Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2014, par Raideurjbp

L'auteur : Raideurjbp

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 29/8/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1387 vues

Distance : 169km

Objectif : Pas d'objectif

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Nous sommes finishers !

UTMB® 2014, 170 km – 10.000 m de dénivelé positif (et négatif !) et 2 nuits blanches. Voilà les chiffres couchés sur le papier. Cet objectif n’était pas prévu pour cette année mais fin 2013, je participe à un « concours » afin d’être l’un des reporters du magazine Zatopek. Je suis sélectionné et j’obtiens directement mon dossard pour LA course en plus de l’hébergement… le tout sans passer par la case « tirage au sort »!

Bref l’année 2014 sera axée sur la préparation UTMB® : Trail du Vulcain à Volvic (80km pour 3000 mD+), Challenge Charles et Alice (148 km pour 7650 mD+), Euskal Trail (80 km pour 4300 mD+), Ice Trail Tarentaise (65 km pour 4700 mD+), Marathon de la Caïpirihna (2/jour pendant 3 semaines au Brésil en août). Oups … la dernière partie était prévue depuis longtemps, impossible d’annuler ! Tant pis, je ferai du jus (de cachaça…) pendant ce temps-là !
Enfin arrive le week-end de la course. La météo est annoncée capricieuse et je suis à moitié malade. Le stress pointe le bout de son nez jusqu’à ce vendredi 29 août 2014. Mais ma femme Julie m’accompagne pour l’assistance et j’ai les encouragements de quasiment toutes mes connaissances. C’est bon ça va le faire !


Chamonix km 0 – Les Contamines km 31


17h30 ce vendredi 29 août 2014, le départ est donné dans les rues bondées de Chamonix. Le tout sous une pluie battante qui nous a trempés jusqu’aux os depuis 45 minutes. Bref, un début de course idéal ! Après 50 minutes de course, nous sommes déjà sur les Houches. Les locaux font sonner les cloches à notre passage dans une ambiance festive. A ce moment, nos regards se croisent avec un anglais et nous sourions jusqu’aux oreilles. Je pense que la même idée nous traverse l’esprit : « Last Lap ! ».
En effet, plus qu’un tour du Mont-Blanc à réaliser. Mais pour cela, il faudra passer de nombreuses épreuves. Tout d’abord la pluie et son amie intime la boue. Celle qui vous colle aux baskets et vous fait reculer dans cette première ascension du Délevret. Les sentiers sont assez larges et aucun bouchon n’est à déplorer. Je rencontre encore par hasard Gilles Cormier, adepte du footing au parc de Nanterre. Je le croise à toutes les courses !
Le temps n’est vraiment pas notre allié dans ces premières heures. La pluie durera ainsi jusqu’à 22h et mon passage aux Contamines où heureusement ma femme m’attend avec quelques mots bien réconfortants : « Tu as fait le plus dur, l’organisation annonce un temps sec jusqu’à la fin maintenant ». Ce point d’assistance des Contamines me fait vraiment du bien car je peux changer mes affaires pour en mettre des sèches sans perdre trop de temps.

Les Contamines km 31 – Courmayeur km 77


Je repars donc, confiant, affronter cette première nuit blanche. Le parcours repart directement en montée, direction la Croix du bonhomme. Le passage au ravitaillement de La Balme est spectaculaire : grand feu et beaucoup de monde ! On aurait bien envie de rester mais il y quelques kilomètres encore… Arrivé au sommet, la brume qui s’est fixée à 2500 m d’altitude rend l’atmosphère mystique, amplifiée par la musique de Woodkid dans mes écouteurs. Je pense alors fortement à mon père qui m’appelle « mon bonhomme ».
Ça me redonne des forces et j’en ai bien besoin car malheureusement j’ai des crampes d’estomac. Je ne me suis pas totalement remis des jours précédents et cela durera environ 10 h jusqu’à Courmayeur.
Ma seule obsession est alors de rallier le point suivant. Impensable d’abandonner car tant que je ne vomis pas et que j’arrive à m’alimenter, ça veut dire qu’il me reste des forces.
La descente vers les Chapieux n’est pas très difficile malgré la boue bien présente et vers 2h30 du matin, j’arrive au ravitaillement, je change les piles de ma frontale au stand Petzl® et je repars rapidement. Le col suivant, celui de la Seigne est assez long et passe par la ville des glaciers. Julie, qui me suit via le livetrail, m’envoie des sms d’encouragements, comme ma famille et mes amis. Nous sommes en pleine nuit avec un ciel étoilé comme j’en ai rarement vu et bientôt viendra l’aube ! Et quel spectacle quand celle-ci arrive ! Je suis dans la montée de l’arrête du Mont Favre avec une vue magnifique sur ce Mont-Blanc au lever du jour. Cette partie de parcours, déjà prise dans l’autre sens en 2013 pour la TDS, est vraiment magnifique. Et ce japonais en fivefingers® (si, si, vous lisez bien !) qui mitraille le Mont-Blanc de photos ne dira pas le contraire. Enfin je descends vers Courmayeur où je retrouve Julie pour le deuxième point d’assistance. Elle aussi a fait une nuit blanche mais ça ne se voit pas. Elle me sourit et le moral remonte 1000 m de D+ d’un coup. Je prends près de 30 min à ce ravitaillement afin de me changer entièrement (il va faire chaud ce samedi), de bien m’alimenter (un bon plat de pâtes al-dente à 9h du matin) et surtout de voir le staff médical pour mes crampes d’estomac. Par miracle deux spasfon lyoc® vont suffire à régler tout ça et je me sens d’autant plus fort d’avoir passé cette épreuve.


