Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2011, par manu_ir2001

L'auteur : manu_ir2001

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 26/8/2011

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1638 vues

Distance : 170km

Objectif : Pas d'objectif

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UTMB 2011

Budapest, Septembre 2010 – Un nouveau diner bien arrosé avec Yvan et nos épouses Karine et Anne, lorsque soudain, entre 2 gorgées d’Eldorado Yvan lance « et pourquoi pas tenter les 160 kms et 10000 m de D+ du Grand Raid des Pyrénées en 2011 ? ».  Surpris, je lui rétorque « 160k et 10000 de D+, c’est un truc de dingue ! ». Nous continuons notre débat en comparant GRP et UTMB,…tout en philosophant autour de notre grande expérience en course à pied, à savoir trois années cumulées à nous deux.

La nuit porte conseil ? Pas toujours, puisque dès le lendemain je donne ma réponse à Yvan : OK pour tenter l’UTMB en 2011 !

Je me remémore alors ces images du JT de TF1 commentant l’exploit de Marco OLMO brillant vainqueur de ce fabuleux tour du Mont-Blanc. Je me prenais à rêver de pouvoir un jour aussi accomplir un tel exploit.  Eté 2008 lors de mes débuts en course à pied, je me souviens encore commander tous les anciens numéros d’Ultrafondus relatant cette course devenu mythique. L’aventure à finalement débuté avec un premier trail en Hongrie en Mai 2009.

Nous passerons sans encombre l’épreuve de l’inscription et du tirage au sort.

Nous nous donnons 2 objectifs pour 2011, un bon temps sur marathon et terminer l’UTMB. Le plan d’entrainement est le suivant :

-          Décembre – Février : prépa marathon avec un marathon prévu fin Février (Vérone)

-          Mars – Août : prépa spécifique trail basé sur l’excellent livre de Eric LACROIX « Guide d’entrainement à l’Ultra-Trail »

Malgré un hiver hongrois rude et une préparation à 90% sur tapis le marathon de Vérone se déroule pour le mieux avec un bon temps de 3H13. Yvan quant à lui atteindra son objectif de passer sous les 4 heures.  En mars nous attaquons enfin la partie spécifique  en incluant une première course en Mai de 58k, 2800D+ (Matraberc – 7h39) organisée par le fameux Nemeth Csaba qui terminera 4ème de l’UTMB 2011. Début Juin, nous enchainons un 2nd trail d’environ 90 kms, 5000D+ sous fortes chaleurs que nous déciderons de stopper après environ 50kms. L’entrainement se déroulera relativement bien, excepté des points de  contractures aux ischios apparus en Mai et que je garderai jusqu'à l’UTMB.

J’enchaine début Juillet avec la  MontagnHard  (100k, 8200D+) qui se termine sans gros soucis et sans tout lâcher en 26H39 (38eme).  La dernière semaine de Juillet j’effectue la reconnaissance du parcours UTMB en 4 jours. Celle-ci me rappelle que boucler cette course en moins de 46h reste un véritable exploit !

Nous décidons d’arriver à Chamonix une semaine avant la course. Depuis le 15 Août, l’entrainement se résume juste à quelques petits footings. Sous un soleil radieux nous ferons tout de même une exception avec une sortie rando-course le Dimanche d’avant course (Col des Montets, Tete aux Vents, Chamonix).

Depuis notre arrivée le temps est magnifique, mais nous scrutons avec inquiétude les prévisions météos car la fin de semaine s’annonce à risque. Le scénario météo de 2010 semble vouloir se répéter.

Coté sensations, je me sens moins affuté que l’été dernier ce que me confirme d’ailleurs Karine. Elle se questionne également sur mon apparente  zénitude  d’avant course.   Cependant une chose m’inquiète, à savoir une douleur sournoise au genou droit qui est apparue suite à la rando-course du Dimanche Quant à Yvan je sens la pression s’accroitre au fil des jours. D’ailleurs je me demande qui d’Yvan ou d’Anne subis le plus cette pression.

