Récit de la course : 100 km de Millau 2005, par Darti46

L'auteur : Darti46

La course : 100 km de Millau

Date : 24/9/2005

Lieu : Millau (Aveyron)

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Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

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Deuxième cent bornes, deuxième histoire, de nouvelles émotions.

J'avais effectué l'année dernière déjà le 100 km de Millau après moins d'un an de pratique de la course à pied. J'avais à l'époque un peu entendu parler de cette course qui me paraissait plutôt réservée aux sur-hommes qu'on voit parfois à la télé, ce genre d'extraterrestre dont on se dit qu'ils font partie d'un autre monde. Et puis, en apprenant que l'ami d'un ami y avait participé, puis que la femme d'un collègue y avait participé également, je me suis dit que c'était peut-être possible de se lancer dans cette aventure."Pourquoi pas moi ?". Alors c'était décidé, çà serait mon défi de l'année, une sorte d'épreuve, simplement pour voir si je suis capable d'y arriver. Finalement ce fut un vrai rendez-vous avec moi-même, un véritable combat certes, mais que j'ai gagné avec néanmoins pas mal de souffrance. Elle s'est fait mériter, la belle ... Le périple a duré 18h27 (!!!) avec les 35 derniers km à marchoter et maudire ces plantes de pieds qui me brûlaient. Jean-Pierre m'avait accompagné en vélo et on avait finalement vécu ensemble une super aventure. Je me souviens du futur vainqueur (Buquet) quand on l'avait croisé. Il remontait la côte de St Georges d'une bonne foulée vers le viaduc qui achevait sa construction, le visage très marqué, accompagné par une cohorte de vélos. J'avais eu très froid l'année dernière avec ce vent du Nord qui me frigorifiait et j'avais dû finir comme un oignon avec 5 ou 6 couches de vêtements sur moi (plus une couverture qui m'a accompagné pendant les derniers km et que j'ai retirée juste avant la photo d'arrivée pour faire quand même bonne figure ...). Au bilan des bobos, j'avais perdu un ongle et découvert quelques belles ampoules après la course et puis j'ai eu mon genou gauche qui a été en surchauffe sans doute un bon moment. Bref, j'avais mis plusieurs semaines pour reprendre mes esprits et pas loin de trois mois pour vraiment récupérer. Mais bon sang, quelles émotions j'avais vécues, une sorte de mélange de fierté, de joie et de souffrance... mais je ne savais pas du tout si je retenterai l'expérience une autre fois.

Tout ceci, je me le suis remémoré dans la salle des fêtes de Millau lors de la pasta de vendredi soir en visionnant le grand écran et le reportage filmé de la course de l'année dernière. J'étais captivé par l'écran en voyant la course se dérouler depuis le départ jusqu'à l'arrivée des premiers et en m'imaginant quelque part derrière ; petit à petit, j'ai vu redéfiler les images de ma course, de ces moments intenses et forts. J'avais quelques frissons et je me suis dit que vraiment, je ne regrettais pas d'avoir choisi, il y a un mois de recommencer l'aventure. Cette pasta était vraiment une bonne mise en condition avec le speakeur qui faisait parler quelques gars qu'il rencontrait au bord des tables, ce genre de gars qui ne paient pas de mine, mais dont on apprend pour l'un que c'est un ancien vainqueur de l'épreuve, de l'autre qu'il va effectuer demain son 528 eme 100 km (!!!!!). Des vedettes anonymes en quelque sorte ... J'ai discuté un moment avec un gars qui venait de l'Ariege. On a découvert qu'on avait participé ensemble à une course de raquettes à Goulier Neige au début de l'année. Sympa.

La nuit a été un peu agitée, ayant du mal à trouver le sommeil malgré le beau ciel dégagé et calme de l'arrière pays de Millau. Sans doute l'excitation après avoir revu ces images de l'année passée. Dans quelques heures, çà recommencera. Au petit matin, ce sont les quelques gouttes de pluie qui commençaient à tomber qui m'ont contraint à quitter mon bivouac "à la belle étoile". A la limite ce n'était pas très grave, car j'avais décidé de me lever de bonne heure pour ne pas arriver en retard. Petit déj composé d'1/2 litre de lait et d'un bon croissant (aux amandes, le petit plaisir d'avant course ; çà relevait presque de la cigarette du condamné ... ) enfilé vite fait dans la voiture et 10 minutes après j'arrivais dans le secteur du parc de la Victoire vers 7h00. Au moins cette année, je ne serai pas à la bourre comme l'année dernière, où j'avais trouvé très difficilement une place pour la voiture, puis été obligé de foncer dare-dare vers la salle des fêtes qui se trouve au milieu du parc pour aller chercher le dossard, puis habillage en quatrième vitesse et se dépêcher à nouveau pour le pointage au dernier moment. Non, cette année, j'avais décidé d'être plus zen ; le dossard, je l'avais cherché la veille (avec le super maillot donné à tous les participants) et je n'ai eu aucun mal à trouver une place de voiture à 100 m de l'entrée du parc de la Victoire. Tranquille, tranquille.... Habillage sans se presser tout en écoutant les infos à la radio. Tiens, ils annoncent du beau temps avec peut-être un peu de pluie pour la soirée. A priori, c'est un temps idéal qui se profile, et on aura sans doute beaucoup moins froid que l'année passée dans la partie nocturne (toujours çà de gagné). Bien se préparer les pieds (NOK + élasto aux endroits sensibles) , une dernière inspection des ongles pour éviter d'avoir à en perdre à nouveau un. Habillage terminé et mise en place de la montre GPS/cardio. Puis préparation du camel back (j'en prends toujours un, sauf parfois un porte bidon pour certaines courtes distances). Je ne vais pas trop m'alourdir et j'y mets 0,5l d'eau glucosée et 2 gels. Comme, de toute façon, je compte m'arrêter à tous les ravitaillements, çà devrait suffire pour tenir jusqu'au Marathon. J'avais décidé que je referai le plein en boisson énergétique et en gel à la fin de la première boucle et ensuite à St Affrique. Je rajoute ma petite veste coupe-vent dans la poche du camel (au cas où), j'accroche le dossard que j'avais précédemment roulé en boule puis déplié pour qu'il me gène le moins possible pendant la course. Préparation des sacs que je vais laisser à Millau (gels plus boisson) et celui qui ira en navette à St Affrique (idem + frontale + bandes réfléchissantes de l'organisation + polaire + un vêtement respirant manche longue + 1 tee-shirt de rechange + gants + chaussettes de rechange + NOK + élasto) et c'est parti. En avant vers la salle des fêtes.

Il y a déjà pas mal de personnes aux abords de la salle des fêtes. Certains terminent leur petit dej, d'autres vont jeter un petit coup d'oeil "vite fait" dans les stands de produits régionaux. Quelques vélos à droite ou à gauche en train de se préparer à suivre leur protégé. Certains visages apparemment stressés ou inquiets, d'autres apparemment nonchalants, mais globalement une certaine excitation qui régnait dans l'enceinte de la salle des fêtes. Un petit coup d'oeil à nouveau sur la liste des engagés. Oui, oui, ce n'est pas un rêve, je suis toujours bien inscrit. Je suis toujours bien sur la liste que j'avais regardée déjà plusieurs fois la veille.
Un petit coup d'oeil également sur le tableau de marche prévisionnel des meneurs d'allures. J'étais au courant depuis quelques temps qu'il y aurait des meneurs d'allures en suivant leur mise en place sur le forum de Bruno Heubi (http://www.sportnat.com/100km/). J'ai trouvé l'idée vraiment très intéressante mais somme toute assez surprenante pour une épreuve de si longue halène au cours de laquelle, le risque de défaillance me semble assez fort. Pas évident non plus, lorsqu'on est néophyte ou presque sur la distance de se fixer un objectif de temps réaliste. Millau est réputé comme étant un des 100 bornes les plus vallonné, avec les difficultés situées après le Marathon.
Toujours est-il que je n'ai pas envisagé de me calquer sur leur rythme pour effectuer ma course. A propos quel était mon objectif ? En réalité, je m'en était fixé plusieurs : le premier, comme l'année dernière, était bien évidemment de terminer, si possible dans les 24 heures pour être classé. Le second objectif était d'améliorer mon temps de 18h27 et le troisième objectif était d'essayer de faire moins de 14h00, histoire d'arriver le même jour que celui du départ (10h00).
9h00. Pointage à la salle des fêtes. Le gars du pointage, étonné en voyant mon dossard chiffonné, me dit que celui-ci risque de ne plus être lisible en arrivant. Çà serait bien la première fois, me dis-je. Je sais qu'il tiendra la route, au contraire. Un petit moment assis dans les gradins de la salle des fêtes en attendant l'heure de partir. Çà discute à droite et à gauche. Certains habitués se retrouvent et parlent de leur dernière expérience. La voix du speaker qui donne les dernières recommandations d'usage : "ne pas oublier de pointer avant le départ" et "les vélos qui doivent absolument rallier rapidement aguessac, à 7-8 km du départ, lieu de rencontre avec les coureurs à pieds". Le speaker qui en profite pour interroger certains coureurs sur leurs espérance de temps pour ce cent bornes et proférer quelques encouragements. Puis 9h30 arrive et la fin du pointage, on est à une demi-heure du départ et le cortège des coureurs (je crois qu'on était entre 1500 et 1600 partants pour le 100 km au départ et, je crois, entre 200 et 300 pour le Marathon) commence sa marche en direction du départ qui se trouve en plein centre ville de Millau. J'ai réussi à me faufiler dans le premier tiers et j'entends très distinctement la fanfare qui nous précède. Super sympa. L'année dernière, j'étais tellement à la bourre que je ne savais même pas qu'il y en avait une devant. Les riverains nous applaudissent sur les trottoirs et d'autres à leur balcon. Dans quelques instants le départ. J'entends le micro annoncer le départ dans 2 minutes. Je règle ma montre une dernière fois, enfile la casquette et mets les lunettes ; je me remémore une dernière fois mes consignes de course. Et, Pan ! le coup de fusil pour le départ.

