Récit de la course : Marathon de La Rochelle 2015, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Marathon de La Rochelle

Date : 29/11/2015

Lieu : La Rochelle (Charente-Maritime)

Affichage : 1520 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Elle est étrange, cette joie...

Plus qu’un engagement formel, c’est une promesse que je m’étais faite : si mon frangin m’accompagnait aux 100 km de Millau (en vélo), je l’accompagnerais pour son premier marathon (en courant). Et même si je n’étais pas vraiment confiant à l’idée de courir un marathon deux mois après mes 100 km, j’étais franchement enthousiaste à l’idée de jouer le rôle de « grand frère » pour mon ainé.

Premier marathon pour l’un, dixième pour l’autre. L’émotion est particulière en ce matin, deux semaines après les attentats : une minute de silence impressionnante d’intensité, suivie d’une Marseillaise pleine de retenue, hommages sincères et dérisoires qui me prennent à la gorge et m’humidifient les yeux. La charge des Walkyries qui suit nous ramène à notre réalité : nous sommes là pour nous amuser, nous devons courir 42 km.

 

Mon frangin  ayant couru quelques semi en 1h40-1h45, mais rarement de plus longue distance, nous avons fixé l’objectif 3h45-4h.Les premiers kms se passent parfaitement bien : nous courons au milieu du flot dense des coureurs, à une allure régulière qui correspond à notre allure-cible. La météo est finalement agréable, les spectateurs nombreux, mon rôle dans cette première partie est de donner le tempo et ressortir quelques poncifs des marathoniens : « ne partons pas trop vite », « ne loupons aucun ravitaillement », … Au Km 11, nous retrouvons nos épouses. Je m’arrête pour un petit bisou, mais pas Laurent : il n’est pas là pour rigoler, mais pour courir. Alors, nous courons. Ce sera la même chose quand nous les retrouverons au Km 23.

Le rythme confortable me permet de bien profiter de la course. J’aime vraiment beaucoup ce marathon de La Rochelle, qui nous fait passer par des quartiers différents de la ville, où nous semblons être toujours le bienvenu. J’admire le déguisement « marsupilami » d’un coureur. Un petit garçon joue « Au clair de la lune » au hautbois sur le palier de sa maison, pour nous encourager. Une mamie a choisi, elle de mettre la sono à fond et danse, coiffée d’un chapeau de réveillon. Des pensionnaires de maison de retraites sont sortis sur le trottoir et, assis sur leur chaise roulante, saluent les coureurs. Une spectatrice brandis une pancarte « tu es beau quand tu souffres ». De souffrance, il n’en est pas encore question. Au contraire, après le semi, alors que nous conservons le même rythme, je fais remarquer à Laurent que nous ne faisons que doubler. Dans cette deuxième boucle, les bénévoles nous encouragent « Dernier tour », « A l’année prochaine ». C’est un peu tôt pour se dire au revoir, 15 km avant l’arrivée, surtout que le plus dur est à venir. Et le plus dur, c’est le mur, que mon Laurent va rencontrer au Km 31. Un peu comme une mobylette en panne d’essence, il commence à ralentir subitement.

J’essaie alors de distiller subtilement les plaisanteries entendues lors de La tragédie du dossard 512 (que je vous recommande). Si Laurent avait moyennement apprécié le « ne me déçois pas, Laurent » que je lui avais sorti sur la ligne de départ, il n’a pas l’air de rire quand je lui dis, alors qu’il rencontre le mur « je vais te donner un conseil : la course ne fait que commencer ». De même, quand il sera perclus de crampes au Km 37, j’aurai beau lui dire « Pense au coupe-vent finisher !», pas un sourire ! Alors que les mêmes plaisanteries déclenchaient un tonnerre de rire lors du spectacle de Yoann Métay ! Une question d’intonation sans doute, je dois être moins bon comédien que lui.

Si les plaisanteries ne fonctionnent pas, j’essaie de fixer au frérot des objectifs plus courts, sans même savoir s’il m’entend vraiment « allez, le prochain ravito est proche », « le prochain km », le haut de la côte ». Mais je ne peux pas faire grand-chose, c’est son histoire qu’il est en train d’écrire, son combat, et il le mène courageusement, avec ténacité. Insensiblement, son allure se stabilise. Au Km 39, je peux déjà lui dire « tu sais, à ce rythme tu atteindras ton objectif de 4h, tu devrais faire comme moi pour mon premier marathon (3h52) ». Au Km 40, je lui sors un dernier poncif : « n’oublies pas de profiter » Et il y a de quoi ! Nous retournons au port, noir de monde. Nos épouses nous encouragent encore, je pique des petits sprints pour prendre le temps de le photographier, et bras dessus-bras dessous nous franchissons ensemble la ligne d’arrivée en 3h53.

J’aurai aimé lui remettre moi-même sa médaille, mais dans la cohue de l’arrivée je n’ai pas réussi. J’aurai aimé être de meilleurs conseils, peut-être partir plus prudemment encore pour éviter ce fléchissement final, dans lequel il aura perdu 7-8 min, pas grand-chose finalement. Mais je n’aurai pas aimé courir aux cotés de quelqu’un d’autre ce jour-là, j’ai assisté à un combat magnifique. Comme l’écrit Tom McNab, « Elle est étrange, cette joie que les hommes éprouvent en regardant les plus grands exploits sportifs ».

 

4 commentaires

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 03-12-2015 à 13:55:35

Bravo aux deux frangins. Hasard du marathon, j'étais là pour accompagner deux sœurs... le marathon est parfois une affaire de famille.

Commentaire de marathon-Yann posté le 03-12-2015 à 14:03:52

Merci, j'attends ton récit alors !

Commentaire de Laurent V posté le 04-12-2015 à 16:47:42

Merci mon frangin, pour un peu, ton texte me ferait chialer (je suis sensible moi, surtout après un marathon) ;-)

Commentaire de francois 91410 posté le 07-12-2015 à 22:53:33

Merci pour ce récit vécu de l'intérieur et pour ces extraits d'ambiance. Bravo à vous deux, bonne récup.

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