Récit de la course : Les Templiers 2009, par arthurbaldur

L'auteur : arthurbaldur

La course : Les Templiers

Date : 25/10/2009

Lieu : Nant (Aveyron)

Affichage : 4180 vues

Distance : 72km

Objectif : Pas d'objectif

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La Grande Course des Templiers 2009

Ca fume grave chez les templiers ...

Le CR en photos : La Grande Course des Templiers, le 25 octobre 2009

Comment ça, c'était long ? Hé, j'ai quand même une famille à choyer, des potées à manger avec toute la Biscotte familly, des photos à prendre pour immortaliser le premier cross de la saison dans le parc du château de la Bachasse (encore bravo à Jean-Yves et à Tazounet) et je n'ai même pas encore eu le temps de remercier les cerveaux d'Extra-Sport pour leur gentil mot dans le Roadbook SaintéLyon 2009. Ah, vous parliez du CR lui-même ?

Après mes deux abandons successifs à la Montagn'Hard et à l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, la Grande Course des Templiers m'a permis de conjurer le mauvais sort et de connaître à nouveau ce bonheur simple mais au combien intense de franchir une ligne d'arrivée. Et quelle ligne d'arrivée ! Celle des templiers. Une course de légende, une référence dans le trail en France avec un parcours entre Causses et Cévennes de 70 km et 3200 m de dénivelé positif.

Un pur régal pour les yeux et pour les cuisses ...

Le samedi 24 octobre :

Je retrouve mon fidèle compagnon de croisade en la personne de Jeanmik. Après avoir joué ensemble aux seigneurs entre Rodez et Millau en février nous voilà prêts à guerroyer à nouveau en terre Aveyronnaise sous la bannière des templiers.

Nous avons quitté Lyon au petit matin pour nous rendre à Nant, une petite commune d'un millier d'âmes qui accueille le festival des templiers chaque mois d'octobre.
Le voyage s'est bien passé. Pause café et pique-nique sont venus agrémenter un parcours agréable et paisible le long de la nationale 88.

Seule la traversée de la Haute-Loire nous aura causé quelques inquiétudes … La météo n'est guère engageante et nous sommes quelque peu inquiets quant aux conditions que nous risquons de rencontrer le jour de la course. Je ne crois pas avoir déjà vu le Puy en Velay sous les rayons du soleil. Je le regrette beaucoup. J'aime quand une ville offre au regard des repères visuels très marqués que ce soit par ses monuments ou par son relief. C'est le cas de Lyon avec la colline de Fourvière et sa basilique éponyme et c'est le cas également du Puy en Velay avec la chapelle Saint Michel d'Aiguilhe sur son piton volcanique et la statue de Notre Dame de France sur le rocher Corneille.

Nous passerons une bonne partie de notre samedi après-midi à Nant avec Kristofv que nous avons retrouvé sur place. A défaut d'avoir pu profiter longtemps de l'endurance trail qui avait lieu la veille, il est bien décidé à se rattraper sur l'aspect festif du weekend. Le retrait des dossards n'aura pas été trop long mais nous avons flâné longuement dans le salon et notamment au stand de la SaintéLyon histoire de papoter un moment. Bref, on aura vu quelques têtes connues voir très connues et beaucoup d'illustres inconnus.

J'oubliais. Nous avons pris le temps d'assister au départ de la Templière. Chaude ambiance également au départ de ce trail de 11 km exclusivement féminin et un départ boulet de canon des premières lignes.

Nous avons loué un gite à Saint-Rome-de-Tarn avec Taz le Diable. Nous le rejoindrons là-bas. Tazounet a récemment cassé son cochon rose pour acheter un camping car.  Il fait le trajet avec son nouveau joujou et a embarqué toute la famille pour l'occasion.
Nous rejoindrons également Yan42 qui a loué un gite dans le même camping pour lui et sa famille.
Ce n'est quand même pas la porte à côté Saint Rome de Tarn mais le camping accroché à flanc de colline offre des points de vues magnifiques sur le Tarn (Camping de la cascade). C'est le cas en tout cas depuis la terrasse de notre gite. Le gite est agréable. C'est propret, fonctionnel, rien à redire.

J'ai mis les bières au frais. On s'en dégustera une petite en guise d'apéro tout à l'heure avant la traditionnelle pasta de veille de course. Ensuite ce sera au dodo pour une courte nuit. Le réveil est programmé pour 3h ! Heureusement que nous gagnons une heure avec le passage à l'heure d'hiver.