Le départ est toujours un peu particulier. On essaie de se caler assez rapidement sur son allure de croisière. Beaucoup de monde avec des allures différentes. Certains en course avec une bonne foulée, d'autres en marche athlétique, certains en marche style randonnée. Il faut zigzaguer un peu. Surtout ne pas partir trop vite et bien rester dans mon allure prédéterminée. A propos, j'avais décidé d'utiliser la méthode "cyrano" (http://coureurs.ultrafondus.com/coureurs/cyrano/) qui consiste à alterner depuis le départ de la course, une allure de course et une récupération en marchant. J'avais opté pour un rythme de 14 min de course suivi d'une minute de marche. A cela s'ajouteraient les arrêts dans chaque ravitaillement (entre 1 et 2 minutes). Mon allure de course serait calée entre 9 et 10 km/h. L'idée était de fonctionner comme çà jusqu'au moment où la fatigue commencerait à se faire sentir pour passer alors à 9min de course /1min de marche puis progressivement moins. Ce rythme, j'avais prévu de le tenir quel que soit le relief, avec toutefois une limite maxi de puls (145) à ne jamais dépasser. On verra bien ce que cela donnera à l'usage ... Déjà on commence à sortir de Millau après les premiers hectomètres. Le passage à tous les 5 premiers kilomètres est indiqué bien visiblement puis ensuite un panneau et marquage au sol indique tous les multiples de 5 km.
Ces premiers km consistent à bien régler l'allure. Je suis néanmoins plutôt dans le haut de la fourchette (que je dépasse parfois) que je m'étais fixée initialement. Au bout de 2/3 km je rejoins Chantal, qui avait décider de se lancer, pour la première fois, dans ce 100 km. Jean-Pierre qui m'avait accompagné l'année dernière, son mari, lui ferait l'assistance en vélo avec également Thérèse, une copine de Cahors. On est heureux de se trouver ; on échange nos quelques impressions de ce début de course. Tout va bien. Elle avait décidé de partir sur un rythme un peu moins rapide (8 km/h environ) en faisant une pose tous les 5 km. Son objectif était également d'essayer de rallier Millau en moins de 14h00.

Un quart d'heure de passé, première pose d'une minute en marchant. Je me mets un peu de côté. Pas facile à tenir quand on est encore très frais, on a vraiment hâte de repartir tout de suite, surtout qu'on se fait doubler par tout le monde. Mais bon, çà permet de s'obliger à boire une ou deux gorgées, de se décontracter les jambes. Et c'est reparti. Il y a encore pas mal de monde autour de soi à ce moment de la course. 5eme km : 33'29. On se croise une ou deux fois avec Chantal qui profitait de mes petites poses pour me passer devant. Tout baigne. Il fait beau comme prévu. Premier ravitaillement à Aguessac. Je prends de l'eau glucosée, un petit gâteau sucré et un peu de pain d'épice. Je ne m'éternise pas d'autant que tout le monde arrive en même temps à ce ravitaillement et qu'il y a foule autour des tables. En sortie du village les coureurs retrouvent leur accompagnateurs à vélo. Je passe devant Chantal qui retrouve Jean-Pierre et Thérèse et on ne se croisera plus pendant un bon moment. Toute cette première partie est composée de très légers faux-plats. On arrive sur la route qui longe le Tarn avec de chaque côté, des collines assez hautes et ses villages ou ruines haut perchés. Le spectacle est magnifique.

10eme km : 1h05'17". A une de mes reprises de courses, et voyant mon manège, un gars me demande si "par hasard, tu ne fais pas la méthode cyrano ? ". Après avoir répondu par l'affirmative, on se mets à deviser également sur cette méthode qu'il applique aussi, puis sur tous les conseils qu'on a pu glaner à droite ou à gauche sur le net. C'est apparemment un habitué du forum de B Heubi. On fait un peu plus connaissance et on papote comme çà un petit bout de chemin. Très sympa. Rivière sur Tarn on est au kilomètre11. Petit village tout en longueur. Bientôt, on commence à voir, de l'autre côté de la rive, les premiers qui en sont déjà au retour de leur première boucle vers Millau. Je ne sais pas très bien quelle est leur vitesse, mais j'espère que leur accompagnateur en vélo est bien entraîné, car ils donnent vraiment l'impression d'aller très vite. 15eme km : 1h36'44". Les kilomètres défilent assez vite aussi. Je reçois de temps en temps des texto me souhaitant bon courage. 20eme km : 2h08'34". Arrive le village Le Rozier. On passe le pont au dessus du Tarn et je zieute le magnifique pont en ruine à gauche. Une première étape de passée. Les ravitaillements sont très bien fournis et on commence à avoir, en plus du sucré, quelques aliments salés. Impeccable. Dorénavant, j'essaierai d'ingurgiter du salé et du sucré à chaque ravitos ; en revanche l'eau glucosée commence à ne plus vouloir bien passer. Je m'essaie au coca-cola et à l'orangina. Çà passe très bien. Ce seront désormais ces boissons qui me nourriront jusqu'au bout.

Le retour de cette première boucle commence par une petite côte assez raide à Peyreleau. Je savais que c'était la première difficulté du parcours. J'écoute mon corps. Tout va bien, pas de difficulté particulière. Le palpitant commence à faire sonner la montre, je marche aussitôt. Tranquille, tranquille. On finit cette petite montée tranquillement puis vient la descente. Les deux se déroulent sans problème. Aucune douleur, ni sur la plante des pieds, ma hantise de l'année dernière, ni les genoux. Cette portion du parcours vers Millau, hormis les quelques kilomètres avant de rentrer dans Millau, commence à être un peu vallonnée avec, en plus de la côte de Peyreleau, 3 petites bosses pour donner un peu de caractère à ce tracé. C'est à ce moment que certains vélos moyennement entraînés, voire néophytes pour certains d'entre eux, commencent à avoir des difficultés : là un petit groupe attroupé à droite de la route pour réparer une chaîne qui avait lâché dans la première montée (je ne suis pas sûr qu'ils avaient pensé à prendre un dérive-chaine). Une autre dame qui se fait expliquer par un coureur le fonctionnement des vitesses sur son vélo ; quelques changements de braquet qui faisait peine à entendre, d'où sans doute une explication pour la casse de la chaîne. Il y a eu de l'improvisation pour certains dans ce domaine .... . . A nouveau un coup d'oeil vers l'autre rive où l'on distingue du monde qui en est encore à l'aller vers Le Rozier. 25eme km: 2h41'36". Un quart de la distance est passée. Un second point de repère. Je note mon temps sur le papier que j'avais glissé dans mon porte définition (les orienteurs comprendront), comme je le fais depuis le début tous les 5 kilomètres. Je suis un peu en avance sur mon tableau de marche. J'ai dû partir un poil trop vite. De temps en temps, je double certains coureurs, et de temps en temps je me fais doubler à mon tour. On repère certains coureurs qui sont dans son entourage depuis longtemps. Tiens ! des meneurs d'allures qui me doublent ! En petit groupe de 3/4 coureurs qui discutent tranquillement tout en courant à un rythme très sûr. Ils sont finalement assez facile à identifier avec leur objectif inscrit sur le maillot. C'était des "13h00". En définitive, même si j'avais décidé de n'en suivre aucun, çà fait quand même un bon repère pour tout le monde de les voir passer.
On approche du 30eme kilomètre. La Cresse. Un panneau nous prévient que la photo est proche. L'objectif est là. "Clic, c'est dans la boîte". Super çà fera un bon souvenir de plus à conserver dans mes archives. 30eme km : 3h14'57".