Courmayeur km 77 – Champex km 122


Je repars du poste de ravitaillement en marchant avec ma femme à mes côtés. Il y a quelques centaines de mètres à faire dans la ville et pouvoir discuter avec elle me fait un bien fou. Une fois séparé d’elle, je me retrouve avec Marc Hengel, dossard 1289, un traileur avec qui je vais passer beaucoup de temps durant cette journée de samedi. Un autre traileur nous rejoindra, Philippe Richet, dossard 396, formant ainsi un trio dont les discussions sont animées autour des épreuves que nous avons tenté ou voulons tenter : Marathon des Sables, Diagonale des Fous, etc… tout y passe. La journée de samedi sera ainsi une belle journée à papoter avec une succession de paysages plus beaux les uns que les autres, sous un soleil inondant les vallées de sa chaleur bienvenue. Montagnes suisses, italiennes, quel kif ! Nous avalons la montée vers le refuge Bertone, puis les petites montagnes russes jusqu’à Arnuva et enfin la montée vers le Grand col Ferret. J’ai une pêche d’enfer depuis que je n’ai plus mal à l’estomac et j’arrive à La Fouly vers 16h avec presque 2 h d’avance sur ce que je m’étais fixé, remontant de la 1150ème place à 620ème (mais ça je ne le sais pas encore !). Julie m’attend à ce point, qui n’est pas d’assistance, pour m’encourager. Elle distille encore de bons conseils et encouragements et après 5 minutes d’arrêt, je repars avec Philippe à l’assaut de Champex qui marquera notre entrée dans la deuxième nuit. 

Champex km 122 – Chamonix km 168


L’arrivée à Champex me permet de me changer une nouvelle fois pour mettre des vêtements chauds et bien m’alimenter. Je commence à avoir un peu mal aux pieds et j’espère que ça ira pour la suite. La suite justement, c’est une succession de montées (environ 900 m de dénivelé positif à chaque fois) et de descentes avec à chaque fois un point d’assistance dans la vallée. Philippe a quelques problèmes de frontale et moi je ne suis pas au mieux avec des ampoules qui commencent à faire leur apparition. La descente vers Trient va ainsi être très longue et heureusement un italien vivant à Chamonix (et qui fait son 6ème UTMB®) m’accompagne dans les derniers hectomètres. Le temps passe alors plus vite jusque dans la vallée.
Trient, nouveau point d’assistance. Je suis dans le dur à cause d’ampoules. Peu sujet à celles-ci, je me demande, en arrivant, si je pourrai repartir tant la douleur est vive. Mais c’est sans compter sur le staff médical de la course. Injection d’éosine, strap et c’est reparti. Un peu sur des braises pendant 10 minutes mais après les pieds répondent présents, comme les jambes ! Je vais beaucoup mieux dans la montée vers Catogne. J’ai perdu Philippe à Trient, mais je suis tellement dans mes réflexions intérieures qui prennent le relais, que la montée passe très vite. En ces instants, trois choses me reviennent sans cesse pour me motiver. La première est d’aller au plus vite au prochain point d’assistance pour voir le sourire de ma femme. Il n’y a définitivement aucun plaisir plus grand que celui-ci. La deuxième est de savoir comment passer cette fameuse arche quand je serai finisher : en sprintant ? En marchant avec ma femme à côté pour savourer ? Enfin, la dernière est d’imaginer mon repas d’après-course. Vers 2h du matin ce dimanche, c’est décidé… ce sera pizza bière !
Mais parfois, l’esprit nous joue des tours. Dans la montée vers la Tête aux Vents, des pierres se transforment en têtes de requins, des rochers se travestissent en formes humaines. Dans ces moments, je ne pense pas que le mot « hallucination » soit approprié, je pense simplement que le cerveau essaye de combler la solitude nocturne en se rattachant à quelque chose qui pourrait le divertir. La montée se passe ainsi, jusqu’au col. Puis vient la descente jusqu’à Flégère, dernier ravitaillement avant Chamonix. Enfin descente sur le papier, car il s’agit en fait d’un casse-pattes à dénivelé positif dans la brume où je ramène une américaine sur le droit chemin du fait d’un manque de balisage. J’arrive à la Flégère lorsque ma montre me lâche. Plus de chrono, je vais donc gérer la descente aux sensations. Je regarde une dernière fois mon téléphone. 6h33 du matin ce dimanche. Mince, il y a quand même moyen de passer sous les 38 h ! Allez, c’est décidé, je débranche le cerveau ! Je pars à fond dans cette descente. Je ne pense plus à rien d’autre qu’à mes appuis pour ne pas trébucher.
J’arrive à Chamonix et tout se bouscule alors dans ma tête. Le parcours et ses difficultés, les moments forts et faibles, la pluie suivie du soleil, ces deux nuits blanches, les gens qui applaudissent. Puis c’est le switch, tout s’éclaircit quand je vois ma femme. Elle a été en or sur cette course. Toujours le sourire, le mot qui va bien, la patience malgré mon manque (parfois) de lucidité, l'attention portée par SMS tout au long du parcours. Et tout cela avec deux nuits blanches aussi, à gérer la logistique, les déplacements en voiture, le stress de me porter assistance ! Au final, cette course je l’ai finie sous l’arche, main dans la main avec ma femme, à savourer… je ne suis pas seul finisher de l’UTMB®, NOUS sommes finishers !

2 commentaires

Commentaire de Jean-Phi posté le 09-09-2014 à 12:34:56

Joli récit, merci !
Et bravo pour ta perf ainsi que celle de Madame !

Commentaire de sapi74 posté le 27-10-2014 à 19:33:54

bravo a toi très belle perf. je suis même un peut jaloux.;-)

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