Récit de la course : La 6000 D 2017, par Runner des Terres Froides

L'auteur : Runner des Terres Froides

La course : La 6000 D

Date : 29/7/2017

Lieu : La Plagne (Savoie)

Affichage : 1736 vues

Distance : 65km

Matos : Camelback + bâtons

Objectif : Se défoncer

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La 6000 D, « Course des Géants », Doyenne des trails français qui n’a pas pris une seule ride depuis 28 ans…

Après le marathon du Mont-Blanc qui était mon objectif majeur de cette première partie de saison, je voulais conclure cette saison de trail 2017 par cette course mythique qui fait rêver à la simple évocation de son nom  mais qui provoque aussi une certaine appréhension lorsque l’on connait la distance et surtout  son profil…65 km et 3500 m de dénivelé positif (et donc 3500 m en négatif)

Depuis plusieurs années, je l’avais en ligne de mire cette course mythique appelée « Course des Géants » par les organisateurs, et je comprends vraiment pourquoi ce trail si particulier a été nommé ainsi…Après un départ à 673 m d’altitude de Aime et  un point culminant  à 3047 m au pied du glacier de Bellecote sur lequel on court  « symboliquement » quelques hectomètres cette année(hiver  quasiment sans neige !), il reste à redescendre dans la vallée du départ  avec  32,5 km à parcourir  dont 3000 m de dénivelé négatif mais également 700 m de dénivelé positif !

Nos congés d’été commencent donc pour ma femme Isabelle et moi ce vendredi 28 juillet avec un départ à Aime pour le retrait du dossard, où nous retrouvons un couple d’amis que nous avons invité pour partager ce week-end si particulier…Et comme un clin d’œil à notre amitié commune, c’est dans le village des Coches (entre Aime et Bourg St Maurice) que nous déposons nos valises, là même où nous avions passé des vacances  d’été en montagne avec des souvenirs inoubliables en compagnie de ces mêmes amis  et de nos enfants…Ce lieu même où j’avais vu quelques panneaux et banderoles notés « 6000 D », époque où le trail ne connaissait pas l’engouement que l’on connait de nos jours ! C’était il y a 15 ans et à cette époque, ceux qui faisaient cette course étaient considérés comme des « extra-terrestres » ou des « dingues » pour le marathonien que j’étais, trouvant déjà assez difficile de faire 42 km sur un parcours plat, mais imaginer faire 65 km et 3500 m de dénivelé positif… Et bien j’y suis ! A la veille de cette épreuve, réalisant à peine ce qui m’attend et ce que je vais vivre…

Réveil 4h du matin, gâteau énergétique avalé, je laisse mes supporters profiter encore de quelques heures de sommeil (ils me retrouveront plus tard sur la course) et me voilà sur la ligne de départ en compagnie de 1340 trailers prêts à relever le défi, LEUR défi personnel.