Et puis quelques centaines de mètres plus tard et sans aucun signe avant coureur, BING ! PATATRAS ! mon genou gauche qui se bloque soudainement. Grosse frayeur. "M..., qu'est-ce qui m'arrive ?". Je marche un peu pour atténuer la douleur. J'essaie de repartir progressivement en trottinant,.... c'est bon, çà repart. Je suis quand même sacrément inquiet. C'est le genou qui avait morflé l'année dernière mais qui ne m'avait pas vraiment embêté depuis. J'avais pourtant fait quelques sorties longues, voire très longues : quelques raids multi, dont certains en 24h en quasi non stop, quelques CO de plusieurs heures, un Marathon ; rien, nada, tout allait bien, pas de signe avant-coureur, à part peut-être une légère gêne. Et voilà que ce fichu genou se rappelle à mon bon souvenir là à Millau, après seulement 3 heures de courses. C'est à croire qu'il se souvient encore de l'année dernière et des endroits où nous étions passés et qu'il veut me rappeler que cette course est particulièrement éprouvante. Je reprends donc prudemment la course et, deux minutes plus tard, Rebelote. Aie Aie aie, çà sent le roussi. Y a intérêt à ce que cela se passe rapidement sinon, c'est l'abandon inévitable. Le moral qui était jusqu'à présent au beau fixe, descend d'un seul coup. "Bon, mon pote, çà va pas être facile aujourd'hui !" Je ne sais pas ce qui se passe et j'essaie en même temps de me dire que ce n'est peut-être que passager et que, par enchantement, les douleurs vont se passer .... Je continue comme çà pendant un moment, très attentif au comportement de ce genou. Deux/trois minutes se passent, et à nouveau blocage du genou. Même scénario ; il faut que je me fasse à l'idée, çà ne va pas passer comme çà ! J'essaie de rassembler mes idées devant cette situations : le point négatif est que je ne pourrai pas tenir comme çà très longtemps, et certainement pas les 70 km qui restent. La douleur est trop vive au moment du blocage du genou. et en plus çà ne sera pas raisonnable car je risquerai de me blesser gravement le genou si je persiste. Le point positif néanmoins, c'est que la douleur n'est pas continue et qu'à chaque fois je peux repartir en courant, certes moins vite qu'auparavant, mais à une allure convenable tout de même, dans les 7 km/h environ. Comme il me reste à peu près une dizaine de kilomètres jusqu'à Millau pour finir la première boucle du Marathon, je me dis que je tente d'aller jusque là et que j'aviserai définitivement sur mon abandon à cet endroit.

A partir de ce moment, plus question d'objectif et de respect du tableau de marche préconçu au départ. Ce sera beaucoup plus au feeling et surtout commandé par la douleur. Les portions de course se feront à la plus grande vitesse tolérable du moment, soit une fourchette allant de moins de 7 km/h à un peu plus de 8 km/h. Les durées varieront de quelques dizaines de secondes à 4/5 minutes maxi, jusqu'au moment où le corps me dit qu'il est temps de marcher, ce que je ferai dorénavant pendant 30 secondes à 1 minute environ, puis on recommence. C'est sur ce rythme bien plus lent qu'au début que je vais essayer de rallier Millau.

Ravitaillement de Paulhe. Tiens, des bassines d'eau pour s'éponger ! J'en vois certains qui s'y précipitent , apparemment ils ont dû avoir vraiment chaud sur cette première partie du circuit. Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais été gêné pas la chaleur. 35eme km : 3h54'05".

Les petites bosses sont maintenant terminées et c'est maintenant la grande portion de plat vers Millau. On entend en passant les aboiements du chenil qui ne se trouve pas loin. Quelques instants plus tard, petit coup de fil de Jean-Pierre qui me demande où j'en suis. Je lui annonce à peu près ma position et ma déconvenue. Chantal est quelques km derrière et court à une vitesse constante très bien réglée. Il m'encourage et me souhaite d'aller mieux. Je sais que la genouillère qu'il se propose de me passer au ravitaillement de Millau ne changera rien à mon genou. Tiens ! une voiture d'égarés qui passe à vitesse à peine réduite en contre-sens. La circulation avait été bien neutralisée jusque là , mais il faut croire que les mailles du filet étaient un peu moins fines par moments. A peu près au même moment, c'est au tour de Jacqueline de m'annoncer qu'elle est sur le départ (depuis Cahors) avec les gamins pour venir m'encourager. Çà me fait très très plaisir ; je lui apprends mon gros soucis physique mais elle décide de faire néanmoins le trajet vers Millau (il faut compter deux bonnes heures de route en roulant bien). Du coup, ce petit coup de fil, va me redonner pas mal de courage. Au bout d'un petit moment, on commence petit à petit à arriver dans Millau. Le petit ravitaillement en eau à Millau plage, puis le passage du pont et là assez rapidement, on retrouve le brouhaha de la ville, avec sa circulation automobile. 40eme km : 4h35'06". Les gars chargés de la circulation nous facilitent grandement la tâche en filtrant la circulation de manière efficace. Heureusement, car avec la fatigue qui commence à se faire sentir, je ne suis pas sûr qu'on serait suffisamment vigilant pour faire nous-même suffisamment attention aux carrefours. Mon genou me fait toujours mal de temps en temps mais les douleurs sont quand même moins vives que les toutes premières fois et surtout, elles commencent à être beaucoup plus espacées. On remonte les rues de Millau jusqu'à ce gros carrefour aux jets d'eau qui est le début de l'avenue qui mène au parc de la Victoire. Tout au long de cette montée où l'on croise ceux qui viennent de sortir de la salle des fêtes et qui entament donc ainsi la seconde partie du 100 km, je me suis vraiment interrogé sur mon état de santé. Qu'est-ce que je vais faire dans la salle des fêtes. A vrai dire je me voyais mal rendre mon dossard, comme çà, en m'avouant finalement vaincu. Non, d'autant plus que les douleurs n'étaient plus si fréquentes que cela. J'ai beaucoup pensé à mes deux pitchounes qui étaient sur le chemin pour venir m'encourager. Je n'avais pas envie de les décevoir et çà m'a donné vraiment une réelle motivation pour continuer. Bon, c'est décidé : je n'abandonne pas à la salle des fêtes et je poursuis en me disant que, si çà empire sur le chemin, j'abandonnerai en cours de route, et puis voilà ! Un nouveau plan de route pas très élaboré, mais raisonnable !!!

Arrivée dans la salle des fêtes en 4h52'30" pour boucler le Marathon. Pointage de contrôle et ravitaillement. Le vestiaire, où j'avais laissé un sac, est tout au bout de la salle. Bof, çà fait un peu loin, je n'ai envie d'aller le chercher et puis, à quoi bon ? je n'avais touché à aucun de mes gels du Camel bak depuis le début de la course. Au jugé, il devait me rester encore un peu de liquide également. Finalement, je m'aperçois lors de cette pause que, depuis le début, les ravitaillements au bord de la route sont largement suffisants. Un petit coup d'oeil au grand écran et je crois comprendre les commentaires qui indiquent que le premier est déjà sur le retour de Tiergues. Malgré les jambes un peu lourdes et les pieds qui commencent à chauffer, je résiste à la tentation de m'asseoir et je ressors au bout de 5 minutes de la salle des fêtes après m'être à nouveau bien abreuvé en coca-cola et autres petits gâteaux/chocolat/fromage en petites quantités.