Le dimanche 25 octobre :

Mes deux acolytes m'ont mis en quarantaine dans une des deux chambres tandis qu'ils se partageaient l'autre. Tout cela parce que j'ai soit disant ronflé au Trail des 3 Châteaux en mars dernier. Résultat des courses : ils ont joué de la trompette à tour de rôle et suffisamment fort pour que je les entende à l'autre bout du gite. Une vraie fanfare. Il manquait plus que les majorettes, la fête à neuneu quoi.

Le réveil fort matinal est un peu difficile mais quand il faut y aller ... Petit déjeuner avalé,  sacs enfournés dans la titine, nous prenons la route pour Nant. J'ai pris les rênes, mon fidèle Tazounet est à mes côté comme copilote (moniteur d'auto école, ça ne s'invente pas) tandis que mon arrière garde (Yan42 et Jeanmik) finit sa nuit sur la banquette arrière en papotant vélo histoire de donner le change.

Après le village de la Cavalerie, nous nous retrouvons peu à peu au sein d'une incroyable file continue de voitures qui tracent leur route tous feux allumés dans la nuit noire. On en découvrira toute l'ampleur dans la longue ligne droite qui longe le camp militaire. A croire que tous les trailers de France et de Navarre convergent avec leur famille et leurs amis vers un même point de ralliement.

Nous avons la chance de pouvoir nous garer facilement dans un des parkings les plus proches du point de départ. Ce n'était pas gagné au vue des arrivées incessantes. Il y a quand même environ 2800 coureurs inscrits !

Kristofv est venu nous faire un petit coucou sur la ligne de départ. Il est courageux cet homme-là. Purée, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a du monde ! Pourtant, j'aurai la surprise de découvrir l'ami Iade38 juste dernière moi. J'avais fait la quasi totalité du parcours du Nivolet Revard avec lui. Tantôt devant, tantôt derrière et finalement le premier à l'arrivée. Bon, cette fois il aura toujours été devant le bougre.

Il fait vraiment doux malgré l'heure matinale. Pas de pluie. Pourvu que ça dure.

L'arche du départ n'est pas très loin mais le peloton semble s'étirer bien au-delà. Les pointures présentes ont toutes répondues aux questions de l'animateur, l'organisation nous a fait les quelques recommandations d'usage, de bon usage devrais-je dire et la pression monte subitement d'un cran avec les premières notes de musique d'Era. C'est le départ. Les feux de bengales projettent leurs lueurs rougeoyantes sur la scène ... Il nous faudra plusieurs minutes avant de franchir l'arche, tant et si bien que les feux se seront complétement consumés quand nous passerons à proximité !

Nant - Dourbies
Etape : 39 km, Cumul : 39 km
Temps de course : 5h43, Class. : 1461 ème

Je range le portable. J’ai peur de le laisser tomber en étant bousculé par cette foule qui se met en mouvement. Les coureurs qui m’entourent commencent à trottiner. Je fais de même bien sûr. C’est parti.

Nous traversons le village au petit trot. Un passage éclair devant les tentes du salon et nous quittons Nant par la départementale. Cette petite portion de bitume, il y en a vraiment peu sur les Templiers, permettra un échauffement tout en douceur de nos chevilles. Elles seront misent à rude épreuve par la suite. Quelle délicate attention de la part des organisateurs. 

Je cherche mes compères du regard. Pas facile de les repérer et de les garder en ligne de mire dans cette masse de coureurs. Yan42 n’est pas loin devant sur ma gauche, il me semble que Tazounet est derrière moi mais où est Jeanmik ? Ah ! le voilà ! légèrement en retrait sur ma droite.

Exit le bitume, nous empruntons les premiers chemins. Pour rogner quelques grammes, j’ai pris une vieille frontale Tikka plutôt que mon habituelle Myo XP. Je me rends compte qu’elle n’éclaire pas grand chose. Bon, ça suffira, cette première phase de course en nocturne ne va pas durer bien longtemps et puis je commence à bien maîtriser cet exercice consistant à courir la nuit avec mes multiples participations à la SaintéLyon.

Les loupiotes tracent un chemin lumineux au loin. Cela me semble suffisamment en pente pour que je m’interroge sur la rapidité de déplacement de ces petites lumières. On dirait un escalator. Oui, c’est cela, un gigantesque escalator pour ultra-fondeurs. A moins que ce ne soit des phares de voitures mais elles seraient vraiment nombreuses.
Je me rapproche peu à peu, l’effet d’optique se dissipe. Ce sont bien les frontales des coureurs que j’observais, d’ailleurs j’en fais partie maintenant.