Le départ est donné à 6h « tapantes » dans une ambiance de folie, de nombreux fumigènes multicolores sont lancés, avec une météo parfaite. Les premiers kilomètres sont très roulants et j’essaie de prendre un rythme assez rapide, pour éviter de me retrouver  dans les « embouteillages » lors de la première difficulté où je sais que bon nombre de coureurs vont marcher et où il sera difficile de doubler suivant la largeur du sentier. Il fait jour depuis notre départ à 6h du matin et le soleil n’est pas encore levé dans la vallée mais je profite déjà des couleurs sublimes qu’il donne à quelques nuages présents, comme pour nous annoncer ce que nous allons découvrir au fur et à mesure de notre ascension. La première pente sérieuse apparait, la plupart des coureurs passent en mode « marcheur », je les imite afin d’économiser l’énergie dont je vais avoir besoin pendant cette longue ascension jusqu’au glacier de Bellecôte. Nous traversons quelques hameaux, déjà pas mal de monde pour nous encourager lors de leur traversée, coté parcours, je m’attendais à une longue ascension continue mais certaines portions sont assez roulantes, la course est donc une succession de marche et course bien agréable au final. Après  le passage à Montalbert, nous nous dirigeons vers la piste olympique de bobsleigh de la Plagne, sa remontée restera un grand moment avec le tube mythique de ZZ Top « Give me your love in » qui nous accompagnera durant toute la montée à l’intérieur de ce tunnel étroit de béton. L’arrivée au sommet de la piste ressemble à l’arrivée d’un col alpin du Tour de France avec des personnes de chaque côté hurlant leurs encouragements à tous les coureurs. Le passage à La Plagne Centre nous permet de mesurer à quel point cette course est populaire avec déjà un monde fou pour nous accueillir et  nous encourager, arrêt rapide pour ravitaillement puis je reprends un rythme d’ascension alternant en marche et course vers la roche de Mio, prochaine difficulté avant le glacier. J’aperçois les premiers sommets qui se dévoilent au fur et à mesure, Mont-Blanc, Pierra Manta, j’apprécie vraiment de pouvoir contempler ces paysages sublimes de montagnes, je n’avais pas eu cette chance lors du marathon du Mont-Blanc un mois plus tôt à cause d’une météo digne d’un mois de novembre, je n’avais vu quasiment aucune montagne pendant toute la course, quelle frustration ! Un hélicoptère filme notre progression, j’aperçois le sommet de la roche de Mio, dernière grosse difficulté avant l’ascension finale vers le glacier. Je m’efforce de courir au maximum sur le sentier qui n’est pas toujours aussi raide qu’il ne laisse le paraitre, j’entends les encouragements de ceux qui nous attendent au sommet, mon prénom est souvent cité par une voix que je connais…Ce sont mes supporters qui m’attendant tout là-haut, je pensais qu’ils seraient au col de la Chiaupe, situé après le passage à roche de Mio culminant à 2681 m, mais non, ils sont au sommet pour me soutenir et m’encourager, au milieu d’une foule impressionnante ! Cela me regonfle à bloc, je termine les derniers lacets de cette ascension en courant malgré la pente en compagnie de mon pote Jean-Mi qui me suit dans mon effort. Arrivé au sommet, à peine le temps de sourire à ma petite femme pour des photos et d’entendre ses encouragements puis je bascule déjà vers une longue descente vers le col de Chiaupe. Ravitaillement complet à ce col, je m’arrête quelques minutes pour manger bananes et autres biscuits salés avant de repartir pour la plus grosse difficulté de la course, celle qui nous emmène au point culminant de ce trail, à 3040 m d’altitude, au pied du glacier de Bellecôte. Il y a 400 m  de dénivelé à monter et plus question de courir désormais, cette montée est vraiment terrible ! Mise à part au début de l’ascension, il n’y a quasiment pas de chemin marqué, il faut grimper tout droit au milieu d’un immense pierrier, le caractère instable de ce pierrier associé à une pente très raide rend cette ascension très difficile et met à l’épreuve nos muscles déjà bien fatigués. J’apprécie les bâtons qui m’aident à progresser et surtout me stabiliser, d’autres coureurs sans ces équipements éprouvent les plus grosses difficultés à monter et s’arrêtent régulièrement pour reprendre leur souffle. Le manque d’oxygène lié à l’altitude à partir de 2500 m n’arrange pas les choses, heureusement, le sommet approche et j’entends désormais les encouragements de ceux qui nous attendent au sommet, les derniers mètres sont très difficiles ! J’entends à nouveau mon prénom mais je ne reconnais pas tout de suite ces voix, mes supporters n’étant pas censés venir au