Les prévisions météos deviennent très inquiétantes.  Une alerte météo Orange est prévue en Haute Savoie Vendredi soir. Nous nous préparons tout de même pour un départ prévu à 18h30 mais en début de matinée le départ est finalement décalé à 23h30 et le parcours de fin de course modifié pour éviter le dernier Col : la Tête aux Vents. La distance et le dénivelé total seront cependant préservés. Mais à cause du départ tardif les barrières horaires sont réduites de façon très sensible. Temps limite total 43H30 au lieu de 46H00. Yvan semble prendre la nouvelle avec inquiétude car il faut faire un sans faute sur les 80 premiers kms pour pouvoir passer. Sans grande surprise, impossible de fermer l’œil en journée mais je tente tout de même d’éviter de piétiner et de rester en position horizontale le plus longtemps possible.

Vendredi 26 Août, 23H30 – 11 Degrés – Pluie faible.  Le départ tant attendu est enfin donné pour 2369 traileurs provenant de 62 pays différents. Yvan et moi sommes positionnés dans le dernier tiers du peloton, et les 300 premiers mètres se feront en marchant à 2 km/h maximum.  Avant la sortie de Chamonix, nous croisons Karine, Anne et les enfants que nous embrassons avec émotion.

Je ferai les 5 premiers kms avec Yvan avant de le perdre de vue dans la pénombre. Arrivée aux Houches sans problèmes,  je décide de ne pas m’arrêter au ravitaillement. Nous attaquons le premier col toujours sous la pluie (Le Délevret – 1776m) et je décide alors de déplier mes bâtons 3 brins LEKI. Premier problème technique car je ne peux pas les débloquer.  J’arrive finalement à en débloquer un et me décide à commencer la grimpée du col avec un seul bâton.  Je m’arrête un peu plus loin sous un abri et demande à un coureur de m’aider à le débloquer.  Sans succès, malgré plusieurs minutes d’efforts. Je me maudis car c’est la première fois que je prends un départ avec mes bâtons non dépliés.  Je continue malgré tout l’ascension du col. Plusieurs minutes passent, lorsque je croise un groupe de spectateurs sur le coté droit du chemin. Je m’arrête et demande à nouveau de l’aide. Plusieurs minutes d’efforts et à nouveau un échec. Nous demandons de l’aide à un autre spectateur, qui prends mon bâton et disparait dans son chalet. Plusieurs minutes passent, et il ressort en me faisant signe de venir l’aider. A l’aide d’une pince nous finissons finalement par débloquer ce maudit bâton. Soulagé, je repars tout en remerciant vivement mes sauveurs. L’ascension continue à un bon rythme, mais ce problème technique m’a probablement repoussé au fin fond du peloton.  Sans surprise, mes inquiétudes  concernant mon genou se confirment. La douleur ressentie en semaine au genou droit fait son apparition. Je continue malgré tout l’ascension  du col que je franchirai en 2076ème position (2h24 de course).

La descente sur Saint Gervais est assez technique d’autant plus que le terrain est devenu extrêmement glissant. Je descends donc prudemment et arrive finalement à Saint Gervais (21kms, 993m D+) en 3h35 de course en 1884ème position.  Malgré l’heure tardive, le froid et la pluie, je suis stupéfait de voir de très jeunes bénévoles présents. D’ailleurs l’un d’entre eux se chargera de me ravitailler en eau. Je reste très peu de temps au ravitaillement car je sais que la première barrière horaire se trouve aux Contamines.  Les 10 kms et 550m de D+ menant aux Contamines sont assez pénibles, car les sentiers sont par moment  étroits et il est assez difficile de doubler. J’arrive malgré tout aux Contamines (31 kms, 1544m D+) en 1671èmeposition. Je ne tarde pas trop car je sais que la barrière horaire se calcule au départ du ravitaillement et non à l’arrivée. Je repartirai finalement avec 40 minutes d’avance sur la barrière.