J’ai perdu le reste de la troupe. Il me semble qu’ils sont derrière moi. Oh, probablement pas bien loin. Il me semble que je vais un peu vite mais c’est difficile à dire. Je n’ai pas de repères. Je n’ai pas pris l’accéléromètre de ma Polar que je trouve trop peu précis pour ce genre de balade, je n’ai pas de gps et garder l’œil rivé sur l’évolution de ma fréquence cardiaque me rebute un peu et puis j’ai déjà suffisamment de truc à trimbaler sans m’encombrer de la ceinture pectorale. Il me reste mon cerveau et les sensations que mon corps ne manque pas de lui faire parvenir.

J’aimerais connaître à nouveau cette euphorie du coureur qui maîtrise sa course. Bien dans sa tête bien dans son corps. J’aimerais poursuivre mon effort, rattraper ce coureur, jouer avec le terrain mais la tête n’y est pas et mon corps se rebelle. Je suis parti trop vite, il faut que je ralentisse.

Cela tombe bien. Un bouchon s’est formé devant moi. On avance lentement et on découvre peu à peu l’objet de ce premier ralentissement : un gros coup de cul pour se hisser sur le plateau du Larzac. Toutes ces lucioles qui matérialisent la grimpette, c’est de toute beauté. Un dernier virage et je suis au pied du mur. Passage en mode Montagn’Hard. Les jambes retrouvent avec plaisir l’effort de la pente. Il y a suffisamment de coureurs pour m’empêcher de me griller en montant en sur-régime. J’évite adroitement quelques coups de bâtons lancés malencontreusement en direction de mes jambiers et j’accède rapidement au sommet du mur. Pas bien méchant finalement, guère plus de 60m de dénivelé.

Je voulais préciser que je suis un adepte des bâtons, mais je trouve qu’il y a franchement trop de monde aux Templiers pour qu’ils puissent être pleinement utilisés sans gêner les autres. Bref, les bâtons c'est chiant voir dangereux dans un peloton compact et c'est d'autant plus chiant qu'ils n'étaient pas sensés être utilisés avant Sauclières.

A Combe-Redonde nous empruntons une ancienne voie de chemin de fer. Difficile de faire plus roulant et difficile, malheureusement, de faire plus monotone. Je suis loin de trouver cette partie exaltante. Je m'ennuie et les passages sous les deux tunnels censés pimenter le tout ne provoque guère l'extase attendue. L'allure baisse. Tazounet avec qui j'avais fait le yoyo une ou deux fois depuis le départ me lâche à l'occasion d'une pause pipi. Il faut croire que j'ai une vessie plus grosse que lui, la vidange est plus longue.

Le jour se lève. Je n'ai plus besoin de la frontale mais j'ai la flemme de m'arrêter, je vais attendre le ravitaillement pour la ranger dans la sac. J'arrive à Sauclières. Il y a beaucoup de monde le long de la rue. Toutes ces personnes sont là pour suivre un membre de leur famille, un ami mais elles ne sont pas avares d'encouragements pour les autres coureurs. Je suis à plusieurs reprises encouragé par mon prénom : « Allez Jean-François ». C'est très agréable et ça donne du peps.

J'ai encore pas mal d'eau dans ma poche mais je prends le temps de compléter le niveau, le prochains arrêt au stand sera dans longtemps. Tiens mais c'est Jeanmik. Il m'a rattrapé le bougre. Nous reprenons la route tout en faisant un petit débriefing sur nos sensations et sur les positions de yan42 et de Tazounet. On ne restera pas longtemps ensemble. Je le perds de vue assez rapidement. Je ne sais même pas à ce moment s'il est devant ou derrière moi.

C'est parti pour une longue montée en palier sur le Saint-Guiral en passant par le col de la Guérite. Je regrette de ne pas avoir pris mes manchettes. La morsure du vent se fait sentir dès lors que l'on chemine à découvert et le brouillard que l'on aperçoit un peu plus haut n'est guère accueillant. Il y aura même un peu de bruine pendant un court moment mais ce n'est pas bien grave, le parcours devient nettement plus intéressant et, cerise sur le gâteau, le soleil va faire peu à peu son apparition en chassant les brumes matinales.

Je suis en pleine contemplation de mes chaussures dans une montée, l'esprit ailleurs, songeant au chemin restant à parcourir quand une branche arrête net mes cogitations. Avec la visière de ma casquette, je ne l'ai pas vue venir celle-ci mais mon front lui l'a bien sentie. Le coureur qui me suit me tend mon couvre chef en me conseillant d'imiter Vincent Delebarre. La branche n'était pas grosse, mes neurones ont survécu et la visière de ma casquette s'en est allée protéger ma nuque.

Je ne me suis même pas aperçu avoir passé la barrière horaire du Saint-Guiral. Il faut dire que j'ai d'autres préoccupations. J'ai mal au bide. Ce n'est pas une douleur terrible mais c'est assez désagréable. Il faudrait que je m'arrête pour une bonne pause technique, cela me ferait du bien, mais j'en repousse à chaque fois le moment. Ca va passer, ca va passer mais ca ne passe pas !

