent assez cher dans le commerce donc j’en prend quelques unes que je met dans mon sac et je repars. Je dois être le seul coureur à avoir fini la course avec un sac plus rempli à l’arrivée qu’au départ ;o) Vous aurez compris que mon second plus gros défaut après l’orgueil c’est l’avarice...

 

J’essaye de continuer sur le même rythme mais ça commence à glisser sous les semelles. Globalement cela reste super agréable grâce à l’ambiance féérique dans laquelle on évolue : les « lucioles », la neige, les lumières de la vallée, le ciel face à nous rougie par les lumières de Lyon. On a l’impression que le soleil va se lever tellement c’est lumineux.

J’arrive à Sainte Catherine avec des jambes qui commencent à se durcir. J’y suis en 2h57 donc avec 7 min de retard sur l’objectif. Cela reste néanmoins très très bon comme temps. Inespéré même car ça doit correspondre à mon temps de l’an passé sauf que l’an passé on était partis en queue de peloton et il n’y avait pas de neige.

Je recharge mon Camel back en eau et en produit énergétique mais ca me prend un peu de temps car je galère avec la poudre et surtout je trempe mon sac dans l’eau en voulant remplir la poche à eau.

Je repars donc avec un sac qui goutte. Et de l’eau qui ruissèle le long de votre dos, de vos fesses et de vos jambes quand il fait moins 8, ce n’est pas super top…

 

Un peu plus loin je glisse et je dois mettre la main dans la neige pour me rattraper… avec des gants de soie. Voici donc que ma main aussi est gelée maintenant, au moins comme ça elle est en harmonie avec mes fesses et si je continue à ce rythme je vais virer à la sculpture sur glace ;o)

 

A Sainte Catherine on est à mi parcours et une nouvelle course commence pour moi : Après le rêve, le cauchemar !

Bon j’exagère un peu pour romancer bien sur mais c’est avec des jambes bien dures, trop dures, que je repars de « Sainte Cath’ ». A partir de ce moment, je ne vais cesser de me faire doubler jusqu’à la fin de la course. Je n’arrive plus à courir vite, même dans les descentes et je trottine à 9km/h maximum et beaucoup plus souvent autour de 8

Autre paramètre important : cette année une seconde course a démarré de Sainte Catherine : la Saintéxpress. Cette « mini SaintéLyon » était ouverte à 2000 coureurs et elle a démarrée à minuit.

Je suis actuellement autour de la 700ème place sur la course ‘longue’ donc ça fait environ 2700 coureurs en tout qui ont foulé le parcours avant moi et ça a suffit pour virer la neige par endroit et libérer ainsi  de belles plaques de glaces qui nous tendent les bras sur ces petites routes de campagne.

A partir de Sainte Catherine on a aussi beaucoup plus de bitume que sur la première partie du parcours et cette année, bitume, est synonyme de glace.

On court donc plus lentement, les yeux concentrés sur les pièges de la route, les jambes bien pliées, prêt à tomber à chaque instant, c’est épuisant tant physiquement que psychologiquement.

Mais ça vaut la peine d’être à l’affut car très régulièrement l’un d’entre nous se lance dans des chorégraphie digne de Candelloro au temps de sa splendeur : Tiens un double axel !, oh un triple boucles piqué enchainé avec un double flip !!

J’avais croisé Nelson Montfort sur le X Trail de Courchevel et je crois qu’il aurait vraiment apprécié de commenter cette Saintélyon ;o)

Les juges en revanche ne nous auraient pas mis de super notes car les réceptions laissent à désirer et 1 fois sur 2 ça finit le postérieur à terre et les 4 fers en l’air.

Malgré toutes les précautions que je prend, j’ai moi-même fais quelques belle figures mais l’équilibre que j’ai acquis lors des kilomètres de rollers parcourus pendant mes études m’a permis d’éviter la chute, du moins pour le moment. Jusqu’ici tout va bien comme disait l’autre, mais l’important, ce n’est pas la chute … c’est l’atterrissage !

 

J’arrive à Saint Genoux en 4h13 donc avec 20 min de retard sur l’objectif. Maintenant, mon souhait se résume simplement à finir en moins de 8h.

 

Le parcours descend ensuite très longuement vers soucieux et cette descente est super dure pour mes cuisses douloureuses. Je passe au kilomètre 42, qui est la distance d’un marathon, en 4h50 alors que j’avais mis 4h30 pour attendre ce point l’an dernier.

 

Je continue d’avaler cette (trop) longue descente aussi vite que mes jambes de bois me permettent d’aller.