Descente de l'avenue ; je croise Chantal accompagné de ses deux fidèles supporters. Elle a l'air bien en forme. Et c'est parti vers la véritable aventure : l'aller-retour avec St Affrique. J'en profite pour passer un coup de fil à Jacqueline pour lui indiquer qu'il est préférable qu'elle aille directement à St Affrique. La sortie de Millau est assez rapide. On passe le grand pont puis on tourne vers Creissels pour la première petite bosse qui sert d'échauffement avant la montée vers le viaduc. 45eme km : 5h21'14". Ravitaillement vite fait puis petite descente qui nous mène au pied de la première grosse difficulté du parcours : la montée du viaduc avec une bonne pente bien raide dès le départ. Je la connaissais bien cette montée car j'avais un bon souvenir du parcours de l'année dernière et j'avais bien en mémoire tout le profil du parcours. Première grosse difficulté donc (1km et 130m de D+) que j'appréhendais un peu, en me demandant comment allait tenir mes articulations. J'entame donc la montée tranquillement. Assez vite je marche car la pente est bien raide. Sur le côté, il y a certains concurrents qui sont affalés sur le bord de la route en train d'essayer de récupérer des forces ou un peu de courage pour repartir. Je croise un gars qui marche dans l'autre sens, la mine déconfite, vers Millau en compagnie de son vélo-suiveur. C'est dur de voir les gens abandonner, c'est à la fois une sorte de soulagement pour eux mais également une immense déception dans leur regard. Je me dis qu'ils ont dû peut-être présumer de leur force et peut-être se griller dans la première partie trompeuse bien roulante. Pour ce qui me concerne, çà monte plutôt pas mal. De temps en temps, je cours un peu ; pas de difficulté. Peu à peu la pente s'adoucit et je reprends gaillardement ma route bien content que ni mes pieds, ni surtout mon genou ne me conseille vivement d'arrêter. Tout va bien je suis super content. Sur le replat, on passe juste sous le viaduc. Vraiment impressionnant cet ouvrage. je me souviens de l'année dernière, on voyait encore quelques grues qui terminaient leur labeur avant l'inauguration quelques semaines plus tard. Je passe un coup de bigophone à Jean Pierre pour lui dire où je suis et lui faire part de mon regain de forme. Chantal est un peu derrière dans la montée. Tout va bien pour tout le monde. La fin du plat et le petit sourire pour la photo au 50eme km avec le viaduc en arrière plan. 50eme km : 6h09"00. C'est une nouveauté, l'année dernière, il n'y avait que la photo de l'arrivée et du trentième km. C'est une bonne idée, et çà fera un autre souvenir, un peu plus "carte postale" celui-là. Puis, c'est parti pour la longue longue descente vers St Georges de Luzençon. Quelle m'a paru vraiment longue cette descente. Je cours assez souvent mais suis obligé de m'arrêter de temps en temps car les cuisses commencent vraiment à chauffer un peu. Je me souviens de l'endroit où j'avais croisé le vainqueur de l'année dernière. Pour le moment, les premiers ne sont pas encore annoncés. Moi qui avait depuis plusieurs heures renoncé à tout objectif, je prends conscience que je suis en avance par rapport à l'année dernière. Bon, finalement, çà ne se passe pas si mal que çà....

Arrivée dans St Georges de Luzençon et le ravitaillement. Un petit tour et puis s'en va. Les jambes commencent à être lourdes mais les pieds ne me font pas trop mal, juste une petite gène à la plante. Je suis vigilant, car je me souviens que c'est à peu près à cet endroit que l'année dernière j'avais commencé à vraiment coincer. On passe un coup de fil à Jean-Pierre pour se tenir un peu compagnie. A ce moment, je crois avoir une hallucination. Je viens de me faire doubler par un gars qui cours .... pied nu !!!! Alors là, je suis sur le c... ! Dans la rubrique des courageux, celui-là il aura une bonne place ! Chantal va bien. On devise un peu et je lui dis que je m'attends à ce qu'ils me rattrapent bientôt, sans doute dans la portion entre St Gorges et St Rome. On verra bien.
Sortie de St Georges : tiens voilà la voiture qui annonce la tête ! Je suis attentif à regarder le dossard et la tête de ce coureur. Je le reconnais, c'est Bruno Heubi entouré de plusieurs vélos. Au moment où l'on se croise je lui adresse un vif encouragement. Lui qui avait dit sur son forum qu'il n'y allait pas pour la gagne... peu y avaient crus quand on voit son palmarès ! Quelle belle foulée, c'est vraiment impressionnant ! Contrairement à son prédécesseur au palmarès de l'épreuve, il ne semblait pas marqué du tout par l'effort et ce, malgré plus de 80 km de route !!! Le deuxième (Morgo), le suit à quelques minutes qui me paraissent vraiment très longues ; puis seulement après encore un gros laps de temps, c'est au troisième de passer. Décidément, le trou est vraiment colossal entre chacun des coureurs de tête. C'est quand même un super spectacle de voir ceci, on est vraiment aux premières loges. Je poursuis ma route sur le très très long faux plat légèrement montant et monotone entre St Georges et St Rome. 55eme km : 6h50'50'. J'attends le ravitaillement de mi parcours. Enfin, le voilà au loin ! Comme l'année dernière, les bénévoles ont mis de la musique. Vraiment bonne idée qui permet de sortir de cette grande monotonie entre les deux villages. Deux verres de ma boisson devenue favorite depuis le départ, je grignote un peu (toujours du sucré et du salé), un petit check-up vite fait pour faire l'état des lieux sur la mécanique : RAS mais je sens bien que mon genou est fragile. Et c'est reparti. Nouvelle partie sur la route principale qui nous emmène vers St Rome. Je sens une toute petite gène au bout d'un orteil. Je dois être en train de faire une petite ampoule. Comme elle n'est pas mal placée, je me dis que j'attendrai d'arriver à St Affrique pour me la faire soigner. Je discute un bon moment avec un marcheur qui vient de Belgique. Il a une marche très efficace et j'ai peine à le suivre même en courant. Je suis obligé de le laisser filer, car c'était à mon tour de marcher. Bonne route ! On commence à croiser des concurrents un peu plus souvent. 60eme km : 7h34'17". Arrive enfin St Rome de Cernon. Tiens Chantal, ne m'a pas rattrapé. Finalement, j'avance quand même pas trop mal, malgré mon petit rythme. Petit passage au ravitaillement puis grosse concentration avant la montée de la deuxième grosse difficulté de la journée : la côte de tiergues. Certains parlent même de col avec une montée de 3km et 200m de dénivelé. Un petit coup de fil de Jacqueline qui est encore sur la route et j'estime au doigt mouillé que je serai à St Affrique dans environ 1h30 à 2h00. C'est bon, elle a le temps d'arriver.

Une bonne respiration, un petit coup d'oeil au chrono, un petit sourire aux gens chargés du pointage est c'est parti pour la montée. Comme le genou ne me fait plus mal depuis un bon moment, je décide (un peu instinctivement), de ne pas traîner dans la montée. La plupart des coureurs marchent dans la montée. Et bien moi, je cours littéralement. J'ai parfois même l'impression de voler. Incroyable, aucune douleur, rien. J'alterne marche et course à un très bon rythme. Je double une sacré flopée de concurrents qui me regardent passer avec pas mal d'étonnement. Vraiment, je me sens bien. C'est presque l'euphorie. Arrive finalement, le premier lacet que j'avale goulûment ; puis vient le second : une formalité. Un vrai bonheur. Oui, Oui, je vole !!! dans la montée vers le sommet, je croise la première féminine, puis juste un peu après ses deux poursuivantes. Autant la bagarre semblait bien jouée chez les hommes tant les écarts m'ont parus énormes, autant, chez les filles, çà allait être chaud pour disputer cette fin de parcours. Pendant ce temps là, moi, je vole ! Je croise un peu plus loin Jérôme, un jeune triathlète de ma région, mais je suis un peu surpris de le voir là (il a dû s'inscrire au dernier moment car je ne l'avais pas vu sur la liste des engagés) et je n'ai pas le temps de l'encourager car, le bougre, il descendait à vive allure. Arrivée en haut de la côte, il y a quelques maisons, et les riverains qui applaudissent et encouragent les coureurs. Merci pour les encouragements. Coup d'oeil au chrono. J'ai mis pile poil 30 minutes pour me faire Tiergues que je redoutais tant. Génial. Le moral est revenu au beau fixe. En plus, je sais que les enfants ne sont pas trop loin maintenant. Je vois un peu plus loin dans le sens inverse, une excellente coureuse de Cahors, Susan, qui avait fait un super temps l'année dernière : dans les 10h20. Là elle est accompagnée par Bernard Constant, également de Cahors et bien connu des coureurs d'ultra pour avoir participé à plusieurs courses d'anthologie, comme le spartathlon et une autre très grosse course au Japon. "Allez Susan, allez Cahors" je leur lance en passant, mais je vois que le visage, malgré le sourire en me voyant passer est un peu figé. A mon avis, Susan, doit avoir un petit coup de "moins bien". Elle se refera dans la descente, je n'en doute pas. Je continue mon chemin et je m'arrête un petit coup au ravitaillement juste avant la descente vers St affrique. Une bonne collation, un petit coup d'oeil sur ces paysages de carte postale et go, pour la descente. 65eme km : 8h19'42".