Je marche. Trop à mon goût mais je me sens sans force, affaibli. Pourtant, je me suis suffisamment alimenté, alternant la prise de gel et les barres de céréales.

Des souvenirs du Grand Duc me reviennent à l'esprit. J'avais plié bagage au premier relais après quatre heures de galère, forcé de constater bien malgré moi qu'une bonne gastro n'est pas compatible avec un effort soutenu. C'était mon premier abandon sur une course. Depuis, on pourrait malheureusement me classer dans les multirécidivistes avec le Trail des 3 Châteaux, la Montagn'Hard et l'UTMB … Alors il n'est pas question de rendre les armes aux Templiers. Tant qu'il y a du papier, il y a de l'espoir.

A trop attendre, me voici dans une zone peu propice à un arrêt me garantissant un minimum d'intimité. Tant pis, je continue. Je ne prends guère de plaisir à courir, accaparé que je suis par mes viscères. Pourtant les paysages sont magnifiques, incroyablement variés, flamboyants. Les couleurs de l'automne embrasent la végétation qui nous entoure à perte de vue. Et quel parcours. Nous empruntons des chemins plus ou moins larges, des monotraces, tantôt roulants, tantôt plus techniques, longeant des bosquets d'épineux, s'abritant sous les frondaisons d'une forêt de feuillus ou se faufilant au milieu des buis.

Oh, dans ma quête de l'arbre idéal, il me semble apercevoir enfin le trône qui conviendra à mon royal séant. Je pile net dans la descente tout en faisant un pas de côté. Je n'ai pas envie de faire un câlin avec mon poursuivant le plus proche, il est beaucoup trop poilu à mon goût. Je quitte la course pour m'enfoncer profondément dans les fourrés qui bordent le chemin, heureux d'avoir inclus une pochette de mouchoir à papier dans ma liste des indispensables.

Au risque de frustrer l'ami Yan42, je préfère taire l'épisode scabreux qui s'est déroulé à l'abri des fourrés. Sachez seulement que c'est un homme soulagé qui émerge de la végétation quelques longues minutes plus tard. Soulagé physiquement et mentalement. Je connais l'origine du problème qui m'a gâché le plaisir de courir. Point de gastro, ce n'était que de l'eau, oui de l'eau ! J'ai trop forcé sur la prise de gel, voilà tout et mon manque de pêche est la conséquence de la déshydratation. Je me suis immédiatement rappelé les conseils diététiques distillés par le Dr Laurence Poletti sur le site de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc :

"Il est important d’éviter les boissons trop riches en sucre. Celles-ci vont ralentir la vidange gastrique, faciliter les diarrhées (l’excès de sucre va provoquer un appel d’eau au niveau du tube digestif, favorisant donc diarrhée et déshydratation) et perturber votre métabolisme énergétique ... Concernant les gels énergétiques : ces gels procurent le même avantage que les boissons énergétiques, à ceci près qu'ils apportent l'énergie sous une forme plus compacte. Ceci pose un réel problème si on boit trop peu après avoir dégluti un gel, on se trouve dans le même cas de figure que si on consomme une boisson trop concentrée, ce qui peut se traduire par un risque accru de troubles digestifs."

Bingo en plein dedans !

Dès lors le moral remonte en flèche. Le moteur est toujours bridé d'autant que j'ai freiné la prise d'aliments des deux pieds, mais quand la tête va, le reste est bien obligé de suivre. Cela tombe bien car la descente vers le ravitaillement de Dourbies est loin d'être un long fleuve tranquille. D'ailleurs ça ne fait pas que descendre, il y a même de sacrés de coup de cul comme cette brusque montée après avoir traversé le ruisseau du Crouzoulous avant la Rouvière.

Il me faudra une bonne demi-heure passée à trottiner lentement avant de traverser la Dourbie et c'est sous les applaudissements que j'accède enfin au village par une courte montée et quelques marches d'escaliers. Je ne suis pas fâché d'être arrivé. Dire que ce n'est que le premier des trois ravitaillements solides !

Dourbies - Trèves
Etape : 10 km, Cumul : 49 km
Temps de course : 7h27, Class. : 1468 ème

J'ai faim, il faut que je bouffe sinon je ne vais pas arriver au bout. Soupe, tartines de roquefort, morceaux de comté (enfin un truc s'en rapprochant), pâtes de fruits et coca devraient me remettre sur pied. Le ravitaillement est scindé en deux parties. Je viens de quitter la partie abritée dans ce qui semble être une salle municipale. Il y a foule pour le remplissage des poches à eau. C'est un joyeux bordel. L'eau est puisée dans de grand bacs noirs avec un pot à eau. Bon voilà, c'est fait et sans en mettre de partout pour une fois.