 

Cela m’amène à Soucieux en Jarrest en 5h12 (au lieu de 4h46 sur mon plan initial). L’écart continue donc logiquement de se creuser.

 

On descend ensuite vers le Garron, petit ruisseau inconnu du grand public mais célèbre parmi les participants de la SaintéLyon car il creuse une petite vallée qui constitue un des points les plus bas (et les plus humides) du parcours. Et qui dit descente dit remontée bien sûr…

Un petit pont extrêmement glissant permet d’enjamber le Garron. Je m’accroche fermement à la rambarde et j’accède au début de la montée où, pour la première fois du parcours, la neige fait place à la boue, beaucoup plus courante sur cette épreuve. Sur les premiers mètres de cette petite montée, je tente de passer sur les côtés, comme la plupart de mes compagnons mais le chemin étant bien creusé, la pente nous fait à nouveau glisser vers le centre. Je finis donc par abandonner et j’avance droit dans le tas…de boue.

 

Ca glisse, c’est froid, et je me dis que finalement, la glace ou la boue c’est bonnet blanc et blanc bonnet ;o)

Mes jambes ne me permettent plus de faire le fanfaron en montée et je marche de plus en plus régulièrement. Ce sont désormais des wagons entiers de coureurs qui me dépassent. Il y a les derniers coureurs de la Saintexpress et les tout meilleurs relais (qui sont partis de saint etienne à 2h du matin) mais l’immense majorité des personnes qui me doublent sont des concurrents directs sur l’épreuve solo du grand parcours de 68km.

 

Nous somme maintenant dans Champonost et, dans une ruelle en descente, un gars pas loin derrière moi fait un beau vol plané avec réception sur le derrière. Il reste allongé par terre, je lui demande si tout va bien et il tarde à répondre. Inquiet,  je m’arrête et je m’apprête à remonter vers lui quand il se relève finalement en serrant les dents et en me faisant signe que c’est OK. Je continue donc ma route en me félicitant d’avoir réussi à éviter les chutes jusqu’à présent. J’ignorais bien sur à ce moment là que j’étais en train de vivre mes dernières kilomètres d’homme « valide » ;o)

 

En effet dans la descente vers les aqueducs romains de Beaunant on passe dans une autre petite ruelle en pente qui mène vers un passage très technique dans un parc avec d’énormes marches datant elle aussi de l’époque romaine. Mais avant même d’arriver à cet obstacle, je me fais avoir par une faute d’inattention.

La ruelle précédente était plutôt bien dégagée et j’avais accéléré un peu (si tant est qu’on puisse encore parler d’accélération en regardant ma démarche saccadé d’octogénaire qui a perdu sa canne). J’arrive donc dans cette ruelle avec un peu trop de confiance en mes appuis et je ne ralentis pas assez sur une plaque louche, la sanction est immédiate : je me retrouve sur les fesses, embarqué dans une séance de luge improvisée qui se terminera sur le bas côté 10 mètre plus loin.

 

Le fait d’avoir glissé si longtemps a du amortir un tout petit peu ma chute car je me relève très rapidement mais je reprends ma course à une allure encore plus réduite (surtout que le passage qui arrive est justement le passage dangereux avec les grandes marches) et je comprend, à ce moment là, que je vais devoir finir toute la course avec « le cul en feu » pour parler vulgairement (veuillez m’excuser pour ce niveau de langage inapproprié mais j’avais vraiment trop mal pour rester poli ;o) )

 

J’arrive à Beaunant en 6h48 a lieu de 6h05. L’écart continue donc de se creuser et, maintenant plus que jamais, je ne suis pas en état d’inverser la tendance.

 

Vu le nombre de gens qui m’ont doublé depuis la mi course, je m’étonne de ne toujours pas avoir vu aucuns de mes compagnons. En effet ni David, ni Roxanne, ni Eddy ne m’ont doublé, ou alors je ne les ai pas vus passer. Je me dis qu’ils ont du me passer à un ravitaillement sans que je les vois ou qu’ils sont, eux aussi, en train de se masser le derrière à côté d’une plaque de verglas qui les regarde avec un petit sourire en coin.

 

Je ne m’arrête quasiment pas au ravitaillement qui précède la mythique montée de Ste Foix car je sais que je vais marcher pendant toute cette montée et peut-être encore un peu après. Cette montée propose les % de pente les plus importants du parcours et comme, en plus, elle est située en fin de course, à un moment ou tout le monde est en mode « survie », elle marque durablement les esprits et les mollets.