Après Notre Dame de la Gorge, nous attaquons la raide montée de la voie Romaine en direction du refuge de la Balme. Je prends des nouvelles de Yvan qui a passé sans encombres la barrière horaire des Contamines. Mon genou me fait de plus en plus souffrir et je commence à envisager l’abandon. Malgré tout je serre les dents et continue l’ascension. Arrivé à La Balme je me décide de consulter un docteur, une première en 3 années de course. Ce dernier préconisera du paracétamol, du gel anti inflammatoire et un strapping. Je reprends l’ascension du Col du Bonhomme (2329m). J’appelle Karine vers 7h00 du matin et lui demande de trouver du paracétamol car je risque d’en avoir besoin pour la suite. Après environ 9h de course j’arrive à la Croix du Bonhomme (45 kms, 2900m de D+) en 1440ème position. Le jour s’est levé ce qui permet d’aborder plus facilement la descente assez technique vers les Chapieux. J’assiste d’ailleurs à de nombreuses chutes apparemment sans gravité. Comme à mon habitude je ne tarde pas trop au ravitaillement des Chapieux mais en repartant mon sac sera contrôlé pour vérifier la présence d’une partie du matériel obligatoire.

Nous empruntons une route goudronnée en légère ascension sur quelques kms avant de débuter l’ascension du Col de la Seigne (2516m). Le traitement médical semble avoir fais son effet, car ma douleur au genou a nettement diminuée.  L’ascension du Col de la Seigne se fera sans difficultés et j’atteindrai le sommet et par conséquent l’Italie en 1168ème position (60kms, 3915m D+). La réception téléphonique est quasi inexistante  donc j’ai des difficultés pour connaitre la position d’Yvan et donner des nouvelles à Karine. J’arrive finalement à la joindre tout en descendant vers le Lac Combal. J’apprends que les filles ont tentées de venir au Lac Combal mais ne sachant pas exactement ou je me trouvais elles ont décidées de rebrousser chemin et de m’attendre à Courmayeur.  Pressé de les retrouver, je passe encore une fois peu de temps au ravitaillement paradisiaque du Lac Combal.

Le soleil à fait son apparition et réchauffe les corps. En débutant l’ascension de l’Arête Mont Favre (2435m) je décide d’enlever mon pantalon de Kway. Apparait un nouveau problème technique car la fermeture éclair est bloquée au niveau des chevilles.  Un traileur sympa assis sur le coté du chemin me donne un coup de main, mais sans succès. Je me résigne donc à devoir enlever mes chaussures pour pouvoir retirer ce foutu pantalon de Kway acheté une fortune.  L’ascension se fera à nouveau sans problèmes avant d’entamer à un bon rythme la descente vers le Col Chécrouit (1956m). Je ne m’arrête pas au ravitaillement et commence la descente vers Courmayeur (1200m). Cette portion est redoutée par de nombreux coureurs, car assez technique avec des marches assez hautes. Mais curieusement je l’apprécie car je la trouve très ludique. Je descends donc assez rapidement pressé de retrouver les filles à Courmayeur. J’arrive enfin après 78 kms et 4400m de dénivelé positif en un peu plus de 15h de course (978ème).

J’aperçois les filles qui me font signe. Je récupère mon sac de ravitaillement, entre dans le Gymnase et ressort sur le coté car les familles ne peuvent pas accéder à la zone de ravitaillement.  Je suis content de les voir et je décide de me changer (chaussures, chaussettes, haut, …). J’en profite pour donner des nouvelles à mes parents qui resteront jusqu’au bout les yeux rivés sur le suivi Live. Je rentre ensuite à nouveau dans la zone coureur pour demander à un kiné de refaire mon strapping. Je resterai plus de 45 minutes à Courmayeur.  Les filles m’accompagneront sur quelques kms et feront avec moi la traversée du centre ville de Courmayeur. Les applaudissements et encouragements de la foule font sourire Alice. Je quitte les filles en leur donnant RDV en Suisse à La Fouly.  J’apprends qu’un nouveau changement de parcours vient d’être décidé à cause d’intempéries. L’ascension de Bovine a été supprimée et remplacée par un partie inconnue mais apparemment la distance et le dénivelé total de l’UTMB est préservée.