Je m'apprête à partir quand je tombe nez à nez avec Catherine et Michel Poletti venus encourager des amis. Je ne les connais pas personnellement mais ça ne m'empêchera pas d'échanger quelques mots avec Michel et de lui annoncer mon projet de faire l'aller-retour Lyon-Saint-Etienne-Lyon en décembre avec l'ami Biscotte, périple qu'il avait effectué en 2003 avec quelques ufos.

Sympa la montée dans le cirque de Dourbies. Je me retourne régulièrement pour voir le village s'éloigner. On entend encore les bruits lointains du ravitaillement. Il n'y a pas à dire le décorum a vraiment de la gueule et le soleil est de la partie. En plus, côté digestion, il semble y avoir du mieux même si je me sens encore un peu ballonné. Que demande le peuple ? Un long passage en balcon avec vue panoramique sur les Causses ? Y a qu'à demander, c'est chose faite.

Une armoire normande sur patte profite d'une brève phase marchée pour me doubler.
J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi large d'épaule. L'archétype du triathlète élevé au banania, à moins qu'il ne soit tombé dans la marmite de protéine quand il était petit. C'est pas vrai, ils se sont plantés d'échelle en le faisant ? Non seulement monsieur est taillé en V mais en plus monsieur est rapide. Je ne me sens pas de taille à jouer les David et décide de laisser ce clone de Goliath filer au loin. Pfft, aller, c'est bon pour cette fois.

Après nous être bien promenés sur les hauteurs, c'est la descente rapide sur Trèves que l'on traverse par la grande rue. 300 m de ligne droite sous les encouragements de la foule en délire (bon, j'en rajoute un peu).  300 m avec une vue imprenable sur la future grimpette qui attend patiemment que les coureurs viennent se mesurer à elle après avoir satisfait leur dalle et calmé leur pépie. C'est le deuxième ravitaillement.

Trèves - Cantobre
Etape : 13 km, Cumul : 62 km
Temps de course : 10h24, Class. : 1472 ème

Il faut atteindre le plateau là-haut. Il fait chaud, le soleil cogne, qui aurait pensé que nous aurions un tel ciel bleu ? J'ai l'impression de revivre la longue grimpette sous le cagnard vers les ruines de Rochebloine à l'Ardéchois. Puis, c'est le long cheminement sur le plateau. Une surprise de taille m'attend.

Voilà un paragraphe qui devrait casser quelque peu le mythe du chevalier au cœur pur, droit dans ses solerets, pardon dans ses runnings. La légende arthurienne va en prendre un coup. Ben quoi, vous croyez qu’il est tout blanc, tout gentil Arthur … Compassion, sacrifice, loyauté pour ses compagnons d’armes … Que nenni, il a comme tout un chacun son côté sombre et celui-ci prend parfois le dessus. La suite des événements semble le montrer.

Oh oh, qui vois-je assis sur le bord du chemin, la tête dans les bras ? Mais c’est l’ami Tazounet. Je me sens subitement tout ragaillardi. Je me voyais finir dernier de notre petit groupe de compères. J’en connais au moins un, non deux, qui n’auraient pas manqué de me charrier pour l’occasion. « Ben alors, tu t’es fais fumer grave ! » ou encore « Mais, tu as traîné en route ? » Le genre de situation désagréable pour le bien-être de mon ego déjà suffisamment mis à mal par l’épisode des fourrés. Hum, la situation pourrait bien évoluer en ma faveur ...

Grand seigneur, je me suis assis à côté de mon vassal pour m’enquérir de son état de santé et lui prodiguer quelques conseils et encouragements. On n’est pas des brutes quand même.
De toute évidence, l’ami Tazounet n’est pas au mieux de sa forme. Je m’en doutais un peu en le retrouvant sur ma route. Il semble plus enclin à se faire câliner par Morphée qu'à se remettre debout pour poursuivre son chemin. J'ai quelques scrupules à l'achever couché, cela manque de panache. Je lui accorde quelques minutes de repos pendant lequel j'avale une barre de céréale (notez comme chaque instant est parfaitement minuté, optimisé) puis je m'emploie à le remettre en selle et l'invite à reprendre la route.

Que l'on sonne l'hallali ! L'expérience m'a appris qu'il faut achever la bête sans attendre. Il ne faut pas tergiverser ni perdre de temps dans des considérations humanistes stériles. A l'approche de l'arrivée, un Tazounet reprend toujours du poil de la bête et vous passe sous le nez en criant « coucou mon poulet », volant vers la ligne d'arrivée et la victoire sans que vous puissiez faire quoi que ce soit pour l'en empêcher.