 

Tout le monde marche dans cette côte mais je me fais quand même doubler par des participants qui marchent plus vite que moi.

 

En haut je me force à recourir, c’est dur dur. Je trottine à peine quand soudain une voix derrière moi m’interpelle « Fabien ? C’est toi ? »

C’est Roxanne qui vient de me rattraper et qui s’étonne de me voir là. Elle pensait que je caracolait beaucoup plus haut dans le classement car elle se rappelait de la belle perf que j’avais réalisée fin juin au marathon du Mont Blanc. Seulement voila, à chaque course les sensations sont différentes est les jambes qu’on m’a livrées aujourd’hui ne sont pas les mêmes que celles qui m’avaient permis de passer sous la barre des 6 heures à Chamonix.

 

Je lui dis que je suis dans le dur et qu’elle ne m’attende pas car je vais la ralentir.

Sympa, elle insiste quand même pour rester un peu avec moi et me pousse à courir plus vite pour la suivre, je m’accroche et petit à petit j’arrive à nouveau à allonger un peu la foulée. On frise même les 10km/h, c’est énorme compte tenu de mon état, ça équivaut à une 2CV qui passe les 130km/h sur l’autoroute ;o)

 

En courant j’avais réalisé que j’avais oublié chez elle mon manteau avec les clefs de ma voiture dans la poche (la même voiture que j’avais justement garé la veille sur le parking de Gerland). Je pensais appeler Roxanne après la course pour qu’elle demande à Vincent de me ramener mon manteau à l’arrivée donc je profite qu’elle soit à côté de moi pour lui en parler.

Du coup elle s’arrête  sur le champ pour appeler Vincent. Je suis gêné de lui faire perdre du temps à cause de mon oubli mais heureusement finalement qu’elle l’a appelé en course car en fait il était sur le point de partir de chez eux. Pendant qu’elle appelle je continue un peu puis je m’arrête pour me rattrape, ce qu’elle fait sans soucis. Elle est en super forme par rapport à moi et aussi par rapport à la majorité des coureurs autour de nous. Je suis vraiment impressionné.

 

Je continue à la suivre mais la rue est à nouveau un petit peu en pente pour atteindre Fourvière et je décroche. Je la laisse filer et doubler à tout va et je reprend mon rythme d’escargot.

Je rentre dans Lyon en 7h22 au lieu de 6h27. Bientôt une heure de retard, si j’étais contrôleur SNCF, je pourrai commencer à préparer les enveloppes de remboursement ;o)

 

Dans la descente ca va un petit peu mieux mais arrivé au niveau de la Saône le parcours emprunte les bords de Saône pour filer jusqu’à Confluence. C’est sympa de nous faire passer par là car c’est un ancien quartier industriel en pleine mutation ou l’on pas trop le droit de passer en temps normal en raison de tous les chantiers encore en cours. Le sud de la presque-Ile est principalement occupé par d’anciennes friches industrielles qui sont actuellement remplacés par des immeubles design et une marina pour bateaux de plaisance, c’est très sympa et même si ce n’est pas fini ça en jette déjà. Ce qui est sympa aussi c’est le vent ! De face bien sur et bien corsé. Je laisserai les bateliers débattre au café du coin sur la force du vent ce matin là mais ça moutonnait sur la Saône et sur le Rhône également.

Les chemins sont à nouveau glacés et il est très fatiguant de courir contre le vent donc je me suis remis à marcher. En faisant cela, je fais un croix sur une arrivée en moins de 8h…

 

Quand on arrive à confluence il y a des vagues qui moutonnent sur le fleuve qui est extrêmement large à cet endroit là. C’est vraiment impressionnant et je fais bien attention de ne pas glisser dans l’eau à cause de la glace sur les berges. Après avoir connu une ambiance très montagnarde sur le haut du parcours, nous voici dans un décor pour le moins marin, face aux embruns et à la « mer » démontée, tout ça à quelques kilomètres de distances, dans la même nuit et en pleine ville : C’est ça aussi la magie de la Saintélyon.