Cela fait beaucoup de bien de voir les siens. J’entame donc l’ascension jusqu'au refuge de Bertone (1989m) à bon rythme. Arrivé à mi-ascension, j’entends un « Manu » provenant du ciel. Je lève la tête et aperçois Erick, un norvégien qui était avec moi pour faire la reconnaissance du parcours fin Juillet.  Ce dernier a d’ailleurs déjà couru 6 ou 7 UTMB. Je le rattrape, discute un peu, et lui donne RDV en haut à Bertone. Tout en attendant Erick, je reçois un coup de fil de Karine qui m’informe qu’Yvan à un gros problème au genou et risque d’être trop court pour atteindre Courmayeur dans les temps. Je décide donc de l’appeler et en effet son moral semble être au plus bas. Je lui conseille de tenter d’atteindre Courmayeur et de sortir au plus vite de la zone de ravitaillement (barrière horaire) pour ensuite tenter de se faire soigner. Il me répond qu’il va tenter mais il souffre tellement que cela risque d’être très compliqué.

Erick apparait et attablés nous prendrons un petit café sous un soleil magnifique.

Je sais que les 12 prochains kms jusqu’à Arnuva sont très roulant avec seulement 200m de dénivelé. J’attaque donc en pleine forme cette partie avec un rythme de course assez élevé. Je doublerai de nombreux groupes malgré les sentiers parfois étroits. Cependant  une ombre viendra ternir ce moment d’euphorie. En effet,  Yvan m’apprend qu’il a atteint Courmayeur mais n’a pas pu repartir car il avait 5 petites minutes de retard. Je suis très déçu. Mais je décide de poursuivre et finir cette course. Samedi, 19h 25 j’arrive à Arnuva  (95kms, 5559m D+) après prés de 20h de course en 771ème position.

Cependant je suis inquiet car je découvre que le Grand Col Ferret, point culminant de l’UTMB (2537m) se trouve sous des nuages très menaçants. J’ai fait l’erreur de laisser ma polaire chaude Gore à Karine à Courmayeur car elle était trempée. Les bénévoles à Arnuva ne me rassurent d’ailleurs pas car ils m’informent qu’il fait un froid sibérien en haut du col. Je mets mon Windstopper Craft en première couche, mon maillot de trail manche courte en 2ème couche et ma veste North Face. Je repars du ravitaillement, m’arrête 200m plus loin et enfile gants imperméables et bonnet. J’attaque alors l’ascension sachant qu’il faudra à tout pris rester en mouvement pour éviter l’hypothermie. Cependant, un nouveau problème  apparait.  Les caleçons en laine mérino Icebreaker jamais portés (tout ce qui est déconseillé en ultra) ont créé de gros échauffements au niveau du postérieur. La douleur devient tellement gênante qu’après un tiers d’ascension  je me résigne à m’arrêter en plein vent et dans le froid, pour me couvrir le postérieur de crème Nok. La poursuite de l’ascension se fera dans les nuages. Une montée usante et très dure dans un vent de plus en plus violent et glacial. L’arrivée en haut du col me semblera durer une éternité. Mais la crainte d’être frigorifié  sur place me donnera l’énergie de poursuivre l’ascension jusqu’au sommet que j’atteindrai après 1h44 d’efforts. J’entre ainsi en Suisse à 21H07.

Je ne m’attarde pas au sommet du col et commence la longue descente vers La Fouly. La première partie jusqu'à La Peule (102kms) se fera à un très bon rythme. Puis lassé de devoir prendre des risques pour doubler je me décide à prendre la file indienne d’un groupe. Ce choix ne sera pas très judicieux car les 7 kms restant me sembleront interminables. La fatigue s’installant peu à peu, je trébuche sur les pierres tous les 100 mètres. La dernière partie roulante de la descente vers La Fouly sera parcourue difficilement. Samedi, 23H55 j’arrive enfin à La Fouly  (109kms, 6521m D+) vraiment fatigué mais content de retrouver les filles. Je fatigue mais apparemment je ne suis pas le seul car ma progression au classement semble continuer (674ème). Je me ravitaille difficilement à cause de la fatigue. Une infirmière bénévole me demandera d’ailleurs si tout va bien « Oui Madame, merci tout roule ». Mais trop usé pour repartir je décide de m’allonger 30 minutes et demande à Karine de me réveiller.  Trouver le sommeil devient quasiment impossible car les douleurs au genou sont réapparues et a cela s’ajoute les courbatures multiples. Cependant Karine me confirmera que j’ai du m’assoupir 1 ou 2 minutes. Je reprends un aspirine et je donne RDV aux filles à Champex .