glacier, il devaient redescendre pour m’attendre à Montchavin, 10 km avant l’arrivée…Non, il s’agit de Georges, un autre ami qui est venu pour  encourager son fils et son neveu qui font également la course. Cela me fait tellement plaisir de l’entendre puis de le voir, c’est lui qui m’avait permis de découvrir cette vallée et plus précisément Montchavin-les Coches grâce au prêt de son appartement pendant les vacances d’été il y a 15 ans de cela. Je lui avais dit que je la ferai un jour cette course mythique, son traçé passe à côté de son appartement des Coches, celui-là même où nous avions passé plusieurs vacances d’été inoubliables avec nos enfants. Une photo, une poignée de main, ses encouragements chaleureux et puis je poursuis ma progression  vers quelques névés, ce replat me fait du bien et je repars en trottinant après cette montée longue et difficile. Mais la neige ramollie qui rend le sol glissant et instable me rappelle vite à l’ordre, d’autant plus qu’à ma grande surprise, nous n’en avons pas terminé avec les montées, il y a encore un « ultime raidillon » juste après le dernier névé pour vraiment arriver au point culminant de ce trail ! Ca y est j’y suis,  je savoure cet instant en faisant un tour d’horizon, j’aperçois le massif du Mont-Blanc et ses sommets emblématiques (Dent du Géant, Grandes Jorasses, Aiguille de Bionnassay,…), le massif du Beaufortain et sa célèbre Pierra Manta, le massif de la Vanoise et ses nombreux glaciers (dont celui de Bellecôte où je me situe à cet instant de la course). Mais je dois tout redescendre maintenant, et je sais que cette descente va être longue et difficile…il reste environ 35 km à parcourir… Ce dont je me doutais le moins c’était l’apparition de crampes à ce moment-là de la course, je les attendais, mais beaucoup plus tard ! Quelques pointes légèrement ressenties dans un mollet lors des premiers hectomètre de descente me ramènent à la dure réalité de la course, je ne pensais pas qu’elles arriveraient aussi tôt…J’essaie de faire abstraction mais dès les premières pentes sérieuses, ces pointes reviennent  et la douleur s’accentue, je vais devoir m’arrêter, j’avais prévu une pommade de massage car je savais que j’aurais ce type de problème. Le début d’une longue galère commence, une bonne dizaine de coureurs passent devant moi, certains me demandent si ça va…Je réponds poliment que oui, tout va très bien, je suis arrêté pour massage musculaire à 35 km de l’arrivée, mais tout va très bien !! Je repars après avoir massé mollets et quadriceps car eux aussi commencent à montrer des signes de fatigue…Il faut revenir au col de la Chiaupe, la première partie de la descente est agréable coté parcours, un sentier bien marqué avec une pente correcte, la deuxième partie l’est beaucoup moins avec le retour sur le sentier de la montée. Nous croisons ceux qui montent au glacier, nous devons les éviter et je dois en plus faire attention au moindre déséquilibre qui pourrait me faire remonter les crampes. Cette descente sera pour moi un véritable calvaire car les crampes reviennent au moindre glissement incontrôlé, nécessitant à chaque fois un arrêt étirement plus ou moins long.  De nombreux coureurs me dépassent et parmi eux la première féminine qui me double juste avant le ravitaillement au col de la Chiaupe, j’apprendrais plus tard par mes supporters qu’elle avait 10 minutes de retard sur moi à Roche de Mio…Et qu’elle finira avec 40 minutes d’avance sur moi au final !!.J’arrive tant bien que mal au ravitaillement vers le col après plusieurs arrêts « étirements », je mange et boit beaucoup, après le plein de la poche à eau et un arrêt d’au moins 3 à 4 minutes, je repars en basculant sur une nouvelle vallée qui va nous conduire vers le lac du Carroley et la dernière montée de ce trail au col de l’Arpette. Nous nous retrouvons avec les coureurs de la 6000 D Lacs, ils empruntent le même parcours que nous mais leur allure m’oblige à les doubler, ils font ont très certainement partie de la fin de course car même avec mes crampes et mon allure réduite, je ne peux me résoudre à rester derrière eux. J’en dépasse pas mal et non sans mal car ils sont très nombreux et ne se soucient guère de ceux qui veulent les dépasser, certains déséquilibres me font encore remonter les crampes. Puis avant d’attaquer la dernière montée au pied du Carroley, les crampes me laissent un peu de répit, je peux à nouveau courir sans trop de problème. L’ascension de cette dernière difficulté se fera cependant en marchant, la fatigue se fait vraiment sentir désormais, je la trouve très longue et difficile cette montée jusqu’au col de l’Arpette. Arrivé au