Bon sang, comme elle m'a paru longue cette descente ! Quelle faisait mal aux jambes ! Il faut dire quand même qu'elle fait dans les 6/7 km et pas loin de 300 m de dénivelé. Après l'euphorie de la montée, la descente m'a ramené à la réalité de la course. Alternance très rapprochée de marche et de course, mais en réalité aucune allure n'allait vraiment bien. En marchant, les plantes de pieds me brûlaient, et en courant, c'était l'ensemble des jambes et des cuisses. Il a fallu que je fasse avec. J'ai l'impression que j'allais beaucoup plus vite dans la montée tout-à-l'heure que dans cette descente et je me fais passer par les concurrents que j'avais doublés dans la montée de Tiergues. Les kilomètres passent. 70eme km : 9h04'18". A mon avis, Chantal, ne doit plus être loin derrière maintenant. Voilà enfin les premières maisons de St Affrique. Super, la salle du ravitaillement n'est plus trop loin. Un coup de fil de Jacqueline qui me dit qu'elle est bloquée dans un embouteillage dans St Affrique. Quand je lui apprends que j'en ai plus que pour 10min environ avant d'arriver à la salle de St Affrique, elle est très étonnée et je lui raconte que la montée s'est bien mieux passée que je ne le pensais. "Bon, je gare la voiture où je peux et j'essaie d'être avant toi à cette salle". L'arrivée dans St Affrique finit par une descente assez raide, puis enfin le plat dans le centre ville. A ce moment, je regarde ma montre : il est un peu plus de 19H00 ; tiens j'ai encore pas mal d'avance par rapport à l'année dernière. Je me souviens que je m'étais arrêté aux allentours de 20h00 à St Affrique pendant pas loin de 3/4 d'heure. Quand j'étais arrivé il faisait jour et quand j'en suis sorti il faisait nuit. Il n'y avait pas trop de monde cette année dans St Affrique pour nous encourager. C'est pas grave. Çà y est, je reconnais là-bas la bâtisse du ravitaillement..

Au même moment, au coin de la rue, je vois toute ma petite famille qui essaie de dévisager chaque coureur qui passe. Je fais un grand signe, et aussitôt Victor et Caroline me reconnaissent. Génial ! Comme çà fait chaud au coeur de les retrouver ! Ils se précipitent à ma rencontre. "bonjour papa" en me sautant au cou. Victor (5 ans) un peu inquiet me lance alors :" mais, papa, tu n'es pas le premier ? Tu sais, les autres ils sont devant !!!" J'éclate de rire, je ne m'attendais pas à une pareille remarque ! Tant bien que mal, j'essaie de lui bredouiller, que l'essentiel n'est pas de gagner, que, pour cette course, tous ceux qui arrivent sont des vainqueurs, et je vois qu'il est un peu dubitatif.... On finit ensemble les quelques mètres qui nous séparent de la salle. Je pointe auprès des contrôleurs (je me souviens que l'année dernière, j'avais failli ne pas le faire) et on rentre dans la salle. Arrivée ravitaillement St Affrique : 9h14'. Plusieurs tables à gauche en entrant, avec comme d'habitude, moult victuailles, qui vont assurément me requinquer. A droite, le vestiaire où je récupère mon sac parvenu avec une navette de l'organisation. Un peu plus loin, pas mal de chaises occupées par les uns et les autres. Quelques tables où sont allongés certains concurrents, soit pour se faire soigner, soit pour se faire masser. Puis, plus au fond de la salle, un grand paravent qui masque les lits de camp, où sont allongés quelques coureurs qui sont pris en charge par les secouristes (ceux qui sont victimes de malaises, d'hypoglycémie, ...). Tout en réservant ma place pour le soin de ma petite ampoule, on commence à se raconter nos péripéties, celles de la course et de mon genou pour ce qui me concerne, et pour, Jacqueline, celles de son voyage avec les gamins. Petite inspection des pieds, RAS à part la fameuse petite ampoule. Au même moment, un pompier conseille à qui veut bien l'entendre qu'il ne faut pas rester les pieds nus au sol pour éviter les crampes. Je prends le conseil pour moi et je fais attention. Viens mon tour pour le soin de l'ampoule. Caroline (7 ans et demi), en voyant la podologue affairée sur mon pied, avec ses aiguilles, manque de tourner de l'oeil ... je lui explique que çà ne me fait pas mal du tout. Elle est aussi un peu étonnée de voir tous les morceaux de sparadrap sur mes pieds. Je lui explique que justement, c'est pour éviter les ampoules. Petits conseils de la podologue : changer de chaussettes et remettre de la crème anti-frottements. Pas de problème j'ai tout prévu.... Changement donc de chaussettes après m'être badigeonné de la crème et remis des sparadrap neufs ; je commence à rassembler mes affaires pour la nuit. Les gants, la frontale, le tee-shirt respirant à manches longues.
J'hésite à prendre la polaire. Finalement, je me dis que, compte tenu du temps plus clément que l'année dernière, je vais essayer sans. Pas de risque apparent de pluie non plus (le ciel était encore très dégagé), Donc, je laisse également mon pancho dans le sac. Pendant ce temps là, Caroline et Victor, aux petits soins pour leur papa allaient et venaient entre la table de ravitaillement et la chaise ou je m'étais accordé de m'asseoir un bon moment. J'ai pu ingurgiter une bonne soupe aux légumes, bien chaude et délicieuse. Comme elle était bonne cette soupe ! J'avale deux trois autres nourritures, un peu de chocolat, toutes ces petites choses aussi bonnes pour le corps que pour le moral, je bois un bon coup de ma boisson favorite depuis ce matin. J'entends quelques conseils techniques toujours du pompier pour ceux qui veulent faire des étirements. Pour ce qui me concerne, je n'en fais pas mais je replie néanmoins ma jambe droite, et là je comprends vite que je n'ai surtout pas intérêt à recommencer car un début de crampe pointe derrière la cuisse. Je fais un petit tour pour m'alléger de quelques centilitres, et ma foi ... je me sens prêt à partir. J'enfile ma frontale, bien qu'il ne fasse pas encore nuit, et tout en sortant de la salle, on se donne rendez-vous avec Jacqueline et les enfants au ravitaillement de St Rome. "Allez papa , t'es le meilleur", me lancent les enfants, en me voyant repartir. Ils sont vraiment formidables. Départ ravitaillement St Affrique : 9h45'.

Finalement, cette pose n'aura duré environ qu'une demi-heure ; encore çà de gagné par rapport à l'année dernière. C'est reparti, le moral est au beau fixe et surtout, je ressens bien les bienfaits de ce bon arrêt. Je me sens bien fort pour affronter les 30 km restants, d'autant plus que, dorénavant, on est sur le retour vers Millau, et psychologiquement c'est important. Je commence à ne plus trop avoir de doutes sur le fait que je puisse rejoindre Millau (mais je croise un peu les doigts en espérant qu'il n'y ait pas de casse en cours de route) , et, bien que je n'y avais plus pensé depuis plusieurs heures, je commence à prendre conscience du temps qu'il me reste à faire. Vu l'heure qu'il est et mon allure jusqu'à présent, finir avant minuit ne me semble pas atteignable, mais peut-être quand même pas si éloigné que cela. J'estime en gros que j'arriverai dans les minuit trente, c'est à dire dans les 14h30 de course. Un petit espoir bien maigre cependant commence à faire surface sur ce point. Bien, une motivation supplémentaire ! Pendant ce temps là, dans les rues de St Affrique, je reçois un coup de fil de Jean-Pierre qui m'annonce que Chantal est maintenant devant moi. Elle ne s'est quasiment pas arrêtée au ravitaillement et continue son train très régulier. Je me dis que, pour son 1er cent bornes à Millau, elle se débrouille vraiment comme une chef. Moral très bon et pas d'ennui mécanique pour elle. Tout baigne.