Je repars lentement dans la pénombre, le froid et l’humidité. Il me faudra quasiment quinze ou vingt minutes pour me réchauffer. Je me décide alors à courir et avec surprise la forme semble avoir réapparu. La micro-sieste n’étant pas étrangère à cette résurrection. Je suis forcé de m’arrêter pour enlever ma micro polaire car mon rythme de course m’a vraiment réchauffé. J’attaque l’ascension vers Champex (1477m) avec confiance et elle se fera sans problèmes contrairement à ma CCC de 2010 ou j’avais  du faire 3 ou 4 poses forcées. J’arrive au ravitaillement de Champex (124kms, 7106m D+) après 27h30 de course en 583ème position. Donc malgré mes 30 minutes en position horizontale à la Fouly, j’ai tout de même remonté 90 places au classement. Une question cependant me taraude. Comment pouvons nous faire plus de 9500m de D+, sans franchir les deux dernières difficultés à savoir Bovine et La Tête aux Vents. Je discute avec un bénévole qui m’explique que nous avons une longue descente puis une « bosse » avant d’arriver à Martigny (499m). Je suis très surpris lorsqu’il m’annonce que Killian le vainqueur (arrivé à Chamonix depuis 5H30 !) a mis prés de 1h40 pour descendre les 14 kms vers Martigny. Je retrouve les filles et j’hésite à renouveler l’expérience micro-sieste de La Fouly car je ne me sens pas très fatigué. Je décide néanmoins de m’allonger à nouveau 30 minutes, sans trouver la moindre seconde de sommeil.

Je repars en longeant le lac de Champex et donne RDV aux filles à Trient. Après 10 minutes de marche  un doute apparait. Je tâte mon torse et découvre avec effroi que je viens d’oublier mon dossard en me changeant à la sortie du ravitaillement. Karine vient de repartir en voiture avec mon dossard se trouvant certainement dans un des sacs. Je tente de l’appeler, mais les doigts frigorifiés rendent impossible la saisie du code de déblocage de mon téléphone. Après 5 ou 6 échecs successifs, j’arrive enfin à joindre Karine qui fera demi-tour vers Champex pour me redonner mon dossard.

J’aborde la descente vers Martigny tranquillement en alternant marche et course.  Cette descente est plutôt ennuyeuse car nous traversons à plusieurs reprises la route. Elle est également par moment assez périlleuse et technique.  J’aperçois enfin des habitations assez nombreuses qui sembleraient être Martigny. J’aborde une partie goudronnée et descends au plus bas de la ville, mais je n’aperçois toujours pas le poste de ravitaillement.  En effet, le ravitaillement est encore très loin. Nous traversons la ville avant de remonter une route à travers les vignes et de nous engouffrer dans la forêt. Je demande autour de moi si le village que nous venons de traverser était bien Martigny, apparemment oui…Donc les traileurs qui m’accompagnent se demandent pourquoi nous devons remonter à flanc de vallée. Ce petit jeu durera prés de deux heures et m’épuisera mentalement et physiquement car le sentier ressemble à d’interminables  montagnes Russes. Mon genou me fait à nouveau souffrir. Je suis contraint de me m’arrêter, assis sur un rocher en espérant pouvoir atténuer la douleur.  Je commence à douter et me dis qu’il va falloir accélérer pour atteindre Trient  puis Vallorcine, car en cas de grosse défaillance la barrière horaire de Vallorcine reste une menace.  Dimanche, 7h16, j’atteins ENFIN le ravitaillement de Marcilly (137 kms, 7500m D+) en 501ème position. Je suis usé et vidé mentalement. Doublement usé, lorsque  un bénévole me dit que nous avons 1000m de dénivelé positif pour remonter vers le Col de Forclaz.