Je reprends donc la route avec lui, juste devant lui plus précisément. A défaut de lui mettre une mine, c'est quand même un peu tôt pour commencer un sprint, je m'applique juste à maintenir une allure soutenue et continue. Une course au train on va dire mais c'est un grand mot vu notre pauvre vitesse. Le résultat ne tarde pas à se fait sentir mais je poursuis mon effort longtemps, jusqu'à disparaître loin, loin devant. Très pro, très propre, pas de souffrance inutile. Voyons voir, quand même 42 minutes d'écart à l'arrivée, c'est plus de l'enfumage, c'est de la boucherie ...

Bon, il faut bien que j'en profite un peu, c'est tellement rare.

La forme arrive. Je la sens prendre progressivement possession de mon corps. Je trottine, pas très vite mais en continue. Exit le mode marche. Avec mes déboires intestinaux, je me suis économisé. Les jambes sont un peu lourdes bien sûr mais je ne ressens aucune douleur. Je suis gavé aux endorphines jusqu'aux oreilles, euphorique au possible, j'ouvre grand les mirettes en abordant le passage des gorges.

Quel truc de malade, la gorge est là, à nos pieds, on ne sais pas trop par où l'on va passer mais on voit d'autres coureurs en face, de l'autre côté si proches physiquement et pourtant si éloignés. Combien de temps nous faudra-t-il avant de passer la bas ?
De l'autre côté, le terrain est un peu casse-gueule avec beaucoup de petites caillasses qui roulent sous nos pieds. Un minimum de prudence s'impose. Un spectateur (c'était peut-être un bénévole à vrai dire) qui venait en sens inverse n'a pu que constater qu'il était plus aisé de monter que de descendre sur cette portion du parcours. Il en sera quitte pour un fond de culotte élimé et un ego meurtri. Sans être aérien, la présence de la gorge en contrebas n'invite pas à faire des glissades.

Je jette un coup d'œil en face pour tenter d'apercevoir l'ami Tazounet mais impossible de le distinguer parmi toutes ces silhouettes masquées plus ou moins par les frondaisons. Comprenez bien que je ne me fais aucun souci pour lui, je le connais assez bien pour n'avoir aucun doute sur sa capacité à terminer ce type de course mais j'aimerais bien savoir s'il a déjà repris du poil de la bête et s'il profite à nouveau pleinement de la course. J'ai les oreilles qui sifflent par moment. Il doit me maudire de lui avoir conseillé de laisser ses bâtons au vestiaire, je ne voudrais pas que mes oreilles se mettent en plus à bourdonner pour ma petite vacherie.

Bon, ce n'est pas encore dans ce passage que je risque de me griller. Nous sommes en file indienne et plus enclins à admirer le paysage qu'à jouer des coudes pour gagner une place.
Je me suis bien rattrapé ensuite sur la portion plane en bordure de falaise qui a suivi. Trottine, trottine, double, double, trottine, trottine, un régal ...

Je suis dans la descente sur Cantobre. Effectivement, elle est technique à souhait comme l'annonçait le Roadbook. Pour le côté aérien, vous repasserez par contre et pourtant je suis du genre à appréhender les passages présentés comme tel. En tout cas, je suis soulagé d'avoir des cannes en état pour aborder ce genre de plaisanterie.

La vue sur le village de Cantobre accroché sur les falaises est magnifique. Un petit ruisseau à traverser puis nous longeons une pâture. Des familles sont allongées dans l'herbe et profitent du spectacle offert par ce défilé presque ininterrompu de coureurs.
J'arrive au troisième ravitaillement. Plus que huit bornes au menu mais je n'ose pas me réjouir trop tôt car la montée au Roc Nantais est également au programme. Michel m'a dit de me méfier de cette dernière bosse et m'a annoncé deux heures de balade. Bon j'espère avoir mal compris. Ca me semble quand même beaucoup pour la distance restant à parcourir.

Cantobre - Nant
Etape : 8 km, Cumul : 70 km
Temps de course : 11h59, Class. : 1331 ème

Le tracé emprunte ce qui ressemble au lit d'un ruisseau. C'est glissant à souhait. On ne progresse pas très vite et puis c'est très vite l'arrêt. Un gros bouchon s'est formé. « Qu'est ce qui se passe ? » « Un blessé ... ». Le pauvre gars s'est fracturé la cheville et pas qu'à moité. Les secouristes ont du mal à progresser dans ce fouillis minéral et végétal. Le brancard finit pas passer devant nous après de longues minutes. Le coureur est conscient, probablement shooté aux antalgiques jusqu'au gosier pour ne pas trop souffrir. Nous lui disons tous quelques mots pour le réconforter mais j'ai bien peur que nos paroles aient un relent de « sincères condoléances » pour sa cheville et lui.