Et c'est reparti pour le sens inverse avec la montée vers Tiergues. Le début est bien raide, mais je sais que la pente va s'adoucir assez rapidement. On croise pendant la montée quelques concurrents qui vont vers St Affrique, chacun à son propre rythme. Un petit encouragement pour leur dire que le ravitaillement n'est pas très loin. La montée me paraît beaucoup moins pénible que tout à l'heure lors de la descente. Impeccable. Je ne dirais pas que çà grimpe tout seul, mais quand même... je vais d'un bon train, toujours en alternant marche et course. Tiens une ambulance qui descend dans l'autre sens vers St Affrique. Au bout d'un moment, la pénombre commence à arriver. J'allume lors ma frontale, les leds en position longue durée. 75eme km : 10h15'55". Je grimpe rapidement mais comme à l'aller, je la trouve encore très longue cette portion, et il me tarde que le ravitaillement arrive maintenant, en haut de la côte. Çà y est, je le vois, enfin ! Avec la nuit qui est survenue dans la montée, est arrivée également une petite fraîcheur. Au ravitaillement, j'enfile mon tee-shirt à manches longue en dessous de mon tee-shirt de course. Comme çà avec cette deuxième couche, je devrais tenir un bon moment, sachant que j'ai encore mon coupe vent au cas où. Je me souviens que l'année dernière, je souffrais le martyr à cet endroit, et j'avais trouvé beaucoup de réconfort pendant les longues minutes passées dans les tentes des secouristes. Non cette année, çà ne sera pas pareil : je ne vais faire qu'une petite pose ravitaillement classique et c'est reparti. Pendant les petits faux plats avant la grande descente, je reçois plusieurs coups de fil. Mes oncles et tantes de Champagne et Picardie prennent de mes nouvelles et m'encouragent. Des copains du boulot également. Vraiment sympa. Je devise un peu avec eux sur l'objectif de moins de 14h00 qui ne me parait pas très éloigné. Arrivée en haut du faux plat, je tombe en admiration devant les décorations qu'avaient faites les riverains du haut de la montée de Tiergues : de nombreuses petites lumières et des petites bougies disposées sur les murets et clôtures de part et d'autre de la route donnaient un aspect vraiment magnifique à ce passage. Un petit mot gentil à ces personnes pour les féliciter de cette gentille attention puis c'est la bascule dans la descente de Tiergues qui emmène vers St Rome de Cernon. Très vite, arrive le premier lacet, puis un peu plus tard le second. Déjà, mes cuisses et plantes de pieds commencent à me réchauffer singulièrement pendant cette descente. 80eme km : 11h04'02". Pas moyen au bout d'un moment de trouver une position confortable. Bon, il faut que je prenne mon mal en patience. Peu à peu je vois les lumières des premières maisons de St Rome. C'est fou ce que çà peut faire du bien, après ces très longues minutes passé seul, au milieu de rien dans cette nuit, avec pour seuls compagnons, le chant des grillons et parfois des coureurs qui nous doublent silencieusement ou que l'on double à notre tour. J'arrive dans St Rome et je vois Caroline et Victor qui m'attendent un peu avant le ravitaillement. Ils sont contents de me voir à nouveau et on finit en courant ensemble. Je les préviens rapidement que, cette fois-ci je ne vais pas rester très longtemps, en tout cas beaucoup moins que tout à l'heure à St Affrique. Petite pose ravitaillement après avoir gravi la petite dizaine de marches permettant l'accès à la salle. Un petit mélange de soupe/coca/fromage/chocolat classique que les enfants me rapportent des tables de ravitos bien consciencieusement. Jacqueline, qui a récupéré mon sac de St Affrique, s'inquiète et me demande si je n'ai plus besoin de rien. Non çà va. Elle m'indique également que les enfants commencent à être fatigués et qu'elle va être obligée de rentrer. Je comprends, même si je suis un peu déçu qu'elle ne reste pas pour qu'on puisse également vivre ensemble le moment de l'arrivée. Ceci étant, je me fais vite une raison car cette visite n'était pas prévue au programme initialement et elle m'aura vraiment beaucoup apporté. C'est le moment du départ. Les enfants veulent courir un petit moment avec moi. Ok, on y va ensemble. "Dis papa, tu ne coures pas très vite !" s'étonne Caroline. Je lui explique alors que si on veut courir très longtemps, il ne faut pas courir trop vite. On fait comme çà ensemble environ 150 m, jusqu'au moment où les lumières du village commencent à s'estomper. On décide alors de se quitter à cet endroit. "Bon courage, papa !" me glisse Caroline. "Papa, il faut que tu rattrapes plus vite que le premier !" me dit Victor plein d'espoir avec ses mots de bambin. "Je vais essayer ...". Dernière grosse accolade et chacun repart de son côté, les enfants vers leur maman qui était restée devant la salle de St Rome, et moi reprenant mon chemin vers Millau. Deux coureurs qui avaient vu la scène avec mes enfants m'ont confirmé que j'avais des gamins vraiment formidables. "T'as compris, hein, papa, plus vite que le premier !!!" me dit l'un deux. Et on repart ensemble, souriants, dans la nuit.

En route pour le très long faux-plat descendant vers St Georges. La prochaine étape intermédiaire sera le ravitaillement musical. Les jambes sont un peu lourdes, mais tout va bien, pas de soucis. On longe à cet endroit une rivière en contre-bas de la route qui fait remonter un peu de fraîcheur. C'est très supportable. Le cortège de coureurs, à cette heure, commence à être pas mal espacé. J'ai plutôt tendance à en rattraper certains que l'inverse. C'est bon signe, je vais donc à une allure correcte. Je m'aperçois que certains rares coureurs avaient choisi de ne pas porter de lampe frontale et s'en remettaient, pour ceux qui en avaient un, à la lumière du vélo de leur suiveur. Bizarre, c'est quand même pas le poids de la frontale qui est gênant ... Un petit coup de fil à Jean-Pierre pour prendre des nouvelles. Ils sont bientôt en train d'arriver au ravitaillement intermédiaire. Tout va bien pour Chantal avec son allure de métronome. J'en déduis rapidement qu'ils doivent être quelques centaines de mètres devant moi. Je poursuis en me disant que je ne vais sans doute pas tarder à la rejoindre même en continuant mon rythme alterné marche/course. 85eme km : 11h48'10". Arrive alors le ravitaillement toujours aussi musical, encore plus contrastant dans la nuit par rapport à l'ambiance calme de la route nocturne. Allez on ne tarde pas. Je prends deux ou trois bricoles et je m'apprêtais à partir quand j'entends derrière moi "Allez papa, plus vite que le premier !". C'était les gars qui m'avaient vu avec les enfants quelques kilomètres plus tôt à la sortie de St Rome. On échange alors quelques mots d'encouragements. Juste avant de partir, très confiant, je fais quelques moments de décontraction des jambes. D'abord la droite, tout va bien. Puis la gauche, et là ..... Aie Aie !!!! le genou. Je l'avais oublié celui-là. Grosse grosse douleur. Je me traite de tous les noms, en me disant quelle idée j'ai eu subitement à mobiliser comme çà mes jambes. J'essaie de reprendre alors la course. Impossible. Bon, il faut que je parte quand même. Alors je marche, mais chaque appui côté gauche me fait mal. Allez, on sert les dents, en espérant que çà va se rétablir très bientôt. C'est ce qui se passe finalement au bout d'une centaine de mètres. Puis la douleur s'atténue fortement. J'essaie de trottiner à nouveau. Petite douleur au début qui s'estompe progressivement. Ouf!!! je l'ai échappé belle ! Je peux reprendre mon train normal. Pendant quelques instants, je m'en veux de cette aventure. Je commençais juste depuis quelques temps à regarder le chrono, en me disant de plus en plus que l'objectif des 14h00 était peut-être atteignable. Je m'en suis voulu de cet optimisme grandissant qui m'avait fait oublier la vigilance constante à conserver sur l'état de la "mécanique".