Je repars tout de même assez rapidement.  Aucun répits car l’ascension démarre immédiatement sur une route traversant le village. La pente est raide, mais je présume qu’elle va s’adoucir une fois sur le sentier. Malheureusement ma capacité d’analyse après 32 heures de course semble extrêmement limitée. En effet, cette ascension sera un véritable chemin de croix. Droit dans la pente avec un dénivelé franchement impressionnant. Et pourtant j’aime le dénivelé ! Pour la première fois j’aurai l’œil rivé sur mon altimètre. Cependant l’ascension ne se fera que lentement, très lentement, pas après pas. Je croiserai des coureurs en souffrance, d’autres allongés dans l’herbe sous le soleil levant. Je me convaincs de ne pas imiter ces derniers malgré l’envie forte et persistante.  Mais je crains trop de ne pas pouvoir repartir. Je continue l’ascension, 200, 300, 400m de dénivelé. Je fais des micro-pauses pour souffler et tenter de puiser un semblant d’énergie. Je double. Je me fais également doubler par 4 ou 5 coureurs qui me laissent admiratif. Karine tente de me joindre se demandant probablement si je ne me suis pas perdu… Mais je ne réponds pas. Focalisé sur mon effort. J’alterne les techniques d’ascension. Droit dans la pente. Pas chassés de coté. En marche arrière, dos à la pente. Mais je progresse et j’aperçois enfin le sommet du col de Forclaz. Je me souviendrai très longtemps de cette ascension !

La descente sur Trient (1300m) sera une formalité. J’atteindrai le village à 9h08 en 458ème position. En arrivant au ravitaillement je serai doublement surpris de retrouver non seulement les filles mais également Yvan. Il semble avoir bien récupéré malgré la déception.  J’avale rapidement une soupe avant de les rejoindre. Je décide de me changer à nouveau. Je change de paire de chaussures – mais les pieds ont tellement gonflés que j’ai l’impression qu’il me manque 2 pointures.  Je donne RDV aux filles à Chamonix. Il reste une dernière grosse difficulté, à savoir franchir Catogne (2027m) avant de retrouver la France et redescendre sur Vallorcine. Yvan décide de m’accompagner durant les premiers mètres d’ascension. Je lui donne RDV à Vallorcine, 10 kms et 800m de D+ plus loin. La forme semble revenir et je décide de sortir pour la première fois mon IPOD. Volume en position maximale. A partir de ce moment, va commencer un période euphorique qui va durer plusieurs heures. Je ferai l’ascension de Catogne à un rythme très soutenu. Les 5kms et 760 de dénivelé négatif de descente vers Vallorcine se feront au triple galop. Je double plus de 40 coureurs, parfois en prenant des risques. J’arrive rapidement à Vallorcine. Yvan n’est pas la. Km 155, 9309 D+ 416ème. Je ne passerai pas plus de 2 minutes au ravitaillement, juste le temps de trouver une bénévole sympa pour mettre mes bouteilles à niveau. Je reçois de nombreux SMS de soutien, donc ma sœur Sylvie qui suit ma course à distance.

Je repars en direction du Col des Montets . Moins de 4kms et 200m de D+, un faux plat pas très méchant. J’avance à un rythme de marche soutenu en alternant avec de la course par moment. Je me sens très bien. Je sais maintenant que j’irai au bout. J’imagine l’arrivée à Chamonix et je ressens une émotion très forte avec l’envie de crier et de pleurer de joie.

Depuis quelques centaines de mètres je poursuis un coureur tout équipé Salomon qui me semble fort affuté. Arrivé au col j’aperçois Yvan et Anne-Chloé.  Je leur confirme que tout va bien et que « je lâche tout ». Je ne m’arrête pas. Sur la route, loin devant, un homme marche à un bon rythme. Je l’observe et je me dis que je le rattraperai bientôt.  D’ailleurs j’aperçois le coureur Salomon le dépasser en courant. Soudain je l’aperçois prendre ses bâtons et très rapidement les fixer droits tendus sur son sac telle 2 paratonnerres  tendus vers le ciel.  Et tel un éclair le voila parti en courant. Une accélération ahurissante qui restera une image magnifique. Je me décide alors également à accélérer et recommence à courir pour atteindre rapidement les 12 km/h. Je croise des randonneurs qui m’indiquent qu’un individu en blanc vient de perdre une paire de gants. Je les prends au vol. J’accélère encore, vite, très vite. Le coureur Salomon se trouve seulement à quelques mètres. Je lui demande de prévenir notre sprinteur. Celui-ci stoppe sa course effrénée et me remercie de lui avoir rapporté sa paire de gants, puis repart toujours à un rythme très soutenu. 