Ca calme ces histoires. Ca calme un peu mais pas longtemps car il y a de sacrées marches pour s'occuper l'esprit. Une vieille palette a même été mise à contribution pour franchir une des plus hautes. Il va sans dire que j'ai sorti les mains de mes poches à plusieurs reprises.
J'entends du bruit un peu plus haut, ça claque des mains, ça encourage. Je lève la tête pour découvrir que nous allons passer sous un pont. Hé, il y a foule dans le coin ! Les spectateurs s'amassent sur le pont mais également en bas de part et d'autre du chemin. Il nous faut gravir encore quelques marches de géant. Du prêt à porter pour basketteurs nourris aux hormones de croissance. Un spectateur me tend la main et me soulève comme une plume. Il semble faire cela avec chacun des coureurs, une façon comme une autre de s'offrir une bonne séance de musculation. Vas-y mon gars, t'es sur la bonne voie pour ressembler à mon copain l'armoire à glace entrevue avant le ravitaillement de Trèves.

J'ai rarement été autant encouragé sur une course. Il n'y a pas à dire, ça fouette le sang. Bon, il faudrait se calmer un peu, il reste encore un bout de chemin mais non,  au diable l'avarice, je me lâche, je disperse mon énergie à tout va. Ca grimpe, il faudrait marcher, je m'en fous, je cours. Ce coureur que je suis depuis un bon moment est un peu rapide pour moi, tant pis je fais le forcing et je le double. Bon, ça finit par faire mal aux jambes ces conneries mais la tête commande et le reste est bien forcé d'obéir.

En plus, je viens de recevoir un petit coup de téou de l'ami Taz. Je suis tout à fait rassuré. Il est cuit à point et est en train d'en chier grave, bref il va bien. Il s'apprête à quitter le ravitaillement de Cantobre. Je me garde bien de lui décrire ce qui l'attend, il vaut mieux qu'il le découvre par lui même.

J'ai trouvé ce qu'il me fallait pour avaler rapidement les portions en faux plat avant la descente finale. Un lièvre diablement efficace et du sexe féminin de surcroît, c'est tellement plus plaisant à suivre. C'est gracieux, c'est agile, ça se faufile comme une anguille entre les coureurs, et ça donne l'impression d'avoir tout juste commencé un footing dominicale autour du pâté de maisons. On dirait presque Mamanpat à la SaintéLyon. Dire que je pensais être frais ...

On a passé les tentes de pompiers posées au point culminant entre Cantobre et Nant. On descend d'abord paisiblement puis c'est une brusque cassure et la descente rapide vers l'arrivée. Ma biscotte en profite pour m'appeler. Je suis totalement euphorique, excité comme une puce s'apprêtant à réaliser son premier saut, à des années lumières de l'état d'esprit qui était le mien lors de son premier coup de fil. Téléphone d'une main, m'accrochant aux cordes de l'autre, je laisse éclater ma joie toute simple d'être là. Bon, tu m'excuseras de n'avoir pas papoter trop longtemps Biscotte mais mon coccyx se rappelle encore des cailloux du Revard.

On longe un muret maintenant. On entend de mieux en mieux la sono, l'arrivée est proche. J'aimerais pouvoir jouer un peu dans cette descente mais le chemin n'est pas assez large pour doubler et il y a beaucoup de caillasses assez piégeuses. Je ronge mon frein, c'est un peu frustrant.

J'arrive en vue du Pont de la Prade qui enjambe la Dourbie. Il y a un petit talus pour rejoindre la route qui l'emprunte. Allez, je me lâche, faut tout donner, je n'en savourerai que mieux le confort de la literie du gite ce soir. Je passe le pont, un petit tournicotas et je double un dernier groupe de coureur dans le petit raidillon de la rue du Moulin quand on annonce les derniers coureurs en moins de 12h … Quoi ? Purée, je ne peux pas louper ça. Je vous pris de croire que je n'ai pas trainé pour parcourir l'arc de cercle final menant à l'arrivée dans le parc.
J'ai juste ralenti pour la photo, faut pas déconner avec la photo finish.

11 heures 59 minutes et 42 petites secondes de rien du tout !