C'est parti vers St Georges. Pendant cette portion, quelques véhicules commencent à nous doubler puisque la circulation a été rouverte sur cette portion de route à partir de 22h00. Çà va ils ne vont pas trop vite. A partir de maintenant il va falloir se serrer sur le bord de la route et être vigilant, à regarder un peu vers l'arrière avant de doubler des concurrents, surtout quand ils courent de front à côté de leur vélo-suiveur. Bien Voir et Bien être vu avaient indiqué l'organisation au départ de la course. Petite vérification : les bandes réfléchissantes fournies avec le package de départ sont toujours bien accrochées derrière mon short long. Je sais en plus que les chaussures et les tee-shirts possèdent aussi des parties réfléchissantes également. Avec la lampe frontale en plus, je pense que je suis bien équipé. Tout va bien. La route se déroule bien. Ma motivation concernant l'objectif devient de plus en plus importante voyant que cela relève du domaine du "très faisable". Cela me pousse donc encore plus à "rouler" à bonne allure. Et puis je sais que Chantal n'est pas trop loin devant. Je scrute les silhouettes des coureurs et des vélos que je rattrape. Pas facile de les distinguer précisément très longtemps à l'avance. Ainsi passent les minutes. Bientôt apparaissent les lumières de St Georges de Luzençon un peu en contre-bas. Encore une étape supplémentaire de franchie.

L'arrivée dans la salle est assez classique à cette heure de la nuit. A gauche, le guéridon avec les boissons. Quelques tables en complément avec d'autres nourritures. Des concurrents, parfois l'air un peu hagard, qui font quelques étirements et recherchent, avant la dernière difficulté du parcours, à soulager leurs petits et gros bobos. Atmosphère très calme. Entre deux gorgées, j'en profite pour féliciter le bénévole pour la qualité et la quantité du ravitaillement et lui dit que çà a été le cas tout le temps depuis le début. Je les ai félicité aussi pour leur gentillesse, leur sourire, leur disponibilité. Des bénévoles .... très pros, en somme. Je ne m'attarde néanmoins pas trop et j'évite de faire la même bêtise qu'au précédent ravitos. Je me souviens que j'en avais passé du temps également l'année dernière à ce ravitaillement...

C'est reparti, et là ce coup-ci, çà va commencer à sentir l'écurie. Les premières foulées sont un peu dures au début, mais bon, çà repart pas trop mal. Dès la fin de la grande ligne droite de St georges, c'est déjà la montée pour retrouver le viaduc. Super, mon point fort d'aujourd'hui, une montée ! Renouvelant la technique qui m'a bien réussi jusqu'à présent, j'alterne la marche/course à un bon train toutes les trente secondes environ. A chaque fois, je me fixe comme objectif le concurrent qui me précède et dont je vois les lumières et qui, comme la plupart a choisi de marcher la presque totalité de la côte ; je cours pour le rattraper. Puis, je marche en restant un peu derrière, puis je cours à nouveau pour le doubler et me rapprocher du suivant. C'est comme çà qu'au beau milieu de la montée, j'arrive à distinguer des silhouettes familières. Je lance un timide "Jean-Pierre ?" aussitôt on me répond "Bruno ?". Çà y est, Toute la petite équipe est rassemblée un cours instant. On prend les nouvelles en direct cette fois-ci. Je vois bien que Chantal n'a pas le visage marqué. Les sensations sont bonnes. On sait tous les deux qu'on est en train de le vaincre ce 100 bornes. "Allez Chantal, t'es une championne !!!. A tout à l'heure !!!". Et puis je file pour éviter de trop perturber mon rythme. Çà m'a fait du bien de les voir, même si c'était très fugace. Je reprends ma route tout en gardant mon rythme. 90eme km : 12h32'40". Bientôt le replat et la vision du viaduc, à quelques centaines de mètres, majestueux avec ses grandes flèches illuminées. Qu'il est beau cet ouvrage la nuit. Le petit rond-point et on passe entre les piliers gigantesques. Allez, la dernière grosse descente. Je m'apprête à vivre encore pendant quelques hectomètres des situations difficiles comme dans les descentes précédentes. C'est effectivement le cas. Toujours autant mal aux pieds en marchant et mal aux cuisses en courant. J'essaie d'atténuer au maximum le tout petit impact avec la route à chaque foulée. Je voudrais être le plus léger possible pour limiter la douleur. J'essaie de m'encourager en me disant que, de toute façon elle n'est pas très longue cette descente et que c'est la dernière vraie difficulté de la partie. Je me remémore l'année dernière où, en plein milieu de cette descente je m'étais appuyé à la glissière de sécurité, presque plié en deux et à deux doigts de tourner de l'oeil. Je me souviens que Jean-pierre et Chantal avaient eu un peur à ce moment-là. Je cherche la glissière de sécurité. Tiens elle ni n'est plus là cette année. Le temps de penser à tout çà et je commence à voir les lumières de la grande surface en bas de la descente. "Allez, mon pote, encore un petit effort et après c'est une petite montée dans Creissel" me dis-je. On sert les dents une dernière fois, et çà y est la dernière épreuve est terminée.... Le petit rond-point en bas de la descente, puis la petite montée dans Creissel avec le dernier ravitaillement avant l'arrivée finale. Quand je disais que çà sent l'écurie ....

Ce ravitaillement est un peu excentré par rapport à la route. J'ai un petit moment d'hésitation. J'y vais, j'y vais pas ? Çà ne serait que le premier ravitaillement de shunté depuis ce matin. D'un autre côté, je me dis que ce serait vraiment couillon de coincer à quelques km seulement de l'arrivée à cause d'un ravitaillement non effectué. Allez j'y vais. J'arrive un peu essoufflé. Tout en reprenant mon souffle, j'avale quelques gorgées de boissons gazeuses. Je ressens quelques sensations de vertige. "hou là là mon vieux, il est largement temps que tu arrives." me dis-je. Sans hésitation je repars aussitôt en prenant congé poliment auprès des bénévoles qui m'ont accueillis. Grosse douleur toujours à mon genou gauche au moment du départ. Je comprends qu'il n'apprécie pas trop les courtes poses aux ravitaillements lorsqu'il se refroidit un tout petit peu. J'ai quand même confiance et au bout d'un petit moment de marche, la course redevient possible. Allez, les derniers kilomètres. 95eme km : 13h11'14". Puis 97eme km. Coup d'oeil à ma montre. Il est 23h30. Bon sang, il ne reste que 3 kilomètres à faire en trente minutes. C'est sûr, maintenant je vais y arriver avant minuit. Génial, mon objectif , je ne peux plus le rater, et en plus je pense que j'aurai un peu de marge pour éviter de tresser inutilement sur la fin. C'est avec cette petite euphorie que j'engage la petite descente vers Millau. Génial, çà roule tout seul !