Dimanche, 13h00, j’arrive à Argentières (km 161) en 389ème position. Yvan et Anne-Chloé m’attendent. Je leur confirme que j’ai enclenché le turbo et que je serai très bientôt à Chamonix et je leur demande de prévenir les filles. Je bois un verre de Coca et demande à quoi ressemble la suite du parcours jusqu’à Chamonix.  Un bénévole me réponds qu’il reste environ 6 ou 7 kms. J’apprends  qu’afin d’éviter  une hécatombe sur le nombre de finisheurs l’organisation à décidée de rajouter 2H30 aux barrières horaires de Trient, Vallorcine et Argentière.

Je repars confiant en sortant d’Argentière. Je quitte la route et tourne à droite pour prendre un sentier. J’alterne marche rapide et course. Je continue de doubler quelques coureurs. J’ai maintenant hâte d’arriver. Je me dis que 6 kms et en partie en descente ne devraient être que formalité. Le chemin devient de plus en plus rocailleux. Les pieds commencent à me faire souffrir. Je ralentis. La marche prédomine maintenant. Je rattrape un jeune coureur qui court également son premier UTMB. Ses pieds sont recouverts d’ampoules et il souffre des genoux. Je décide de l’accompagner.  D’ailleurs  enfermé dans ma bulle depuis le début de course je réalise que j’ai très peu échangé. Cela fait du bien de discuter. Nous descendons vers une rivière qui semble être la rivière traversant Chamonix.  L’arrivée semble proche. Mais à notre surprise, le parcours nous fait remonter vers le flanc de la vallée. Puis redescendre. Puis remonter. Je commence à me remémorer la galère de Marcilly qui semble se répéter. Durant près de 45 minutes nous demanderons plusieurs fois aux randonneurs  où se trouve le sentier descendant vers Chamonix. Et à maintes reprises nous recevrons des réponses différentes. Finalement nous l’atteindrons. 

 Arrivé à l’entrée de Chamonix je trottine un peu. Puis proche du centre ville, je ralentis. Je marche. Je veux savourer ces instants. J’aperçois les filles au loin qui m’attendent. Heureux de les revoir. Elles m’accompagneront pour le dernier kilomètre. Karine filmant ces derniers mètres. Alice collée sous mon bras droit. Et Camille ouvrant la marche. Le soleil est radieux. La foule nombreuse applaudit et me félicite. Soudain je suis surpris de voir mes amis John et Luciana qui m’interpellent sur le coté gauche. J’apprendrai ensuite que John finira brillamment en 18ème position.  La marche héroïque se poursuit. Signe d’une arrivée proche la musique s’amplifie au fil des mètres. La foule. Les applaudissements. Les bravos. Soudain j’entends un « Allez Manu », puis un autre…Claude et Louis sont également présents. Je souris. Surpris et heureux de les voir tous présents. J’avance. A droite, Anne et Anne-Chloé « Bravo Manu ». Je leur fais un signe de la main. J’avance encore. La ligne à 50 mètres. Yvan et Louis-Victor à droite « Allez Manu ». L’émotion est forte en pensant à Yvan qui n’a pas eu la chance de pouvoir poursuivre l’aventure.  La ligne se profile. J’en ai rêvé depuis tant d’années.  Je dis « C’est fait, fini! ». Je franchis la ligne le point gauche levé vers le ciel.

170 kms et 9714 m de dénivelé positif !

39H22 de pur bonheur.

387ème une place inespérée…

1133 héros franchiront la ligne.

Manu.

La vidéo sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=uhHXTvbZzuI

 

 

 

 

 

 

 

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