Quelques secondes de plus dans les fourrés et c'était rappé pour les 12 heures. Ca tient à peu de chose un chrono … 

Bon ok, rien de bien exceptionnel, j'aurai même tendance à dire que ce n'était pas terrible terrible comme performance dans le mesure où j'avais annoncé vouloir le faire en 11h30 au début de l'année mais bon, tout le monde ne peut pas être rapide et j'ai des excuses toutes prêtes : je n'avais pas emmené mon lièvre favori dans mes bagages comme pour la Piste des ... (oups pardon Michel) et puis ce n'était après tout qu'une coursette de préparation pour la lyonsaintélyon, mon objectif ultime de fin d'année.  :mrgreen:

Sans déconner, ça ne m'aurait pas déranger outre mesure de repartir pour une trentaine de bornes et plus si affinité. On y prend goût à ces balades dans les Causses.

L'après course :

Pas de têtes connues à l'arrivée pour acclamer et réconforter le héros fatigué. Où sont donc passés mes zigues ? Je récupère ma médaille en chocolat (ils ont un petit air de famille arthurien les deux potos en armure sur leur rossinante) et mon t-shirt Adidas, technique à souhait, avec la fermeture qui va bien et les manches longues comme il faut pour me protéger des premiers frimas.

Le réseau mobile est complétement saturé mais j'arrive quand même à passer quelques SMS pour localiser mes deux compères potentiellement déjà arrivés. Ils sont entre les mains des ostéopathes. Le programme me va bien. Avant cela, je vais quand même me délecter de tartines de Roquefort. Assis face à deux charmantes spécialistes du tartinage en masse, je me délecte de cette manne abondante disposée devant mes yeux.

Rassasié, je m'apprête à quitter la tente du ravitaillement quand Pgaz apparaît devant moi. Un trop court papotage s'en suivra car son compère semble pressé de passer à la suite du programme.

L'ostéopathe me remet sur pattes. Classique bascule du bassin. Mes compagnons attendent patiemment que le mécano ait terminé de faire des miracles sur ma personne. Je suis manipulé dans tous les sens et mon corps contrit est amené peu à peu à reprendre le schéma qui est le sien. Mon esprit est détaché des soucis de ce monde, je suis bien, pleinement détendu ...

Et j'ai faim ! Cela tombe bien. Un repas chaud nous attend. Nous sommes déjà en pleine reconstitution de nos réserves énergétiques avec Yan42 quand Taz nous rejoint accompagné par Jeanmik qui a préféré se changer avant de passer à table. L'estomac rempli, nous ne tarderons pas à reprendre la route pour Saint-Rome-de-Tarn car Taz n'est pas au mieux de sa forme. A vrai dire il n'est pas le seul à comater !

Je suis soulagé de dormir à nouveau dans le gite. Je me voyais mal faire le trajet de retour sur Lyon immédiatement comme en février ! Et cela nous aura donné l'occasion d'un repas convivial le lendemain après une longue balade le long du Tarn.

Elle est pas belle la vie ?


8 commentaires

Commentaire de filipe68 posté le 18-11-2009 à 00:07:00

félicitations, pour l'exploit et pour ce sympathique récit, tres agreable à lire..:)

Commentaire de arthurbaldur posté le 18-11-2009 à 13:51:00

Merci filipe68. :D

Commentaire de helmut posté le 18-11-2009 à 21:06:00

magique ton cr, pour moi 12 h 43 mn et trés fiers d' être un finischer des Templiers 2009.
Bonne continuation sur les ultras. Olivier B.
Digne les bains

Commentaire de martinev posté le 19-11-2009 à 08:47:00

Bravo pour ta course que tu as su parfaitement gérer et ton récit sympa.

Commentaire de arthurbaldur posté le 19-11-2009 à 11:50:00

@Helmut
Magique la découverte des fourrés des Causses ... ;-)))
Plus sérieusement, je vais garder un excellent souvenir de ce weekend en Aveyron. Quel régal cette deuxième partie du parcours. J'ai vu que tu avais en projet la SaintéLyon ... C'est loin d'être un projet « fous » quand on est finisher des Templiers. On se croisera donc forcément un jour dans le hall d'expo à St-Etienne ... ;-)

Commentaire de arthurbaldur posté le 19-11-2009 à 11:52:00

@Martinev
Merci Martine. Félicitations encore pour cette belle course à l'ultra des templiers. Quand je pense que tu arrives 2ième après t'être éclaté le genou ! J’ai vu que tu allais gambader pour la 14ième fois à la SaintéLyon.
A bientôt donc. :)

Commentaire de Gibus posté le 19-11-2009 à 21:30:00

Bravo
c tjs un exploit que de terminer les Templ.
Chapeau.

Commentaire de arthurbaldur posté le 10-12-2009 à 14:54:00

Mieux vaut tard que jamais ...
Merci Gibus. :)

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