Récit de la course : Marathon de Paris 2019, par Ze Man

L'auteur : Ze Man

La course : Marathon de Paris

Date : 14/4/2019

Lieu : Paris 16 (Paris)

Affichage : 978 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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Marathon de Paris

Mon 1er marathon a eu lieu l'année dernière. J'avais eu une gestion prudente, avec une allure toute tranquille, et j'avais besoin de ça, physiquement et psychologiquement. Il me fallait me rassurer après une préparation tronquée et de sérieux doutes sur ma capacité à finir la course. J'avais franchi la ligne d'arrivée en 3h51, avec la très désagréable impression de m'être fait un peu chier et d'en avoir encore sous la semelle (mes 5 derniers km étaient les plus rapides). Heureusement, l'honneur était sauf : j'avais vomi peu après l'arrivée. Tu respectes.

 

Cette année rebelote, me voilà inscrit à nouveau, avec en tête de vouloir porter la marque à 3h30, ou plutôt 3h29'59 et moins si affinités. Je n'aurai qu'à suivre le meneur d'allure jusqu'à la mi-course ou même jusqu'au 30e. Limpide.

Seulement voilà, le jour approchant, je change tous mes plans : finie la course raisonnée, bonjour la course de crétin. Alors que le jour J, je dépasse l'Arc de Triomphe en direction de mon sas de départ, tout est clair dans ma tête. Je vise le positive split : tout dans les jambes, rien dans la tête. Il s'agit de partir vite et de voir ensuite, quitte à se prendre le mur, et à me traîner sur les derniers km. J'adore quand un plan se déroule sans accroc, et celui-là ne peut pas faillir tellement il est simple.

 

Une chose est sure : les rayons de soleil qui dardent pendant la descente des Champs Elysées jusqu'au sas, avec Jamiroquaï en fond, me posent un sourire bête sur le visage. Je suis content d'être là, et je dirais même que je suis en plein kiff. Ca fait zizir !

 

Et pan tout le monde s'élance, et le plaisir se prolonge. Je cours sans me prendre la tête sur mon allure, même si je vois bien que je suis plus rapide que mes compères du sas de moins de 3h30.

La Concorde, la colonne Vendôme, l'Opéra Garnier : le nouveau tracé est fin cool, trouve-je. Ca descend légèrement ? Pas de souci, je laisse aller gentiment les jambes, on calculera plus tard. Tout de même, ma montre indique 4'08 au 5e et au 6e et je me dis qu'il va falloir songer à ralentir un poil sinon il ne va même plus avoir de suspens. Je passe aux 10km en 43'23, et au semi en 1h31'46. Heureusement que je ne vise pas le negative split parce que ça aurait été chaud de faire moins. C'est bien le seul avantage que j'arrive à tirer de ces chiffres, car les jambes commencent à tirer. Néanmoins, je continue à trottiner sans trop perdre l'allure, entre 4'20 et 4'25 du km. Le parcours est bien moins cool depuis le bois de Vincennes (ou alors je suis trop blasé – les deux se disent).

 

Depuis le départ, il fait un temps idéal pour courir : froid, sec et ensoleillé. Ce côté frais tombe bien parce que ça commence à chauffer sérieusement dans les jambes pour ce qui me concerne, nul besoin d'en rajouter. Petit coup de mou au 29e et au 30e, je relance les deux km qui suivent, et après commence un long chemin de croix. J'ai voulu aller trop vite, j'ai péché (par orgueil ou par gourmandise, voire par curiosité, mais clairement pas par luxure dans le cas qui nous intéresse), je suis puni : j'ai deux piliers en béton à la place des jambes, et je m'échine en vain à retrouver de l'allant. A partir du 33e, je rame et mon allure prend encore 10 à 20 secondes supplémentaires par km. Et puis surtout j'ai mal, moi ! Comment voulez-vous courir dans ces conditions ? Je vous le demande. En plus, les km sont de plus en plus longs, ce qui ne laisse pas de m'étonner. Chouette tableau que voilà.

 

Je me dis à cet instant que c'est le moment de sortir de ma manche l'atout « nan, mais c'est juste dans la tête que ça se passe. Si la tête veut, le reste suivra.». Franchement, convenons-en : ça n'est pas que mental, c'est aussi quand même un tout petit peu dans les jambes, voire c'est essentiellement là que ça se passe. J'ai beau me concentrer comme un padawan qui s'exerce à bouger des cailloux (ou bien une poule qui pousse pour faire son œuf, c'est selon), mais rien à faire : j'ai toujours aussi mal et je n'arrive absolument pas à relancer. Seul point positif : mon allure se stabilise autour de 4'40 du km, et puis mine de rien, j'avance. Petit pas par petit pas, certes, mais j'avance. La bête n'est pas morte - hardi ! Le côté bestial est d'ailleurs fort à propos, puisque je compense mon manque de fraîcheur en forçant mes foulées comme une mule. Tout en force - pour la finesse et la technique on repassera. N'empêche que s'annoncent les derniers km, et que je ne lâche toujours pas l'affaire. Je passe à côté de la fondation Vuitton que j'ignore superbement, drappé dans ma souffrance. Je n'ai plus rien dans les jambes, nib' nada wallou keud' abs' rien. Le vide absolu. Et puis je ne sais pas pourquoi, mais je n'aime pas spécialement le bois de Boulogne quand il s'agit de courir. Aussi quand les derniers hectomètres s'annoncent, je ne pense plus qu'à en finir. Ligne d'arrivée franchie, oh punaise que je suis content que ça se finisse ! Finalement, le marathon, c'est très judéo-chrétien : on se flagelle pendant des heures et après on savoure quand ça s'arrête. Très SM, aussi, forcément, mais je trouve que les deux sont plutôt intimement liés. Je m'égare.

 

Paradoxalement, c'est après que ça se corse. Je titube jusqu'aux Tshirts et autres médailles, picore viteuf sur le sompteux ravitaillement (non, je déconne, c'était tout keuss). Petit nuage de points blancs devant les yeux, cuisses sciées dès le bassin, mollets tétanisés : j'arrive à marcher mais franchement c'est un miracle. Je récupère mes affaires à la consigne, et moi qui ai mis 3h08 pour courir ce marathon, je mettrai bien 15 min pour faire les 300m jusqu'à la place de l'Etoile. J'avance comme la justice sociale, c'est-à-dire très très lentement, avec une grimace à chaque pas. Le retour en métro (je me tape toute la ligne 2 ) se fera avec un sac plastique à portée de main, des fois que la vérité ne jaillisse de mon estomac. Et la vérité n'est parfois pas belle à voir, je vous jure.

 

Retour à la maison fourbu et livide, je me requinque à coup d'enfants, de câlins et de bisous. Je vais pester demain mais rien n'y fait : je suis fier comme un paon de mon chrono, et ça valait bien quelques courbatures. Ce soir, c'est ma tournée de pizza pour fêter ça !

2 commentaires

Commentaire de marathon-Yann posté le 15-04-2019 à 10:12:11

Je ne sais pas si j'admire plus ton talent de coureur ou ton talent littéraire ! En tout cas, j'admire !
Quelle course ! quel récit ! Félicitations !

Commentaire de le yannou posté le 15-04-2019 à 10:43:36

Super récit, j'adore....

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