col, on bascule à nouveau coté La Plagne et l’arrivée à Plagne Bellecôte après une bonne descente est un bon moment grâce à l’ambiance « fin de course » pour les coureurs de la 6000 D Lacs…Pour nous, ce n’est qu’un ravitaillement à 25 km de l’arrivée, je ne m’attarde pas d’ailleurs pas trop, je repars sur une portion descendante de route en goudron assez désagréable avant de retrouver un sentier qui aurait été très agréable si je n’avais pas été pris à nouveau par des crampes aux mollets et aux quadriceps. Nouvel arrêt massage, puis je repars, les kilomètres défilent lentement mais j’arrive finalement dans le village des Coches après avoir dévalé une forte pente herbeuse qui  a encore mis mes mollets à rude épreuve ! Nous faisons le tour du village, que je connais parfaitement, l’ambiance y est superbe avec beaucoup  de monde pour nous applaudir, mais je suis déjà sorti du village en direction de Montchavin pour un ultime ravitaillement à 10 km de l’arrivée. C’est là où m’attendent  mes supporters qui doivent  bien se demander pourquoi un tel retard, leur point de repère étant la 1° féminine qui est passé devant eux depuis plus de 45 minutes avant que je n’arrive, alors que j’avais 10 minutes d’avance sur elle à Roche de Mio…La dernière grosse descente sur le village met encore mes muscles à l’épreuve, j’arrive finalement au ravitaillement, mes supporters sont là, ils sont très heureux de me voir tout en étant inquiets de mon retard. Je prends le temps de leur expliquer mes soucis physiques pendant que je bois abondamment, j’en profite aussi pour bien manger car je sais que les 10 derniers kilomètres vont être très difficiles. Ultimes encouragements de mes supporters que je dois retrouver à l’arrivée puis je repars, mon arrêt de quelques minutes rendent les premiers hectomètres difficiles pour retrouver un rythme digne d’une course mais peu importe, mon seul but est désormais de pouvoir franchir la ligne d’arrivée, ce qui n’était pas gagné à cet instant de la course ! Ces 10 derniers kilomètres se feront dans la souffrance avec la menace permanente de l’apparition de crampes, qui se déclencheront très régulièrement, m’imposant un arrêt immédiat pour tenter de les atténuer. Je n’ai pas compté le nombre d’arrêts ni le nombre de coureurs qui m’ont dépassé sur ce dernier tronçon de la course mais cela m’aura coûté la 2° place de ma catégorie, je me suis fait doubler par le 3° V2 à 2 km de l’arrivée, et impossible de le suivre ! L’entrée dans Aime est un soulagement indescriptible et mon pote Jean-Mi est là pour courir avec moi les 600 derniers mètres qui seront en fait les 1000 derniers mètres …Je peste à haute voix contre les organisateurs qui nous font la bonne surprise de rallonger encore au final la distance annoncée, des pointes récurrentes dans chaque mollet me faisant tituber à chaque foulée, au risque de chuter et ne pas pouvoir repartir …La ligne d’arrivée est une délivrance, ça y est, je l’ai enfin bouclée cette course mythique, mais au prix d’efforts physiques et  surtout psychologiques incroyables. Mes supporters sont là pour m’accueillir, ils sont très fiers de moi, je ne suis pas aussi enthousiaste qu’eux malgré un temps plus qu’honorable de  8h04’59’’ pour une 67° place scratch et surtout un podium catégorie V2 inespéré !

Je me dit que cela aurait pu être bien mieux si ces foutues crampes m’avaient laissé tranquille, oui mais voilà, il aurait sans doute fallu gérer certaines choses différemment, rythme de course sans doute trop rapide sur la première partie du parcours, manque de kilométrage en entrainement, hydratation insuffisante…Bref, beaucoup de paramètres à prendre en compte pour une éventuelle prochaine course de ce calibre.

Les crampes mettront quelques heures à disparaitre, et ce n’est pas un passage au stand massage qui les feront disparaitre, bien au contraire !

 

Après la déception « à chaud » de ce classement causée par des arrêts incessants à partir du 30° kilomètre, la satisfaction est tout de même présente car mise à part un chrono que beaucoup voudraient pouvoir réaliser, c’est une place sur le podium que j’ai réussi à décrocher, ce que je n’osais même pas espérer au départ de la course ! Le côté positif fut également les conditions météorologiques parfaites pour ceux qui sont arrivés sous les 9 h de course, ce qui ne fut pas le cas pour les autres coureurs, la pluie s’étant  invitée en milieu d’après-midi…

Au final, très heureux d’avoir été « Finisher » de cette course mythique, cette « course des Géants »  qui mérite bien son nom, elle est géante cette course !


RTF

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