 

On fait demi tour à confluence et on se retrouve donc avec le vent dans le dos, ce qui me permet de recommence à trottiner jusqu’au pont Pasteur. On traverse le pont et nous continuons notre à nouveau les berges mais ce sont désormais celles du Rhône. Et notre copain Eole ne nous a pas oublié, il continue à nous souffler en plein visage. Je tente de courir pour la gloire mais je dois à nouveau me rendre à l’évidence : mes jambes sont trop raides, le sol est trop glissant et il y a trop de vent. Je me remet donc à marcher. Le jour s’est bien levé déjà alors que l’an dernier j’étais encore arrivé de nuit. « Here comes the Sun, and I say it’s all right », on voit bien qu’au lever du soleil, il n’était pas en collant par moins 6 degrés George Harrisson quand il a écrit cette chanson ;o)

 

J’ai droit aux habituels petits rigolos débordant d’optimisme et manquant de pratique qui nous annoncent l’arrivée à 500m alors qu’elle est à 2km…

Mais cette année j’ai ma montre GPS pour vérifier le véritable kilométrage et je m’enflamme moins facilement. Du coup j’ai quand même un petit doute mais c’est malheureusement ma montre qui avait raison.

 

Dans la dernière ligne droite je me remets à trottiner, pour la gloire et la foule en délire qui hurle mon nom ;o). Quand on arrive de nuit, la dernière ligne droit est bordée de flambeaux ce qui confère à cet ultime effort une ambiance bien particulière. L’arrivée de jour est nettement moins sympa mais il y a plus de monde pour applaudir et je me fais encore doubler jusqu’au dernier moment.

 

Je finis par passer la ligne en 8h14 ce qui me place à la 796ème place au général et à la 429ème chez les Séniors Masculins. C’est moins bien qu’en 2009 mais je suis presque plus content que l’an dernier car cette année j’ai vraiment été la chercher avec mes tripes cette Saintélyon. Malgré une condition physique pas optimale et des conditions météorologique très dur, j’ai gardé le cap et je suis allé au bout à la volonté et au mental et pour ça je suis super fier de moi. C’est le charme de ce sport : sur des courses nature si longues qui tiennent autant de l’aventure que de la compétition, on a toujours une bonne raison d’avoir la banane à l’arrivée. Quand ce n’est pas le chrono réalisé, ce sera l’exploit physique ou les paysages ou les rencontres humaines, ou autre chose encore…. ou tout cela à la fois !

 

 

3.   L’après Course

 

Je retrouve Roxanne a l’arrivée. Elle est arrivée 10 min avant moi et David est arrivé un tout petit peu avant 8h. Donc au final on a fait un beau tir groupé.

 

Cette année il n’y a pas de repas d’après course mais un buffet sur l’aire d’arrivée donc je me goinfre tant que possible avant de sortir de l’aire. En effet, une fois sorti on a plus la possibilité d’y retourner ensuite. Vincent nous attend à la sortie de l’aire d’arrivée. Il est venu avec mon manteau et donc avec les clefs de la papamobile ! Merci 1000 fois Vincent car là vraiment, j’avais plus assez de force pour rentrer à pied à la maison ;o)

 

Je laisse Roxanne et Vincent rentrer chez eux pour un repos bien mérité et j’appelle Eddy en pensant qu’il est lui aussi déjà arrivé … mais il ne répond pas. Il doit donc encore être en chemin mais ce n’est pas normal car il est normalement d’un niveau supérieur au mien. J’espère qu’il n’a pas de soucis.

Je récupère mon sac et je me mets ensuite en quête du 3ème meilleur ami du finisher après le T-shirt officiel et la bière : la douche !

Contrairement à l’an passé, ce ne sont pas les douches du palais des sports qui sont utilisées (il n’y avait pas assez d’eau chaude pour tant de monde) mais les douches de la piscine de Gerland. « Juste à côté » me dit-on. Les douches en questions sont en fait de l’autre coté de la rue est assez mal indiquées. Je finis quand même par les trouver en suivant un troupeau de coureurs boiteux. Elles ne sont pas froides mais pas super chaudes non plus. Tant pis ! Quand on a pu résister à 68km sur la neige par moins 7 degrés, ce n’est pas une douche vaguement fraiche qui va nous arrêter.

Dans le vestiaire on discute tous ensemble en se racontant notre course. C’est ça aussi la magie de ce sport : les partages d’après course que l’on peut avoir avec des personnes que l’on a jamais vu et que l’on ne reverra jamais mais avec qui on parle comme à des potes de 20 ans car on a partagé avec eux un truc énorme et particulièrement fédérateur. On a le sentiment de faire partie d’une même tribu, une tribu incomprise par le reste du monde. Et cette course, cette aventure que l’on a en commun, on ne peut difficilement en parler avec notre entourage, nos collèges car c’est un effort inimaginable pour eux. Donc dans cette tribu des « finishers » on a finalement tous un secret en commun, ce secret c’est tout ce qu’on a vécu cette nuit. Only Truths know.