Je décide d'être bien attentif aux derniers panneaux kilométriques, car l'année dernière, je ne les avais pas vus. En bas, on tourne à gauche pour emprunter le pont. Le 98eme km sur le pont. J'ai gagné, je le sais, je serre les points. Cette rentrée dans Millau, cette traversée, je la savoure à chaque foulée, à chaque pas. Je la tiens ma victoire. On traverse tranquillement Millau. Quelques jeunes qui préparent leurs activités nocturnes, en ce samedi soir un peu avant minuit, un peu éméchés, nous souhaitent un "Bon courage" hoquetant. Ils ne peuvent pas savoir à quel point, à ce moment je préfère être largement à ma place qu'à la leur. La place des jets d'eau avec ses bistrots et restaurants et les illuminations. Le début de la grande avenue avec le panneau qui indique le 99eme km. Je le montre du doigt à une passante en criant "génial ! ". Elle comprend et m'applaudit. Je sais que j'ai gagné. Il ne peut plus rien m'arriver maintenant. Je remonte l'avenue à mon train habituel course/marche. Je distingue par moment des coureurs arrivés depuis longtemps en train de siroter une bonne boisson. Je profite de tous ces instants. Toutes les douleurs se sont évanouies. Au contraire maintenant, chaque pas est une délivrance, un réel bonheur. Passage à niveaux puis juste après, l'entrée dans le parc de la Victoire. La rangée des arbres qui nous emmène vers l'arrivée est magnifiquement éclairée. Je serre les poings en empruntant l'allée. Quelle jouissance ce moment. Et puis, ensuite tout s'enchaîne vite. Le panneau qui annonce la photo de l'arrivée, Le petit rampaillou en tôle qui mène au seuil de la salle. L'entrée dans la salle avec le photographe à droite, un petit sourire en le voyant, la lumière et le brouhaha de la salle noire de monde, la montée vers la banderole ARRIVEE. J'entends mon nom au micro annonçant mon arrivée. Je franchis la ligne et m'arrête un instant à cet endroit en serrant fort les poings. C'est une vraie victoire pour moi, une grande fierté.... La petite descente du podium. Je suis un peu dans les "vaps" ; on me tend mon diplôme et le petit trophée donné à tous les finishers. Un coup d'oeil sur le temps : 13h51min32s. Génial. Je me fraie alors un chemin à la recherche d'un endroit pour m'asseoir. Quelqu'un me libère sa chaise gentiment. et je m'assois, enfin. Une réelle émotion m'envahit à ce moment. Quelques sanglots apparaissent. Un mélange de bonheur et de nervosité. Je me reprends rapidement et je passe un coup de téléphone à Jacqueline pour lui dire que je suis enfin arrivé à l'instant. Je lui fait part de ma grande joie. A ce moment, je vois Chantal qui en finit également. Son visage est radieux. Elle pousse un cri de victoire également sur le podium. Son temps : 13h54 min et quelques secondes. Bravo, Chantal, t'es une vraie championne. On a tous les deux gagné.

Cette arrivée dans la salle des fêtes contraste beaucoup avec celle de l'année dernière. Beaucoup de monde dans la salle, alors que l'année dernière, en arrivant vers 4h30 du matin, c'était beaucoup plus clairsemé. On reprend nos esprits tranquillement avec Chantal, assis pas très loin du podium. On devise sur nos impressions de course, sur nos petits soucis mécaniques. Enfin, les miens plutôt, parce qu'elle, rien, aucun problème de toute la course. On reste comme çà pendant une douzaine de minutes, j'en profite pour enfiler mon coupe vent, pour me protéger de la sensation de fraîcheur juste après l'effort. Petit à petit on trouve un peu de force pour se remettre en position debout. Dur, dur ! Çà tire de partout dans les jambes. Je m'approche du ravitaillement sur le côté et je grignote une dernière fois quelques aliments et surtout, je bois une dernière fois de ce coca pour bien me désaltérer. Ensuite, direction la salle de soins et de massages. On attend notre tour tranquillement. On en profite pour discuter un peu avec les uns et les autres. Je demande soudain autour de moi qui est le vainqueur. On m'apprend que c'est Bruno Heubi en 7h30 environ. Bravo, Bruno, je ne suis pas étonné.... On rend visite ensuite à Susan qui n'est pas bien du tout. Elle a du se reposer depuis son arrivée, deux heures avant nous, mais deux heures également après son objectif initial (10h00). Elle a du coincer sacrément sur le retour depuis St Affrique. On se réconforte comme on peut en se disant des mots gentils.

Je mets une couverture sur moi pour éviter d'attraper froid. Dans cette petite salle annexe, tous les soins sont prodigués à ceux qui en ont besoin. Çà aussi,au niveau de l'organisation, c'était vraiment impeccable. Les secouristes sont aux aguets un peu partout. Il n'est pas rare, en effet, de voir quelqu'un avoir subitement un gros coup de pompe, un début d'hypoglycémie, alors que quelques instants auparavant, il était en train de discuter tranquillement. Je passe au massage en même temps que Chantal. Jean-Pierre qui nous a rejoint, nous prend en photo. Je suis content de bénéficier d'un bon massage cette année car l'année dernière, cette partie avait été abrégée très rapidement : les jambes de tous les précédents coureurs avaient absorbé tous les tubes de crèmes... Un coup d'oeil aux pieds : l'ampoule soignée à St Affrique n'était plus qu'un lointain souvenir et aucun autre soucis n'était apparu. Massage terminé. Récupération des affaires au vestiaire, retour à la voiture pour déposer tout çà et me changer rapidement. Retour vers la salle des fêtes pour casser la croûte. D'autres concurrents sont en train d'arriver courageusement. On se délecte du repas d'après course concocté par l'organisation. L'appétit n'était pas vraiment là au début, mais petit à petit j'ingurgite tranquillement tout ce qui m'était proposé. Je m'accorde même un petit verre de vin. Les arrivées se poursuivent régulièrement. Je remarque que tous les arrivants, au moment de franchir la ligne d'arrivée ont une petite étincelle dans les yeux. La salle, petit à petit commence à se vider, mais on profite de ces instants d'après course bien mérités. Thérèse a bien apprécié l'accompagnement en vélo de Chantal. Elle avoue aussi avoir un sacré mal au derrière, comme c'est le cas pour tous ceux qui n'ont pas l'habitude de rouler souvent en vélo. Tiens, c'est l'arrivée du coureur pied nu. Sacré gaillard quand même. Il se fait interviewer par le speaker. On apprendra qu'il avait commencé la course en chaussures, mais celles-ci ne lui allant pas très bien, il les avaient laissées lors du passage du Marathon et avait décidé de continuer les pieds nus (sic !).
Vers trois heures du mat environ, on décide de lever le camp. Le massage ayant porté ses fruits, la démarche est lente mais assez fluide et régulière. La nuit, je la finirai dans le même lit que l'année dernière, chez les parents de Chantal, après une bonne douche salvatrice. En me couchant vers 4h00 du matin, je prends conscience que l'année dernière, à cette heure-ci, je n'étais pas encore arrivé à la salle des fêtes ... Une bonne progression finalement. Par contre, pour ce qui est du sommeil, il est venu peu à peu mais si quelqu'un a une solution pour placer les jambes dans le lit sans que çà fasse mal, qu'il me le dise, je suis preneur !!!!

Le bilan de ce 100 bornes est très satisfaisant. Comme je n'avais fait que très peu d'entraînement spécifique pour cette distance, je ne m'en tire pas trop mal au niveau du résultat horaire. En revanche, j'avais un an de plus de pratique de la CAP, et je finis quand même dans un bien meilleur état physique que l'année dernière. Deux jours après, je marchais vraiment normalement, avec néanmoins quelques difficultés dans les escaliers. Je savais que mon entraînement préalable dans les côtes était un peu insuffisant, mais je m'aperçois que j'ai un peu trop négligé le travail dans les descentes. Au rayon des bobos, le gros point négatif a été ce satané genou. Il faut que j'aille dare-dare chez le toubib voir ce qu'il a exactement. Sinon, à part une cheville légèrement gonflée, ras. Au niveau de la course maintenant, je pense que la fameuse méthode "cyrano" a été globalement bénéfique. Peut-être quelques ajustements à réaliser, mais, je pense que c'est grâce à elle que j'ai pu maintenir un bon rythme jusque la fin. Au niveau du ressenti de la course, elle a été vécue complètement différemment. Cette année, il y a eu principalement alternance de moments presque d'euphorie et de moments vraiment difficiles et douloureux. Jean-Pierre, qui a vécu deux expériences de suiveur en vélo m'a avoué également qu'il en était de même pour lui : deux accompagnements, deux histoires différentes, deux émotions et sensations différentes. En revanche, ce qui n'a pas changé, je l'avoue humblement, c'est cette émotion vécue tout au long du parcours, cette ambiance super qui régnait partout, entre les concurrents, les bénévoles, les spectateurs, et puis aussi cette fierté lorsqu'on arrive, lorsqu'on sait qu'on est arrivé à bout de cette légende de l'ultra. Je ne sais pas si je vais tenter une nouvelle fois cette aventure, mais les images que j'ai dans la tête et dans mon coeur resteront bien gravées. Véritable parenthèse de vie inoubliable.

Un grand Merci à ma famille, les amis, les collègues, les organisateurs, les bénévoles, les spectateurs et tous ceux qui m'ont aidé d'une manière ou d'une autre. Ma victoire est la vôtre.

1 commentaire

Commentaire de Éric63 posté le 31-12-2005 à 18:23:00

Bravo, quel récit, respect pour ta perf, un futur conquérant pour 2006 j'espère.

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