 

Cette Saintélyon aura fini d’achever mes vieilles baskets rouges kalendji que j’avais acheté tout spécialement pour l’édition 2009 donc je ne prends même pas la peine de les ramener à la maison et je les jette dans une grande poubelle au milieu du vestiaire, faisant rires quelques compagnons de route qui me disent : « Ah t’es comme ça toi, une course : une paire !? »

 

En sortant de la piscine je reçois un texto d’Eddy qui vient de finir la course en 9h. Il est cassé et il fait la queue au stand des kinés pour se faire masser.

 

Je reviens donc dans le palais pour au moins lui serrer la main avant de partir mais je galère pour trouver les kinés qui ne sont pas installés dans la même salle que l’an dernier.

Ils sont d’ailleurs installés au dernier étage du palais des sports ce qui est une excellente idée quand on sait que ceux qui ont le plus besoin de leurs soins sont ceux qui arrivent difficilement à marcher et donc, à fortiori, à monter les étages…

 

Je dois d’ailleurs avouer que cette montée des 3étages du palais m’a semblé aussi longue et douloureuse que celle de l’empire state building ;o)

 

Arrivé devant la salle, je vois qu’il est installé sur une table de massage tout au fond dans les mains expertes d’une charmante élève de l’école de kiné de Lyon. J’attends un peu mais elle ne semble pas disposée à le lâcher de sitôt et je m’en vais en lui envoyer un dernier petit texto.

 

Je sors du palais et traverse le parking pour pose mon derrière endolori dans ma petite 107 et je conduis prudemment jusque dans mes collines. Arrivé chez moi, je prend un bref repas et je monte m’allonger pour une longue sieste.

 

Au réveil j’ai le derrière qui brule comme on dit chez ceux qui n’ont pas le courage d’être vulgaires et il finalement se passer presque 3 semaines avant que la douleur ne disparaisse totalement. Les courbatures de mes jambes, quant à elle, vont pourtant disparaitre en 2 jours.

 

Cette édition 2010 restera donc dans les annales par les conditions extrêmes rencontrées cette nuit là et seule une volonté de fer m’a permis de boucler encore une fois la doyenne de l’ultra.

 

L’an prochain je vais lever le pied et je ne devrai donc pas être au départ à Saint Etienne mais il est clair que je reviendrai un jour pour passer la barre des 7h20 et décrocher ainsi la  Sainté D’argent.

6 commentaires

Commentaire de TwoTiVal posté le 17-02-2011 à 11:53:00

Bravo à toi !

Toujours impressionnant de lire vos CR.
Après lecture, c'est étrange ce mélange de sentiments entre l'envie de vivre de telles choses et la crainte justement d'être confronté à ce genre d'évènements :D

Et c'est peut-être ça qui est bon justement ...

Commentaire de totoro posté le 17-02-2011 à 12:23:00

Merci pour ce récit de cette SaintéLyon qui restera dans les mémoires : quelles émotions ! Bravo pour l'avoir fini !

Commentaire de zwiling posté le 17-02-2011 à 14:20:00

Merci à vous.
@TwoTival : Effectivement c'est un des trucs suprenant dans l'utratrail et en cela ça peut se rapprocher de certains sport extremes. Ce qu'on fait n'est pas dangereux mais souvent difficile et plus c'est difficile, plus ça nous attire. Donc ce qu'on cherche dans l'utra finalement c'est aussi un peu à se mettre "en danger" ou tout au moins à se confronter à des choses inhabituelles pour se prouver qu'on peut les surmonter. Et plus l'obstacle est haut, plus la satisfaction qu'on en tire est grande. Y'a pas, on est maso !

Commentaire de Mustang posté le 18-02-2011 à 07:45:00

un récit plein d'émotions pour une course exceptionnelle cette année. Bien d'accord avec toi sur tes conclusions concernant l'esprit de la course et cette fraternité entre coureurs.

Commentaire de Pat'jambes posté le 20-02-2011 à 12:24:00

5you pour ce CR bien instructif. Il viendra le 7h20 :^)

Commentaire de Arclusaz posté le 20-02-2011 à 16:11:00

Très beau CR, c'est bien de s'accrocher quand tout ne se passe pas comme prévu.

J'ai beaucoup aimé ton passage sur la "tribu" : partager ces moment avec des inconnus qu'on a l'impression de connaître depuis 20 ans.
C'est sûr, le sport rapproche les hommes.

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